Interviews de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, à France Info et LCI le 18 janvier 2000 et Europe 1 le 19, sur la décision du MEDEF de quitter fin 2000 l'ensemble des organismes paritaires et la poursuite des discussions avec les syndicats pour une réforme de la protection sociale.

Prononcé le

Média : Europe 1 - France Info - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Invité de France-Info - mardi 18 janvier 2000
En cours de journal
BERNARD THOMASSON : Le MEDEF quittera à la fin de l'année l'ensemble des organismes paritaires comme la Sécurité sociale ou l'Unedic , l'organisation patronale a pris cette décision ce matin en Assemblée générale à plus de 95 % des voix. Mais dans le même temps cet après-midi le MEDEF a invité les syndicats qui le souhaitent à le rencontrer le 3 février. Ernest-Antoine Seillière, bonsoir. Vous êtes le patron des patrons, je le rappelle. Alors pas de travail d'un côté avec les syndicats à la sécu mais une réflexion avec les syndicats sur l'ensemble de ces questions, est-ce que vous savez ce que vous voulez dans le fond ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Il y a si vous voulez deux manières de présenter les choses et ceux qui ne portent pas à notre démarche l'intérêt qui convient insistent sur le départ des organismes paritaires. A la vérité, qu'avons-nous dit ? Nous avons dit, comme on le fait dans les relations sociales qu'il nous paraissait nécessaire d'ouvrir une négociation de refondation sociale afin d'améliorer pour les salariés, pour les entreprises le fonctionnement social dans notre pays dont personne ne peut dire qu'il marche bien quand on constate les tensions intervenues dans les relations sociales, notamment dans le dialogue social, et par ailleurs les difficultés de fonctionnement des organismes sociaux. Donc nous disons, nous souhaitons refonder en profondeur, pour l'améliorer, le système social et nous nous donnons toute l'année pour cela. Bien entendu, si on ne parvient pas tout au long de cette année à faire ce travail, ce chantier de refondation, nous ne serons plus membres à la fin de l'année des organisations paritaires dont nous avons dénoncé à l'envi les multiples travers, surtout depuis que l'Etat a envahi complètement le champ social. Donc ce que nous proposons, c'est de reconquérir l'espace social pour améliorer pour les salariés et pour les entreprises le fonctionnement social dans notre pays.
BERNARD THOMASSON : A vous bien entendre, vous n'êtes pas encore complètement partis ...
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien nous avons en fait pris la décision du départ mais, comme cela se fait en matière de convention collective, vous savez on dénonce une convention collective à compter du, eh bien nous avons décidé notre présence dans le paritarisme, c'est fait, c'est effectif c'est une décision ...
BERNARD THOMASSON : Mais vous dites on discute avec les syndicats et en fonction on reste peut-être ...
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, non, pas du tout, nous ne restons pas peut-être, nous serons partis le 31 décembre 2000 si on n'a pas entre-temps - nous avons toute l'année pour faire cela, c'est beaucoup de temps devant nous et rien dans tout ceci n'est bien entendu improvisé - si nous n'avons pas trouvé avec nos partenaires sociaux les voies et moyens de reconstruire quelque chose à la fois de plus efficace et fonctionnant mieux dans l'intérêt des salariés. C'est quelque chose qui nous paraît possible et sur lequel nous avons bien entendu déjà eu des contacts avec les salariés, avec les syndicats ces dernières semaines
BERNARD THOMASSON : Cette danse d'un pas en avant, d'un pas en arrière, je pars, je pars pas, vous dites que vous partez mais pour l'instant vous y êtes encore, en fait beaucoup de vos représentants sont rémunérés par ces instances, si vous partez, vous perdez gros financièrement.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Pas du tout. Ca, ce sont des petits aspects, je dirais très mesquins, ce qui est en cause c'est le fonctionnement de la démocratie sociale dans notre pays. Est-ce que les partenaires sociaux qui sont censés être responsables de systèmes sociaux, qui en réalité leur échappent complètement, veulent et peuvent les reconstruire ensemble de façon à les faire fonctionner mieux, c'est ce que nous proposons et nous serons partis du paritarisme en fin d'année si nous n'y sommes pas parvenus. Mais notre initiative ce matin est une initiative très constructive, nous sommes pleins d'espoir et nous pensons que c'est une opportunité pour notre pays d'améliorer le fonctionnement de son système social.
