Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à France inter le 26 mai 2004, notamment sur la préparation du budget pour 2005, la reprise de la croissance et des créations d'entreprises, la situation des entreprises en difficulté, l'assouplissement de la loi sur les 35 heures, les économies à réaliser pour réduire le déficit budgétaire et les élections européennes.

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Média : France Inter

Texte intégral

S. Paoli : Merci d'avoir répondu à l'invitation de France Inter. Avec S. Leneuf, qui dirige le service économique de France Inter, nous allons commencer cette matinée en nous intéressant au budget de la France. Vous arrive-t-il, monsieur le Premier ministre, de vous dire que l'on vous demande de faire des miracles ? Je veux dire poursuivre la modernisation du pays, alors qu'il faut en même temps faire, et vite, 7 milliards d'euros d'économie ?
R - "C'est difficile. Mais vous savez, je crois que la France a toujours été difficile à gouverner et les Premiers ministres avant moi ont des difficultés comparables. Il faut donc les assumer."
S. Paoli : Mais rarement des déficits aussi importants...
R - "Mais rarement une rupture de croissance aussi importante. Depuis plus de 60 ans, on n'a pas connu cette rupture de croissance : 4 % en l'an 2000, 2 % en 2001, 1 % en 2002 ; divisée par 4 en deux ans. Et une croissance négative au début de l'année 2003. 1 point de croissance, c'est 150 000 emplois. Quand la croissance s'effondre de 2 points, c'est 300 000 emplois et de 4 points, c'est 600 000 emplois qui sont détruits. Heureusement, nous avons tout fait pour le retour de la croissance et aujourd'hui, la croissance est de retour. Au cours du second semestre 2003, nous avons gagné un rythme de croissance qui nous met à plus de 2 % en perspective pour 2004. C'est-à-dire que nous recommençons à créer des emplois. Les indicateurs sont bons de ce point de vue. Donc, nous avons évidemment des indicateurs positifs qui nous donnent le moral, mais il faut surtout que cette croissance profite aux Français et qu'elle ne profite pas à la dépense. Il faut donc maintenir la dépense et donc faire des économies."
S. Paoli : Mais du poste où vous êtes, comment engager la question de la prudence ? On a tellement tout dit sur la croissance, on a tellement tout entendu sur les chiffres de la croissance, et malheureusement, c'est souvent démenti. Là, cette fois, est-ce que ça vous paraît solide, peut-on compter dessus ou pas ?
R - "On peut compter là-dessus, parce que d'abord, vous avez des indicateurs très objectifs. Non seulement on a des perspectives avec l'Insee, avec les grands experts qui s'expriment sur ce sujet. Mais par exemple, on a plus de 200 000 créations d'entreprises par an maintenant. Et quand on crée des entreprises, c'est que l'on est ambitieux, c'est que l'on croit en l'avenir de son pays. Donc, là, nous avons atteint un rythme de créations d'entreprises qui est un rythme record. Nous avons plus de 300 000 logements qui sont mis en chantier. Quand on construit des logements, c'est aussi que l'on croit à la croissance. La consommation des ménages en produits manufacturés augmente, + 1,5 % en avril, c'est-à-dire plus de 3,5 % depuis le 1er janvier, c'est important, et surtout aussi pour l'emploi - les projets d'investissement dans l'industrie : + 8 %. Et puis, vous avez aussi d'autres indicateurs qui sont significatifs, par exemple le développement de la nouvelle économie. Nous avons gagné 2 millions d'internautes l'année dernière, nous avons aujourd'hui 4 millions d'abonnés au haut débit. Le haut débit, c'est très important ; cette circulation rapide de l'information sur Internet se développe considérablement et très rapidement actuellement en France. On a donc des signes objectifs. Les Français sentent la croissance à peu près 6 mois après que nous la voyons dans les chiffres. Donc, c'est pour le second semestre 2004 que les Français verront ces résultats mais la croissance est là, la reprise est là, l'emploi repart. "
S. Paoli : Passons dans les grands dossiers, S. Leneuf, peut-être Alstom, le premier...
S. Leneuf : La France et Bruxelles ont réussi à trouver un accord. Alstom a désormais quatre ans pour trouver des partenariats. Il va falloir faire des cessions : de combien de milliards d'euros et quel type de cession va-t-il falloir faire et est-ce que ces quatre ans vont vous donner la possibilité de passer des partenariats, notamment avec Siemens, avec les Allemands ?
