Déclarations de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la France et la Chine, notamment la coopération culturelle, scientifique, la présence française en Chine, Pékin et Shangaï le 25 septembre 1998.

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Circonstance : Voyage en Chine de M. Lionel Jospin du 21 au 25 septembre 1998

Texte intégral

Intervention devant la communauté française de Shanghai.
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Députés,
Monsieur l'Ambassadeur, Madame,
Monsieur le Consul général,
Mesdames, Messieurs,
Je souhaite tout d'abord vous dire tout le plaisir que j'ai à vous rencontrer dans cette magnifique résidence de France, au coeur de l'ancienne concession française de Shanghaï. Votre consulat général est un lien qui unit aujourd'hui encore ceux et celles qui oeuvrent au succès de notre pays dans cette ville emblématique.

J'ai pu le constater dès mon arrivée : le développement de Shanghaï est spectaculaire. C'est aujourd'hui l'une des zones les plus dynamiques de Chine et la France y tient aujourd'hui une place croissante. Aussi suis-je particulièrement heureux d'être parmi vous, qui êtes les principaux acteurs de nos succès.

Le gouvernement, vous le savez, porte une attention particulière à ceux de nos compatriotes qui ont pris la décision, souvent difficile, de s'expatrier. Leur rôle, votre rôle, en faveur de notre pays est en effet essentiel dans un monde où la concurrence et la compétition se font chaque jour plus vives.

Les différents contacts que j'ai pu nouer avec les représentants des entreprises françaises établies en Chine confirment l'extraordinaire vitalité et les potentialités de la place économique majeure que constitue Shanghaï en Asie. Il est clair que nos sociétés doivent y trouver leur place et y tenir un rang conforme aux ambitions de notre pays.

L'effort est déjà bien engagé, votre nombre en témoigne. Votre communauté a triplé au cours des trois dernières années et notre consul général m'a indiqué que vous être aujourd'hui plus de 1000 à vivre et travailler à Shanghaï.

Nos entreprises s'imposent dans de multiples secteurs, qu'il s'agisse de l'énergie, des télécommunications, des transports ou encore des services. La présence française est ainsi de plus en plus perceptible, à l'exemple du superbe Opéra - dû à l'architecte et urbaniste français Jean-Marie Charpentier - dont la ville vient de se doter et où je m'entretiendrai demain avec des représentants de la société civile chinoise.

Je n'ignore pas que ces résultats sont le fruit d'un travail souvent ardu, et que le mérite en revient à de nombreux acteurs publics et privés. Soyez assurés que pour ma part je mettrai tout en oeuvre, à l'occasion de ma visite mais aussi sur le long terme, pour soutenir et amplifier vos propres efforts.

Comme je l'ai déjà indiqué à Pékin, la France poursuit en Chine des objectifs ambitieux mais accessibles. Le cadre en a été tracé lors de la visite d'Etat effectuée par le président de la République en 1997, qui a permis de définir les conditions d'un "partenariat global" entre nos deux pays.

Ma première visite officielle en Chine devrait me permettre d'en tirer un premier bilan.

Il me semble que nos résultats, quoique très positifs, demeurent encore insuffisants. La France est, vous le savez, la quatrième puissance économique mondiale et il importe que nous occupions une place digne de ce rang dans "l'Empire du milieu". Pour cela, nous devrons faire valoir pleinement nos atouts, qu'il s'agisse de notre expérience, de notre savoir-faire ou de notre avance technologique.

Je pense en particulier au développement des nouvelles technologies, liées en particulier à ce que l'on appelle la 'société de l'information". Dans ce secteur, le gouvernement a mis au point un plan d'action global, pour mobiliser nos talents et nos capacités d'innovation. Ces compétences me paraissent pouvoir pleinement s'exprimer ici à Shanghaï, ville qui s'affirme comme l'un des futurs centres économiques et financiers de l'Asie de demain. C'est dans cette perspective que j'ai proposé au Premier ministre, M. Zhu Rongji, une déclaration sur les nouvelles technologies de l'information, qui a été adoptée hier à Pékin.

Je n'oublierai pas les domaines culturel, scientifique et technique, où notre excellence est, là encore, reconnue. A Shanghaï, le rayonnement de notre culture et de notre langue, déjà riche d'une longue expérience, doit être poursuivi et amplifié.

Je salue dans ce secteur le rôle joué par nos alliances et écoles françaises. J'inaugurerai demain au lycée pilote Jincai à Pudong la filière francophone, qui offrira la possibilité pour de jeunes Chinois d'apprendre notre langue depuis l'école primaire jusqu'aux universités.