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"L'INVITE DE L'ECONOMIE" sur LCI - MARDI 18 JANVIER 2000
LUC EVRARD : Ernest-Antoine Seillière est avec nous pour un commentaire sur l'Assemblée générale du MEDEF qui s'est massivement prononcée en faveur de la fin du système paritaire dans sa forme actuelle, avec un départ programmé au 31 décembre au plus tard, et mandat pour l'organisation d'ouvrir d'ici là avec les syndicats des discussions pour une réforme en profondeur de la protection sociale, pour une refondation complète du système de relations sociales. Vaste chantier, monsieur Seillière. Est-ce que vous n'auriez pas fait aujourd'hui le plus facile par cet effet d'annonce ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : C'était difficile à prendre comme décision parce que le système paritaire est un système qui a été institué au lendemain de la guerre, auquel on s'est énormément habitué, dans lequel, on le sait, l'Etat est trop intervenu pour qu'on puisse, nous les partenaires sociaux, en tout cas nous le MEDEF, considérer que ce soit durable. Nous avons donc pris cette décision. J'ai été assez impressionné par le fait que nous avons eu l'unanimité derrière cette décision alors que beaucoup disaient, et nous n'étions pas absolument sûrs dans cette technique de vote direct que nous avions pris avec boîtier électronique. Moi, j'étais du sentiment que ce serait plus partagé que cela. Nous, je veux dire les entrepreneurs de notre pays qui connaissent bien le système paritaire disent, il faut vraiment transformer profondément les choses pour faire mieux.
LUC EVRARD : Alors on a l'impression que l'ordre du jour qui vous attend d'ici à la fin de l'année est tellement vaste que vous vous êtes mis dans la tête de rediscuter avec les syndicats, en tête à tête, en excluant d'ailleurs la représentation politique, finalement un autre projet social pour la France. Est-ce que vraiment c'est ça ou est-ce que vous ne surpassez pas un peu votre propre légitimité ? C'est déjà le procès qu'on entend, ici ou là, vous faire un certain nombre de représentants politiques notamment.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Si vous voulez, nous sommes censés être responsables d'énormément de choses dans le secteur social. En fait, nous avons analysé longuement et dit beaucoup que nous nous sentions totalement déresponsabilisés par le fait que l'Etat avait complètement envahi le domaine social. Nous pensons que pour les salariés, pour leur famille, le fait que ce système social soit usé, qu'en réalité on ne s'y retrouve plus était un danger. Et donc, nous prenons cette initiative, nous les partenaires sociaux, enfin en tout cas nous le MEDEF, dans l'idée de faire mieux pour les salariés et je crois que c'est légitime. De notre part, nous avons des salariés avec lesquels nous sommes en contact quotidien et étroit dans les entreprises, nous n'avons pas de raison de leur dire, dans les entreprises, ne vous en faites pas, le système social fonctionne et fonctionne bien. Non, nous disons, il ne fonctionne pas bien, nous allons prendre les initiatives pour qu'il fonctionne mieux, pour que vous soyez mieux couverts contre les risques sociaux, que vous ayez si possible plus de pouvoir d'achat parce que les cotisations pourraient diminuer... Bref, que l'on se mette à moderniser, rénover, refonder le système social, bien entendu pour faire mieux.
