Déclaration de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les technologies de l'information et de la communication, les mesures à prendre pour une relance de l'investissement et de la consommation dans ce secteur d'activité, à Paris le 30 septembre 2003.

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Circonstance : Discours prononcé à l'occasion de "l'European IT forum" organisé par l'institut IDC à Paris le 30 septembre 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je me trouve parmi vous à l'occasion de l'European IT Forum organisé par l'institut IDC consacré au défi du management des technologies de l'information dans la période actuelle. Ma présence aujourd'hui témoigne de l'intérêt que je porte, depuis longtemps, à ce domaine. Car je suis convaincu que les TICs sont l'un des moteurs de la productivité des entreprises et qu'elles constituent une nouvelle révolution industrielle.
J'observerai aussi que le développement des Technologies de l'Information et de la Communication repose essentiellement sur des applications issues d'un effort important et permanent de recherche. La faculté de votre industrie à innover, constamment démontrée au cours des 40 dernières années, a ainsi permis de modifier en profondeur tous les secteurs de l'activité humaine. A l'avenir, la croissance sera largement fonction de la capacité de votre industrie à maintenir un rythme soutenu de réelles innovations et à en favoriser l'usage effectif. Dès lors vous vous êtes légitimement interrogés au cours de ces deux journées sur les technologies clés de demain et les services associés. J'ai cru percevoir, au vu des sujets traités par plusieurs intervenants, que le souci de démontrer la performance économique des technologies de l'information était devenu une préoccupation majeure de votre industrie. La conjoncture économique que nous connaissons depuis trois ans, a effectivement déplacé la demande des entreprises vers des projets plus courts avec un retour sur investissement rapide et clairement identifié. J'aurai l'occasion d'y revenir.
La question qui nous réunit aujourd'hui est simple : quels leviers économiques et technologiques mobiliser pour faciliter la reprise de l'investissement et de la consommation dans le domaine des TICs ?
J'ai confiance dans le fait que cette reprise soit possible en Europe.
D'abord parce que la dépense globale en TICs y est sensiblement plus faible qu'aux Etats-Unis. Le secteur dispose donc d'un potentiel de rattrapage en Europe et en France. Notre écart d'investissement avec les Etats Unis, qui s'est accentué depuis la seconde moitié des années 90, a en effet permis à l'économie américaine de connaître une croissance plus élevée, notamment grâce à l'élévation de ses gains de productivité.
La deuxième raison est que l'appétit des consommateurs et des entreprises me paraît intact dès lors qu'une offre adéquate et attractive leur est proposée.
Permettez moi pour illustrer mon propos de m'arrêter un instant sur l'exemple de la croissance de l'Internet haut débit en France.
A l'été 2002, j'ai suscité une baisse des tarifs de revente en gros de l'ADSL qui a marqué un tournant majeur dans le développement du marché français, en permettant d'abaisser les tarifs du grand public de 45 à 30 par mois. Le résultat, c'est que la France connaît depuis une croissance " fulgurante ", la plus forte d'Europe. Mais l'important est aussi de constater les effets induits. La croissance du nombre des abonnés a créé un cercle vertueux pour l'ensemble des acteurs de l'économie numérique. Le taux d'équipement des ménages en micro-informatique a augmenté de 20% en un an. En matière de commerce électronique, le montant des transactions a connu un développement de 60%. Notre ministère en a aussi bénéficié puisque cette année, plus de 600 000 personnes ont fait leur déclarations d'impôt par Internet : c'est 5 fois plus qu'en 2002.
De plus, le développement rapide des infrastructures ADSL a incité certains acteurs à proposer une offre de services audiovisuels tels que la télévision sur ADSL, qui verra son lancement commercial à la fin de l'année.
La France est engagée dans une dynamique mariant équipement et services. A la fin de l'année 2003, une campagne de communication gouvernementale associant plusieurs industriels sera lancée en faveur de l'équipement informatique. Elle renforcera l'effet des annonces traditionnelles du commerce, qui concerneront des promotions incluant les accès haut débit sur lesquels de nouveaux services seront proposés.
Après l'apparition de premières initiatives cette année, de nombreux pays européens s'apprêtent à vivre en 2004 un lancement à grande échelle des offres UMTS. Il s'agit bien sûr d'un défi majeur pour toute l'industrie productrice de TICs en Europe. Nous devons le relever avec succès. Pour cela, j'invite les opérateurs à veiller particulièrement à la pertinence, aux conditions tarifaires et à la qualité des services qu'ils offriront. L'expérience de l'Internet haut débit confirme, si besoin était, l'importance de combiner visions marketing et tarifaire claires des marchés ciblés et proposition de services et produits innovants.
