Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec son homologue allemand, sur les relations franco-allemandes, le projet de Constitution européenne et le Proche-Orient, Berlin le 19 avril 2004.

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Circonstance : Voyage en Allemagne de Michel Barnier, à Berlin le 19 avril 2004

Texte intégral

Danke schön Joschka. Guten Tag meine Damen und Herren, ich freue mich sehr, Sie wieder zu sehen. Et je vais continuer en français, puisque ce sera plus commode pour chacun d'entre vous.
Je dis vous retrouver parce que probablement nous nous sommes déjà rencontrés les uns ou les autres dans d'autres circonstances. Comme Joschka Fischer l'a relevé avec un peu de malice, j'ai eu l'occasion de beaucoup venir en Allemagne depuis cinq ans, et de visiter presque tour à tour chacun des Länder allemands dans le cadre de mes fonctions de commissaire pour la politique régionale, mais aussi d'avoir des dialogues de qualité avec le Bundesrat, avec le Bundestag, et avec le gouvernement puisque je crois avoir été l'un des premiers non-allemands à être reçu officiellement par le Conseil des ministres ici à la chancellerie.
Ce dialogue a toujours été pour moi important, y compris d'abord dans les moments les plus difficiles que nous vivons quelquefois entre nous Européens ; je pense à ce qui s'est passé en Allemagne il y a deux ans, avec les inondations qui ont touché une grande partie de l'Europe centrale. C'est d'ailleurs à la chancellerie, entre deux réunions au moment même des inondations, le 18 août, que nous avons eu cette idée, que j'ai mise en oeuvre, de la création du fonds de solidarité. En tout cas, je suis très heureux de dire mon souci de consolider, si c'est possible, en tout cas de maintenir l'amitié et la cordialité des relations que Joschka Fischer a eues pendant deux ans avec mon prédécesseur Dominique de Villepin. Et à notre niveau de ministres des Affaires étrangères, de relayer, de décentraliser, de prolonger les relations amicales, personnelles qui existent entre le chancelier fédéral et le président de la République française. Peut-être que vous ne me connaissez pas encore suffisamment, mais je dois vous dire que pour moi, personnellement, comme homme politique français, ce dialogue franco-allemand est très important. Pour une raison très précise : c'est que c'est la raison de mon engagement personnel en politique. Quand j'avais quinze ans, j'ai vu le chancelier Adenauer et le général De Gaulle se serrer la main. J'ai cette photo dans mon bureau depuis l'âge de quinze ans. Je suis devenu gaulliste et européen le même jour à cause de ce geste. Je n'ai pas changé.
Si nous en venons très rapidement aux sujets qu'a évoqués Joschka, je veux dire à mon tour le souci que nous avons de conclure le bon travail qui a été fait par la Convention pendant dix-huit mois, avec ce projet de Constitution dont l'Union européenne a besoin pour fonctionner. La présidence irlandaise travaille avec beaucoup d'intelligence, dans des conversations bilatérales, pour trouver les compromis qui sont des compromis dynamiques, qui préservent ce texte et son efficacité. Naturellement, nous avons cette échéance des élections européennes qui est très importante, et je pense qu'il faut préalablement donner un signal qui montrera que nous mettons la maison en ordre au moment où il y a tant de raisons d'agir ensemble, efficacement, à l'intérieur de l'Union et en se tournant vers l'extérieur. J'ai parlé de ce dialogue franco-allemand qui est pour moi si particulier ; naturellement il faut que ce dialogue soit ouvert aux autres. C'est dans l'esprit de cette ouverture que nous allons, les uns ou les autres, maintenir ou amplifier des contacts. Je vais par exemple dans trois jours à Madrid - ce sera la deuxième visite officielle dans l'Union pour rencontrer le nouveau ministre des Affaires étrangères espagnol, et notre souci est clairement que l'Espagne s'associe à ce dialogue, avec d'autres pays.
