Texte intégral
Merci d'être avec nous, J.-P. Raffarin. Alors qu'on sent monter, on l'a entendu, une certaine fièvre ce soir, à quelques jours de la manifestation du 13 mai, ainsi, on a appris, il y a une heure et demie, que les cinq syndicats d'EDF et de GDF ont appelé aussi à la grève et à manifestation ce jour-là ; FO Cheminots et SUD Rail appellent à la grève illimitée à la SNCF à partir du 12 mai. Donc, un contexte qui s'annonce effectivement agité. Cette réforme intervient aussi à une date anniversaire : cela fait un an pile que vous avez pris vos fonctions à Matignon. Juste avant de vous entendre et juste avant de parler du fond, un mot sur cette campagne de communication que vous avez lancée pour expliquer, pour tenter de convaincre avec notamment cette lettre publiée dans la presse et que chacun recevra.
( Reportage d'A. Kara sur la méthode de communication de J.-P. Raffarin)
Quinze millions d'euros, coût de la campagne de communication pour les retraites ; c'est le chiffre avancé. Le confirmez-vous ?
" C'est le budget habituel du ministère du Travail ; il n'y a pas de changement. C'est dans le cadre du budget habituel du ministère, comme tous les ans. Donc, cette année, on a choisi le thème des retraites parce que c'est un thème pour lequel, il faut de l'information, il faut de la pédagogie. Et puis, il faut aussi de la vérité. Parce que je crois qu'il y a beaucoup de choses qu'il faut dire aujourd'hui, qui ne sont pas exactes quand on entend quelques fois un certain nombre de gens s'exprimer. Donc, moi, je suis venu vous dire la vérité. Par exemple, tout à l'heure, j'ai vu dans le reportage une jeune femme aide-soignante : les infirmières et les aides-soignantes sont des personnes pour lesquelles la nation doit avoir la plus grande des considérations. Prenons un exemple très concret, une infirmière, Cécile, 51 ans, elle voudrait prendre sa retraite à l'âge moyen de toutes les infirmières, 56,5 ans, donc elle demande : est-ce que je vais avoir une retraite qui va baisser ? Je lui réponds clairement : si vous partez en 2008, comme vous devez le faire, comme vous avez prévu de le faire, comme les autres, à 56,5 ans, vous aurez travaillé 2 ans de plus, 2,5 ans exactement et vous aurez votre retraite à taux plein : 1.400 euros nets. Si vous travaillez... "
En travaillant un peu plus ?
" En travaillant 2,5 ans de plus. C'est-à-dire, quand on dit, vous allez travailler plus pour toucher moins, c'est faux. On va travailler plus, et c'est un effort partagé, mais pour garder la retraite. Parce que ce qu'on oublie de dire, c'est qu'aujourd'hui, la retraite, elle est en danger et que les retraites, elles vont s'effondrer si on ne fait pas la réforme. Prenons un autre exemple : le SMIC. Sur le SMIC, aujourd'hui, quelqu'un qui a fait toute sa carrière... "
J.-P. Raffarin, puisque vous citiez cet exemple, sur le travailler plus et toucher moins, ceux qui vont aujourd'hui travailler 40 ans parmi les fonctionnaires au lieu de 37,5 ans, toucheront également moins puisque le taux moyen de pension sera de 66 % alors qu'avant, il était beaucoup plus élevé. On travaillera plus et on touchera moins.
" Non. Si vous prenez la situation actuelle, nous allons avoir des retraites qui s'effondrent si on ne fait pas la réforme. Quelqu'un qui a travaillé tout le temps au SMIC, aujourd'hui, c'est 81 %. Mais si on ne fait pas de réforme, en 2020, ce sera 60 %. C'est l'effondrement. Nous, nous voulons corriger. C'est pour cela qu'on a proposé 75 %. Donc, quelqu'un qui est aujourd'hui dans la fonction publique, qui va faire ses 37,5 ans aujourd'hui, il a une certaine retraite. Maintenant, nous allons lui demander, en effet, en 2008, de faire 40 ans. Mais, il aura la même retraite à 40 ans qu'à 37,5 ans, c'est-à-dire qu'il va conserver sa retraite. Si on travaille plus, c'est pour sauver la retraite, il n'y aura pas une baisse du taux de retraite. C'est pour ça que c'est très important. "
Pour ceux qui choisissent de travailler davantage.
" Pour ceux qui choisissent de travailler davantage. L'infirmière dont je vous parlais tout à l'heure, si elle fait 2,5 ans de plus, elle touchera sa retraite,
1.400 euros nets. Si elle me dit " moi, je ne travaille qu'une année de plus, je ne veux pas faire les 2,5 ans ", elle ne touchera que 94 % de sa retraite à ce moment-là, ça veut dire 1.300 euros nets. "
Ce sont des calculs un peu compliqués. Mais, l'agent de la fonction publique dans cette réforme, qui va passer de 37,5 ans à 40 ans, touchera moins en travaillant 40 ans qu'il touchait en 37,5 ans ? Il serait à 66 % en moyenne...
" Non. Non, non, non. Non... Parce que ce qu'il touche aujourd'hui, en 2020, ça va s'effondrer. C'est là, le problème. "
Oui, dans l'hypothèse où le système court à la catastrophe, ce qui est sans doute réel d'ailleurs.
