Déclaration de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, sur le rôle des femmes dans l'initiative économique, notamment la création et la reprise d'entreprises, Bordeaux le 16 septembre 2003.

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Circonstance : Journée "Train de l'entreprise" consacrée aux femmes chefs d'entreprises à Bordeaux le 16 septembre 2003

Texte intégral

Monsieur le Ministre, mon cher collègue,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Merci, Monsieur le Ministre et Monsieur le Président, de m'avoir invitée à prendre le train de l'entreprise à BORDEAUX, qui met à l'honneur les femmes chefs d'entreprise et l'entrepreneuriat au féminin.
C'est une grande joie d'accompagner mon collègue et ami Renaud DUTREIL dans cette campagne nationale de promotion de l'initiative économique et je le remercie bien vivement de consacrer aux femmes ce passage en Aquitaine.
Jean Fourastié disait de l'initiative qu'elle était la forme d'action idéale vers laquelle devait tendre toute organisation du travail. Cette culture de l'initiative dépasse, bien sur, les distinctions de genres, même s'il faut encore combattre des inégalités toujours manifestes entre hommes et femmes, face à la liberté d'entreprendre.
C'est pourquoi, l'entreprise au féminin est au centre de vos préoccupations et au coeur de ma mission. Elle génère de réels atouts pour l'économie nationale, qui justifient une politique ciblée pour lever les freins à l'initiative des femmes.
1. La création ou la reprise d'activités par les femmes présente un incontestable intérêt économique véritable.
L'entreprise au féminin constitue un vecteur de croissance, que la France doit utiliser pour accélérer la relance économique.
Une récente étude du Global Entrepreneurship Monitor, observatoire américain de la création d'entreprise, met en évidence la place prépondérante de l'entrepreneuriat féminin dans la croissance économique.
Il existe, en effet, une forte corrélation entre le niveau de l'activité entrepreneurial et la croissance d'un pays.
C'est pourquoi l'entreprise au féminin explique, dans une proportion souvent importante, les écarts de croissance entre pays.
L'entreprise au féminin constitue également un levier pour l'emploi des femmes, dont le taux de chômage est de 2 points supérieur à celui des hommes.
La création et la reprise d'entreprises permettent de créer ou de maintenir, chaque année, entre 400.000 et 500.000 emplois, soit près du quart du nombre actuel de demandeurs d'emploi.
Or, 30% seulement des créations et reprises d'entreprises sont faites à l'initiative de femmes.
La mixité dans la création d'entreprise représente donc un atout à utiliser pleinement, pour réussir à remplacer, dans les dix prochaines années, les 500.000 chefs d'entreprises qui passeront la main.
L'entreprise au féminin est, enfin, un facteur essentiel d'intégration.
Trop de femmes ne peuvent exprimer leurs talents faute d'un environnement économique et social favorable. Pourtant, l'émancipation par l'initiative économique est une voie d'accès à l'autonomie d'action et à l'autonomie financière, qui constitue la meilleure garantie d'adaptation à notre système social.
Aussi, l'accompagnement spécifique et personnalisé de chaque porteur de projets, selon son profil, ses talents et la nature de l'activité à créer, doit constituer un objectif prioritaire de l'ensemble des acteurs socio-économiques et être soutenu par les pouvoirs publics. Car c'est un investissement pour notre économie, une exigence sociale et un enjeu de société.
2. Les vertus économiques et sociales de l'entrepreneuriat au féminin rendent plus nécessaire encore l'égalité des chances entre hommes et femmes face à la création ou la reprise d'entreprises.
Les constats chiffrés d'aujourd'hui attestent encore de discriminations entre hommes et femmes face à la création d'entreprises. Pourtant, et c'est bien le paradoxe, l'histoire des deux dernières guerres a prouvé la compétence et la capacité des femmes à faire tourner l'économie d'un pays. Une véritable politique d'égalité des chances doit permettre de donner aux femmes de France la capacité d'initiative pour libérer leurs talents.
L'action engagée porte tout d'abord sur l'égalité des chances dans l'orientation en collège et lycée et dans l'accès à la formation professionnelle continue.
Il s'agit de mieux répondre aux besoins de l'économie, en combattant la désaffection des jeunes filles pour les filières scientifiques et techniques, sources d'innovation et d'activité.
Le Ministère de l'Education Nationale et l'ensemble des acteurs publics et privés de la formation sont mobilisés pour mieux adapter ce potentiel de compétences des femmes et les familiariser davantage aux défis de l'entrepreneuriat.
C'est pour cela, que j'ai sollicité cette année les Rectorats de Haute et Basse Normandie pour expérimenter des actions nouvelles d'information des élèves de collèges sur les métiers de cette région, afin que les orientations et les stages de 3ème en entreprises soient choisis dans des secteurs porteurs d'initiative et d'innovation, correspondant davantage à des objectifs d'évolution professionnelle et aux besoins de l'économie locale. Ces expérimentations ont vocation à s'étendre à tout le territoire.