LUC EVRARD : Alors j'en reviens quand même sur ce rôle d'arbitre que pourrait avoir l'Etat. Vous avez dit aussi, il faut que l'Etat accompagne cette démarche. C'est donc que vous attendez de lui des choses précises. A quel moment pensez-vous qu'il puisse prendre le relais de votre initiative et quel pourrait être son rôle, compte tenu du fait que vous dénoncez aujourd'hui son omniprésence et son omnipotence ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Alors, si vous voulez, nous avons été d'abord très encouragés par le fait que le Chef de l'Etat, qui s'est adressé à la nation, pour les voeux aux forces vives de la nation, a vraiment beaucoup encouragé cette démarche. Et j'ai été bien entendu voir au gouvernement les gens qui sont en charge de suivre notre affaire et nous leur avons dit ce que nous voulions faire. Et nous les prions, bien entendu, de bien vouloir comprendre que cette démarche est extrêmement positive. Je dirais pour la France, avoir un système social qui fonctionne bien, qui soit bien accepté par les partenaires sociaux, c'est tout de même un plus pour la France dans la compétition internationale dans laquelle nous nous trouvons. Alors bien entendu, l'Etat ne sera pas en dehors, mais nous souhaitons qu'on laisse les partenaires sociaux dans leur reconquête de leur espace, libres de réfléchir ensemble et d'essayer de déterminer ensemble des positions à prendre. Il n'y a d'ailleurs, comme vous le savez, aucune raison que tout ceci soit conflictuel. Les syndicats, comme nous, nous avons, quand il s'agit de mieux couvrir contre l'assurance-chômage, de prendre en compte le temps qui change, la manière dont on rentre dans le travail, dont on sort du travail quand on est plus âgé, tout ceci doit être pris en compte et il n'y a pas de raisons entre syndicats et entrepreneurs de ne pas y parvenir.
LUC EVRARD : On aura vite l'occasion de le vérifier puisque vous invitez les syndicats de salariés le 3 février pour un premier tour d'horizon. Eux disent, en gros, mais cette politique du retenez-moi ou je fais un malheur, ça ressemble à un chantage. Ce n'est quand même pas la meilleure façon de créer un débat serein que de dire, si vous n'êtes pas d'accord avec moi, je claque la porte, je m'en vais.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, ce n'est pas ça. Ce n'est pas retenez-moi ou je fais un malheur, c'est : nous sommes plus là à compter de la fin de l'année, c'est la fin du système paritaire, nous l'avons quitté et nous ne le retrouvons que pour autant que les syndicats et nous convenons de la manière de le faire fonctionner. Si nous ne sommes d'ailleurs définitivement partis et si les choses ne marchent pas, nous souhaitons qu'elles marchent bien entendu, eh bien, il y aura un autre système social dans notre pays, d'autres relations sociales. Nous donnons sa pleine chance, et je ne peux pas vous dire à quel point nous sommes en attente d'une réussite. Notre initiative, elle est prise pour être constructive, pour proposer à notre pays de refonder positivement un système social. Et la question de savoir si nous sommes ou pas présents dans les systèmes paritaires devient, à mon avis un peu accessoire.
LUC EVRARD : Vous convoquez donc les syndicats, vous allez ouvrir un certain nombre de chantiers. Est-ce que vous n'allez pas être contraint, finalement, de multiplier les grand-messes ? On sait que vous avez été longtemps hostile à ce principe des grand-messes. Est-ce que vous ne risquez pas, à la faveur de cette vaste renégociation, dans l'ensemble du champ social, de vous coupez de vos troupes ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous avons, si vous voulez, modifié notre position sur le refus dans lequel nous nous trouvions d'initier un dialogue social national parce que nous avions été tétanisés par l'intervention de l'Etat dans le domaine des 35 heures et de la manière dont on a imposé tout ceci. Je ne reviens pas là-dessus, mais nous sommes toujours très très hostiles et il y a eu des motions très hostiles aux 35 heures bien entendu. Aujourd'hui, la loi va les promulguer. Nous avons eu tout de même un certain nombre de satisfactions à voir que les 35 heures n'étaient pas aussi sacralisées qu'on le pensait, qu'il y avait tout de même des gens dans notre pays qui avaient du bon sens...