Cette problématique me paraît revêtir une acuité particulière dans le cas de l'offre de services et de produits à l'attention des entreprises. Dans ce domaine, les utilisateurs ont besoin de mesurer complètement la performance économique des projets proposés.
En effet, les investissements technologiques créent rarement de la valeur économique par eux-mêmes. Pour être efficaces, ils doivent être partie prenante de projets stratégiques de réingénierie des entreprises, dont la gestion du changement est l'une des dimensions essentielles. C'est pourquoi l'offre technologique ne saurait se concevoir sans une offre conjointe et large de services associés, comprenant intégration de solutions logicielles, conseil en transformation des entreprises, formation et stratégie de communication interne. Les SSII cherchent donc à proposer une offre capable de traiter globalement tous ces sujets. A cette fin, elles ont été amenées à s'associer à des cabinets de conseil, ce qui entraîne un important mouvement de restructuration du secteur.
Pour une entreprise, l'amélioration de ses performances par les nouvelles technologies constitue un projet stratégique global. Or souvent, tandis que d'importants moyens sont consacrés à l'acquisition de matériels ou logiciels, ceux qui sont affectés au déploiement et à la formation demeurent insuffisants alors qu'ils sont la condition d'une bonne appropriation des technologies par le corps social de l'entreprise. Le management doit être impliqué et s'impliquer au plus haut niveau. On aborde ici un sujet culturel pour beaucoup d'entreprises européennes qui ne me paraissent pas encore être suffisamment convaincues que l'investissement dans les technologies de l'information est un facteur clé de leur compétitivité à une échéance rapprochée, et qu'il concerne, pour cette raison, non seulement les directions informatiques, mais tout l'Etat Major Exécutif.
Les entreprises ont été soumises à de fortes pressions financières depuis trois ans. Elles ont peu investi et se montrent sélectives dans le choix de leurs projets. Cette nouvelle donne doit conduire les acteurs de l'industrie des TICs à s'adapter pour être en mesure d'apporter une démonstration claire de la valeur des solutions proposées.
Parmi les technologies qui me paraissent importantes, sources de gains de compétitivité pour les entreprises, notamment parce qu'elles leurs permettent de fonctionner en réseau avec les clients, les partenaires ou les fournisseurs et parfois l'administration, je citerai la Gestion de la Relation Client en multicanal, les Progiciels de Gestion Intégrée, ou encore la technologie prometteuse des services Web qui ouvre la voie à l'intégration de processus entre entreprises.
Il s'agit bien sûr de technologies complexes qui induisent des changements profonds dans les organisations ; de ce fait, elles sont souvent réservées aux grands groupes. Pour autant, dès que leur stade de maturité est suffisant, elles devraient pouvoir être mises en uvre de manière fiable par toutes les entreprises, notamment par les PME.
Ce point est capital.
Au cours de la mission que lui a confiée le Premier ministre sur " l'économie numérique et les PME ", le député Jean-Paul Charié a fait le constat que l'offre de service était parfois difficile à appréhender par les PME et finalement leur était peu destinée. Le député travaillera à la mise en uvre de ses propositions. Il mobilisera les moyens de la Mission pour l'Economie Numérique de Bercy en y associant les fédérations professionnelles, les chambres de commerce et d'industrie, les DRIRE et les collectivités locales. J'encourage ce faisant, les différentes sociétés de service à affiner leur démarche marketing envers le tissu des PME en élaborant des offres adaptées pouvant être, le cas échéant de nature sectorielle.
L'objectif doit être que les bonnes pratiques en matière de TICs se diffusent au sein de chaque secteur de l'économie. Plusieurs d'entre eux parmi les plus importants et moteurs dans notre économie, tels que l'automobile ou l'aéronautique, se sont déjà engagés dans une démarche de transformation grâce à la dématérialisation des processus interentreprises. Mais l'objectif devrait être de susciter pour un grand nombre de secteurs, une prise de conscience en matière de système d'information analogue à celle que nous connaissons dans d'autres domaines tels que les démarches qualité ou les certifications environnementales.
C'est ainsi qu'une démarche nouvelle de labellisation de systèmes d'information et des processus associés pourrait être créée et mise en uvre. Les labels seraient délivrés par des organismes certificateurs accrédités, à partir de référentiels normalisés, établis par secteur d'activité en partenariat avec les fédérations professionnelles. Ils concerneraient les différents éléments du système d'information de l'entreprise tels que son urbanisme, ou la gestion de la relation client. En s'engageant dans une démarche de labellisation de ce type, les entreprises pourraient situer la qualité de leur système d'information et en mesurer directement la compétitivité. Il s'agit bien sûr d'une approche nouvelle, qui nécessite d'être débattue, et sur laquelle je vous invite à me faire part de vos réflexions.
