Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire combien je suis heureux d'avoir pu être présent à ces XVéme Assises de AIDES.
Heureux, parce que depuis que je suis au Gouvernement, c'est la première fois que j'ai l'occasion de venir saluer le travail d'une grande association de lutte contre le Sida.
Parce qu'aussi, vous me donnez l'occasion de m'exprimer sur un sujet qui ne peut laisser le médecin que je suis indifférent, sur un sujet au cur des débats sur la bioéthique, sur un sujet enfin qui me tient particulièrement à cur et sur lequel j'ai beaucoup travaillé comme délégué du Maire de Marseille, en charge de la lutte contre le Sida et la toxicomanie de 1995 à 2001.
Ces 6 années de travail de terrain m'ont formé et même transformé !
Le combat contre le Sida et la drogue modifie en effet notre perception, notre regard sur les autres.
Pour lutter contre la discrimination envers les patients infectés par le VIH, nous avons appris les différences, la tolérance, mieux, le respect et la solidarité.
Pour éviter l'hécatombe liée au Sida chez les usagers de drogue, nous nous sommes engagés dans des actions de réduction de risques et avons considéré les toxicomanes comme des victimes, des patients et non comme des délinquants !
Nous avons aussi appris à nous unir, à travailler ensemble médecins, chercheurs, associations de patients, responsables politiques.
Le Sida a transformé la médecine et il a aussi transformé profondément notre société.
Ces leçons du Sida, ces acquis, ces valeurs chèrement payées par plusieurs dizaines de milliers de vies et combien de souffrance, nous ne les oublions pas. Je ne les oublie pas !
Il nous faut les préserver, il nous faut les transmettre à d'autres générations, d'autres pays et apprendre aussi à les appliquer dans d'autres combats contre la maladie.
I - Mais il nous faut aussi poursuivre nos efforts, faire évoluer le dispositif de lutte car le Sida est aujourd'hui loin d'être vaincu.
En France, les données épidémiologiques produites par l'InVS montrent le maintien d'une dynamique de l'infection, particulièrement marquée chez les migrants d'Afrique sud saharienne et chez les homosexuels.
Malgré un large recours au dépistage dans notre pays, un nombre encore trop important de personnes découvrent leur séropositivité au moment du diagnostic de Sida. Cette méconnaissance du statut sérologique représente en 2002 plus de 50% des 1900 nouveaux cas de Sida .
Le retard au dépistage ne permet pas aux personnes infectées de bénéficier pleinement des traitements efficaces et entretient la transmission du VIH.
La recrudescence des comportements à risque chez les homosexuels, qui se traduit aussi par une recrudescence de la syphilis est inquiétante, car elle révèle la difficulté à maintenir un comportement de prévention pendant de longues années, en particulier chez les personnes vivant avec le VIH.
Au-delà de ces données récentes qu'il faut prendre en compte, il est aussi indispensable de maintenir la vigilance du grand public sur la permanence des risques de contamination liée
au caractère épidémique et sexuellement transmissible du VIH, ainsi que sur la gravité du Sida.
Bien sûr, il y a les progrès thérapeutique et la mortalité liée au Sida a chuté pour atteindre en 2002, 706 décès. Il faut s'en réjouir !
Certains me disent, c'est beaucoup moins que le nombre de morts lié au cancer, au tabac ! C'est vrai mais ces 706 morts s'ajoutent à tant d'autres, et leur mort nous rappelle qu'elle était sans doute évitable. Qu'il faut aller encore plus loin dans notre engagement.
Le nombre de morts dépend pour une grande part de notre vigilance et de notre effort dans les domaines de la prévention du dépistage, de l'accès au traitement et de la recherche.
Tout le monde le sait désormais ! En l'absence de politique de lutte efficace, l'épidémie s'étend inexorablement dans la population. Le caractère incontrôlé de l'épidémie dans certains pays en développement le démontre malheureusement !