Sur les deux grands sujets d'inquiétude et d'instabilité au Moyen-Orient et au Proche-Orient qui nous concernent très directement, je veux confirmer ce qu'a dit Joschka Fischer tout à l'heure. En Irak, devant la spirale de violence qui se développe, nous considérons que la seule solution, la vraie solution, est une solution politique. Voilà pourquoi l'entretien que nous avons eu ensemble avec Lakhdar Brahimi, hier, et les réflexions et les propositions que, à partir de ce que dira M. Brahimi, les Nations unies et le Secrétaire général feront, sont si importantes en ce moment. Ce qui est important, c'est de faire en sorte que les prochaines, en tous cas la prochaine ou les prochaines résolutions des Nations unies, qui sont en préparation, soient utiles et crédibles ; et que les conditions du transfert de souveraineté, que tout le monde attend et qui est au coeur de cette solution politique, soient des conditions sincères et réelles. Il y a le temps de la stabilisation en Irak ; c'est l'objet de ces toutes prochaines étapes. Puis viendra, très vite après, le temps de la reconstruction dans laquelle nos deux pays, et naturellement l'Union européenne, prendront leur place. S'agissant du Proche-Orient, et là encore de l'instabilité qui s'y aggrave, nous avons redit et pas seulement nous deux, mais aussi de façon unanime tous les ministres des Affaires étrangères réunis en Irlande, notre attachement déterminé à la Feuille de route. Non seulement à son contenu mais à son état d'esprit, c'est-à-dire que quatre grands partenaires, les États-Unis bien sûr, mais aussi l'Union européenne, les Nations unies et encore la Russie - je serai ce soir à Moscou pour dîner avec M. Lavrov - restent bien ensemble. Il n'y a pas d'alternative à cette Feuille de route que le chaos. Il n'y a pas d'alternative à la concertation, notamment avec les Palestiniens, que la violence.
Voilà, je vous remercie.
Q - Monsieur le Ministre, le président Chirac a plaidé pour un processus international pour arriver à la paix au Moyen-Orient, pour une conférence internationale de paix pour le Moyen-Orient. Est-ce que celle-ci n'est pas plus que jamais à l'ordre du jour face à la détérioration de la situation ?
R - Encore une fois, ce que dira M. Brahimi, avec la compétence qui est la sienne et dont il a fait preuve en Afghanistan, est très important dans les jours qui viennent. Ce qui est important, dans un premier temps, c'est que le prochain gouvernement soit le plus représentatif et le plus crédible possible, notamment pour les différentes communautés d'Irak. Et puis, très vite après, comme M. Brahimi lui-même l'a dit, et comme le président de la République française l'a dit à Alger, ce sera l'occasion d'une conférence inter-irakienne pour consolider ce processus avant les élections de janvier 2005. Probablement, dans cette période-là, mais je ne peux pas vous dire quand, il y aura la place pour une conférence ou une réunion, qui garantira que les pays de la région et les autres pays de la communauté internationale puissent être là pour aider et consolider ce processus comme cela a été le cas pour l'Afghanistan, avec la Conférence de Bonn. Mais prenons bien les étapes une à une, et réussissons les une à une.
Q - (A propos de la Feuille de route ?)
R - Pourquoi attachons-nous tant d'importance à cette Feuille de route ? Parce qu'il n'y a pas, encore une fois, d'alternative, d'autre vision, et d'autre plan que celui qui est dans cette Feuille de route et qui a été agréé par les deux parties. C'est vrai que le retrait de Gaza est un des éléments, une des étapes de cette Feuille de route, et nous le considérons comme tel. Mais, ce n'est pas le retrait de Gaza pour solde de tout compte, et encore faudra-t-il regarder les conditions et les modalités de ce retrait de Gaza. Dans cette Feuille de route, il y a aussi une méthode, la seule méthode praticable, qui est la consultation et la concertation, notamment entre Israël et les Palestiniens, et avec les Palestiniens. On ne fera pas la paix dans cette zone seulement entre Américains et Israéliens. Il faut la faire avec les Palestiniens.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 avril 2004)