" L'hypothèse est une réalité. Il y a de moins en moins de gens aujourd'hui qui payent et de plus en plus de gens qui touchent ; donc le système va dans le mur. Nous sommes dans l'impasse. Donc, quand on dit aux gens qu'ils toucheront moins, c'est un mensonge. Il va y avoir un effondrement, et notre réforme, c'est pour éviter l'effondrement et on corrige. Et l'infirmière dont je vous parle, elle aura, au bout de 40 ans de travail, exactement la retraite qu'elle avait avant, 37,5 ans. C'est-à-dire que c'est un effort, c'est un effort pour tous, c'est un effort d'équité, mais ce n'est pas une pénalisation sur la retraite. "
Les syndicats disent autre chose, ils disent que ce n'est pas un effort pour tous parce qu'on aurait pu élargir l'assiette de cotisations, par exemple, aux revenus du capital, par exemple, à certains autres revenus, des primes ou des stock-options, et ainsi, tout le monde aurait financé l'effort.
- " D'abord, toujours sur l'infirmière par rapport à ce qu'on a dit tout à l'heure, celles qui touchent des primes, on va mettre une caisse de retraite pour pouvoir prendre en compte une part de ces primes. Et puis, pour ce qui est de l'augmentation des cotisations, moi, j'ai répondu non. Parce qu'augmenter les cotisations ou, élargir l'assiette, aujourd'hui, dans la situation économique dans laquelle on est, il ne faut pas pénaliser le travail. On a besoin du travail, on a besoin du pouvoir d'achat. Donc, je n'ai pas voulu toucher... "
Là, c'est les revenus du capital dont parlait la CGT, par exemple.
" Mais, souvent, si vous allez pénaliser les entreprises, vous pénalisez l'emploi. Donc, aujourd'hui... "
Ce n'était pas le moment.
" La politique que nous menons, c'est une politique d'allègements de charges et d'allègements d'impôts. Donc, si je dis aux Français que je veux la baisse des charges et la baisse des impôts, ce n'est pas pour augmenter les cotisations. Donc, nous demandons un effort partagé. Mais, il y a à côté de cet effort et en équilibre, il y a un certain nombre de vrais progrès. Dans le privé, quand vous partiez un an avant les 40 ans, vous aviez une décote de 10 %, maintenant, ce sera seulement 6 %. Donc, on va faire un certain nombre d'efforts. Et j'entendais tout à l'heure, vous disiez, les cheminots se mettent en grève ou EDF se met en grève, je dois dire clairement... "
Pas tous, mais FO Cheminots et SUD Rail...
- " Je dois dire clairement que les régimes spéciaux ne sont pas concernés par cette réforme. "
Pour l'instant. Ils le seront demain ?
" Ils ne sont pas concernés par cette réforme. Donc, je le dis très clairement, c'est pour ça que je suis pour le dialogue. Nous avons fait des propositions, ma porte est ouverte, je suis attentif à toutes les propositions. Je peux vous dire que ce matin, en Conseil des ministres, le président de la République a dit qu'il fallait être très attentif sur les petites retraites. Je suis d'accord pour un coup de pouce pour les petites retraites. Je suis d'accord pour qu'on fasse des efforts... "
Pour les smicards, ceux qui ont eu le SMIC, ceux qui ont touché le SMIC tout au long de leur vie, vous, vous dites 75 %. Même au sein de l'UMP, certains réclament 80, 85. Est-ce que là, il y a du grain à moudre ?
" Je suis ouvert à toute proposition constructive pour donner un coup de pouce sur les petites retraites. Mais, ce que je dis clairement : aujourd'hui, c'est 80 %. Mais si on ne fait pas de réforme, ce sera 60 %. Et donc, quand on dit qu'on fait 75 %, on augmente. Ce qui n'est pas dit, ce qui est un mensonge, c'est que si on ne fait pas de réforme, il y aura un effondrement des retraites et on verra les pensions diviser par deux. Moi, je veux sauver la retraite par répartition. C'est ça, tout l'enjeu de cette réforme. C'est pour ça qu'elle est faite finalement dans tous les pays européens. Nous faisons comme les autres, nous faisons aujourd'hui moderniser la France pour assurer la retraite par répartition. "
Il y a quelques points précis aussi soulevés par les syndicats. Par exemple, l'inégalité devant le travail. On sait qu'en gros, l'espérance de vie d'un ouvrier est inférieure de 7 ou 8 ans à celle d'un cadre. Dans ce cadre-là, dans ce contexte-là, l'ouvrier profitera beaucoup moins longtemps de sa retraite et il aura cotisé tout autant. Est-ce qu'il ne fallait pas, est-ce qu'il y ait un moyen de différencier entre les situations pour la pénibilité du travail ?
" Nous sommes ouverts à des discussions, à des négociations. "
Cela aussi, ça peut en faire partie...
" Le dossier va continuer. Nous sommes vraiment favorables au dialogue social. Donc, nous avons déjà ouvert, pour ceux qui ont commencé à travailler à 14 ans, ceux qui ont travaillé à 14 ans, ceux qui ont travaillé à 15 ans, nous faisons une ouverture, pour qu'ils puissent partir avant 60 ans. Donc, nous faisons une ouverture, c'est la première fois, quand même, qu'on fait ce type d'ouverture, et il faut le faire dans l'intérêt général. Franchement, vous savez, cette réforme, elle n'est pas faite pour les uns contre les autres. Moi, je ne m'attaque pas au service public, il y aura des avantages pour le service public, il y a des avantages pour le service privé. "
Quand on dit équité, c'est quand même les fonctionnaires qui vont payer la note la plus lourde ?
