Déclaration et point de presse de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le coup d'Etat du 9 avril au Niger, le développement, le renforcement de l'Etat de droit et l'aide française au Niger et sur l'avancée de la démocratie au Sénégal et en Afrique francophone, Niamey le 2 mars 2000.

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Circonstance : Voyage de M. Josselin au Niger du 1er au 3 mars 2000

Texte intégral

Déclaration à la résidence de l'ambassadeur de France :
Mesdames,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chef de Mission
des Organisations internationales,
Monsieur le Délégué de la Commission européenne
Et vous tous, chers amis nigériens et chers amis de la communauté française,
Laissez-moi tout d'abord vous dire combien j'apprécie que chacune et chacun d'entre vous ait bien voulu répondre à l'invitation de notre nouvel ambassadeur à Niamey, Denis Vene, et de son épouse.
Outre le plaisir de retrouver ici bien des visages amis, j'éprouve d'abord celui de renouer avec le Niger des liens momentanément distendus, et de le faire à quelques semaines seulement de la première visite officielle en France du président de la République, son excellence M. Tandja, pour concrétiser la reprise d'une coopération, elle aussi, provisoirement suspendue.
Un de nos traits d'union, votre compatriote, Ibrahim Loutou, vice-président de l'Association française d'action artistique, (désormais le commissaire général de la manifestation "Afrique en créations" qui s'ouvrira à Lille en septembre prochain) me rappelait récemment un très beau proverbe nigérien : " Le pied ne va pas où le coeur ne veut pas aller ".
Oserais-je dire qu'en dépit de ces mois d'éloignement, qui n'ont pas été pour autant des moments de total silence entre nous, l'attachement personnel que j'ai pour le Niger fait que le coeur au fond y a toujours été ?
Comme beaucoup de nos compatriotes j'ai observé avec attention et sympathie l'effort considérable qu'a fait sur soi le peuple nigérien pour tourner une page difficile de son histoire et se rassembler.
C'est aujourd'hui chose faite, et la France, comme tous les amis de ce pays, s'est réjouie et se réjouit que par le dialogue et la volonté de tous, l'édifice démocratique ait été reconstruit, qu'il soit solide, qu'il ait fait ses preuves. Cela autorise tous les espoirs : aujourd'hui le Niger est à pied d'oeuvre et nous voulons l'y aider.
Nous savons tous les nombreux défis qu'il lui faut relever et le président Tandja nous les a exposés à Paris : l'approfondissement d'une pratique démocratique patiemment réinventée ces derniers mois, le retour de la croissance économique, un projet de développement capable de mobiliser la société nigérienne et de réduire les inégalités sociales, en sont les trois termes auxquels la France naturellement souscrit, comme probablement tous les partenaires du Niger.
Ces sujets, je les ai abordés tout au long de la journée avec les autorités nigériennes et j'en retire le sentiment très fort d'une volonté étroitement conjuguée du président de la République, du gouvernement, des parlementaires pour les mettre en oeuvre. C'est une impression favorable que ne manquera pas de partager la communauté internationale. Son réengagement en faveur du Niger dépend en effet de la détermination de toute la classe politique du pays, de sa force de conviction, et de sa capacité à se poser en partenaire, déterminé à élaborer dans les meilleurs délais un projet de développement national durable et réaliste, mais aussi mobilisateur.
La durée est une évidence quand il s'agit de s'attacher à une oeuvre aussi complexe, et ce n'est pas un vain mot au regard des attentes immenses du peuple nigérien. La tentation de répondre au coup par coup à l'urgence des demandes est probablement inévitable quand il faut reconstruire et que les besoins de la vie quotidienne pressent le politique. Il faut y répondre, mais il faut aussi savoir résister aux solutions apparemment séduisantes mais qui ne ménagent pas forcément l'avenir, j'y reviendrai.
Le peuple nigérien à mes yeux dispose d'un atout considérable. La responsabilité, la maturité dont il a su faire preuve pour surmonter ses récentes épreuves sont le ciment d'un Etat de droit retrouvé au Niger. L'histoire et l'expérience nous instruisent de la fragilité de l'idée de la démocratie. Elles sont sans appel quand il faut apprécier, à l'aune de toute autre construction politique le bénéfice qu'une société engagée dans telle ou telle alternative, en retire à long terme dans le monde moderne.
Pourquoi ? Non pas seulement parce que la démocratie est la seule légitimité des pouvoirs face aux peuples, mais parce qu'elle est le seul moyen d'en faire des acteurs réels et responsables de leur développement.