R - "Bien sûr que ces quatre ans vont nous donner le temps de construire ce champion européen qu'est Alstom pour la France, mais aussi pour l'Europe. C'est pour nous une grande joie et une belle négociation. Cela fait un an que l'on est engagé ; souvenez vous : c'était au début de l'été de l'année dernière. On avait eu des difficultés ; je m'étais fâché un jour, je rentrais de Bruxelles où l'on m'avait fermé quasiment toutes les portes. Donc, nous avons - d'abord avec F. Mer, puis après, avec N. Sarkozy - pris les dossiers un par un, parce que Alstom, ce sont trois grands dossiers : un dossier de l'énergie, avec les turbines, un dossier des transports, avec le TGV, et un dossier de chantiers navals avec les Chantiers de l'Atlantique ; ce sont les trois dossiers principaux, il y a donc trois grandes entreprises en une seule. Ce que l'on nous demande, c'est d'abord de faire en sorte que l'on trouve des partenariats pour développer ces structures, et donc, nous sommes très ouverts aux partenariats, mais nous voulions sauver l'emploi. Il y avait 80 000 personnes qui étaient menacées. On nous dit "il faut fermer telle ou telle usine" ; nous nous sommes attachés, à ce que l'on puisse défendre l'emploi. Il a fallu, par exemple, pour le site de Belfort, pour le site de La Rochelle, être particulièrement exigeants. Il n'était pas question de fermer ces usines. Je pense notamment à toutes celles qui sont associées à cette grande réussite française qu'est le T.G.V. Nous nous sommes battus avec détermination, mais nous avons trouvé, en fin de parcours, une Commission attentive à ce volontarisme français qui est aujourd'hui signe de notre politique industrielle. Il faut, pour éviter les délocalisations, pour éviter que l'emploi quitte l'Europe, des grands champions. C'est vrai pour le TGV, c'est vrai pour Airbus, c'est vrai pour la santé - on a fait la même chose avec Sanofi-Synthélabo et Aventis. Nous voulons des grands champions qui stabilisent l'emploi et la recherche, en France et en Europe."
S. Paoli : Mais cela veut dire, monsieur le Premier ministre, que chacun est prêt à retirer sa casquette nationale pour, pour de bon, aborder la question de l'emploi au niveau européen ? Il n'y aura pas de compétition entre Français et Allemands pour créer d'abord des emplois chacun chez soi ?
R - "Non. Nous avons la volonté de travailler ensemble. Il est clair que nous ne voulons pas que là où la France a les cartes industrielles majeures, que nous puissions être en situation de dépendance. Nous avons besoin d'une certaine indépendance industrielle, par exemple en matière énergétique. Quand je vois l'évolution du prix du baril, je dis aujourd'hui que nous avons notre indépendance nucléaire. Heureusement que nous avons les compétences technologiques, scientifiques sur ces sujets, parce que nous avons une véritable indépendance énergétique, indépendance industrielle. Il y a un certain nombre de secteurs pour lesquels la France doit être présente. On ne peut pas imaginer une industrie du médicament sans que la France ait ses champions. Mais nous ne pourrons pas être présents partout. Donc, nous avons des accords avec les Allemands, avec les Anglais, avec d'autres partenaires européens. Nous voulons être dans des grands réseaux européens. Sur certains grands dossiers stratégiques, la France doit être présente. C'est ce que nous avons fait sur l'aéronautique, c'est ce qu'il faut faire sur un certain nombre de dossiers-clés, notamment la santé, mais aussi les questions de transport, parce qu'avec l'automobile, avec l'avions, avec le train, la France a une vocation en matière de transport. Et sur ces sujets-là, pas question de céder notre place."
S. Leneuf : Autre dossier sur lesquels on peut revenir : les 35 heures. Vous avez dit que vous ferez le point sur les 35 heures au mois de septembre. Est-ce que, oui ou non, vous souhaitez revenir sur les 35 heures ? Est-ce que, oui ou non, vous allez proposer aux entreprises une espèce de donnant-donnant, c'est-à-dire, on revient sur les 35 heures, mais aussi, on arrête un peu les allégements de charges qui coûtent très cher à l'Etat ?