" Et le privé, vous croyez qu'ils ne la payent pas, la note ? Quand aujourd'hui, quelqu'un qui est à la retraite dans le privé voit que c'est sur les 20 dernières années et bientôt les 25 dernières années, vous croyez que le privé n'a pas, lui aussi, sa part de contribution à cet effort national ? Tout le monde participe à cet effort, c'est en cela que c'est un effort républicain. Et c'est pour ça que vraiment, je souhaite qu'on comprenne bien qu'il y a là un effort partagé par tous. "
Les dernières informations qui nous annoncent qu'à la SNCF, par exemple, il y aura des grèves. On sait que c'est un enjeu capital parce que c'est de là que peut venir le blocage du pays. Alors, au vu de ces réactions, même s'il ne s'agit pas des syndicats majoritaires, est-ce que vous craignez ces manifestations du 13 ? Est-ce que vous craignez un blocage du pays ?
" Je suis attentif à ce qui se passe dans les manifestations. Je lis les pancartes, j'écoute les slogans. Je suis favorable au dialogue social. Cela fait un an, dans mon discours de politique générale, j'ai annoncé cette réforme des retraites. Cette réforme des retraites, le pays doit la faire dans l'intérêt de nos enfants. Notre génération ne va pas laisser ce problème-là qui est posé devant nous à nos enfants, à la génération à venir. Donc... "
Donc, pas de crainte particulière pour le 13 mai ?
" Je suis attentif, et donc j'écoute les manifestations ; j'écoute tous ceux qui ont des propositions constructives, et je travaille avec tous ceux qui veulent améliorer notre réforme pour sauver les retraites. Mais ceux qui veulent bloquer, il ne faut pas qu'ils comptent sur moi pour avoir quelque sentiment de tendresse. Je ferai cette réforme, car c'est l'intérêt du pays. "
Quitte à faire un référendum si ça bloque ?
- " Nous verrons comment les choses se passeront. En clair, le Parlement doit décider, la rue doit s'exprimer, mais ce n'est pas la rue qui gouverne. Et donc nous serons attentifs, mais je le dis avec une grande humanité... "
Ce n'est pas la rue qui gouverne, même s'il y a un million de personnes dans la rue ?
- " Mais je le dis avec grande fermeté : la République aujourd'hui est face à son avenir. On a trop longtemps tardé. Il y a des moments aussi où les Français sont tout à fait capables de comprendre la vérité et le courage nécessaire qu'il faut pour affronter l'avenir. Ce n'est pas systématiquement en reportant les problèmes qu'on construit l'avenir de la France. "
Juste un mot, tout de même sur le contexte dans lequel s'opère cette réforme : une conjoncture économique un peu déprimée et une partie budgétaire qui est assez serrée, parce qu'entre l'exécution des promesses de campagne de J. Chirac - la baisse des impôts par exemple - et puis les contraintes européennes - limiter le déficit budgétaire à moins de 3% -, c'est difficile. Les lettres de cadrage sont en train de partir en ce moment. Vous dites qu'on va faire des économies : il y aura moins de fonctionnaires l'an prochain. Mais quand on sait qu'il y a des secteurs épargnés, la sécurité, la justice, dont vous avez fait vos priorités, où va-t-on trouver ces fonctionnaires en moins ?
- " Je vais vous dire clairement. D'abord, dans la lettre de cadrage, je dis qu'il ne faut pas qu'il y ait plus de dépenses en 2004 qu'en 2003. Je veux que l'Etat apporte, dans sa propre pratique, une vraie discipline budgétaire. On doit faire des économies. Pourquoi ? Parce qu'il faut financer la baisse des charges, la baisse des impôts, pour libérer les forces vives. "
Alors où fait-on ces économies ?
- " Donc ministère par ministère, nous sommes en train de faire des réformes. J'ai reçu tous mes ministres un à un, et chacun fait un certain nombre de propositions, pour rapprocher ici des directions, ici pour recentrer des services publics. "
Avez-vous un exemple ?
- " Bien sûr qu'il y a de multiples exemples. Par exemple, la direction à Bercy, on est en train de limiter le nombre de directions ; on est en train de faire en sorte qu'il y ait plus de fonctionnaires sur le terrain au plus près, et un peu moins dans les administrations centrales. Parce que ce qu'on veut - ce n'est pas le nombre de fonctionnaires qui est le plus important, parce que les fonctionnaires ils sont là pour le service public -, c'est la qualité du service public. Et moi je respecte tous les fonctionnaires, quand ils sont évidemment au plus près du citoyen, quand ils sont en train de servir le pays. "
Vous ne dites pas : il y a trop de fonctionnaires ?
- " Je ne dis pas : il y a trop de fonctionnaires, je n'en fais pas un préalable. Je dis qu'on doit faire de la bonne gestion. Cela veut dire qu'on ne remplacera pas tous les fonctionnaires qui partent à la retraite. Mais il n'y aura aucun licenciement. Il n'y aura aucun licenciement, mais il n'y aura pas de remplacement systématique. L'Etat doit faire des économies. Si on veut que la société respire, il faut que l'Etat ait une discipline budgétaire quelque peu rigoureuse. "
Et le gel des dépenses ? Vous dites rigoureuse, le gel des dépenses ça s'appelle la rigueur. Est-ce qu'on n'est pas en train de commencer une politique de rigueur ?
