Texte intégral
M. le Ministre - Nous avons parlé de toutes les questions et notamment du climat des relations entre les Américains et les Français, des relations qui s'améliorent, des relations qui sont, je crois qu'on peut le dire, confiantes. Nous avons évoqué la situation en Irak. Nous avons évoqué le problème des Chypriotes, la consultation qui a lieu.... Nous avons évoqué toutes les questions et celle de la dette irakienne, c'était un tour d'horizon qui s'est déroulé dans un climat très amical, très confiant.
Q. Sur la dette irakienne, on vous a fait des demandes particulières, on vous a fait des propositions ?
M. le Ministre - Sur la dette irakienne, le Secrétaire d'Etat Colin Powell et Madame Condolezza Rice ont demandé qu'on puisse alléger au maximum la dette. La France est tout à fait d'accord pour alléger la dette irakienne, la question est de savoir de quel pourcentage, de façon à ce que l'Irak qui a la deuxième réserve de pétrole au monde soit traité d'une manière qui soit compatible avec la question de la dette des pays les plus pauvres au monde qui ont eux-mêmes pas de ressources. Donc, on doit en parler ce soir au dîner des ministres des Finances du G7/G8. Je ne crois pas finalement que les positions soient irréconciliables.
Q. Est-ce que vous allez aborder demain matin lors des rencontres très matinales les dossiers ingrats sur les taux d'intérêt, les taux de change, ce qui est très aventureux pour un ministre de l'Economie dans une déclaration préalable? Est-ce que vous pouvez au moins dresser l'état des lieux des taux d'intérêts et taux de change ?
M. le Ministre - Moins on en dit sur la question, mieux c'est. Demain matin, peut-être que parce que ce sera tôt, on aura l'esprit plus frais.
Q. Monsieur le Ministre, le chef de la diplomatie américaine a-t-il été surpris de rencontrer le ministre français de l'Economie avant de rencontre son nouvel homologue français ?
M. le Ministre - Franchement, je ne crois pas qu'il était surpris. Il a eu au téléphone M. Barnier. Il avait l'habitude de travailler avec M. de Villepin. Il se trouve que M. de Villepin est devenu Ministre de l'Intérieur, moi je suis devenu Ministre des Finances. Mais je ne l'ai pas trouvé surpris, il était au courant que je venais...
Q. Est-ce que vous avez abordé la question de l'accès des entreprises aux contrats pour la reconstruction ?
M. le Ministre - Non. On a abordé beaucoup de questions y compris celle des détenus français. J'ai trouvé chez le Secrétaire d'Etat une volonté réelle de trouver une solution à ce problème rapidement. C'est vous dire que nous avons vraiment évoqué tous les sujets, comme on doit le faire entre amis, sans précaution particulière, en ne niant pas les différences quand il y en avait, mais en ayant une volonté bilatérale de rapprocher les points de vue.
Q. Mais est-ce que les Américains sont toujours très sensibles à ce que dépensent les Européens pour leur défense ? Ils trouvent généralement que l'on ne dépense pas assez. Est-ce que vous avez évoqué cette question et notamment le gel de certaines dépenses françaises ?
M. le Ministre - J'ai trouvé que le Secrétaire d'Etat Colin Powell était très au courant de la situation française mais pas au point qu'il me pose une question sur le sujet. Mais peut-être que j'aurais dû lui en parler.
Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org, le 29 avril 2004)
Q. Si vous n'aviez pas de message précis à apporter à Colin Powell et à Mme Rice, est-ce qu'en revanche vous avez quelque chose à rapporter à Paris ?
M. le Ministre - Ce n'est pas une question d'un message particulier ou pas, c'est un échange normal entre deux pays dont on peut dire qu'il y a quelques mois ils ont connu un certain refroidissement dans leurs relations. Ce qui explique d'ailleurs que la rencontre de responsables devienne un petit événement du fait de ce passé récent. C'est une occasion de normaliser les choses tranquillement et sereinement. On avait un désaccord sur la question irakienne, il faut maintenant se tourner vers l'avenir. Il y a un certain nombre de questions qui se posent, dont la dette irakienne, et on essaie d'en discuter tranquillement. Il y a aussi la question des détenus français. J'ai senti chez Colin Powell une volonté de répondre à différentes questions rapidement. C'était une façon d'échanger sur des sujets dont certains sont sous ma responsabilité.
Q. Au sujet de la dette justement, les Américains aimeraient bien apparemment que ce soit une annulation, ce qui ne convient pas tout à fait à la France qui ne souhaiterait une réduction que de moitié. Est-ce que c'est le cas ?