R - "Les 35 heures, c'est une mauvaise loi. C'est une loi, d'abord, qui a été mal faite, parce qu'elle a été faite sans dialogue social. Et puis, c'est une loi qui a été, pour certains, un progrès personnel, mais pour la collectivité, elle a généré de très nombreuses difficultés. Je pense notamment à l'hôpital public, où les 35 heures ont désorganisé le travail. On demandait à beaucoup de salariés, à beaucoup de personnels soignants des efforts supplémentaires souvent difficiles. Donc, c'est une mauvaise loi. Nous avons déjà agi, puisque nous avons ouvert le dispositif des heures supplémentaires, ce qui fait que dans un grand nombre d'entreprises, aujourd'hui, on peut travailler plus pour gagner plus. Et puis toutes les entreprises de moins de 20 salariés ont été mises à côté de ces nouvelles contraintes qui étaient imposées par la loi sur les 35 heures. Ce que nous voulons, c'est d'abord rétablir le dialogue social sur ce sujet. Et branche par branche, puisque nous avons donné des marges d'adaptation pour les branches professionnelles, que les partenaires sociaux, s'ils le souhaitent, puissent discuter, négocier, par exemple, pour augmenter le contingent d'heures supplémentaires et ainsi réduire le coût de ces heures et ainsi réduire le coût de la production pour la compétitivité de notre pays. Alors, c'est une mauvaise loi, nous voulons l'assouplir et nous avons déjà fait des pas importants. Nous voulons rétablir le dialogue social, et ce dialogue social, il doit nous permettre, en fait, d'articuler les trois temps, les trois temps de la vie professionnelle : le temps de travail mais aussi, le temps de formation, puisque nous avons créé le temps individuel de formation. Et vous savez que ce temps individuel de formation, qui est un droit majeur aujourd'hui, tout au long de la vie, on peut le prendre sur son temps RTT, sur son temps libéré par le temps 35 heures. Il y a donc le temps de travail, le temps de formation et le temps de loisir. Au long d'une carrière, on peut avoir une répartition différente, avoir un temps de travail plus important en début de carrière, un temps de loisir plus important en fin de carrière, et un temps de formation réparti tout au long de la carrière. Je souhaite que branche par branche, le dialogue social puisse nous permettre de faire en sorte que l'on réponde au défi des 35 heures, non pas par idéologie mais par pragmatisme, en tenant compte de la volonté des salariés."
S. Paoli : il y a toujours le dialogue social, mais on en revient toujours, finalement, au nerf de la guerre, c'est-à-dire à l'argent, au financement. Vous venez, monsieur le Premier ministre, d'envoyer les lettres de cadrage aux différents ministères, en confirmant la politique de rigueur. Comment, encore une fois, trouver l'argent pour mener de front toutes ces réformes, toute cette modernisation à laquelle, décidément, vous aspirez ?
R - "Ce n'est pas une politique de rigueur, c'est une politique de bonne gestion."
S. Paoli : Sévère, hein, sévère !
R - "Rigoureuse, c'est un mot qui est un adjectif adapté, mais l'idée de rigueur voudrait dire que l'on fait porter ces efforts sur les Français. Je veux que ces efforts portent sur l'appareil d'Etat. Parce que la croissance n'a pas été partagée avec les Français quand nous l'avions en l'an 2000. Il faut que cette croissance nouvelle, cette reprise soit partagée avec les Français et non pas engloutie dans les dépenses de l'Etat. Ma fierté, sur le plan budgétaire, c'était qu'en 2003, pour la première fois, j'étais à la tête d'une Gouvernement qui a respecté à l'euro près, les dépenses sur lesquelles il s'était engagé devant le Parlement, pas de dépassement. 273,8 milliards de dépenses autorisées, 273,8 milliards de dépenses réalisées. Maîtrisons les dépenses ! Pour cela, il faut faire des économies, c'est vrai. On a beaucoup d'économies à faire. Il faut faire des économies dans l'appareil d'Etat. Et ces économies, il faut qu'elles puissent servir à la qualité du service public. Aujourd'hui, c'est vrai que je vois beaucoup de dépenses qui nécessiteraient une sorte de chasse au gaspillage moderne - comme on disait autrefois "la chasse au gaspi". Nous avons engagé, avec les immeubles qui ont inutiles, avec, par exemple, les communications téléphoniques. Par exemple, si nous sommes aujourd'hui capables - nous travaillons avec le ministre chargé de la Réforme de l'Etat - de faire en sorte que les communications interadministration passent maintenant par Internet, avec le système IP, comme c'est le cas dans les entreprises, quand nous pouvons mettre en place un dispositif qui puisse valoriser la communication numérique, nous allons gagner plus de 50 millions d'euros. Si vous ajoutez à cela tous les logiciels que nous avons pour le traitements de texte, pour les tableurs, pour les bases de données... Nous achetons tout cela très cher à des compagnies privées, alors qu'il existe des logiciels libres. Avec, d'une part, les économies sur le téléphone interadministration, avec l'utilisation des logiciels libres, il y a plus de 100 millions d'euros à économiser. Il y a là beaucoup d'économie à faire dans la gestion de l'Etat. Je veux faire la chasse à tous ces gaspillages ! On est notamment, en train de faire, par exemple, au ministère des Finances avec une centrale d'achats pour rationaliser les achats, pour éviter que l'on puisse ainsi faire une multitude de petites commandes, mais que l'on ait de grosses commandes qui puissent permettre de baisser les prix. L'Etat doit être meilleur gestionnaire. Il y a beaucoup d'économies à faire dans l'appareil d'Etat. C'est mon objectif."