- " Non, cela s'appelle la discipline budgétaire. Parce que geler les dépenses, c'est dire : " l'Etat, vous devez faire attention à toutes vos dépenses ". Cela ne veut pas dire : j'augmente les impôts des Français, j'augmente les charges des entreprises. Ça veut dire : je fais des économies sur ce qu'est aujourd'hui le fonctionnement de notre Etat, qui est quelquefois un fonctionnement un peu lourd. Et donc je crois qu'avec la décentralisation, avec la simplification administrative, avec un certain nombre de mesures que nous proposons, nous allons faire des économies. Et je souhaite que l'Etat fasse des économies pour libérer l'énergie, et des entreprises et des salariés. "
Alors puisque c'est votre premier anniversaire à Matignon, on a choisi de revenir sur ce qu'on appelle les " raffarinades ". Alors j'ai vu, dans cet ouvrage que vous avez écrit - ce sont des entretiens avec E . Mandonnet, qui est un confrère de L'Express -, qui s'appelle " La France de mai ", aux éditions Grasset, que ce terme qui était devenu presque familier, presque affectueux, vous agaçait beaucoup. Parce que vous dites qu'on ne joue pas avec un nom propre et vous y voyez un peu de mépris, ces fameuses formules qu'on appelle les " raffarinades ".
- " Non, je prends ça normalement. Je suis habitué aux débats politiques et à la critique, mais c'est vrai que je respecte toujours les autres, et je crois que, dans la vie politique, il faut respecter les autres. Il faut respecter l'identité de quelqu'un, il faut respecter aussi son nom. Vous savez, un nom, ça se partage. Ça se partage avec des enfants, ça se partage avec des parents. Donc, quand vous jouez avec le nom de quelqu'un, vous jouez avec d'autres. Je préfère qu'on critique les projets, qu'on critique les idées, plutôt qu'on s'attaque aux personnes. Je suis un humaniste. Moi je respecte mes adversaires et je trouve qu'il est quelquefois dangereux de parler d'une allure, de parler d'une apparence. C'est quelquefois dangereux de parler de ces choses-là. "
Alors, quelques formules choc de J.-P. Raffarin, on n'emploiera pas le nom qui vous fâche, mais on va en entendre quelques-unes, de ces formules, J.-P. Raffarin dans le texte.
- J.-P. Raffarin, déclaration de politique générale, 3 juillet 2002 : " Dans cette situation, notre route est droite, mais la pente est forte. "
- J.-P. Raffarin, dialogue social : " Il faut toujours respecter les positions des uns et des autres, le gouvernement est un facilitateur de dialogue. "
- J.-P. Raffarin, Futuroscope, 19 avril 2003 : " Les sociétés ne sont que le résultat de l'action des hommes. Arrêtons de croire ce déterminisme que nous serions innocents de nous-mêmes. Nous sommes les créateurs de notre propre avenir. "
- J.-P. Raffarin, sécurité routière, 31 décembre 2002, M6 : " Je dis aux jeunes : la fête, c'est la vie, la vie, c'est ton visage, ta vie elle est importante pour toi, elle est importante pour tes proches, pour tes amis. "
- J.-P. Raffarin, l'homme : " On a travaillé les dossiers de proximité. Il ne faut jamais décrocher avec le terrain. "
- " Vous savez, une région, je le dis souvent, c'est un petit Matignon. "
" Il faut rester ce qu'on est. Vous savez ce que les gens me disent ? Ils me disent : " Bon courage et restez vous-même ". "
- " Sans-papiers, le coeur. "
Le temps est venu de vous dévoiler, J.-P. Raffarin. Quel est le secret ? Ce sont vos conseillers en communication qui préparent ces formules ou elles vous viennent comme ça ?
" C'est naturel. Mais vous savez... "
C'est spontané ?
" Mais forcément, c'est une forme d'expression personnelle. Et puis, cela vient aussi de mes convictions. Quand je me bats pour la sécurité routière, quand je dis aux jeunes " La vie, c'est ton visage ", c'est parce que j'ai vu les visages abîmés définitivement. Et l'une de mes plus grandes fiertés aujourd'hui, c'est que la mobilisation gouvernementale a permis d'économiser, de sauver plus de 1.000 vies sur les routes de France. Donc, de temps en temps, on a besoin de faire partager sa conviction, on a besoin de parler directement. Je ne suis pas énarque, je ne parle pas forcément un langage très sophistiqué, je parle directement, comme je suis. Et je peux vous dire que c'est ce qu'attendent les Français ; souvent, c'est qu'ils comprennent ce que dit l'homme politique. "
Un mot pour terminer. Après un an passé à Matignon, s'il y avait une réalisation dont vous êtes le plus fier, et un domaine dans lequel vous avez des regrets ?
- " La réalisation dont je suis le plus fier, c'est probablement ce que nous faisons sur la vie des Français en ce qui concerne la sécurité routière ou le plan anticancer. C'est aussi la décentralisation, la République décentralisée, la réforme constitutionnelle avec le référendum en Corse le 6 juillet. Ce sont des vraies réformes. La chute de la délinquance, il y a vraiment quelques satisfactions, mais nous n'en sommes pas au bilan, et en tous cas, il n'y a pas d'autosatisfaction. En revanche, il y a aussi des déceptions. J'aurais bien aimé qu'on puisse convaincre les pays latins de nous suivre sur l'Irak. Quand j'ai eu une discussion avec J. Aznar, on a eu quelques douleurs, là. Donc, quelquefois aussi, les longueurs administratives. Je vois, sur les ordonnances et la simplification que tout ça est lourd et demande beaucoup d'énergie. Donc, il y a beaucoup à faire. Et donc pour moi, ce livre n'est ni un bilan ni un projet : c'est simplement le récit en direct de Matignon, la vie passée au quotidien, comme une sorte de reportage dans l'action du gouvernement. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 juillet 2003)
( Reportage d'A. Kara sur la méthode de communication de J.-P. Raffarin)
Quinze millions d'euros, coût de la campagne de communication pour les retraites ; c'est le chiffre avancé. Le confirmez-vous ?