M. le Ministre - Ce n'est pas apparemment, c'est réellement. Nos amis américains considèrent que la dette devrait être annulée massivement et le plus rapidement possible. En ce qui nous concerne, nous sommes tout à fait d'accord pour annuler une partie de la dette irakienne. Il y a là une parfaite identité de vue. Et aucun pays n'attend que l'Irak puisse recommencer à verser l'argent pour rembourser sa dette. Donc la réalité du diagnostic, nous la partageons. Il n'y a personne qui veut faire rembourser l'Irak tout de suite et il n'y a personne qui refuse le principe d'un allègement de la dette irakienne. Alors, la question posée n'est pas tant vis à vis de l'Irak que vis à vis d'autres pays.
Je veux donner un certain nombre d'éléments objectifs. L'Irak a la deuxième réserve de pétrole du monde, elle a connu les problèmes que l'on sait. Et nous considérons, nous la France, qu'il est difficile d'expliquer à des pays qui sont beaucoup plus pauvres que l'Irak, parce qu'ils n'ont pas de matières premières, pas de réserves de pétrole, qu'on va annuler 100 %, je prends un exemple, de la dette pour eux mais que pour d'autres pays très pauvres, on n'en annulera que 50 %. Alors, est-ce que l'on peut trouver une voie de passage ? Vous voyez que la différence de point de vue, elle n'est pas dans l'analyse qui est parfaitement commune mais dans un calendrier et dans un pourcentage. Alors, est-ce qu'il y a un point de passage ? Qu'est-ce qu'il y a derrière ? Il y a derrière que le FMI ne peut prêter de l'argent pour la reconstruction que dans la mesure où le Club de Paris préalablement aura donné son accord. Question : Pour que le Club de Paris donne son accord, faut-il que toute la dette soit annulée ou pas et est-ce que l'on n'a pas là un point de passage pour trouver un accord ? Cela fait partie des discussions qui vont se prolonger.
Vous voyez c'est finalement beaucoup plus technique que politique en la matière. Il y a une différence d'appréciation sur ce plan technique. Nous pensons que les Américains souhaitent demander l'annulation quasiment de toute la dette pour permettre l'ouverture des prêts au pays, mais nous ne refusons pas d'annuler la dette irakienne pas parce que nous voulons récupérer de l'argent de l'Irak mais parce que nous craignons la contagion et l'impression d'injustice de pays qui sont beaucoup plus pauvres et qui pourraient immédiatement nous demander de faire la même chose. Et qu'est-ce qu'on dira ? Je vous présente le dossier tel que je l'ai évoqué avec Mme Rice et M. Powell. Il faut dédramatiser les questions, n'est-ce pas, Monsieur le Directeur du Trésor, le Gouverneur de la Banque de France ?
Q. Les Américains ont une solution à ce problème que vous soulevez ?
M. le Ministre - Eux veulent une annulation massive et rapide. On peut les comprendre puisqu'ils sont là-bas. Nous souhaitons que la résolution sur le plan de la dette n'en ouvre pas plusieurs dans des conditions
Le Directeur du Trésor - M. le Ministre, comme vous l'avez dit, ce qui est important c'est qu'effectivement on respecte bien les principes du Fonds Monétaire International et du Club de Paris en ce qui concerne le règlement d'une dette.
M. le Ministre - J'ajoute qu'il y a un autre problème, c'est que nous pensons que la décision de remettre la dette implique qu'il y ait un gouvernement ou une autorité - j'aurai d'ailleurs dû le dire en premier - et il me paraît difficile de remettre la dette tant qu'il n'y a pas une autorité dont la légitimité serait solide.
Q. C'est à dire après le 30 juin, après les élections ?
M. le Ministre - Là aussi, il y a une volonté de transfert de souveraineté, d'après ce que m'ont dit mes interlocuteurs américains au plus tard au mois de juin. Là dessus, les deux ont été formels. Bien sûr c'est un préalable parce que, pour annuler la dette, il faut contractualiser avec quelqu'un. La question d'une autorité ou d'un gouvernement irakien, c'est une question qui se posera.
Q. Si le 1er juillet, il y a une autorité gouvernementale de transition en Irak, est-ce que c'est un interlocuteur valable pour pouvoir traiter aux yeux du Club de Paris ?
M. le Ministre - Ecoutez, on va attendre la fin de la mission de M. Brahami qui est attendue avec beaucoup d'intérêt par les autorités américaines. Car la question qui se pose, c'est le transfert de souveraineté, transfert à qui ? Il y a une mission qui a lieu et le Président de la République recevra M. Brahami et on verra quel sera le résultat de ce travail. Il y a une volonté des Américains qui est le transfert de souveraineté au plus tard fin juin.
Q. Est-ce que vous avez parlé des problèmes pétrole contre nourriture ?
M. le Ministre - Pas un mot. Ce n'était pas une volonté, excusez-moi. Il se trouve que ce n'est pas venu dans la conversation.