Cela est vrai partout et plus encore quand on sent qu'un pays, qui n'a pas tous les atouts du climat et de la richesse dont jouissent certains autres, ne peut se construire qu'en faisant appel à toutes les énergies dont son peuple dispose. C'est le cas du Niger : la démocratie est la garantie de la mobilisation de la société nigérienne. S'y reconnaissant, elle peut maintenant gagner confiance en elle-même et se remettre au travail.
Cela comporte des devoirs pour l'Etat : la transparence, la rigueur, la pratique du dialogue pour traiter les problèmes et surmonter les difficultés. C'est ce qu'on appelle la bonne gouvernance qui ne va pas, si l'on se réfère à la durée du développement, sans une politique de ressource humaine forte, qui puisse donner aux administrations centrales et déconcentrées la compétence, le respect des populations qu'elles servent et du service qu'elles lui rendent, surtout là aussi la durée qui convient aux projets.
L'Etat de droit auquel le Niger aspirait n'est pas, vous le savez bien, une fin en soi. C'est l'outil d'un développement durable, c'est la boussole d'un projet national dont le politique sache faire le meilleur usage , garant qu'il est des valeurs qui correspondent à des aspirations simples et universelles : plus d'égalité, de prospérité et donc plus d'initiatives et de croissance pour les soutenir.
Sur ce chemin, la France comme beaucoup des partenaires du Niger, suivra avec la plus grande attention les efforts qu'il a commencé de faire.
Deuxièmement, ce pays, j'en suis sûr, est prêt à s'engager sur un projet réaliste : loin d'être péjoratif, le mot est ambitieux. Car il signifie qu'en attaquant sur tous les fronts du développement, et dans les objectifs de la méthode, les responsables de ce pays puissent convaincre la société nigérienne avec l'aide des élus, relais de l'aspiration populaire, et à l'extérieur, des partenaires attentifs à la hiérarchisation des priorités.
En annonçant au président Tandja qu'elle met à sa disposition une aide budgétaire exceptionnelle de 6 milliards de FCFA, dont j'ai signé avec le ministre des Finances la lettre cadre, la France fait un geste indispensable mais a surtout adressé un signe au Niger et à ses partenaires extérieurs. Notre amitié devait se manifester et Lionel Jospin, notre Premier ministre en a porté témoignage par cette décision.
L'essentiel maintenant est que le Niger y retrouve son souffle pour négocier de nouveaux concours multilatéraux et d'abord ceux de Bretton Woods. Le FMI est au travail et une mission du Trésor français est en cours. Ce sont de bons augures dont tout le reste dépend : le remboursement de la dette extérieure et le retour vers un meilleur confort budgétaire.
Au-delà, le réalisme consiste tout simplement à n'éluder aucune difficulté. Souvent les grands projets sont flatteurs parce qu'ils font du chiffre. Mais ce qui compte, c'est bien que tout soit fait pour que les ressources s'accroissent : l'assainissement de l'économie est une tâche immense et urgente pour retrouver la croissance. Mais derrière cela, il y a la remise au travail des administrations, l'encouragement à l'entreprise, toujours plus redevable à l'amélioration des procédures, de l'environnement de la production et de l'échange qu'aux contraintes administratives. Surtout, dans la période difficile que vous connaissez l'avenir devra beaucoup au gisement considérable de possibilités que recèle une société inventive et laborieuse. Aucun revenu n'est à négliger : dans l'agriculture, le commerce et l'artisanat ; mais tout dépend des groupements villageois, du micro-crédit, de l'amélioration de l'écoulement des productions, bref de toutes les mesures propres à valoriser ce travail.
Si l'Etat peut beaucoup, je ne saurais trop rappeler le bénéfice qu'il pourra tirer des multiples concours hors Etat dont la disponibilité existe pourvu qu'on les sollicite : artisan de la coopération décentralisée, je sais ce qu'elle peut apporter de soutien direct aux populations. Et que dire des ONG, des associations, des congrégations, de tout ce volontariat dont on voit au Niger, ici où là, le patient, discret mais immense apport aux populations ? Je veux devant vous leur rendre hommage pour leur ténacité et leur loyauté à l'idée d'un développement à échelle humaine, qui fait parfois trop défaut.