Sur ce point, je voudrais évoquer l'Ecole française de Shanghaï. Un effort important a été déployé pour accompagner sa croissance très rapide et apporter des solutions satisfaisantes aux problèmes de scolarité qui en découlent.

Je souhaite souligner le succès remarquable et original de cette école, installée dans un nouveau bâtiment plus central, vaste et agréable. Son association avec l'école allemande permet un échange quotidien fructueux, à bien des égards exemplaire. Qu'en soient félicités tous ceux qui ont rendu possible cette nouvelle preuve de l'Europe en marche.

Tous ces résultats n'ont pu être atteints qu'avec votre concours. Votre connaissance de la société chinoise et votre expérience sont des avantages précieux pour notre pays. A nous, partenaires publics et acteurs privés de savoir faire jouer les synergies.

Permettez-moi de conclure en évoquant brièvement, comme je l'ai fait devant nos compatriotes de Pékin, la situation de notre pays.

L'ambition que porte mon gouvernement depuis quinze mois est de faire entrer la France dans la modernité. Mais une modernité maîtrisée, construite sur la recherche d'un équilibre entre efficacité économique et justice sociale. Ce changement, nous le mettons en oeuvre de manière pragmatique mais sans tiédeur. Avec détermination mais avec souplesse.

Un mot sur la mondialisation. L'économie française a tout à gagner de l'ouverture aux échanges, même si nous devons être vigilants et prévenir les dérives qui peuvent l'accompagner. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : notre croissance économique, fondamentale pour lutter contre le chômage, provient aujourd'hui pour une large part de nos échanges extérieurs de biens et services. Depuis dix ans, les investissements des entreprises françaises à l'étranger - vous en êtes en partie les acteurs - ont accompagné et soutenu l'essor de nos exportations. En contrepartie, notre pays est la quatrième destination au monde d'investissements étrangers.

Dans le même temps, grâce notamment aux premiers effets bénéfiques de notre politique sociale - toute entière tournée vers la lutte contre le chômage et les exclusions - plus de 160000 emplois ont été créés, permettant enfin d'espérer inverser ces phénomènes dramatiques pour notre société.

La responsabilité de mon gouvernement est de faire en sorte qu'en dépit des turbulences générées par les crises qui secouent l'Asie et la Russie, la croissance en France soit durable.

C'est dans ce contexte qu'il convient de replacer à la fois nos grandes orientations budgétaires et les grands chantiers qui mobilisent en priorité le gouvernement. Je souhaite souligner ici notre action en faveur de l'innovation et des nouvelles technologies qui contribue à ce que s'enclenche le cercle vertueux de l'investissement et de la croissance.

Enfin, mon souci est de faire en sorte que la croissance profite à tous. C'est le sens de la politique du gouvernement contre les exclusions et aussi de son action pour une plus grande justice fiscale. Un premier pas sera franchi dès 1999, année budgétaire qui verra une première baisse des prélèvements fiscaux.

A travers ce constat optimiste, je vous appelle à avoir confiance en l'avenir de la France. Celui-ci s'inscrit déjà dans l'espace dynamique, attractif et stable de l'Union européenne. La crise actuelle illustre mes propos : la monnaie unique européenne - l'euro - alors même qu'elle n'existe pas encore, protège en grande partie l'économie française du choc asiatique par la stabilité des monnaies de nos partenaires européens et par le dynamisme des échanges commerciaux au sein de l'Union.

Je vous remercie et forme mes meilleurs voeux de succès pour vous-mêmes, pour vos activités et vos projets.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2001)
Intervention à l'occasion de la rencontre sur le thème de la lutte contre les inondations.
Mesdames, Messieurs,
Comme l'ensemble des Français, j'ai suivi cet été, avec une grande anxiété, le drame causé par les inondations exceptionnelles qui ont frappé plusieurs régions du centre et du nord-est de la Chine. Il s'agit d'une épreuve majeure, dont les effets seront durables, et je mesure la gravité des conséquences qu'elle a eues pour un nombre immense de Chinois.

Je sais aussi que cette épreuve n'est pas encore achevée. Les autorités chinoises doivent maintenant faire preuve d'une grande vigilance pour prévenir le développement des épidémies et commencer au plus vite le très lourd travail de la reconstruction.

Au nom des autorités françaises et de l'ensemble de mes compatriotes, je tiens à renouveler aux personnes qui ont été directement affectées l'expression de notre profonde sympathie et de notre solidarité.

Alors que la Chine fait face au défi de la reconstruction, le gouvernement français souhaite apporter un soutien sur le plan humanitaire.