Q. Vous avez une impression enthousiaste à l'idée de votre réunion ce soir avec le FMI, le G7. Est-ce que cela vous ennuie le FMI, les finances ?
M. le Ministre - Je vous remercie d'avoir tout compris. Il y a beaucoup de gens qui m'ont dit tout à l'heure, c'est bien de faire un discours avec un peu d'humour. Je vois que vous ne l'avez pas goûté totalement.. D'ailleurs, vous savez très bien que je suis quelqu'un de passionné. Donc ce dont je m'occupe ne m'ennuie pas si ce n'est quand les discussions sont trop convenues, ou les questions tellement téléphonées. C'était aussi de l'humour.
Q. C'est votre premier G7, vous avez examiné notamment la situation de l'économie mondiale, de la croissance, vous l'avez mentionné, la France n'est pas dans une situation très bonne, tout va bien sauf chez nous. Qu'est-ce qui a été dit sur le sujet ?
M. le Ministre - D'abord, ce n'est pas mon premier G7. C'est mon premier G7 en tant que Ministre des Finances. J'ai même eu l'occasion en tant que Ministre de l'Intérieur de présider un G7 organisé à Paris. Vous avez tout à fait raison la croissance est extrêmement forte aux Etats-Unis, très forte en Asie, en Chine et même au Japon. Elle est très forte dans certains pays émergents, il y a la question de l'Argentine, question que nous allons évoquer pas plus tard que ce soir. Et cette question n'est pas neutre parce qu'elle concerne de grandes entreprises françaises puisque la crise de l'énergie, le gouvernement argentin fait reproche à certaines de nos entreprises et la situation de chaos qui a régné n'incitait pas un certain nombre d'intervenants privés à aller investir dans un pays dont on n'avait pas la garantie que ces investissements seraient respectés.
Sur la zone Euro, ne soyons pas trop sévères parce que la Banque de France comme la BCE ont bien noté qu'on restait dans une fourchette de croissance entre 1,7 et 1,8. Un petit mieux en France qu'en Allemagne ou en Italie, un petit mieux même que la moyenne. Donc, on ne peut pas dire qu'avec 1,8, ce n'est pas de la croissance. Le problème c'est que ce n'est pas suffisant et moins bien que les autres.
Ce n'est pas une petite question que de comprendre pourquoi cela va moins bien dans la zone Euro que chez les autres. Ce sera un des thèmes de travail qui va nous arriver, certainement nous devons continuer les réformes que nous avons initiées, car je suis persuadé de l'impact négatif des déficits et de l'endettement sur la consommation et la confiance du consommateur français.
Nous sommes très conscients que nous avons des efforts à faire en terme de maîtrise de nos déficits. Ce sur quoi j'ai plaidé, c'est qu'il y a qu'un seul monde et que nous avons tous des efforts à faire.
Q. Ce n'est pas la politique américaine ?
M. le Ministre - Non, la caractéristique, c'est peut-être un point de désaccord, c'est qu'elle n'a pas pris justement. Vous connaissez suffisamment ces questions, vous savez bien, vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a que de la politique. Chacun doit reconnaître les rôles prépondérants d'une politique américaine. Il n'y a pas qu'eux. Par ailleurs, nous nous sommes préoccupés de l'évolution du prix du pétrole qui est une vraie question. D'ailleurs, on aurait pu dire juste l'évolution du prix de certaines matières premières, la question de l'acier n'est pas un petit sujet. Si nous avons un problème de déficit, d'après ce que je vois, nous ne sommes pas les seuls. Cela ne m'a pas échappé.
Vous savez, je suis Ministre des Finances depuis moins d'un mois, je n'aimerais pas être arrogant et vouloir donner des réponses à des sujets aussi complexes. Je suis bien conscient que nous avons beaucoup de travail à faire. Et je pense qu'on n'est pas les seuls et que s'il y a des menaces sur la croissance, elles ne viennent pas simplement des croissances qui ne sont pas assez fortes. Mais qui n'est pas assez forte dans la zone Euro ? Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Ce n'est pas un petit problème et cela montre à l'utilité de ces réunions qui vont nous permettre d'échanger, et d'échanger surtout de la façon la moins convenue possible. Je sais bien qu'il y a des codes, je sais bien qu'il y a des marchés, qu'il faut faire attention à ce que l'on dit, mais je suis attaché à ce que la prudence n'amène pas à vider la substance. Cela pourrait être aussi un problème.
Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org; le 29 avril 2004)
Q. Monsieur le Ministre, vous venez de rencontrer exceptionnellement le Conseiller à la Sécurité Nationale et le Ministre des Affaires étrangères, le Secrétaire d'Etat, apparemment cela s'est bien passé ?