S. Paoli : On vous entend, monsieur Raffarin, vous êtes le Premier ministre et vous dites "je veux", sauf que l'on a bien entendu aussi que tous ne le veulent pas ! Et que cela a été sévère entre certains membres de votre Gouvernement sur la façon d'appréhender les économies demandées.
R - "Il y a deux choses. Il y a vraiment les économies de l'appareil d'Etat et là, il y a un travail quotidien à faire. Aujourd'hui, on est en train de mettre en place un dispositif nouveau : par exemple, le Journal officiel est sur Internet maintenant et on a donné la même valeur juridique à la communication numérique qu'à la communication papier. C'est-à-dire qu'à partir du 1er juin, on va économiser beaucoup de papier. Chaque année maintenant, c'est 800 tonnes de papier en moins que l'Etat va consommer ! 45 hectares, plus de 20 000 arbres qui vont être protégés, parce que le Journal officiel ne sera plus seulement sur papier, mais il sera très généralement diffusé sur l'électronique. Donc, cela, c'est la gestion de l'Etat. Après, [il y a] les ministères. Les ministères, évidemment, ils se battent tous pour avoir de l'argent, pour essayer d'en obtenir le plus possible sur leur propre budget. Vous savez, j'ai été ministre des PME, et je peux vous dire que je me bagarrais dur pour avoir le plus de budget possible. Donc, le ministre des Finances est le garant de l'équation budgétaire et de nos engagements européens, les ministres dépensiers cherchent à avoir plus. Donc, de temps en temps, ils se frictionnent un peu, c'est naturel."
S. Paoli : C'est le Premier ministre qui est l'arbitre ?
R - "C'est le Premier ministre qui arbitre les désaccords. Donc, comme les autres années, jusque vers la période fin juin, les ministères discutent entre eux, quand ils peuvent tomber d'accord, ce que je souhaite - le plus souvent possible, c'est ce qui arrive : il y a accord sur 70 % des cas à peu près -, ne remonte au Premier ministre qu'un petit tiers des dossiers. Le tiers des dossiers est arbitré ; c'est ce que je ferai avec fermeté, de manière à ce que soit décidé un bon usage de l'argent des Français. L'argent n'appartient pas aux ministères, n'appartient aux administrations, il appartient aux Français. Il faut dépenser mieux pour dépenser moins. C'est ça notre logique, et c'est cela le sens de mes arbitrages que je ferai sans concession."
S. Paoli : C'était prévu, mais il est évident qu'en 14 minutes, on n'a pas épuisé toutes les questions relatives au budget et aux économies à faire. On a bien entendu que vous allez faire des économies sur le téléphone, via Internet, mais les 7 milliards à trouver, ce n'est peut-être pas une chose facile. On y reviendra tout à l'heure, et aussi, avec P. Le Marc, sur les grandes questions politiques.
S. Paoli : Depuis 7h45 jusqu'à 9h00, le Premier ministre est ce matin l'invité de la rédaction de France Inter. Entre 7h45 et 8h00, avec S. Leneuf, qui dirige le service économique, nous avons abordé les grandes questions économiques. Nous allons maintenant passer aux grands enjeux politiques, avec P. Le Marc, qui dirige le service politique de France Inter.
Monsieur le Premier ministre, vous étiez, il y a quelques heures encore, en Irlande, d'où vous rentrez. Evidemment, se pose la question des élections européennes. Seront-elles des élections " européennes ", ou seront-elles, un peu comme l'ont été les régionales, un " test politique national " ? Vous n'avez, bien entendu, pas échappé aux propos de F. Hollande, dans le journal de 8h00, qui disait qu'au fond, il fallait voter pour l'Europe et contre le Gouvernement.