C'est pourquoi le Sida reste aujourd'hui une priorité forte de santé publique. C'est pourquoi nous maintiendrons notre effort !
Cette année j'ai tenu à ce que, malgré le contexte économique difficile, le budget consacré à la lutte contre le VIH par la Direction Générale de la Santé soit reconduit en totalité . J'ai aussi personnellement insisté, connaissant les difficultés rencontrées par les associations l'année dernière pour que les services déconcentrés de l'Etat disposent de l'intégralité de leur crédit dès la mi-février 2003.
Je sais que mes instructions ont été suivies. Le non respect des engagements serait une anomalie et je veux en avoir connaissance.
Vous le voyez, il nous faut préserver, renforcer, voire exporter les acquis de la lutte contre le VIH.
II - En matière de prévention tout d'abord.
1 - Vis à vis des usagers de drogues, le succès de la politique de réduction des risques et de substitution n'est plus à démontrer. La prévalence du VIH chez les toxicomanes a été divisée par 2 entre 1988 et 2002 passant de 40 à 20%. Plus encourageant encore, une enquête récente de l'InVS à Marseille vient de retrouver une prévalence du VIH nulle chez les jeunes toxicomanes de moins de 30 ans.
La politique de réduction des risques est un succès. Elle ne sera pas remise en question. J'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer publiquement lors de mes auditions devant les parlementaires.
Le dispositif des centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) vient d'être récemment consolidé. J'ai signé en début d'année un décret permettant le transfert de leur financement de l'Etat à l'assurance maladie. C'est tout un champ d'action qui est pérennisé.
J'examine en ce moment même les possibilités de renforcer par voie législative le dispositif de réduction des risques de façon à le sécuriser et le consolider.
La prévention de l'hépatite C chez les usagers de drogues sera renforcée en 2003 et tout moyen ayant démontré son efficacité pour prévenir cette infection qui touche encore 40% des toxicomanes de moins de 30 ans, sera utilisé.
Je tiens à vous confirmer là encore que les crédits du ministère consacrés à la réduction des risques ont été reconduits en 2003 dans leur intégralité.
2 - En dehors des usagers de drogues la prévention de l'infection à VIH repose sur l'utilisation du préservatif et le recours au dépistage.
-La campagne télévisée d'incitation au dépistage diffusée en décembre 2002 qui s'adressait directement aux publics les plus exposés et pour la première fois mettait en scène des migrants, a été bien perçue. Elle a augmenté le recours au dépistage dans les Centres de Dépistage Anonyme et Gratuit. Nous la rediffusons actuellement et jusqu'au début juillet.
La journée de mobilisation des professionnels et des associations sur le dépistage, organisée il y a quelque jours par mon ministère et " Sida Info Service " a rencontrée un vif succès. Elle a permis d'actualiser les recommandations sur les pratiques de dépistage et sur le traitement post exposition qui vient de faire l'objet d'une nouvelle circulaire de la DGS et la DHOS.
Le projet de loi de décentralisation prévoit que l'Etat définisse désormais la politique de lutte contre l'ensemble des infections transmises par voie sexuelle. Une meilleure articulation du dépistage du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles asymptomatiques, dont certaines sont en recrudescence, est en effet nécessaire. Les centres de dépistage anonyme et gratuit ont montré leur capacité à atteindre la population "à risque". Ils sont un maillon essentiel de la prévention et de la surveillance de l'infection à VIH. Ils doivent jouer un rôle accru dans le dépistage des autres infections sexuellement transmissibles asymptomatiques comme nous y invite l'efficacité de la récente campagne d'incitation au dépistage de la syphilis.
Il nous faut aussi veiller à une meilleure articulation entre le dépistage et la prise en charge médico-sociale.
Dans le domaine du VIH, car encore trop de femmes, découvrent leur séropositivité tardivement au moment de la grossesse et ne se font plus suivre au-delà du suivi de l'enfant.