" C'est le budget habituel du ministère du Travail ; il n'y a pas de changement. C'est dans le cadre du budget habituel du ministère, comme tous les ans. Donc, cette année, on a choisi le thème des retraites parce que c'est un thème pour lequel, il faut de l'information, il faut de la pédagogie. Et puis, il faut aussi de la vérité. Parce que je crois qu'il y a beaucoup de choses qu'il faut dire aujourd'hui, qui ne sont pas exactes quand on entend quelques fois un certain nombre de gens s'exprimer. Donc, moi, je suis venu vous dire la vérité. Par exemple, tout à l'heure, j'ai vu dans le reportage une jeune femme aide-soignante : les infirmières et les aides-soignantes sont des personnes pour lesquelles la nation doit avoir la plus grande des considérations. Prenons un exemple très concret, une infirmière, Cécile, 51 ans, elle voudrait prendre sa retraite à l'âge moyen de toutes les infirmières, 56,5 ans, donc elle demande : est-ce que je vais avoir une retraite qui va baisser ? Je lui réponds clairement : si vous partez en 2008, comme vous devez le faire, comme vous avez prévu de le faire, comme les autres, à 56,5 ans, vous aurez travaillé 2 ans de plus, 2,5 ans exactement et vous aurez votre retraite à taux plein : 1.400 euros nets. Si vous travaillez... "
En travaillant un peu plus ?
" En travaillant 2,5 ans de plus. C'est-à-dire, quand on dit, vous allez travailler plus pour toucher moins, c'est faux. On va travailler plus, et c'est un effort partagé, mais pour garder la retraite. Parce que ce qu'on oublie de dire, c'est qu'aujourd'hui, la retraite, elle est en danger et que les retraites, elles vont s'effondrer si on ne fait pas la réforme. Prenons un autre exemple : le SMIC. Sur le SMIC, aujourd'hui, quelqu'un qui a fait toute sa carrière... "
J.-P. Raffarin, puisque vous citiez cet exemple, sur le travailler plus et toucher moins, ceux qui vont aujourd'hui travailler 40 ans parmi les fonctionnaires au lieu de 37,5 ans, toucheront également moins puisque le taux moyen de pension sera de 66 % alors qu'avant, il était beaucoup plus élevé. On travaillera plus et on touchera moins.
" Non. Si vous prenez la situation actuelle, nous allons avoir des retraites qui s'effondrent si on ne fait pas la réforme. Quelqu'un qui a travaillé tout le temps au SMIC, aujourd'hui, c'est 81 %. Mais si on ne fait pas de réforme, en 2020, ce sera 60 %. C'est l'effondrement. Nous, nous voulons corriger. C'est pour cela qu'on a proposé 75 %. Donc, quelqu'un qui est aujourd'hui dans la fonction publique, qui va faire ses 37,5 ans aujourd'hui, il a une certaine retraite. Maintenant, nous allons lui demander, en effet, en 2008, de faire 40 ans. Mais, il aura la même retraite à 40 ans qu'à 37,5 ans, c'est-à-dire qu'il va conserver sa retraite. Si on travaille plus, c'est pour sauver la retraite, il n'y aura pas une baisse du taux de retraite. C'est pour ça que c'est très important. "
Pour ceux qui choisissent de travailler davantage.
" Pour ceux qui choisissent de travailler davantage. L'infirmière dont je vous parlais tout à l'heure, si elle fait 2,5 ans de plus, elle touchera sa retraite,
1.400 euros nets. Si elle me dit " moi, je ne travaille qu'une année de plus, je ne veux pas faire les 2,5 ans ", elle ne touchera que 94 % de sa retraite à ce moment-là, ça veut dire 1.300 euros nets. "
Ce sont des calculs un peu compliqués. Mais, l'agent de la fonction publique dans cette réforme, qui va passer de 37,5 ans à 40 ans, touchera moins en travaillant 40 ans qu'il touchait en 37,5 ans ? Il serait à 66 % en moyenne...
" Non. Non, non, non. Non... Parce que ce qu'il touche aujourd'hui, en 2020, ça va s'effondrer. C'est là, le problème. "
Oui, dans l'hypothèse où le système court à la catastrophe, ce qui est sans doute réel d'ailleurs.
" L'hypothèse est une réalité. Il y a de moins en moins de gens aujourd'hui qui payent et de plus en plus de gens qui touchent ; donc le système va dans le mur. Nous sommes dans l'impasse. Donc, quand on dit aux gens qu'ils toucheront moins, c'est un mensonge. Il va y avoir un effondrement, et notre réforme, c'est pour éviter l'effondrement et on corrige. Et l'infirmière dont je vous parle, elle aura, au bout de 40 ans de travail, exactement la retraite qu'elle avait avant, 37,5 ans. C'est-à-dire que c'est un effort, c'est un effort pour tous, c'est un effort d'équité, mais ce n'est pas une pénalisation sur la retraite. "
Les syndicats disent autre chose, ils disent que ce n'est pas un effort pour tous parce qu'on aurait pu élargir l'assiette de cotisations, par exemple, aux revenus du capital, par exemple, à certains autres revenus, des primes ou des stock-options, et ainsi, tout le monde aurait financé l'effort.