Si j'y insiste c'est aussi parce qu'on sait dans les régions nord combien cet effort a fait pour la stabilité et le mieux être des populations qui, sinon, pourraient se sentir délaissées. Et j'observe dans ce pays les prémices d'une excellente coordination entre ces multiples concours et ceux plus massifs, de coopérations multilatérales comme celle de l'Union européenne. La France qui s'investit pour une Europe forte n'oublie pas que l'Europe a vocation au développement. Venant moi-même avec l'appui du Premier ministre de lutter pour la reconstitution du fonds européen de développement, je voulais aussi vous apporter cette assurance d'une France plus proche avec une Europe plus forte à vos côtés.
Mobiliser enfin : on voit trop d'équilibres économiques se rétablir - et il le faut - sans attention suffisante aux indicateurs humains pour que je n'appelle pas mes amis nigériens, à l'heure où ils font le point, à la plus grande vigilance sur une mobilisation qui puisse aussi améliorer la vie des populations.
Nous avons depuis longtemps travaillé ensemble sur l'éducation et la santé et nous poursuivrons. J'ai la puissante conviction que l'initiative est à la base pour que les services sociaux soient aussi proches que possible des populations. C'est à cette condition qu'elles s'y investiront et n'attendront pas tout de l'Etat, et surtout que des indicateurs humains aujourd'hui inquiétants, commenceront de s'inverser. Il faut ici un schéma global, concret, régulateur. Mais on voit bien qu'il n'aura de chances de convaincre que si tout le monde s'y investit : les personnels et leurs syndicats, les collectivités dans le cadre d'une décentralisation accrue, les populations elles-mêmes dont on est souvent étonnés, si pauvres soient-elles, des efforts qu'elle sont prêtes à y consentir pourvu qu'elles y soient associées.
Nous avons à Paris été extrêmement sensibles à la vision que nous a proposée le président Tandja d'une société où les femmes seraient mieux reconnues, progressivement affranchies d'écrasantes tâches domestiques et laborieuses par des formes d'organisation qui libèrent leur initiative. Et je forme le voeu que sur ce sujet extrêmement fort, déterminant, le partenariat autour du Niger suive vos initiatives tant on voit le progrès qu'en pourrait tirer la société nigérienne.
Mesdames, Messieurs les Ministres, les Parlementaires, chers amis nigériens et français,
Ma passion pour le Niger m'entraîne, je le vois bien, vers un plaidoyer qui revient d'abord aux nigériens, ils ne m'en voudront pas et y verront, je veux le croire, la volonté de la France de faire avec eux le chemin qu'ils ont pris.
J'ai dit avec et pas à leur place - votre diplomatie et notre coopération ont tourné la page du faire et même du faire-faire. Personne n'a d'instruction à donner, encore moins à recevoir. Il y a une réalité, qui est là, à transformer. Dans mon entendement, c'est la responsabilité du Niger et la sienne seule.
Voilà pourquoi dans les discussions que nous avons entamées aujourd'hui et qui déboucheront à très brève échéance sur une revue de projets, j'ai insisté sur un projet national soutenu d'abord par une expertise nationale. La nôtre et je l'espère celle de nos partenaires ne venant qu'en appoint, et quand il le faut vraiment, aux responsables. Et j'ai insisté aussi beaucoup sur l'indispensable coordination des partenaires externes du Niger pour que sa responsabilité soit totalement assumée et qu'aucune déperdition ne soit à déplorer dans les investissements qui vont être faits dans l'avenir proche.
Profitons de la chance d'une page nouvelle à écrire dans l'histoire du Niger, donnons-nous l'audace de ce partenariat dont l'idée, si souvent avancée, rencontre trop souvent l'inertie des habitudes et de la facilité. Le Niger et sa jeunesse ont tout à y gagner et la France le sait bien, nous n'avons rien à y perdre.
Cette idée est à l'oeuvre, partout. Elle fait souffler sur nos échanges un air de liberté et de responsabilité qui fait bon à nos relations.
Le Niger de ce point de vue peut témoigner de son expérience et de l'avantage qu'il retire de sa récente de l'épreuve. Le 20 mars, il accueillera la francophonie, pour le trentenaire de son agence inter-gouvernementale, dont il fut et reste le berceau. Là aussi un air nouveau souffle : pour le respect de la diversité, pour les progrès démocratiques, pour des échanges intellectuels et culturels ouverts.
Il sera bon que la toute jeune démocratie nigérienne restaurée en porte témoignage et la France là encore s'en réjouit.
Vive le Niger
Vive la démocratie nigérienne
Vive la coopération entre la France et le Niger.
( Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mars 2000)
Point de presse :
Q - Actuellement les Sénégalais sont en train de vivre les meilleures élections jamais organisées dans leur pays pendant 40 ans. En Côte d'Ivoire tout laisse croire qu'on aura aussi des élections transparentes en octobre ; au Burkina, les Autorités sont en train de faire des concessions à l'opposition ; au Mali, le président a dit qu'il ne va pas briguer un troisième mandat. Donc un peu partout, quand on regarde en Afrique francophone il y a une avancée significative qui est en train d'être faite au niveau des idées. Alors, quand on regarde, tous ces événements ne seraient pas intervenus sans le coup d'Etat du 9 avril 1999, coup d'état qui a été très mal apprécié par Paris. Est-ce que maintenant, avec le recul et eu égard à ces avancées dues à ce coup d'Etat, est-ce que Paris n'avait pas très mal apprécié la portée des événements du 9 avril 1999 ?
R - Si nous pouvons aujourd'hui nous réjouir en voyant le Niger sortir de cette crise dans laquelle l'avait plongé les événements du 9 avril, vous ne pourrez quand même pas me convaincre qu'il faille considérer que les événements comme ceux du 9 avril sont le moyen le plus démocratique d'organiser le changement. La France a condamné les événements du 9 avril et là, conformément d'ailleurs aux règles qu'elle s'impose au sein de l'Union européenne a suspendu sa coopération mais elle n'a eu de cesse de contribuer au rétablissement de la démocratie au travers des messages qu'elle a fait passer à tous les acteurs de la vie politique nigérienne et, je le répète, nous nous sommes réjouis que les Nigériens se soient donnés par les urnes un pouvoir relégitimé en quelque sorte, ce qui est pour nous tout à fait essentiel. Nous avons eu très vite la visite du président Tandja à Paris et les gestes que le gouvernement français, à la demande précise de Lionel Jospin, a effectués à cette occasion à son encontre. La France à voulu, très vite, reprendre sa coopération, convaincue qu'elle est que le Niger a un besoin urgent d'appui et de la solidarité internationale. Mais si nous pouvons dans d'autres circonstances, dans d'autres pays, observer que là aussi, il n'y a pas eu trop de violence à l'occasion de certains coups de force, on ne peut pas pour autant, je le répète considérer que le mode normal de transfert du pouvoir serait un coup de force ou un coup d'Etat. J'espère bien que le Niger saura durablement se mettre à l'écart, désormais, d'événement de ce type ; car, si pour l'instant on s'en sort bien - le Niger aussi - cette suspension de la coopération aura quand même eu incontestablement des effets négatifs sur la situation économique et sociale du Niger ce qui oblige le nouveau gouvernement et le nouveau président à un surcroît d'effort.
Q - Vous venez donc de consacrer le réchauffement des relations entre la France et le Niger à travers 60 millions de francs d'aide budgétaire que vous avez apportés à notre pays ; de l'autre côte on sait qu'avec l'installation des nouvelles autorités de la Vème République l'Union européenne avait réitéré sa position, celle de voir se tenir dans notre pays une enquête internationale sur les circonstances qui avaient eu lieu, donc la mort du général Baré, le 9 avril.
Le commandant Wanké est souvent présenté par la presse officielle européenne comme étant un Amadou Toumani Touré du Niger. Est-ce que vous pensez que les circonstances dans lesquelles le général Baré a été tué, permettent aujourd'hui, avec l'installation des autorités de la Vème République, de tourner la page ?
Le Niger a bénéficié juste de 6 milliards de francs CFA comme étant la rançon, ou si je peux l'appeler comme ça, la prime à la démocratie alors que sous d'autres cieux la France avait juste accordé quelques 40 milliards de francs pour permettre donc aux nouvelles autorités de pouvoir bien redémarrer. Est-ce à dire que la politique de la France est celle du deux poids deux mesures dans le cadre de la restauration de la démocratie ?
R - Sur la première question, nous pourrons considérer que ceci serait l'épilogue des circonstances qui ont vu la mort tragique du général Baré. L'Europe en effet, maintient sa demande de recherche et d'établissement de la vérité. Quant aux circonstances dans lesquelles le général Baré a trouvé la mort, la France fait sienne cette demande et je m'en suis entretenu ce matin avec le président Tandja qui m'a dit son accord pour que la réalité soit recherchée et établie. Et j'en ferai part à mes partenaires européens. Il a précisé que les voies de recherche sont à disposition des avocats, et en particulier ceux de Mme Baré et de ses enfants. Je ne suis pas sûr de trahir un secret que de dire qu'il souhaite que Mme Baré revienne à Niamey considérant que c'est sa ville. Et il est donc normal qu'elle et ses enfants puissent y vivre.