Mais aussi dans le domaine du VHC car trop de toxicomanes ne sont pas traités pour leur infection.
La rapidité et la qualité de la prise en charge médico-sociale sont des éléments déterminants pour le suivi.
L'accès à une couverture sociale est de ce point de vue crucial.
Prévention encore. Le préservatif. Vous l'avez évoqué.
Je présenterai le 1er décembre la prochaine campagne de communication de l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé qui a pour thème la promotion du préservatif. Elle sera accompagnée de différentes actions visant à améliorer l'accessibilité des préservatifs masculins et féminins à un moindre coût.
Prévention toujours. Il nous faut prendre en compte la réalité de la recrudescence des comportements à risque et la difficulté de maintien des conduites préventives à long terme chez les personnes séropositives. J'ai demandé à la DGS de mettre en place avec la DHOS dans plusieurs hôpitaux, une expérimentation pilote de consultation de prévention s'adressant aux personnes séropositives.
III - Beaucoup a déjà été fait vous l'avez souligné, Monsieur le Président, dans le domaine de la prise en charge des personnes atteintes.
Je veillerai là encore, à préserver les acquis notamment en ce qui concerne la solidarité, axe constant de la politique publique depuis plus de 15 ans, et la lutte contre les discriminations.
C'est aussi le rôle du Conseil National du Sida que je tiens à conserver dans ses fonctions et dont vous venez d'accepter, Monsieur le Président, d'être membre à ma demande.
Sur le plan international, la solidarité s'est manifestée par un engagement fort de la France depuis plusieurs années en faveur de l'accès au traitement des pays en développement.
Depuis ma prise de fonction au ministère de la Santé, j'ai soutenu le programme ESTHER. Dix conventions de partenariat ont déjà été signées avec des Etats d'Afrique et d'Asie. En marge de l'Assemblée Mondiale de la santé, j'ai organisé une réunion avec les dix ministres de la santé qui se sont félicités de l'aide que ce programme apportait pour la prise en charge des patients. Il nous faut maintenant enrichir ce réseau avec la participation d'autres pays du Nord pour étendre le champ de la solidarité européenne.
Le Président de la République vient d'annoncer le triplement de notre contribution annuelle au Fond mondial. Je préside avec mon homologue américain Tommy THOMPSON le 16 juillet la conférence des donateurs destinés à renforcer davantage encore les ressources du Fond.
Nous poursuivons dans le cadre des négociations de l'OMC notre effort pour faire avancer l'accès aux médicaments dans les pays en voie de développement.
Je tiens à saluer l'engagement de l'ANRS dans le développement d'un partenariat de recherche avec les pays en voie de développement. C'est aussi une des raisons pour laquelle je me suis engagé avec toute ma conviction pour que le GIP ANRS soit renouvelé pour une période de 6 ans. Je suis heureux de la décision finale car elle est une récompense, une reconnaissance et une espérance pour tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre le Sida.
Pour finir, je voudrais saluer le travail accompli par les associations, par tous les volontaires et les permanents et en particulier ceux de AIDES. C'est bien votre capacité d'alerte, d'innovation et parfois d'indignation, qui ont permis ces changements profonds de la médecine et de la société. Au moment où nous mettons en place un plan de lutte contre une autre pathologie grave, invalidante comme le Cancer, le Sida, s'impose comme modèle. Et lorsque j'écoutai ces témoignages de patients atteints de cancer racontant leur désarroi face au diagnostic, leur sensation d'isolement, l'aide chaleureuse qu'ils avaient reçue de volontaires associatifs, leur désir d'information pour mieux comprendre et mieux lutter contre la maladie, alors je me disais, que ce que nous avons tous ensemble réussi à faire pour lutter contre le Sida, nous devons pouvoir le faire pour lutter contre d'autres maladies, et pour d'autres malades !