M. le Ministre - Oui, cela s'est très bien passé, et puis les habitudes sont faites pour être changées. Après tout, à partir du moment où je venais à Washington autant avoir des contacts multiples et divers et cela a été, me semble-t-il extrêmement fructueux. Cela s'est passé dans un climat de grande confiance et d'amitié. Les Etats-Unis et la France ont connu une période un peu tendue à la suite du désaccord qui nous a opposés sur la façon dont il convenait de traiter la question irakienne. Eh bien maintenant cela appartient au passé, il faut se tourner vers l'avenir, et pour cela le plus de contacts possibles sont nécessaires. Mais je n'ai pas eu que des rendez-vous avec des ministres ou des responsables de l'Administration, j'ai eu aussi un déjeuner débat avec des responsables importants d'associations. Je crois que c'est très important que les Américains, les Français, se comprennent mieux.
Q. Sur le plan de la religion que vous avez abordée à midi, quel vous semble le point de convergence entre les Etats-Unis et la France qui ont une approche totalement différente du problème ?
M. le Ministre - Vous avez raison, on a une approche très différente, raison de plus pour se comprendre et qu'il n'y ait pas de faux procès ou de malentendu. J'ai expliqué notamment que la loi sur le voile, ce n'était pas une loi de prohibition, mais c'était au contraire pour garantir une liberté. J'ai également expliqué pourquoi j'avais été amené à conduire les musulmans de France à s'organiser dans un conseil français du culte musulman. Et puis j'ai été amené à dire avec quelle force le gouvernement français a engagé la lutte contre toute forme d'antisémitisme. La France n'est pas un pays antisémite et je crois que c'était important qu'on puisse en parler comme cela, simplement entre amis. Mais à quoi cela sert d'être amis, si l'on ne se dit pas les choses.
Q. Vous avez l'impression que ce que l'on a pu appeler bêtement ou pas l'antiaméricanisme en France a encore de beaux jours devant lui ou qu'au contraire les choses s'apaisent de ce point de vue ?
M. le Ministre - Moi, je ne crois pas à l'antiaméricanisme. Ecoutez, chacun d'entre nous connaît des jeunes dans toutes les familles de France qui n'ont qu'un seul rêve, c'est venir aux Etats-Unis, y passer des vacances, y apprendre la langue, pouvoir y travailler. L'amitié entre les peuples, cela compte. Et encore une fois, il faut dédramatiser les désaccords. Les désaccords, c'est l'actualité. La réalité de notre histoire, c'est l'amitié.
Q. Mais quand vous dîtes ici, devant la communauté française, que vous aimeriez bien importer ou vous inspirer de beaucoup de choses ici aux Etats-Unis, sur le plan économique ou sur d'autres plans, c'est des propos qui peuvent encore, c'est vrai en France, susciter des réactions ?
M. le Ministre - Mais, comme vous étiez là, vous avez bien entendu que ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il y avait toujours chez chacun des choses dont il fallait savoir s'inspirer parce qu'elles marchaient et des choses qui n'étaient pas transposables. Le modèle américain n'est pas transposable. Mais pour autant l'optimisme, le dynamisme, la reconnaissance du succès, la possibilité de donner une nouvelle chance, ce sont des choses qui ont contribué beaucoup à la prospérité américaine, à la création phénoménale d'emplois aux Etats-Unis. Il est normal que l'ensemble des ministres des Finances du G8 regardent ce qui fonctionne. Pour le reste, nous avons un attachement aux valeurs de solidarité, de cohésion et de République qui n'est pas le même ici. Donc, il faut s'inspirer de ce qui marche et puis rester avec un modèle qui est le nôtre. Comparaison ne veut pas dire raison.
Q. Sur un autre sujet, à propos du budget de la Défense dont on parle beaucoup en France en ce moment, est-ce que vous avez réussi à faire comprendre à Michèle Alliot-Marie qu'il fallait économiser ce fameux milliard ?
M. le Ministre - Vous savez, cela fait vingt-trois ans que la France présente un budget en déficit. La France a pris un certain nombre d'engagements internationaux. Nous devons maîtriser nos dépenses publiques. C'est un travail qui est difficile et c'est un travail qui est indispensable. Il faut le mener avec sérénité, avec calme et avec détermination. C'est la feuille de route que l'on m'a fixée. Comme toujours, j'essaie de faire ce que je dis et dire ce que je fais.
Q. Donner une nouvelle chance aux Française et dynamiser, cela veut dire quoi concrètement en termes de mesures ?
M. le Ministre - J'aurai l'occasion de m'exprimer plus longuement au début du mois de mai dans une conférence de presse que je ferai.