L'égalité des chances passe également par la diffusion à grande échelle du mentoring de porteurs de projets et par l'accès aux femmes des réseaux de créateurs et de repreneurs d'entreprises.
Le tutorat est un moyen particulièrement efficace pour offrir aux femmes, qui se lancent dans la création d'entreprise, une source individualisée de conseils et d'informations, un appui technique et psychologique déterminant et un retour d'expérience précieux. C'est un vecteur de bonnes pratiques, reprises par le Gouvernement dans la nouvelle législation élaborée par Renaud DUTREIL, qui sera également appliqué dans un nouveau dispositif de soutien à la création d'entreprises par les femmes des quartiers, que je lancerai en fin d'année.
Le tutorat suscite également la création de réseaux d'entrepreneurs, et impulse une dynamique de soutien et d'appui à l'initiative, indispensable au développement économique d'une région et à la pérennité des entreprises nouvelles. C'est une vertu que les organismes professionnels doivent entretenir et développer, en lien avec les incubateurs et les pépinières d'entreprises. L'avènement des nouvelles technologies rend d'autant plus efficace ces réseaux, indispensables appuis techniques et humains aux porteurs de projets. C'est une plus value essentielle au succès du lancement d'une activité, qui doit être ouverte à tous les talents, sans aucune discrimination.
L'égalité des chances entre hommes et femmes dans la création ou la reprise d'activité doit aussi porter sur l'accès au financement.
Les femmes qui créent ou reprennent une activité investissent, toutes choses égales par ailleurs, généralement moins que les hommes. Les activités portées par des femmes se caractérisent par des chiffres d'affaires légèrement inférieurs à ceux des hommes et par des entreprises plus petites en termes d'effectifs salariés.
Les femmes essuient par ailleurs un taux de refus de crédits d'investissement de 30% supérieur à celui des hommes. Ce constat exige qu'une attention particulière vis à vis des femmes soit portée par les acteurs socio-économiques, qui accompagnent le montage des business plans, et par les institutions financières, qui ont une large responsabilité en matière de conseil financier aux créateurs.
L'information des femmes chefs d'entreprises sur la gamme complète des instruments financiers existants doit être encouragée par les pouvoirs publics. Le fond de garantie à l'initiative des femmes (FGIF), instrument financier qui doit servir de levier d'accès aux crédits bancaires pour des créations, du développement ou des reprises d'entreprises par des femmes vient d'être réformé. Les réseaux de tuteurs et de créateurs constituent naturellement un vecteur d'information important et j'incite le secteur bancaire à étudier davantage les caractéristiques, les besoins financiers et les performances des entreprises appartenant à des femmes, afin d'offrir des services qui répondent encore mieux à leurs profils et à la nature de leurs projets.
L'égalité des chances dans la création d'entreprise, c'est enfin davantage d'égalité au sein même de l'entreprise pour les couples d'entrepreneurs.
Je veux parler, tout le monde m'aura compris, du statut de conjoints de travailleurs indépendants.
Le tissu d'entreprises familiales, qui représentent près des 2/3 des entreprises en France, repose très souvent sur un travail en couple indispensable au fonctionnement de l'activité. Ces entreprises sont davantage dirigées par des co-entrepreneurs que par des conjoints ou par des co-dirigeants plus que des épouses ou compagnes. C'est pourquoi, la reconnaissance de l'activité des conjoints, qui sont à plus de 90% des femmes, revêt une importance majeure en matière d'égalité professionnelle.
Une réforme du statut des conjoints de tous les secteurs d'activités est en cours d'élaboration. L'objectif consiste à élargir l'accès à un statut de tous les conjoints de travailleurs indépendants, à améliorer leur protection par des droits sociaux individuels, à leur ouvrir davantage la formation professionnelle continue et la validation des acquis de l'expérience, pour faciliter leur participation à la vie de l'entreprise et à celle des organismes professionnels représentatifs.
Le bénéfice économique et social du soutien à l'entreprise au féminin illustre l'intérêt plus général d'une politique active de soutien à l'initiative économique.
Je salue l'engagement et l'action volontariste de Renaud DUTREIL dans cette politique que le Président de la République qualifie "d'élément majeur de la stratégie économique de la France".
Votre présence nombreuse à ce passage du train de l'entreprise témoigne de votre engagement pour diffuser, la culture du défi, et pour libérer les forces vives de notre pays.
Je vous en remercie.

(Source http://www.social.gouv.fr, le 6 octobre 2003)