LUC EVRARD : ... Le Conseil constitutionnel en l'occurrence ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : ... Le Conseil constitutionnel. Je veux dire également que le Chef de l'Etat a, à cet égard, un jugement et nous le voyons également que quand une profession, j'ai dit ce n'est pas applicable chez moi, et qu'elle a la puissance d'avoir des camions. En réalité, l'Etat aussi prend tout ceci en considération. Donc nous demandons la révision des 35 heures et dans ce contexte, nous pouvons, à mon sens, rouvrir le dialogue social que nous avons en effet pour des questions d'avoir été tétanisés, je ne peux pas dire autre chose. Aujourd'hui nous le rouvrons et nous le rouvrons avec des propositions et nous pensons que l'année 2000 est une année qui peut être extrêmement positive. En tout cas, nous allons tout faire pour ça, croyez-le bien, et nous n'avons pas pris ces initiatives pour ne pas donner ses chances à un meilleur système social français. Les entrepreneurs savent diriger les entreprises, ils savent aussi avoir une vision positive de l'avenir.
LUC EVRARD : Merci monsieur Seillière.
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L'INVITE D'EUROPE 1- MERCREDI 19 JANVIER 2000
Jean-Pierre Elkabbach reçoit ERNEST-ANTOINE SEILLIERE, et François Hollande
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Bonjour. Grâce à Ernest-Antoine Seillière, bonjour.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Merci d'accord trois minutes à François Hollande à propos de la justice. Vous êtes d'accord ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Très volontiers.
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FRANCOIS HOLLANDE : Merci à Ernest-Antoine Seillière de m'avoir laissé la parole.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Très heureux de laisser le temps de parole des entrepreneurs au parti socialiste !
FRANCOIS HOLLANDE : C'est bien la première fois, et je vous en remercie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Qu'est-ce que ça vous inspire Ernest-Antoine Seillière ce qui se passe autour de la justice et de la réforme ratée de la justice, la réforme ratée actuellement de la justice ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je vais être assez franc et sans détours. J'opposerais volontiers ce formidable cafouillage politique qui conduit à abandonner une réforme jugée essentielle dans une confusion totale, comprenne qui pourra, aux décisions très fortes et très claires que nous avons prises hier, nous, les entrepreneurs, dans les domaines de nos responsabilités.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Alors, Ernest-Antoine Seillière, le MEDEF diffère au 31 décembre 2000 sa sortie des régimes paritaires. Mais tout ce raffut, ces moulinets, ces menaces, pour ça ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, il s'agit
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Parce que vous ne sortez pas.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, il ne s'agit absolument pas de menaces, de chantage, etc. Je comprends très bien que les gens soient pris un peu au dépourvu par des décisions de cette importance et réagissent selon le langage ancien. Mais moi, je vous indique très clairement que nous avons dit : le 1er janvier 2001, si nous n'avons pas été capables, nous les forces vives comme on dit, les forces sociales, de définir la manière dont nous pouvions améliorer, c'est-à-dire rendre meilleure pour les salariés et rendre si possible moins coûteuse la gestion sociale de notre pays, alors, c'est vrai, nous renoncerons à exercer nos responsabilités dans ce domaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Voyons encore le domaine, ce que vous voulez faire et puis en même temps les réactions. Beaucoup, au Parti socialiste, et même chez Martine Aubry, estiment que votre MEDEF a été hier raisonnable. Raisonnable, ce n'est pas comme une offense pour vous ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah, écoutez
