Tribune de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, dans le quotidien roumain "Adevarul" du 25 novembre 2003, sur les relations franco-roumaines, notamment dans l'administration publique, la justice, l'agriculture, en matière de politique étrangère et sur la coopération décentralisée.

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Média : Adevarul - Presse étrangère

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Après la visite en France du Premier ministre, M. Adrian Nastase, en septembre 2003, ce fut au tour du président de la Roumanie, M. Ion Iliescu d'effectuer en novembre une visite officielle très réussie dans notre pays. J'ai eu le plaisir de participer en sa compagnie à la rencontre organisée par la Chambre de commerce franco-roumaine et de prendre une fois encore toute la mesure de l'extraordinaire proximité entre Français et Roumains. Il est vrai que nos liens sont ancestraux : la Roumanie, latine et francophone, se souvient de l'appui si souvent apporté par les Français dans le passé : Quinet, Lamartine et Michelet défenseurs du peuple roumain à l'époque de l'occupation ottomane, Napoléon III, qui s'engagea en faveur de l'Union des principautés roumaines, et l'armée française qui a combattu aux côtés des Roumains pendant la Première guerre mondiale. De son côté, la Roumanie a apporté à la France des créateurs extraordinaires, tels que Tristan Tzara, Eugène Ionesco ou encore l'actrice Elvire Popesco.
L'actualité nous rapproche encore davantage, au fur et à mesure des avancées du processus d'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne. A cet égard, le rapport publié récemment par la Commission européenne reconnaît les efforts importants consentis par la Roumanie sur la voie de son adhésion. En particulier, la Commission estime que la Roumanie peut être considérée comme une économie de marché fonctionnelle dès lors que les progrès aujourd'hui constatés sont poursuivis avec persévérance. En même temps, le rapport de la Commission souligne la capacité encore insuffisante de l'administration et de la justice roumaines, malgré les réformes déjà réalisées ou engagées, ainsi que l'absolue nécessité d'accroître la lutte contre la corruption.
Si elle répond à cet appel, comme ses autorités et l'ensemble de ses forces démocratiques sont déterminées à le faire, la Roumanie réussira. Je suis convaincue qu'elle pourra dans ces conditions conclure ses négociations d'adhésion comme elle le souhaite pour pouvoir signer le Traité d'adhésion en 2005 et entrer au début de 2007 dans l'Union européenne. La France est d'autant plus attachée au respect de ce calendrier que la Roumanie est un pays avec lequel la France entretient des liens d'amitié et plus que cela, des liens d'affection.
Le soutien de la France à l'intégration européenne de la Roumanie se décline sur cinq registres tous importants : au plan politique, par de nombreux contacts bilatéraux et par ses positions dans les réunions européennes ; au plan financier, avec l'effort de solidarité croissant réalisé par l'Union européenne - au budget de laquelle la France est le deuxième contributeur - et avec ses programmes bilatéraux ; au plan technique, avec les dizaines d'experts français engagés sur les principaux chantiers de réforme - et ils sont nombreux - en Roumanie ; au plan économique, car les entreprises françaises qui ont déjà investi 1,5 milliard d'euros dans l'économie roumaine contribuent d'une manière très significative à sa modernisation ; au plan de nos sociétés civiles enfin, grâce aux milliers de partenariats noués entre ONG et collectivités territoriales des deux pays.
Je voudrais souligner, plus particulièrement, l'importance de notre coopération dans quatre domaines : l'administration publique, la justice et les affaires intérieures, l'agriculture - où, pour diverses raisons, la France et la Roumanie ont beaucoup à partager - et la coopération décentralisée.
La formation d'une nouvelle génération de hauts fonctionnaires, le travail gouvernemental et la coordination interministérielle, la décentralisation, le développement d'un corps préfectoral de professionnels, sont quelques-uns des enjeux décisifs de la réforme de l'administration publique roumaine auxquels les experts français sont associés de très près. Le Premier ministre a d'ailleurs dans son cabinet une conseillère française pour la préparation du pays à l'adhésion à l'Union européenne. Une trentaine de jeunes Roumains suivent actuellement une scolarité de longue durée à l'Ecole nationale d'administration, engagée également dans le projet de développement de l'Institut national d'administration de Roumanie.
La nomination de M. Pierre Truche, un éminent magistrat français, ancien Premier président de la Cour de cassation comme conseiller du Premier ministre roumain, évoque la proximité traditionnelle entre le droit roumain et le droit français. Mais surtout cette désignation de grande qualité témoigne de l'engagement des magistrats français dans la réforme de la justice roumaine ainsi que dans la lutte contre la corruption et contre la criminalité transfrontalière. La formation et le recrutement des magistrats ainsi que la création de juridictions spécialisées notamment pour les mineurs, sont à cet égard des exemples importants. Une commission mixte de coopération judiciaire et juridique a été créée cette année, ainsi qu'un groupe de liaison opérationnel sur la problématique des mineurs roumains en difficulté sur le sol français. De leur côté, les policiers français et roumains ont créé à Oradea un centre de coordination des contrôles aux frontières, ouvert à d'autres polices européennes.
La récente visite de mon collègue Hervé Gaymard et la signature à cette occasion d'une déclaration politique et d'un protocole de coopération ont confirmé que la France et la Roumanie, deux des principaux pays agricoles d'Europe, partagent une même vision de la Politique agricole commune (PAC). Ils accordent la même importance au développement rural et se montrent décidés à multiplier leurs actions de coopération dans ce domaine, y compris dans le domaine de la sécurité alimentaire qui est si chère aux consommateurs européens.
Plus fondamentale encore est notre coopération en matière de politique étrangère et de défense. L'entrée prochaine de la Roumanie, pour deux ans, au Conseil de sécurité des Nations unies donnera à nos deux pays l'occasion de renforcer leur concertation sur les grands dossiers et de contribuer ensemble à l'affirmation de l'identité européenne dans le monde, en pleine cohérence avec des relations transatlantiques fortes et de confiance.
Enfin, la visite en France en septembre 2003 du Premier ministre Adrian Nastase, qui a clos avec moi les Assises franco-roumaines des collectivités locales dans le département de l'Aveyron, a permis de donner une nouvelle impulsion à la coopération décentralisée, déjà très développée, et aux rencontres entre les citoyens de nos deux pays. La francophonie si vivante en Roumanie ne peut que s'en trouver encore davantage favorisée. Ce qui me réjouit, tant il importe de consolider nos liens culturels.
La France a été aux côtés de la Roumanie dans des moments décisifs de son histoire. Elle entend maintenir et renforcer son appui dans les mois et les années qui viennent afin d'accueillir au sein de la famille européenne en 2007, une Roumanie modernisée qui aura déjà beaucoup contribué à la réflexion sur l'avenir de l'Europe, une Roumanie porteuse d'une partie importante du patrimoine et du devenir de l'Europe.
Un ancien Premier ministre d'un pays d'Europe centrale a dit que les pays candidats ne voulaient pas une bouée de sauvetage ; ils veulent monter à bord. Eh bien, la Roumanie y est presque et la France reste là pour lui donner la main en attendant qu'elle entre définitivement dans la famille de l'Union européenne
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 novembre 2003)