Ainsi que je l'ai rappelé précédemment, notre pays a déjà accordé à deux reprises, en juillet et en août, des contributions aux victimes des inondations, pour un montant de 0,7 puis 1,7 million de francs, soit 2,4 millions de francs en tout.

Nous avons choisi de soutenir les interventions de l'organisation non gouvernementale "Médecins sans Frontières", qui intervient en étroite coopération avec les autorités des provinces du Guangxi, du Yunnan, du Sichuan, du Hubei et du Hunan, et enfin de l'Anhui - où je me rends ce matin pour rencontrer le président Jiang Zemin.

Je tiens aussi à mentionner le concours d'entreprises françaises implantées en Chine - dont plusieurs sont représentées dans ma délégation - qui participent financièrement aux opérations d'assistance aux victimes des inondations et à plusieurs projets dans le cadre de la reconstruction. Nous en verrons un nouvel exemple tout à l'heure, sur l'aéroport de Pékin.

En plus des précédentes contributions, le gouvernement français est prêt à consacrer une aide financière à tout projet que décideraient d'ouvrir à la coopération internationale les autorités chinoises en matière de prévention ou de secours aux populations civiles.

La construction à Wuhan d'un centre de secours en cas de les catastrophes naturelles a ainsi été envisagée. Ce projet intéresse mon gouvernement, qui pourrait lui accorder une aide importante, selon des modalités que nos deux gouvernements détermineront ensemble à très court terme.

Il me paraît en effet que la réalisation en commun d'un tel centre de secours, alliant nos savoir-faire, illustrerait parfaitement la volonté de dialogue et de coopération du "partenariat global" liant dorénavant nos deux pays.

C'est dans cet esprit que j'ai souhaité m'entretenir aujourd'hui avec les responsables de la lutte contre les inondations, dont je salue l'abnégation et l'efficacité, ainsi qu'avec les représentants des organisations qui ont activement apporté leur secours aux populations sinistrées.

Depuis mon arrivée hier à Pékin, mes entretiens, et plus encore la séance d'aujourd'hui, m'ont permis de mieux cerner l'étendue des dommages et les causes des inondations.

Je sais que la question du contrôle des eaux et des grands fleuves nourriciers parcourt toute l'histoire de Chine, depuis le mythique Empereur Yu, fondateur de l'époque des "Xia" jusqu'à aujourd'hui.

La France peut apporter son concours et sa compétence au service du développement durable et de la protection de l'environnement. Je pense notamment à la déforestation, qui entraîne de graves perturbations de l'équilibre écologique.

Le savoir-faire français en matière de reboisement peut répondre à certains des problèmes mis en lumière par les inondations de cet été. Je suis prêt à étudier la possibilité d'entreprendre des programmes communs dans ce domaine.J'ai également été très intéressé par la présentation des activités d'associations caritatives chinoises, telles que l'association "Bienfaisance", présidée par M. Yan Mingfu, qui illustre le rôle accru de l'initiative individuelle mise au service de la solidarité.

Grâce à sa totale implication dans la lutte contre les inondations, l'association "Bienfaisance" a permis aux personnes les plus affectées de trouver un précieux réconfort. Mais elle n'a pas limité son intervention au domaine de l'urgence et songe déjà à la reconstruction, en lançant la campagne "Chacun fait don d'une brique", à laquelle participent plusieurs entreprises françaises.

Je tiens enfin à saluer les représentants de l'association "Médecins sans Frontières", qui m'ont exposé leurs opérations sur le terrain. Je sais qu'ils rencontrent un accueil très positif de la part de leurs partenaires chinois, le plus souvent les responsables des départements de la Santé et de la Croix Rouge, avec lesquels ils ont établi une coopération de plusieurs années.

Les activités d'associations telles que "Médecins sans Frontières" permettent de mieux faire comprendre l'approche de notre pays et plus généralement des pays européens dans l'organisation des secours et la coopération humanitaire à long terme. Elles répondent avec force à ceux qui ne considéreraient dans la Chine qu'un immense marché.

Elles démontrent aussi l'évolution accomplie et l'intérêt de travailler de concert dans la poursuite d'objectifs qui bénéficient directement aux populations. La France continuera de soutenir leurs initiatives, qui vont notamment se développer dans la réhabilitation du système de santé rurale et l'apport de soins aux populations défavorisées.

Mesdames et Messieurs,
Je suis venu vous dire l'intérêt, la sympathie et l'engagement de la France à vos côtés dans la lutte contre les inondations et confirmer notre volonté de construire au-delà de l'urgence un partenariat durable qui nous rapprochera plus encore. Je vous remercie de m'avoir éclairé, ainsi que les compatriotes qui, à travers cette épreuve, ont appris à mieux nous connaître.

Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2001)