R - "Je trouve que F. Hollande, sur ce sujet, n'est pas sincère. Le PS n'est pas sincère. D'abord, quand il dit et quand il parle de vérité, je voudrais lui rappeler deux choses : d'abord, la vérité, c'est que les socialistes ont laissé filer les dépenses. Quand on regarde la situation de l'assurance maladie, les dépenses ont filé. Les dépenses ont filé sans créer de déficits, parce que nous avions 4 % de croissance, et c'est pour cela que finalement les Français n'ont pas profité de cette croissance socialiste - à un moment où les socialistes bénéficiaient de cette croissance. Donc, moi, je dis clairement que nous avons des efforts à faire, parce que nous voulons rendre les fruits de la croissance aux Français. Vous parliez tout à l'heure de 7 milliards. Je vous ai donné quelques exemples. Il est évident qu'il faudra faire des arbitrages sérieux. Nous les ferons, mais nous les ferons de manière responsable, et c'est ça, c'est la vérité. La deuxième inexactitude, le manque de sincérité de M. Hollande que je veux dénoncer, c'est quand il parle de " régression sociale ". Qui, dans ce pays, a donné de nouveaux droits aux retraités qui avaient recommencé à travailler à 14, 15 et 16 ans ? C'est mon Gouvernement. C'est de la justice sociale. Je vais vous donner un autre exemple, en ce qui concerne l'assurance maladie. Vous vous souvenez, il y a peu de temps, M. J. Delors a remis un rapport public révélant qu'en 2001, il y avait 1 million d'enfants pauvres dans notre pays. C'est insupportable. Ce qui, pour moi, est le plus inacceptable, c'est qu'on ne puisse pas se soigner parce qu'on n'a pas d'argent. C'est pour cela que je peux vous le dire, aujourd'hui - je l'ai décidé -, nous allons permettre à 300 000 enfants supplémentaires et leurs familles, de pouvoir bénéficier d'un accès gratuit aux soins, parce que la réforme de l'assurance maladie, c'est aussi plus de justice. Donc, la justice sociale, c'est une politique que nous menons avec détermination. Nous l'avons montré pour les crédits pour l'exclusion. Il n'y a jamais eu autant de places créées. Nous l'avons montré pour le soutien aux associations, je pense aux Restaurants du Coeur, avec une aide fiscale supplémentaire. Je souhaite vraiment que dans toutes les actions engagées par mes ministres, il y ait un important volet social. La cohésion sociale est une priorité de mon Gouvernement. Je demande davantage de sincérité à M. Hollande."
S. Paoli : Mais d'un mot, et vraiment pour en finir avec l'enjeu du " test ", comment, aujourd'hui, convaincre les Français que les élections européennes sont " européennes " et qu'ils ne vont pas vous répondre, encore une fois, sur les enjeux de politique nationale ?
R - "Les Français sont libres, c'est le bonheur de la France. Donc, toutes les élections ont une importance, et il faut écouter les Français à chacune des élections. Ce que je leur dis, c'est que l'Europe est un rendez-vous historique. Nous sommes en train de construire une grande Europe à 25 pays, une Europe élargie, avec un plus grand marché, avec un euro qui nous protège - parce que l'euro nous a protégés des dévaluations compétitives pendant la récession, il nous a protégés, l'euro, de la dépréciation du dollar, il nous protège, l'euro, il protège notre économie. Et je dis aux Français qui s'inquiètent de l'élargissement, vous savez, la Hongrie, elle existe, la Slovaquie, elle existe. Elle (sic) prendrait des emplois. Quand elle est dans l'Europe, elle est obligée de suivre les règles de l'Europe. Et donc, l'Europe, c'est le moyen de maîtriser la mondialisation. C'est la mondialisation qui est souvent brutale, qui est souvent difficile à vivre, par exemple, pour l'emploi. L'Europe est un facteur d'organisation. L'Europe est un facteur de régulation. Je préfère des pays dans l'Europe, qui suivent les règles de l'Europe, avec des salariés qui espèrent avoir des salaires de l'Europe. C'est comme cela qu'on protège nos entreprises et qu'on protège notre société aujourd'hui européenne, et notre projet européen. Oui à l'élargissement, oui à ce grand rendez-vous du Traité constitutionnel. Je souhaite qu'il soit adopté au prochain Conseil, le 18 juin, à Bruxelles. Si nous avons à la fois une Europe élargie et une Europe mieux gouvernable, parce qu'il y a des institutions plus fortes et plus proches du citoyen, nous aurons vécu une étape historique et l'Europe sera une véritable force d'équilibre dans un monde dangereux. La France doit jouer tout son rôle et les Français doivent se sentir concernés sur ce sujet. L'Europe, ça ne peut pas être que des procédures, ça ne peut pas être que des directives, ça ne peut pas être que des règlements. L'Europe a besoin d'une âme, d'un pacte de vivre-ensemble, et ça, c'est aux Français de l'inspirer avec les valeurs qui ont fait la France."
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 mai 2004)