Voilà en ce qui concerne la question de la recherche et de l'établissement de la vérité. En ce qui concerne, l'autre question je ne me lancerai pas dans des comparaisons entre M. Wanké et Amadou Toumani Touré, que je connais par ailleurs.
Sur la troisième question que vous posez, il ne faut pas confondre une aide exceptionnelle, accordée en urgence, et le montant de l'aide publique au développement que la France est susceptible de consacrer en année pleine au Niger. Autrement dit, considérant que cette aide est une première manifestation de l'appui de la France, à une nouvelle équipe nigérienne confrontée à une situation de crise financière en particulier. Nous allons, au cours des semaines qui viennent, continuer à approfondir ce qui sera un nouveau programme de coopération sachant que, pour le financer, il y faudra non seulement une aide supplémentaire nouvelle de la France mais aussi des autres bailleurs internationaux et nous pensons évidemment aux grands que sont le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Je vais moi-même à Washington lors des assemblées du Fonds qui ont lieu au mois d'avril. J'aurai l'occasion de parler du Niger avec mes interlocuteurs du Fonds et de la Banque. Mais l'Europe est aussi un partenaire qui doit s'impliquer en particulier à travers le Fonds européen de développement, au sein duquel la France prend la part la plus importante puisque la France, à elle seule, finance presque le quart du Fonds européen de développement. C'est cet ensemble qui va venir en appui aux besoins, aux efforts que le Niger va développer. La comparaison des chiffres, à laquelle vous vous étiez livré, n'était pas adaptée à la situation. C'est simplement ce que je voulais faire observer.
Je préfère la prime à la démocratie à la rançon au niveau de l'expression. Vous-même préférez aussi ce mot là.
Q - Des élections se tiennent aujourd'hui au Sénégal ; peut-on avoir une réaction à chaud du ministre français qui est en tournée de travail en Afrique. A travers votre séjour au Niger, vous êtes en fin de séjour à Niamey, on a certainement redéfini une nouvelle politique de coopération entre Paris et Niamey. Est-ce qu'on peut avoir les grands axes de cette future coopération entre Niamey et Paris ?
R - S'agissant du Sénégal, nous pouvons je crois nous réjouir tous d'avoir pu observer que ces élections se sont déroulées dans la transparence et sans violence hormis peut-être les difficultés qu'on a rencontrées en Casamance. Et ça c'est une bonne nouvelle pour la démocratie et pour tous les démocrates. S'agissant des résultats, j'observe que le président Diouf arrive en tête, qu'il est suivi d'assez près par un autre candidat M. Wade et que l'issue du scrutin dépend du résultat des alliances qui sont en train probablement de se nouer. Moi je ne peux pas en dire plus, au moment où nous en parlons, mais je souhaite que le second tour se déroule comme le premier, je le répète, sans violence et dans la clarté. Et il restera ensuite à nouer le dialogue avec le pouvoir que les Sénégalais auront démocratiquement choisi.
En ce qui concerne la seconde question, j'aimerais que vous reteniez notre volonté que j'ai exprimée aussi bien au président, qu'au Premier ministre, qu'au ministre des Affaires étrangères et aux autres ministres que j'ai eu la chance de rencontrer : les circonstances font que la France et le Niger doivent fonder de nouveau en quelque sorte une nouvelle coopération, puisque nous l'avions suspendue. Nous voudrions avec nos amis nigériens saisir cette opportunité pour construire, je le répète, une coopération qui tienne mieux compte des réalités nigériennes qui servent un programme dans lequel les volontés nationales nigériennes, les expertises nigériennes se seront davantage investies, ce qui veut dire que ce n'est pas forcément à l'identique que nous allons reconstruire la coopération. Certains projets déjà engagés, suspendus, vont reprendre, d'autres vont être complètement repensés et, je le répète, avec la volonté que j'ai rappelée en permanence au cours de ma visite : ce qui nous intéresse c'est que les Nigériens expriment clairement ce qu'ils souhaitent pour leur pays en matière de lutte contre la pauvreté, en matière de développement, en matière de stabilité, en matière de sécurité. C'est par rapport à l'ensemble des orientations que nous devons, nous, rebâtir notre coopération.