Q. Monsieur le Ministre, vous disiez que les liens avec les Etats-Unis étaient bons à vos yeux, parmi les critiques que les Etats-Unis font à l'Europe c'est de ne pas assez dépenser pour sa défense mais de ne pas prendre suffisamment sa part de l'effort commun ?
M. le Ministre - J'aurai l'occasion de parler plus longuement de toutes ces questions dans une conférence de presse que je ferai le 4 mai. L'effort que la France fait en faveur de la défense, chacun le connaît bien et est tout à fait nécessaire. Il y a des impératifs budgétaires que chacun aussi comprend et connaît. Il n'y a pas lieu à polémiquer, il y a un effort partagé.
Q. Heureusement qu'on n'est pas en Irak alors ?
M. le Ministre - Je ne pense pas que nous n'avons pas été en Irak pour des seules questions budgétaires à moins que nous n'ayez des révélations à me faire.
Q. Vous pensez que la France participerait demain dans le cadre de l'OTAN si les conditions étaient réunies ?
M. le Ministre - Je crois que le Président de la République s'est exprimé sur le sujet. Je pense que c'était important pour moi de venir aux Etats-Unis pour avoir ces occasions de rencontres et à partir du moment où il y avait une réunion du FMI, une réunion du G7/8 de pouvoir essayer, pour la part qui est la mienne, de lever des malentendus. Je crois que c'est en bonne voie.
Q. Est-ce que vous n'avez pas un peu marché sur les plates-bandes de M. Barnier, de M. de Villepin ?
M. le Ministre - Voire Chirac... (rires)
Q. Jean-Paul II ?
M. le Ministre - Vous savez ce qui est formidable, c'est que vous vivez aux Etats-Unis et que vous êtes restés typiquement français, je vous en félicite.
Q. Il y a énormément de gardes du corps autour de vous, est-ce que vous avez eu des menaces précises, comment est-ce que vous expliquez cette présence ?
M. le Ministre - Non, il n'y a pas de gardes du corps énormément autour de moi, il y en a quatre français. Et s'agissant du Secret Service, vous devez peut-être interroger le Secrétaire d'Etat à l'Intérieur alors.
Q. Est-ce que vous avez reçu des menaces ?
M. le Ministre - Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org, le 29 avril 2004)
M. le Ministre - C'est l'occasion pour l'ensemble des ministres des Finances, cette Assemblée générale du FMI, pour essayer de retrouver le chemin de la croissance, pour comprendre pourquoi il y a beaucoup de croissance aux Etats-Unis, pourquoi il y a beaucoup de croissance en Asie, pourquoi il y a de la croissance dans un certain de nombre de pays émergents et pourquoi dans la zone Euro il y a de la croissance mais pas assez. C'est cela la question qui est posée, qui nous est posé à tous. Parce que la croissance c'est l'emploi, et l'emploi c'est ce qu'attendent de nous nos compatriotes.
Q. Vous avez des recettes pour la réunion de demain ?
M. le Ministre - Pour des recettes, nous avons surtout une volonté. Il faut conduire un certain nombre de réformes, il faut réduire nos déficits, il faut soutenir l'activité, je crois pour les pays où la croissance n'est pas assez forte. Pour les pays où la croissance est très forte, il faut faire attention au prix des matières premières, il faut faire attention au déséquilibre financier et budgétaire. Et il faut que chacun comprenne qu'il n'y a qu'un seul monde et que nous sommes tous tributaires les uns des autres. Il faut donc coordonner nos politiques et essayer de trouver la politique la mieux adaptée à chaque zone. Il n'y a pas une réponse. Il y a des réponses qui sont adaptées à chaque zone et à chaque époque.
Q. Est-ce que vous venez chercher des réponses ici aux Etats-Unis, un pays qui semble repartir dans la croissance ? C'est un modèle dans une certaine mesure ?
M. le Ministre - Vous savez la France n'est pas une page blanche. On ne plaque pas des modèles pris ailleurs. Mais chacun sait l'importance et l'influence des grandes économies du monde sur l'économie française. Nous avons besoin que l'activité reparte. Et elle est repartie au Japon. C'est important les 9 % de croissance en Chine. Et quand aux Etats-Unis, leur économie elle aussi est prospère, c'est important aussi pour nos entreprises. Et on voit bien par exemple quand l'Allemagne et l'Italie ont des économies avec un problème de croissance que c'est un problème aussi pour nous, et nous sommes un problème aussi. Il n'y a plus d'économies qui sont isolées des autres, c'est donc l'utilité de ces rencontres. Il faut coordonner nos politiques, voir si nous avons les mêmes analyses, les confronter et trouver des solutions en commun. Mais ce ne sont pas forcément les mêmes solutions. Ce n'est pas parce que dans un endroit cela a marché que cela fonctionnera obligatoirement dans un autre. Mais cet échange est indispensable parce que personne ne peut se passer des autres.