- " D'abord, toujours sur l'infirmière par rapport à ce qu'on a dit tout à l'heure, celles qui touchent des primes, on va mettre une caisse de retraite pour pouvoir prendre en compte une part de ces primes. Et puis, pour ce qui est de l'augmentation des cotisations, moi, j'ai répondu non. Parce qu'augmenter les cotisations ou, élargir l'assiette, aujourd'hui, dans la situation économique dans laquelle on est, il ne faut pas pénaliser le travail. On a besoin du travail, on a besoin du pouvoir d'achat. Donc, je n'ai pas voulu toucher... "
Là, c'est les revenus du capital dont parlait la CGT, par exemple.
" Mais, souvent, si vous allez pénaliser les entreprises, vous pénalisez l'emploi. Donc, aujourd'hui... "
Ce n'était pas le moment.
" La politique que nous menons, c'est une politique d'allègements de charges et d'allègements d'impôts. Donc, si je dis aux Français que je veux la baisse des charges et la baisse des impôts, ce n'est pas pour augmenter les cotisations. Donc, nous demandons un effort partagé. Mais, il y a à côté de cet effort et en équilibre, il y a un certain nombre de vrais progrès. Dans le privé, quand vous partiez un an avant les 40 ans, vous aviez une décote de 10 %, maintenant, ce sera seulement 6 %. Donc, on va faire un certain nombre d'efforts. Et j'entendais tout à l'heure, vous disiez, les cheminots se mettent en grève ou EDF se met en grève, je dois dire clairement... "
Pas tous, mais FO Cheminots et SUD Rail...
- " Je dois dire clairement que les régimes spéciaux ne sont pas concernés par cette réforme. "
Pour l'instant. Ils le seront demain ?
" Ils ne sont pas concernés par cette réforme. Donc, je le dis très clairement, c'est pour ça que je suis pour le dialogue. Nous avons fait des propositions, ma porte est ouverte, je suis attentif à toutes les propositions. Je peux vous dire que ce matin, en Conseil des ministres, le président de la République a dit qu'il fallait être très attentif sur les petites retraites. Je suis d'accord pour un coup de pouce pour les petites retraites. Je suis d'accord pour qu'on fasse des efforts... "
Pour les smicards, ceux qui ont eu le SMIC, ceux qui ont touché le SMIC tout au long de leur vie, vous, vous dites 75 %. Même au sein de l'UMP, certains réclament 80, 85. Est-ce que là, il y a du grain à moudre ?
" Je suis ouvert à toute proposition constructive pour donner un coup de pouce sur les petites retraites. Mais, ce que je dis clairement : aujourd'hui, c'est 80 %. Mais si on ne fait pas de réforme, ce sera 60 %. Et donc, quand on dit qu'on fait 75 %, on augmente. Ce qui n'est pas dit, ce qui est un mensonge, c'est que si on ne fait pas de réforme, il y aura un effondrement des retraites et on verra les pensions diviser par deux. Moi, je veux sauver la retraite par répartition. C'est ça, tout l'enjeu de cette réforme. C'est pour ça qu'elle est faite finalement dans tous les pays européens. Nous faisons comme les autres, nous faisons aujourd'hui moderniser la France pour assurer la retraite par répartition. "
Il y a quelques points précis aussi soulevés par les syndicats. Par exemple, l'inégalité devant le travail. On sait qu'en gros, l'espérance de vie d'un ouvrier est inférieure de 7 ou 8 ans à celle d'un cadre. Dans ce cadre-là, dans ce contexte-là, l'ouvrier profitera beaucoup moins longtemps de sa retraite et il aura cotisé tout autant. Est-ce qu'il ne fallait pas, est-ce qu'il y ait un moyen de différencier entre les situations pour la pénibilité du travail ?
" Nous sommes ouverts à des discussions, à des négociations. "
Cela aussi, ça peut en faire partie...
" Le dossier va continuer. Nous sommes vraiment favorables au dialogue social. Donc, nous avons déjà ouvert, pour ceux qui ont commencé à travailler à 14 ans, ceux qui ont travaillé à 14 ans, ceux qui ont travaillé à 15 ans, nous faisons une ouverture, pour qu'ils puissent partir avant 60 ans. Donc, nous faisons une ouverture, c'est la première fois, quand même, qu'on fait ce type d'ouverture, et il faut le faire dans l'intérêt général. Franchement, vous savez, cette réforme, elle n'est pas faite pour les uns contre les autres. Moi, je ne m'attaque pas au service public, il y aura des avantages pour le service public, il y a des avantages pour le service privé. "
Quand on dit équité, c'est quand même les fonctionnaires qui vont payer la note la plus lourde ?