Sur ce point, sachez que je suis convaincu du rôle indispensable des associations de patients dans l'organisation et la gestion de notre système de santé. Cette nouvelle page est une révolution. Il ne faut donc pas l'écrire dans la précipitation.
Je veux bâtir, profondément, solidement, et cela prend du temps. Mais ne doutez pas un seul instant de mon intention. Vous êtes des partenaires à part entière. C'est aussi cela que je suis venu vous dire, aujourd'hui, à Strasbourg.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 23 juin 2003)
A l'issue de son discours, Monsieur Jean-François MATTEI a bien voulu répondre à quelques questions venant de l'assemblée.
Est-ce qu'il pourrait y avoir une charte entre le Ministère de la Santé et AIDES quant aux objectifs concernant le social, le juridique, l'accès aux soins, l'accès au logement ?
" Et bien, je vous le dis, un contrat entre l'association et le Ministère est tout à fait envisageable dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens et il pourrait intervenir dans le cadre d'une convention triennale 2004-2007 par exemple en tout cas je vous le propose. "
Les lipoatrophies des joues sont un stigmate insupportable et handicapent pour rechercher un emploi. Notamment quand prévoyez-vous la prise en charge des interventions de comblement des joues ?
"Je vous indique que la technique New Fill qui est l'injection de produits de comblement est en cours d'inscription à la nomenclature et que la technique Colman qui est une auto-greffe est déjà inscrite à la nomenclature. Autrement dit, l'une est déjà inscrite et l'autre est sur le point de l'être."
Est-il possible de renforcer la politique de soin dans les centres hospitaliers pour les femmes séropositives ?
"Alors là vous touchez un point auquel je suis particulièrement sensible. Les femmes présentent plus de facteurs de vulnérabilité et de précarité que les hommes et c'est un facteur supplémentaire d'inobservance au traitement. Elles présentent des besoins spécifiques en terme de suivi médical notamment au dépistage du cancer du col, au niveau du désir de grossesse, de l'assistance médicale à la procréation et elles doivent être prises en charge également dans ce domaine. La DHOS a mis en place des groupes de travail chargés de réfléchir à l'amélioration de la prise en charge et à l'éducation thérapeutique. Ils vont me faire des propositions, j'y serais très attentif, c'est un sujet privilégié dans ma réflexion personnelle."
Et dans le cadre de la loi quinquennale de santé publique, qu'attendez-vous du milieu associatif ?
"J'attends beaucoup du milieu associatif dans la loi quinquennale de santé publique car, c'est dommage qu'Adrien Zeller nous ait quitté parce que tout à l'heure, il a parlé de la région comme l'échelon le plus performant. Je ne veux pas que ce soit ou l'état, ou la région. Je veux que ce soit les deux. Je pense que c'est à l'état de prendre les responsabilités pour définir les objectifs de santé publique nationale et je souhaite ensuite qu'il y ait des groupements régionaux qui seraient là pour rassembler et coordonner tout les acteurs dont le monde associatif. Et par ailleurs, il appartient tout à fait aux Conseils Régionaux qui le décideraient de définir des orientations spécifiques au conseil régional par exemple et qui viendraient appuyer les actions nationales. Je le redis et je le répète pour ceux qui savent ce qui a été organisé à Marseille, et qui est poursuivi d'ailleurs par mon successeur à cette responsabilité, nous avons associé l'ensemble des associations, nous les avons regroupées et avons créé un comité de coordination pour la surveillance de 8 automates échangeurs de seringues. La surveillance a été confiée aux associations qui non seulement en assurent la maintenance mais assurent également l'accompagnement. C'est en ce sens le moyen d'établir peut-être le premier lien avec celui qui n'avait jamais accédé à la thérapeutique, à la prise en charge qui n'avait peut-être jamais rencontré quelqu'un qui lui parle de la façon de se sortir de cette dépendance et de cette difficulté. Ce qui a été fait là dans une ville doit être fait au niveau d'un état et naturellement doit être fait au niveau des régions."
Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire combien je suis heureux d'avoir pu être présent à ces XVéme Assises de AIDES.
Heureux, parce que depuis que je suis au Gouvernement, c'est la première fois que j'ai l'occasion de venir saluer le travail d'une grande association de lutte contre le Sida.
Parce qu'aussi, vous me donnez l'occasion de m'exprimer sur un sujet qui ne peut laisser le médecin que je suis indifférent, sur un sujet au cur des débats sur la bioéthique, sur un sujet enfin qui me tient particulièrement à cur et sur lequel j'ai beaucoup travaillé comme délégué du Maire de Marseille, en charge de la lutte contre le Sida et la toxicomanie de 1995 à 2001.
Ces 6 années de travail de terrain m'ont formé et même transformé !
Le combat contre le Sida et la drogue modifie en effet notre perception, notre regard sur les autres.
Pour lutter contre la discrimination envers les patients infectés par le VIH, nous avons appris les différences, la tolérance, mieux, le respect et la solidarité.
Pour éviter l'hécatombe liée au Sida chez les usagers de drogue, nous nous sommes engagés dans des actions de réduction de risques et avons considéré les toxicomanes comme des victimes, des patients et non comme des délinquants !
Nous avons aussi appris à nous unir, à travailler ensemble médecins, chercheurs, associations de patients, responsables politiques.
Le Sida a transformé la médecine et il a aussi transformé profondément notre société.
Ces leçons du Sida, ces acquis, ces valeurs chèrement payées par plusieurs dizaines de milliers de vies et combien de souffrance, nous ne les oublions pas. Je ne les oublie pas !
Il nous faut les préserver, il nous faut les transmettre à d'autres générations, d'autres pays et apprendre aussi à les appliquer dans d'autres combats contre la maladie.
I - Mais il nous faut aussi poursuivre nos efforts, faire évoluer le dispositif de lutte car le Sida est aujourd'hui loin d'être vaincu.
En France, les données épidémiologiques produites par l'InVS montrent le maintien d'une dynamique de l'infection, particulièrement marquée chez les migrants d'Afrique sud saharienne et chez les homosexuels.
Malgré un large recours au dépistage dans notre pays, un nombre encore trop important de personnes découvrent leur séropositivité au moment du diagnostic de Sida. Cette méconnaissance du statut sérologique représente en 2002 plus de 50% des 1900 nouveaux cas de Sida .
Le retard au dépistage ne permet pas aux personnes infectées de bénéficier pleinement des traitements efficaces et entretient la transmission du VIH.
La recrudescence des comportements à risque chez les homosexuels, qui se traduit aussi par une recrudescence de la syphilis est inquiétante, car elle révèle la difficulté à maintenir un comportement de prévention pendant de longues années, en particulier chez les personnes vivant avec le VIH.
Au-delà de ces données récentes qu'il faut prendre en compte, il est aussi indispensable de maintenir la vigilance du grand public sur la permanence des risques de contamination liée
au caractère épidémique et sexuellement transmissible du VIH, ainsi que sur la gravité du Sida.
Bien sûr, il y a les progrès thérapeutique et la mortalité liée au Sida a chuté pour atteindre en 2002, 706 décès. Il faut s'en réjouir !
Certains me disent, c'est beaucoup moins que le nombre de morts lié au cancer, au tabac ! C'est vrai mais ces 706 morts s'ajoutent à tant d'autres, et leur mort nous rappelle qu'elle était sans doute évitable. Qu'il faut aller encore plus loin dans notre engagement.
Le nombre de morts dépend pour une grande part de notre vigilance et de notre effort dans les domaines de la prévention du dépistage, de l'accès au traitement et de la recherche.
Tout le monde le sait désormais ! En l'absence de politique de lutte efficace, l'épidémie s'étend inexorablement dans la population. Le caractère incontrôlé de l'épidémie dans certains pays en développement le démontre malheureusement !