Q. Dans votre inspiration du modèle américain, vous dites que vous donnez une chance ou une deuxième chance aux gens, c'est quoi concrètement ?
M. le Ministre - Ce n'est pas une inspiration de quelque modèle que ce soit. Je crois que la vraie politique sociale, c'est une politique où chacun, quelque soit son âge, quelque soit son statut, quelque soit l'échec auquel il a été confronté, aura le droit de se relever et faire vivre sa famille du fruit de son travail et pas seulement de son assistance.
Q. Mais comment ?
M. le Ministre - Cela, c'est le principe. Pour le comment, il y aura toutes les semaines qui viennent qui nous permettront de définir comment.
Q. L'amitié franco-américaine est importante à ce point pour que cela justifie le fait de rencontrer M. Powell, Mme Rice ou est-ce autre chose ?
M. le Ministre - Vous savez, l'amitié entre la France et les Etats-Unis, c'est important quand on regarde notre histoire. Aucun Français n'a oublié que quand on avait besoin des Etats-Unis, des Américains, ils étaient là. Le Président des Etats-Unis, à l'invitation du Président de la France, sera au mois de juin en Normandie. Cela signifie quelque chose d'important.
Q. Avec Colin Powell, vous avez parlé du projet du grand Moyen-Orient dans vos échanges ?
M. le Ministre - Pas simplement avec Colin Powell, avec Condoleezza Rice aussi. C'est une initiative extrêmement intéressante qui consiste à se dire que la liberté permettra le développement et le développement consolidera la liberté. Ce qu'il faut c'est que cette idée qui est une idée intéressante, les gouvernements concernés se l'approprient parce que l'on ne peut pas plaquer un modèle de l'extérieur.
Q. Qu'est-ce que les Etats-Unis attendent de la France, qu'est-ce qu'on vous a demandé aujourd'hui ? Vos interlocuteurs vous ont demandé des choses précises ?
M. le Ministre - Mais rien. Enfin, on a procédé à des échanges. On a essayé de comprendre un certain nombre de choses, on a évoqué l'avenir.
Q. Ils ont des attentes ?
M. le Ministre - Il y a des attentes bien sûr, la dette en Irak, un certain nombre de sujets. On a commencé à en parler et on a encore jusqu'à demain soir.
Q. Vous avez parlé de resserrer des liens avec ces rencontres, est-ce que vous pensez avoir progressé ?
M. le Ministre - C'est à vous de le dire. Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org, le 29 avril 2004)
Q. Sur la dette irakienne, on vous a fait des demandes particulières, on vous a fait des propositions ?
M. le Ministre - Sur la dette irakienne, le Secrétaire d'Etat Colin Powell et Madame Condolezza Rice ont demandé qu'on puisse alléger au maximum la dette. La France est tout à fait d'accord pour alléger la dette irakienne, la question est de savoir de quel pourcentage, de façon à ce que l'Irak qui a la deuxième réserve de pétrole au monde soit traité d'une manière qui soit compatible avec la question de la dette des pays les plus pauvres au monde qui ont eux-mêmes pas de ressources. Donc, on doit en parler ce soir au dîner des ministres des Finances du G7/G8. Je ne crois pas finalement que les positions soient irréconciliables.
Q. Est-ce que vous allez aborder demain matin lors des rencontres très matinales les dossiers ingrats sur les taux d'intérêt, les taux de change, ce qui est très aventureux pour un ministre de l'Economie dans une déclaration préalable? Est-ce que vous pouvez au moins dresser l'état des lieux des taux d'intérêts et taux de change ?
M. le Ministre - Moins on en dit sur la question, mieux c'est. Demain matin, peut-être que parce que ce sera tôt, on aura l'esprit plus frais.
Q. Monsieur le Ministre, le chef de la diplomatie américaine a-t-il été surpris de rencontrer le ministre français de l'Economie avant de rencontre son nouvel homologue français ?
M. le Ministre - Franchement, je ne crois pas qu'il était surpris. Il a eu au téléphone M. Barnier. Il avait l'habitude de travailler avec M. de Villepin. Il se trouve que M. de Villepin est devenu Ministre de l'Intérieur, moi je suis devenu Ministre des Finances. Mais je ne l'ai pas trouvé surpris, il était au courant que je venais...