" Et le privé, vous croyez qu'ils ne la payent pas, la note ? Quand aujourd'hui, quelqu'un qui est à la retraite dans le privé voit que c'est sur les 20 dernières années et bientôt les 25 dernières années, vous croyez que le privé n'a pas, lui aussi, sa part de contribution à cet effort national ? Tout le monde participe à cet effort, c'est en cela que c'est un effort républicain. Et c'est pour ça que vraiment, je souhaite qu'on comprenne bien qu'il y a là un effort partagé par tous. "
Les dernières informations qui nous annoncent qu'à la SNCF, par exemple, il y aura des grèves. On sait que c'est un enjeu capital parce que c'est de là que peut venir le blocage du pays. Alors, au vu de ces réactions, même s'il ne s'agit pas des syndicats majoritaires, est-ce que vous craignez ces manifestations du 13 ? Est-ce que vous craignez un blocage du pays ?
" Je suis attentif à ce qui se passe dans les manifestations. Je lis les pancartes, j'écoute les slogans. Je suis favorable au dialogue social. Cela fait un an, dans mon discours de politique générale, j'ai annoncé cette réforme des retraites. Cette réforme des retraites, le pays doit la faire dans l'intérêt de nos enfants. Notre génération ne va pas laisser ce problème-là qui est posé devant nous à nos enfants, à la génération à venir. Donc... "
Donc, pas de crainte particulière pour le 13 mai ?
" Je suis attentif, et donc j'écoute les manifestations ; j'écoute tous ceux qui ont des propositions constructives, et je travaille avec tous ceux qui veulent améliorer notre réforme pour sauver les retraites. Mais ceux qui veulent bloquer, il ne faut pas qu'ils comptent sur moi pour avoir quelque sentiment de tendresse. Je ferai cette réforme, car c'est l'intérêt du pays. "
Quitte à faire un référendum si ça bloque ?
- " Nous verrons comment les choses se passeront. En clair, le Parlement doit décider, la rue doit s'exprimer, mais ce n'est pas la rue qui gouverne. Et donc nous serons attentifs, mais je le dis avec une grande humanité... "
Ce n'est pas la rue qui gouverne, même s'il y a un million de personnes dans la rue ?
- " Mais je le dis avec grande fermeté : la République aujourd'hui est face à son avenir. On a trop longtemps tardé. Il y a des moments aussi où les Français sont tout à fait capables de comprendre la vérité et le courage nécessaire qu'il faut pour affronter l'avenir. Ce n'est pas systématiquement en reportant les problèmes qu'on construit l'avenir de la France. "
Juste un mot, tout de même sur le contexte dans lequel s'opère cette réforme : une conjoncture économique un peu déprimée et une partie budgétaire qui est assez serrée, parce qu'entre l'exécution des promesses de campagne de J. Chirac - la baisse des impôts par exemple - et puis les contraintes européennes - limiter le déficit budgétaire à moins de 3% -, c'est difficile. Les lettres de cadrage sont en train de partir en ce moment. Vous dites qu'on va faire des économies : il y aura moins de fonctionnaires l'an prochain. Mais quand on sait qu'il y a des secteurs épargnés, la sécurité, la justice, dont vous avez fait vos priorités, où va-t-on trouver ces fonctionnaires en moins ?
- " Je vais vous dire clairement. D'abord, dans la lettre de cadrage, je dis qu'il ne faut pas qu'il y ait plus de dépenses en 2004 qu'en 2003. Je veux que l'Etat apporte, dans sa propre pratique, une vraie discipline budgétaire. On doit faire des économies. Pourquoi ? Parce qu'il faut financer la baisse des charges, la baisse des impôts, pour libérer les forces vives. "
Alors où fait-on ces économies ?
- " Donc ministère par ministère, nous sommes en train de faire des réformes. J'ai reçu tous mes ministres un à un, et chacun fait un certain nombre de propositions, pour rapprocher ici des directions, ici pour recentrer des services publics. "
Avez-vous un exemple ?
- " Bien sûr qu'il y a de multiples exemples. Par exemple, la direction à Bercy, on est en train de limiter le nombre de directions ; on est en train de faire en sorte qu'il y ait plus de fonctionnaires sur le terrain au plus près, et un peu moins dans les administrations centrales. Parce que ce qu'on veut - ce n'est pas le nombre de fonctionnaires qui est le plus important, parce que les fonctionnaires ils sont là pour le service public -, c'est la qualité du service public. Et moi je respecte tous les fonctionnaires, quand ils sont évidemment au plus près du citoyen, quand ils sont en train de servir le pays. "
Vous ne dites pas : il y a trop de fonctionnaires ?
- " Je ne dis pas : il y a trop de fonctionnaires, je n'en fais pas un préalable. Je dis qu'on doit faire de la bonne gestion. Cela veut dire qu'on ne remplacera pas tous les fonctionnaires qui partent à la retraite. Mais il n'y aura aucun licenciement. Il n'y aura aucun licenciement, mais il n'y aura pas de remplacement systématique. L'Etat doit faire des économies. Si on veut que la société respire, il faut que l'Etat ait une discipline budgétaire quelque peu rigoureuse. "
Et le gel des dépenses ? Vous dites rigoureuse, le gel des dépenses ça s'appelle la rigueur. Est-ce qu'on n'est pas en train de commencer une politique de rigueur ?