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Raisonnable ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ah, enfin la raison vient à ceux qui nous jugeaient. C'est-à-dire qu'en fait, nous, notre objectif, c'est de rendre la compétition des entreprises française possible pour l'avenir, c'est le XXIème siècle, avec tous ses changements, et pour cela, nous voulons remettre à plat le système social qui fonctionne très mal, de façon à l'améliorer encore une fois pour les salariés et leurs familles. Il faut bien comprendre qu'il n'y a dans tout ceci aucune menace pour personne. Si nous arrivons à mener la réforme que nous souhaitons, eh bien les Français se rendront compte qu'ils ont une meilleure protection sociale pour leur retraite, pour leur chômage, pour leur santé et si possible moins chère.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : C'est-à-dire que d'après vous aujourd'hui, Ernest-Antoine Seillière, aujourd'hui, les intérêts des salariés sont mieux protégés par les patrons que par l'Etat ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui. Je crois qu'il faut dire cela tout-à-fait clairement. L'Etat n'a pas vocation à prendre en main le domaine social qui est soit-disant géré par les syndicats et par les entrepreneurs. Nous revendiquons de reprendre tout ceci en main et avec les syndicats, tout-à-fait clairement, et avec le temps de reconstruire quelque chose qui fonctionne mieux et moins cher.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous avez noté les réactions des syndicats. C'est un recul social, c'est du chantage, dit Bernard Thibault. Madame Notat, votre interlocutrice régulière dénonce votre méthode qu'elle juge inédite, brutale, inutile. Est-ce que c'est pour la forme qu'ils protestent ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Ecoutez, je pense en partie oui. Il y a bien entendu des réticences sur notre démarche, c'est bien normal et également des idées qui ne peuvent pas converger avec les nôtres. Mais nous verrons, nous avons demandé aux syndicats de nous rejoindre le 3 février pour une grande réunion pour définir la méthode, le calendrier et les sujets à traiter, de façon à se mettre au travail. Nous verrons d'abord s'ils sont là, s'ils seront là. S'ils seront là, c'est tout de même bien qu'ils pensent qu'il y a à travailler ensemble et nous nous souhaitons bonne chance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Mais des syndicats sans adhérents, sans grands moyens, divisés, seuls face à vous, est-ce que ce n'est pas est-ce qu'ils ne font pas le poids ? Ou alors, vous les encouragez, monsieur Seillière à se réorganiser eux-mêmes, à se rapprocher et à s'unir ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, nous avons subi nous, du côté des patrons comme on disait hier, des entrepreneurs, un véritable électrochoc avec la loi des 35 heures qui nous a été imposée, je ne reviens pas là-dessus, mais que nous n'avons toujours pas, bien entendu, digéré et contre laquelle nous continuerons à lutter. Eh bien, je pense que les syndicats, avec l'initiative de refondation sociale que nous avons mise en uvre, devront également se repenser, se réorganiser et réfléchir. Et nous souhaitons, vous le savez, une force syndicale en France forte, organisée et puissante. C'est nécessaire pour le fonctionnement de la démocratie sociale à laquelle nous aspirons.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Donc vous pensez aujourd'hui que les syndicats ne resteront pas dans l'état où ils sont ? Ils se rapprocheront par deux, par trois ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Enfin, écoutez, franchement, je ne peux pas le dire à leur place. Mais il y a certainement un problème en France avec 5 centrales syndicales, c'est plus qu'ailleurs, avec des salariés qui ne sont pas très volontiers et très souvent syndiqués. Et donc un syndicalisme qui est assez faible. Et nous pensons en effet qu'il y a un problème à prendre en main et nous souhaitons qu'ils le fassent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Mais alors, ça va être le MEDEF qui va fixer le calendrier, l'ordre du jour, qui va décider, juger, qui va arbitrer.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Non, nous sommes force d'entraînement dans tout ça, nous prenons l'initiative, mais tout sera débattu et décidé en commun, bien entendu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Et qu'est-ce que vous mettez monsieur Seillière dans ce que vous appelez la refondation sociale ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, dans la refondation sociale, nous mettons deux choses. J'y vais très vite. La relation sociale, la manière dont on négocie dans l'entreprise, dans les métiers, au niveau national ; comment on fait respecter ces accords, comment on fait en sorte que l'Etat ne s'en mêle pas ; comment on fait que la justice ne vienne pas tout casser, bref, comment est-ce qu'on reconquiert son espace social. Et puis, la protection sociale, comment l'organiser mieux pour que les salariés, encore une fois, aient eux, une meilleure protection sociale, les jeunes, les retraités, les malades, les chômeurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Vous ne partirez pas de toute façon avant le 31 décembre 2000 ? Si ça ne va pas, vous continuez à discuter ? C'est à partir du 1er janvier 2001 que les choses se passeront