S'agissant de la politique africaine de la France en général, vous pourrez observer que nous avons mis en pratique que nous ne nous mêlerions pas des choix politiques des africains : cela ne veut pas dire indifférence, cela ne veut pas dire désintérêt mais ça veut dire que nous considérons que les Africains ont à exercer en toute liberté leurs responsabilités et choisir librement leurs responsables politiques.
Q - Avec les événements de Niamey d'avril 99, les événements d'Abidjan de décembre 99 et également les élections ce week-end au Sénégal, on parle du changement de la politique française envers l'Afrique. Est-ce bien cela ?
(...).
R - Ce ne sont pas les élections qui viennent d'intervenir qui illustrent la politique de la France mais l'attitude qu'a eue la France vis-à-vis de certains événements qui se sont produits et qui a bien marqué notre volonté de ne pas nous ingérer dans la vie politique intérieure des pays africains. Nous nous soucions bien sûr en même temps de la sécurité de notre communauté et d'une manière générale des ressortissants étrangers.
Sur les priorités, le ministre des affaires étrangères, qui a été à mes côtés, pratiquement tout au long de cette journée, déjà hier soir, pourrait les confirmer. Moi j'ai entendu tout à l'heure plusieurs ministres s'exprimer. Il a été question de lutte contre la pauvreté, il a été question de sécurité alimentaire, il a été question d'accès à l'éducation, d'accès à la santé, il a été question de développement, de nouvelles créations agricoles susceptibles de générer un pouvoir d'achat supplémentaire, un mieux être pour les populations puis il a été question du rôle des femmes dans la société, du besoin de les soulager de tâches domestiques qui les privent d'une activité nécessaire au Niger, en matière justement sociale pour qu'elles puissent consacrer plus de temps à l'éducation, à la santé de leurs enfants. Il s'agit des priorités affichées par les Nigériens eux-mêmes, nous sommes prêts à en faire les nôtres dans le cadre de cette coopération. Il faut définir les moyens, les programmes, mobiliser les amis du Niger pour qu'à côté de l'aide de la France, d'autres concours financiers permettent de mener à bien ce programme. Il a été question, si je devais être plus complet, des enjeux fiscaux, de l'encouragement de l'investissement privé, du besoin qu'ont les investisseurs d'un accueil fiscal, juridique plus approprié. Nous avons eu, dans un autre cadre, à évoquer avec le ministre des Finances, hier soir - mais je suis sûr que le ministre de la Justice aurait pu m'en entretenir aussi - une question pour laquelle nous sommes prêts d'examiner les modalités d'une coopération, il s'agit de l'administration pénitentiaire, par exemple.
C'est dire la diversité du champ que nous pouvons couvrir. Il nous faut faire des choix. Nous allons nous y employer dans les semaines qui viennent dans le cadre d'un dialogue très serré entre les différents ministères concernés et puis notre propre équipe, qu'il s'agisse des équipes qui sont à demeure à Niamey autour de M. l'Ambassadeur, l'Agence française de développement, le service de coopération ou qu'il s'agisse aussi des experts que nous enverrons de Paris. Qu'il s'agisse aussi des actions qui peuvent être conduites dans le cadre de la coopération décentralisée, qui pour moi est un peu ma porte d'entrée en matière de coopération puisque, c'est en tant que président du Conseil général des Côtes d'Armor que j'ai établi un lien un peu privilégié avec Agadez voilà presque 15 ans, qui me vaut d'être la cinquième fois à Niamey. Et je me réjouis d'aller demain à Agadez. Là aussi le rôle que les collectivités locales françaises peuvent jouer doit, comment dire, s'emboîter dans les orientations que les Nigériens vont arrêter et dans les orientations que nous-mêmes allons retenir. Mais demain j'aurai l'occasion déjà de voir sur place les retombées de cette coopération qui permet aussi, je crois, d'encourager la décentralisation qui est aussi un objectif des autorités nigériennes auquel nous adhérons totalement, convaincus que la décentralisation est aussi le moyen d'enraciner la démocratie, ce qui nous parait un élément très important.
Je voudrais enfin pour être complet vous dire que la France entend coopérer avec les Nigériens, l'Etat nigérien, bien sûr mais aussi avec la société civile nigérienne que nous imaginons comme partenaire mais non pas comme adversaire de la société politique. Je crois qu'il est important de le rappeler parce qu'on a trop souvent tendance à les opposer ; or la solution, elle est dans le partenariat entre les deux. Nous souhaitons que notre coopération puisse servir ce nécessaire partenariat./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr le 30 mars 2000)