Q. Est-ce que vous avez abordé la question de l'accès des entreprises aux contrats pour la reconstruction ?
M. le Ministre - Non. On a abordé beaucoup de questions y compris celle des détenus français. J'ai trouvé chez le Secrétaire d'Etat une volonté réelle de trouver une solution à ce problème rapidement. C'est vous dire que nous avons vraiment évoqué tous les sujets, comme on doit le faire entre amis, sans précaution particulière, en ne niant pas les différences quand il y en avait, mais en ayant une volonté bilatérale de rapprocher les points de vue.
Q. Mais est-ce que les Américains sont toujours très sensibles à ce que dépensent les Européens pour leur défense ? Ils trouvent généralement que l'on ne dépense pas assez. Est-ce que vous avez évoqué cette question et notamment le gel de certaines dépenses françaises ?
M. le Ministre - J'ai trouvé que le Secrétaire d'Etat Colin Powell était très au courant de la situation française mais pas au point qu'il me pose une question sur le sujet. Mais peut-être que j'aurais dû lui en parler.
Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org, le 29 avril 2004)
Q. Si vous n'aviez pas de message précis à apporter à Colin Powell et à Mme Rice, est-ce qu'en revanche vous avez quelque chose à rapporter à Paris ?
M. le Ministre - Ce n'est pas une question d'un message particulier ou pas, c'est un échange normal entre deux pays dont on peut dire qu'il y a quelques mois ils ont connu un certain refroidissement dans leurs relations. Ce qui explique d'ailleurs que la rencontre de responsables devienne un petit événement du fait de ce passé récent. C'est une occasion de normaliser les choses tranquillement et sereinement. On avait un désaccord sur la question irakienne, il faut maintenant se tourner vers l'avenir. Il y a un certain nombre de questions qui se posent, dont la dette irakienne, et on essaie d'en discuter tranquillement. Il y a aussi la question des détenus français. J'ai senti chez Colin Powell une volonté de répondre à différentes questions rapidement. C'était une façon d'échanger sur des sujets dont certains sont sous ma responsabilité.
Q. Au sujet de la dette justement, les Américains aimeraient bien apparemment que ce soit une annulation, ce qui ne convient pas tout à fait à la France qui ne souhaiterait une réduction que de moitié. Est-ce que c'est le cas ?
M. le Ministre - Ce n'est pas apparemment, c'est réellement. Nos amis américains considèrent que la dette devrait être annulée massivement et le plus rapidement possible. En ce qui nous concerne, nous sommes tout à fait d'accord pour annuler une partie de la dette irakienne. Il y a là une parfaite identité de vue. Et aucun pays n'attend que l'Irak puisse recommencer à verser l'argent pour rembourser sa dette. Donc la réalité du diagnostic, nous la partageons. Il n'y a personne qui veut faire rembourser l'Irak tout de suite et il n'y a personne qui refuse le principe d'un allègement de la dette irakienne. Alors, la question posée n'est pas tant vis à vis de l'Irak que vis à vis d'autres pays.
Je veux donner un certain nombre d'éléments objectifs. L'Irak a la deuxième réserve de pétrole du monde, elle a connu les problèmes que l'on sait. Et nous considérons, nous la France, qu'il est difficile d'expliquer à des pays qui sont beaucoup plus pauvres que l'Irak, parce qu'ils n'ont pas de matières premières, pas de réserves de pétrole, qu'on va annuler 100 %, je prends un exemple, de la dette pour eux mais que pour d'autres pays très pauvres, on n'en annulera que 50 %. Alors, est-ce que l'on peut trouver une voie de passage ? Vous voyez que la différence de point de vue, elle n'est pas dans l'analyse qui est parfaitement commune mais dans un calendrier et dans un pourcentage. Alors, est-ce qu'il y a un point de passage ? Qu'est-ce qu'il y a derrière ? Il y a derrière que le FMI ne peut prêter de l'argent pour la reconstruction que dans la mesure où le Club de Paris préalablement aura donné son accord. Question : Pour que le Club de Paris donne son accord, faut-il que toute la dette soit annulée ou pas et est-ce que l'on n'a pas là un point de passage pour trouver un accord ? Cela fait partie des discussions qui vont se prolonger.
Vous voyez c'est finalement beaucoup plus technique que politique en la matière. Il y a une différence d'appréciation sur ce plan technique. Nous pensons que les Américains souhaitent demander l'annulation quasiment de toute la dette pour permettre l'ouverture des prêts au pays, mais nous ne refusons pas d'annuler la dette irakienne pas parce que nous voulons récupérer de l'argent de l'Irak mais parce que nous craignons la contagion et l'impression d'injustice de pays qui sont beaucoup plus pauvres et qui pourraient immédiatement nous demander de faire la même chose. Et qu'est-ce qu'on dira ? Je vous présente le dossier tel que je l'ai évoqué avec Mme Rice et M. Powell. Il faut dédramatiser les questions, n'est-ce pas, Monsieur le Directeur du Trésor, le Gouverneur de la Banque de France ?