C'est pourquoi le Sida reste aujourd'hui une priorité forte de santé publique. C'est pourquoi nous maintiendrons notre effort !
Cette année j'ai tenu à ce que, malgré le contexte économique difficile, le budget consacré à la lutte contre le VIH par la Direction Générale de la Santé soit reconduit en totalité . J'ai aussi personnellement insisté, connaissant les difficultés rencontrées par les associations l'année dernière pour que les services déconcentrés de l'Etat disposent de l'intégralité de leur crédit dès la mi-février 2003.
Je sais que mes instructions ont été suivies. Le non respect des engagements serait une anomalie et je veux en avoir connaissance.
Vous le voyez, il nous faut préserver, renforcer, voire exporter les acquis de la lutte contre le VIH.
II - En matière de prévention tout d'abord.
1 - Vis à vis des usagers de drogues, le succès de la politique de réduction des risques et de substitution n'est plus à démontrer. La prévalence du VIH chez les toxicomanes a été divisée par 2 entre 1988 et 2002 passant de 40 à 20%. Plus encourageant encore, une enquête récente de l'InVS à Marseille vient de retrouver une prévalence du VIH nulle chez les jeunes toxicomanes de moins de 30 ans.
La politique de réduction des risques est un succès. Elle ne sera pas remise en question. J'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer publiquement lors de mes auditions devant les parlementaires.
Le dispositif des centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) vient d'être récemment consolidé. J'ai signé en début d'année un décret permettant le transfert de leur financement de l'Etat à l'assurance maladie. C'est tout un champ d'action qui est pérennisé.
J'examine en ce moment même les possibilités de renforcer par voie législative le dispositif de réduction des risques de façon à le sécuriser et le consolider.
La prévention de l'hépatite C chez les usagers de drogues sera renforcée en 2003 et tout moyen ayant démontré son efficacité pour prévenir cette infection qui touche encore 40% des toxicomanes de moins de 30 ans, sera utilisé.
Je tiens à vous confirmer là encore que les crédits du ministère consacrés à la réduction des risques ont été reconduits en 2003 dans leur intégralité.
2 - En dehors des usagers de drogues la prévention de l'infection à VIH repose sur l'utilisation du préservatif et le recours au dépistage.
-La campagne télévisée d'incitation au dépistage diffusée en décembre 2002 qui s'adressait directement aux publics les plus exposés et pour la première fois mettait en scène des migrants, a été bien perçue. Elle a augmenté le recours au dépistage dans les Centres de Dépistage Anonyme et Gratuit. Nous la rediffusons actuellement et jusqu'au début juillet.
La journée de mobilisation des professionnels et des associations sur le dépistage, organisée il y a quelque jours par mon ministère et " Sida Info Service " a rencontrée un vif succès. Elle a permis d'actualiser les recommandations sur les pratiques de dépistage et sur le traitement post exposition qui vient de faire l'objet d'une nouvelle circulaire de la DGS et la DHOS.
Le projet de loi de décentralisation prévoit que l'Etat définisse désormais la politique de lutte contre l'ensemble des infections transmises par voie sexuelle. Une meilleure articulation du dépistage du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles asymptomatiques, dont certaines sont en recrudescence, est en effet nécessaire. Les centres de dépistage anonyme et gratuit ont montré leur capacité à atteindre la population "à risque". Ils sont un maillon essentiel de la prévention et de la surveillance de l'infection à VIH. Ils doivent jouer un rôle accru dans le dépistage des autres infections sexuellement transmissibles asymptomatiques comme nous y invite l'efficacité de la récente campagne d'incitation au dépistage de la syphilis.
Il nous faut aussi veiller à une meilleure articulation entre le dépistage et la prise en charge médico-sociale.
Dans le domaine du VIH, car encore trop de femmes, découvrent leur séropositivité tardivement au moment de la grossesse et ne se font plus suivre au-delà du suivi de l'enfant.