- " Non, cela s'appelle la discipline budgétaire. Parce que geler les dépenses, c'est dire : " l'Etat, vous devez faire attention à toutes vos dépenses ". Cela ne veut pas dire : j'augmente les impôts des Français, j'augmente les charges des entreprises. Ça veut dire : je fais des économies sur ce qu'est aujourd'hui le fonctionnement de notre Etat, qui est quelquefois un fonctionnement un peu lourd. Et donc je crois qu'avec la décentralisation, avec la simplification administrative, avec un certain nombre de mesures que nous proposons, nous allons faire des économies. Et je souhaite que l'Etat fasse des économies pour libérer l'énergie, et des entreprises et des salariés. "
Alors puisque c'est votre premier anniversaire à Matignon, on a choisi de revenir sur ce qu'on appelle les " raffarinades ". Alors j'ai vu, dans cet ouvrage que vous avez écrit - ce sont des entretiens avec E . Mandonnet, qui est un confrère de L'Express -, qui s'appelle " La France de mai ", aux éditions Grasset, que ce terme qui était devenu presque familier, presque affectueux, vous agaçait beaucoup. Parce que vous dites qu'on ne joue pas avec un nom propre et vous y voyez un peu de mépris, ces fameuses formules qu'on appelle les " raffarinades ".
- " Non, je prends ça normalement. Je suis habitué aux débats politiques et à la critique, mais c'est vrai que je respecte toujours les autres, et je crois que, dans la vie politique, il faut respecter les autres. Il faut respecter l'identité de quelqu'un, il faut respecter aussi son nom. Vous savez, un nom, ça se partage. Ça se partage avec des enfants, ça se partage avec des parents. Donc, quand vous jouez avec le nom de quelqu'un, vous jouez avec d'autres. Je préfère qu'on critique les projets, qu'on critique les idées, plutôt qu'on s'attaque aux personnes. Je suis un humaniste. Moi je respecte mes adversaires et je trouve qu'il est quelquefois dangereux de parler d'une allure, de parler d'une apparence. C'est quelquefois dangereux de parler de ces choses-là. "
Alors, quelques formules choc de J.-P. Raffarin, on n'emploiera pas le nom qui vous fâche, mais on va en entendre quelques-unes, de ces formules, J.-P. Raffarin dans le texte.
- J.-P. Raffarin, déclaration de politique générale, 3 juillet 2002 : " Dans cette situation, notre route est droite, mais la pente est forte. "
- J.-P. Raffarin, dialogue social : " Il faut toujours respecter les positions des uns et des autres, le gouvernement est un facilitateur de dialogue. "
- J.-P. Raffarin, Futuroscope, 19 avril 2003 : " Les sociétés ne sont que le résultat de l'action des hommes. Arrêtons de croire ce déterminisme que nous serions innocents de nous-mêmes. Nous sommes les créateurs de notre propre avenir. "
- J.-P. Raffarin, sécurité routière, 31 décembre 2002, M6 : " Je dis aux jeunes : la fête, c'est la vie, la vie, c'est ton visage, ta vie elle est importante pour toi, elle est importante pour tes proches, pour tes amis. "
- J.-P. Raffarin, l'homme : " On a travaillé les dossiers de proximité. Il ne faut jamais décrocher avec le terrain. "
- " Vous savez, une région, je le dis souvent, c'est un petit Matignon. "
" Il faut rester ce qu'on est. Vous savez ce que les gens me disent ? Ils me disent : " Bon courage et restez vous-même ". "
- " Sans-papiers, le coeur. "
Le temps est venu de vous dévoiler, J.-P. Raffarin. Quel est le secret ? Ce sont vos conseillers en communication qui préparent ces formules ou elles vous viennent comme ça ?
" C'est naturel. Mais vous savez... "
C'est spontané ?
" Mais forcément, c'est une forme d'expression personnelle. Et puis, cela vient aussi de mes convictions. Quand je me bats pour la sécurité routière, quand je dis aux jeunes " La vie, c'est ton visage ", c'est parce que j'ai vu les visages abîmés définitivement. Et l'une de mes plus grandes fiertés aujourd'hui, c'est que la mobilisation gouvernementale a permis d'économiser, de sauver plus de 1.000 vies sur les routes de France. Donc, de temps en temps, on a besoin de faire partager sa conviction, on a besoin de parler directement. Je ne suis pas énarque, je ne parle pas forcément un langage très sophistiqué, je parle directement, comme je suis. Et je peux vous dire que c'est ce qu'attendent les Français ; souvent, c'est qu'ils comprennent ce que dit l'homme politique. "
Un mot pour terminer. Après un an passé à Matignon, s'il y avait une réalisation dont vous êtes le plus fier, et un domaine dans lequel vous avez des regrets ?
- " La réalisation dont je suis le plus fier, c'est probablement ce que nous faisons sur la vie des Français en ce qui concerne la sécurité routière ou le plan anticancer. C'est aussi la décentralisation, la République décentralisée, la réforme constitutionnelle avec le référendum en Corse le 6 juillet. Ce sont des vraies réformes. La chute de la délinquance, il y a vraiment quelques satisfactions, mais nous n'en sommes pas au bilan, et en tous cas, il n'y a pas d'autosatisfaction. En revanche, il y a aussi des déceptions. J'aurais bien aimé qu'on puisse convaincre les pays latins de nous suivre sur l'Irak. Quand j'ai eu une discussion avec J. Aznar, on a eu quelques douleurs, là. Donc, quelquefois aussi, les longueurs administratives. Je vois, sur les ordonnances et la simplification que tout ça est lourd et demande beaucoup d'énergie. Donc, il y a beaucoup à faire. Et donc pour moi, ce livre n'est ni un bilan ni un projet : c'est simplement le récit en direct de Matignon, la vie passée au quotidien, comme une sorte de reportage dans l'action du gouvernement. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 juillet 2003)