Mais la compétitivité de l'économie repose aussi largement sur la capacité de l'Etat à développer l'administration électronique.
L'Etat, grand utilisateur des technologies pour son compte, est concerné au premier chef par le développement de l'économie numérique à travers le " e government " ou administration électronique. J'ai d'ailleurs noté qu'au cours des dernières années, le secteur public avait été l'un des rares à accroître son niveau d'investissement dans les TICs. C'est naturel car beaucoup reste à faire en matière de téléservices. Soucieux de faciliter la vie des entreprises, j'ai souhaité donner une nouvelle impulsion à l'offre du Minefi dans les domaines fiscal, douanier, ou bien encore de l'achat public.
Je peux ainsi d'ores et déjà vous annoncer que dans le domaine fiscal, en 2004 sera mis en place l'accès des entreprises à un compte fiscal global par Internet, grâce auquel elles pourront gérer tous les principaux impôts auxquels elles sont assujetties, c'est à dire effectuer leurs déclarations, consulter leurs avis d'imposition et faire leurs paiements. S'agissant de la TVA, depuis 2001 la télédéclaration de TVA a été rendue obligatoire pour les sociétés réalisant plus de 15 Millions d'euros de chiffre d'affaires, les autres entreprises y compris les plus petites disposant aussi si elles le souhaitent de la faculté de télédéclaration. Cette procédure est utilisée par 50 000 entreprises pour collecter 50% du montant de la TVA, c'est-à-dire 5 milliards d'euros par mois. Mon objectif est de quintupler en deux ans le nombre d'entreprises effectuant leur déclaration par voie électronique, pour atteindre 250 000 d'ici 2005.
S'agissant de la commande publique qui intéresse directement de nombreuses entreprises et représente 110 milliards d'euros par an, soit 7% du PIB, les acheteurs publics, en particulier ceux du Minefi, accepteront les candidatures et les offres électroniques à compter du 1er janvier 2005. Un portail permettra début 2004 aux entreprises de se faire connaître dans leur domaine de compétence afin d'être consultées sans formalisme. Pour les achats du Minefi, dès 2004, une information sur tous les achats du ministère soumis à la procédure d'appel d'offres sera disponible sur le site du Minefi. J'ajoute qu'à partir de la mi 2004 une expérimentation d'enchères inversées sur des achats de fournitures courantes sera conduite.
Tous ces éléments auront aussi pour conséquence de renforcer l'industrie productrice de TICs. L'industrie des TICs est mondiale et nécessite souvent des investissements importants. La normalisation en est une seconde caractéristique. Elle est destinée à favoriser l'interopérabilité des systèmes, et fait l'objet de batailles économiques puissantes. Pour ces deux raisons, une coordination à une échelle européenne s'avèrera indispensable.
Nous avons en Europe des succès industriels de taille mondiale. Je pense en particulier aux semi conducteurs, à certains éditeurs de logiciels ou encore à la téléphonie mobile.
Ces succès, et plus généralement toute votre industrie, reposent sur des investissements importants en Recherche et Développement. C'est pourquoi, au-delà de la participation active à tous les programmes européens de recherche, le Gouvernement a souhaité à l'occasion de la loi de finances pour 2004 prendre des dispositions pour soutenir l'effort des entreprises, en particulier les vôtres, pour celles qui ont une activité de R et D en France. Le Crédit d'Impôt Recherche est rénové et intégrera désormais une part de 5% du volume de leur dépense en R et D. Auparavant, ce mécanisme ne reposait que sur l'accroissement d'une année sur l'autre, des dépenses en recherche de l'entreprise, ce qui le rendait peu adapté aux périodes de faible croissance et donc de baisse des budgets.
Le secteur des technologies de l'information représente 7% du PIB en Europe. Avec le gouvernement allemand, nous lui avons réservé une place majeure dans l'initiative de croissance que nous entendons proposer à nos partenaires européens. Le déploiement de réseaux de télécommunications large bande, la recherche en semi conducteurs, les satellites de géolocalisation ou encore les services d'information dans les transports font partie des 10 projets qui la composent.
Ils renforceront la capacité des TICs à être l'un de nos plus puissants moteurs pour retrouver le chemin d'une croissance plus forte en France et en Europe. J'invite votre industrie à relever ce défi avec nous.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 1e octobre 2003)