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Oui, nous avons un an pour cette négociation, c'est beaucoup de temps. Regardez la rapidité avec laquelle de très grandes entreprises fusionnent, c'est beaucoup plus compliqué que tout ça quelquefois, donc il faut savoir tout de même agir et agir un peu vite. Et deuxièmement, bien entendu, si les syndicats, pour une raison ou pour une autre, ne veulent plus continuer, eh bien tout s'arrêtera. Et si l'Etat prenait l'initiative d'intervenir dans notre négociation pour essayer de la contraindre ou de la cesser, ça s'arrêterait tout de suite. Et j'ai dit au gouvernement : de grâce, laissez sa chance à notre initiative, elle n'est pas partisane, elle est nationale. Il faut que tous soient en appui pour essayer de donner sa chance à la France dans ce domaine par notre intermédiaire, à nous, les partenaires sociaux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Et est-ce que vous avez convaincu, monsieur Seillière, l a droite politique ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : J'hésite un tout petit peu parce que je ne suis pas absolument convaincu aujourd'hui que l'opposition ait, dans ces domaines, bien réfléchi et ait une position claire. Je crois que, et nous espérons beaucoup, qu'ils se détermineront à partir des propositions, soit pour les appuyer, soit pour les combattre. mais ranimer le débat en France sur les sujets clefs d'organisation sociale nous parait une des conséquences de notre initiative.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Mais alors, vous dites que vous les avez invités, eux disent convoqués, le 3 février. Il y aura d'autres rencontres comme ça, régulièrement toute l'année ? Si tout va bien ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Je pense qu'il y a aura, si tout va bien, un travail intense, un travail ouvert. Nous souhaiterions bien entendu entendre en commun des experts étrangers qui nous donneraient des recommandations. Ca n'est pas conflictuel de réorganiser mieux pour les salariés la protection sociale en France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Ce n'est pas de votre part la revanche politique après ce que vous avez subi sur la loi des 35 heures ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Pas du tout, mais ça nous fait plaisir de pouvoir donner notre mesure pour contribuer à améliorer la relation sociale dans notre pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Au passage, vous êtes des malins, si je peux le dire, au MEDEF. En 2001, Martine Aubry fera campagne pour Lille. Donc elle ne sera peut-être plus là comme ministre.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Eh bien, ça permettra peut-être aux choses de progresser mieux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Ben, vous voyez, vous le dites. Dernière remarque, question. Vous lancez, paraît-il bientôt, aujourd'hui, demain, une nouvelle initiative sur la transparence. Qu'est-ce que c'est ? Levez le voile, soyez transparent.
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Vous êtes trop bien informé pour que je sois complètement transparent sur cette initiative. Mais nous pensons chercher à donner un symbole fort de la part des entrepreneurs, des chefs d'entreprise, pour montrer que nous aussi, nous savons prendre sur nous et faire les choses symboliques que les Français attendent. Et, si vous le permettez, rendez-vous dans 48 heures
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Oui, oui, vous n'allez pas faire un hara-kiri. Qu'est-ce que vous ferez ? Dans quel domaine ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Nous essaierons, dans le domaine de la transparence et vous pouvez peut-être deviner, à nous montrer un temps d'avance et qu'on cesse, en effet, de croire que nous avons intérêt à cacher quoi que ce soit.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Quoi, c'est la nuit du 4 août ? Vous allez vous désaper, vous déshabiller ?
ERNEST-ANTOINE SEILLIERE : Disons que c'est peut-être celle du 3 au soir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH : Bonne journée et merci monsieur Seillière.
(source http://www.medef.fr, le 20 janvier 2000)