Mais aussi dans le domaine du VHC car trop de toxicomanes ne sont pas traités pour leur infection.
La rapidité et la qualité de la prise en charge médico-sociale sont des éléments déterminants pour le suivi.
L'accès à une couverture sociale est de ce point de vue crucial.
Prévention encore. Le préservatif. Vous l'avez évoqué.
Je présenterai le 1er décembre la prochaine campagne de communication de l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé qui a pour thème la promotion du préservatif. Elle sera accompagnée de différentes actions visant à améliorer l'accessibilité des préservatifs masculins et féminins à un moindre coût.
Prévention toujours. Il nous faut prendre en compte la réalité de la recrudescence des comportements à risque et la difficulté de maintien des conduites préventives à long terme chez les personnes séropositives. J'ai demandé à la DGS de mettre en place avec la DHOS dans plusieurs hôpitaux, une expérimentation pilote de consultation de prévention s'adressant aux personnes séropositives.
III - Beaucoup a déjà été fait vous l'avez souligné, Monsieur le Président, dans le domaine de la prise en charge des personnes atteintes.
Je veillerai là encore, à préserver les acquis notamment en ce qui concerne la solidarité, axe constant de la politique publique depuis plus de 15 ans, et la lutte contre les discriminations.
C'est aussi le rôle du Conseil National du Sida que je tiens à conserver dans ses fonctions et dont vous venez d'accepter, Monsieur le Président, d'être membre à ma demande.
Sur le plan international, la solidarité s'est manifestée par un engagement fort de la France depuis plusieurs années en faveur de l'accès au traitement des pays en développement.
Depuis ma prise de fonction au ministère de la Santé, j'ai soutenu le programme ESTHER. Dix conventions de partenariat ont déjà été signées avec des Etats d'Afrique et d'Asie. En marge de l'Assemblée Mondiale de la santé, j'ai organisé une réunion avec les dix ministres de la santé qui se sont félicités de l'aide que ce programme apportait pour la prise en charge des patients. Il nous faut maintenant enrichir ce réseau avec la participation d'autres pays du Nord pour étendre le champ de la solidarité européenne.
Le Président de la République vient d'annoncer le triplement de notre contribution annuelle au Fond mondial. Je préside avec mon homologue américain Tommy THOMPSON le 16 juillet la conférence des donateurs destinés à renforcer davantage encore les ressources du Fond.
Nous poursuivons dans le cadre des négociations de l'OMC notre effort pour faire avancer l'accès aux médicaments dans les pays en voie de développement.
Je tiens à saluer l'engagement de l'ANRS dans le développement d'un partenariat de recherche avec les pays en voie de développement. C'est aussi une des raisons pour laquelle je me suis engagé avec toute ma conviction pour que le GIP ANRS soit renouvelé pour une période de 6 ans. Je suis heureux de la décision finale car elle est une récompense, une reconnaissance et une espérance pour tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre le Sida.
Pour finir, je voudrais saluer le travail accompli par les associations, par tous les volontaires et les permanents et en particulier ceux de AIDES. C'est bien votre capacité d'alerte, d'innovation et parfois d'indignation, qui ont permis ces changements profonds de la médecine et de la société. Au moment où nous mettons en place un plan de lutte contre une autre pathologie grave, invalidante comme le Cancer, le Sida, s'impose comme modèle. Et lorsque j'écoutai ces témoignages de patients atteints de cancer racontant leur désarroi face au diagnostic, leur sensation d'isolement, l'aide chaleureuse qu'ils avaient reçue de volontaires associatifs, leur désir d'information pour mieux comprendre et mieux lutter contre la maladie, alors je me disais, que ce que nous avons tous ensemble réussi à faire pour lutter contre le Sida, nous devons pouvoir le faire pour lutter contre d'autres maladies, et pour d'autres malades !
Sur ce point, sachez que je suis convaincu du rôle indispensable des associations de patients dans l'organisation et la gestion de notre système de santé. Cette nouvelle page est une révolution. Il ne faut donc pas l'écrire dans la précipitation.
Je veux bâtir, profondément, solidement, et cela prend du temps. Mais ne doutez pas un seul instant de mon intention. Vous êtes des partenaires à part entière. C'est aussi cela que je suis venu vous dire, aujourd'hui, à Strasbourg.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 23 juin 2003)
A l'issue de son discours, Monsieur Jean-François MATTEI a bien voulu répondre à quelques questions venant de l'assemblée.
Est-ce qu'il pourrait y avoir une charte entre le Ministère de la Santé et AIDES quant aux objectifs concernant le social, le juridique, l'accès aux soins, l'accès au logement ?
" Et bien, je vous le dis, un contrat entre l'association et le Ministère est tout à fait envisageable dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens et il pourrait intervenir dans le cadre d'une convention triennale 2004-2007 par exemple en tout cas je vous le propose. "
Les lipoatrophies des joues sont un stigmate insupportable et handicapent pour rechercher un emploi. Notamment quand prévoyez-vous la prise en charge des interventions de comblement des joues ?
"Je vous indique que la technique New Fill qui est l'injection de produits de comblement est en cours d'inscription à la nomenclature et que la technique Colman qui est une auto-greffe est déjà inscrite à la nomenclature. Autrement dit, l'une est déjà inscrite et l'autre est sur le point de l'être."
Est-il possible de renforcer la politique de soin dans les centres hospitaliers pour les femmes séropositives ?
"Alors là vous touchez un point auquel je suis particulièrement sensible. Les femmes présentent plus de facteurs de vulnérabilité et de précarité que les hommes et c'est un facteur supplémentaire d'inobservance au traitement. Elles présentent des besoins spécifiques en terme de suivi médical notamment au dépistage du cancer du col, au niveau du désir de grossesse, de l'assistance médicale à la procréation et elles doivent être prises en charge également dans ce domaine. La DHOS a mis en place des groupes de travail chargés de réfléchir à l'amélioration de la prise en charge et à l'éducation thérapeutique. Ils vont me faire des propositions, j'y serais très attentif, c'est un sujet privilégié dans ma réflexion personnelle."
Et dans le cadre de la loi quinquennale de santé publique, qu'attendez-vous du milieu associatif ?
"J'attends beaucoup du milieu associatif dans la loi quinquennale de santé publique car, c'est dommage qu'Adrien Zeller nous ait quitté parce que tout à l'heure, il a parlé de la région comme l'échelon le plus performant. Je ne veux pas que ce soit ou l'état, ou la région. Je veux que ce soit les deux. Je pense que c'est à l'état de prendre les responsabilités pour définir les objectifs de santé publique nationale et je souhaite ensuite qu'il y ait des groupements régionaux qui seraient là pour rassembler et coordonner tout les acteurs dont le monde associatif. Et par ailleurs, il appartient tout à fait aux Conseils Régionaux qui le décideraient de définir des orientations spécifiques au conseil régional par exemple et qui viendraient appuyer les actions nationales. Je le redis et je le répète pour ceux qui savent ce qui a été organisé à Marseille, et qui est poursuivi d'ailleurs par mon successeur à cette responsabilité, nous avons associé l'ensemble des associations, nous les avons regroupées et avons créé un comité de coordination pour la surveillance de 8 automates échangeurs de seringues. La surveillance a été confiée aux associations qui non seulement en assurent la maintenance mais assurent également l'accompagnement. C'est en ce sens le moyen d'établir peut-être le premier lien avec celui qui n'avait jamais accédé à la thérapeutique, à la prise en charge qui n'avait peut-être jamais rencontré quelqu'un qui lui parle de la façon de se sortir de cette dépendance et de cette difficulté. Ce qui a été fait là dans une ville doit être fait au niveau d'un état et naturellement doit être fait au niveau des régions."