Q. Les Américains ont une solution à ce problème que vous soulevez ?
M. le Ministre - Eux veulent une annulation massive et rapide. On peut les comprendre puisqu'ils sont là-bas. Nous souhaitons que la résolution sur le plan de la dette n'en ouvre pas plusieurs dans des conditions
Le Directeur du Trésor - M. le Ministre, comme vous l'avez dit, ce qui est important c'est qu'effectivement on respecte bien les principes du Fonds Monétaire International et du Club de Paris en ce qui concerne le règlement d'une dette.
M. le Ministre - J'ajoute qu'il y a un autre problème, c'est que nous pensons que la décision de remettre la dette implique qu'il y ait un gouvernement ou une autorité - j'aurai d'ailleurs dû le dire en premier - et il me paraît difficile de remettre la dette tant qu'il n'y a pas une autorité dont la légitimité serait solide.
Q. C'est à dire après le 30 juin, après les élections ?
M. le Ministre - Là aussi, il y a une volonté de transfert de souveraineté, d'après ce que m'ont dit mes interlocuteurs américains au plus tard au mois de juin. Là dessus, les deux ont été formels. Bien sûr c'est un préalable parce que, pour annuler la dette, il faut contractualiser avec quelqu'un. La question d'une autorité ou d'un gouvernement irakien, c'est une question qui se posera.
Q. Si le 1er juillet, il y a une autorité gouvernementale de transition en Irak, est-ce que c'est un interlocuteur valable pour pouvoir traiter aux yeux du Club de Paris ?
M. le Ministre - Ecoutez, on va attendre la fin de la mission de M. Brahami qui est attendue avec beaucoup d'intérêt par les autorités américaines. Car la question qui se pose, c'est le transfert de souveraineté, transfert à qui ? Il y a une mission qui a lieu et le Président de la République recevra M. Brahami et on verra quel sera le résultat de ce travail. Il y a une volonté des Américains qui est le transfert de souveraineté au plus tard fin juin.
Q. Est-ce que vous avez parlé des problèmes pétrole contre nourriture ?
M. le Ministre - Pas un mot. Ce n'était pas une volonté, excusez-moi. Il se trouve que ce n'est pas venu dans la conversation.
Q. Vous avez une impression enthousiaste à l'idée de votre réunion ce soir avec le FMI, le G7. Est-ce que cela vous ennuie le FMI, les finances ?
M. le Ministre - Je vous remercie d'avoir tout compris. Il y a beaucoup de gens qui m'ont dit tout à l'heure, c'est bien de faire un discours avec un peu d'humour. Je vois que vous ne l'avez pas goûté totalement.. D'ailleurs, vous savez très bien que je suis quelqu'un de passionné. Donc ce dont je m'occupe ne m'ennuie pas si ce n'est quand les discussions sont trop convenues, ou les questions tellement téléphonées. C'était aussi de l'humour.
Q. C'est votre premier G7, vous avez examiné notamment la situation de l'économie mondiale, de la croissance, vous l'avez mentionné, la France n'est pas dans une situation très bonne, tout va bien sauf chez nous. Qu'est-ce qui a été dit sur le sujet ?
M. le Ministre - D'abord, ce n'est pas mon premier G7. C'est mon premier G7 en tant que Ministre des Finances. J'ai même eu l'occasion en tant que Ministre de l'Intérieur de présider un G7 organisé à Paris. Vous avez tout à fait raison la croissance est extrêmement forte aux Etats-Unis, très forte en Asie, en Chine et même au Japon. Elle est très forte dans certains pays émergents, il y a la question de l'Argentine, question que nous allons évoquer pas plus tard que ce soir. Et cette question n'est pas neutre parce qu'elle concerne de grandes entreprises françaises puisque la crise de l'énergie, le gouvernement argentin fait reproche à certaines de nos entreprises et la situation de chaos qui a régné n'incitait pas un certain nombre d'intervenants privés à aller investir dans un pays dont on n'avait pas la garantie que ces investissements seraient respectés.
Sur la zone Euro, ne soyons pas trop sévères parce que la Banque de France comme la BCE ont bien noté qu'on restait dans une fourchette de croissance entre 1,7 et 1,8. Un petit mieux en France qu'en Allemagne ou en Italie, un petit mieux même que la moyenne. Donc, on ne peut pas dire qu'avec 1,8, ce n'est pas de la croissance. Le problème c'est que ce n'est pas suffisant et moins bien que les autres.
Ce n'est pas une petite question que de comprendre pourquoi cela va moins bien dans la zone Euro que chez les autres. Ce sera un des thèmes de travail qui va nous arriver, certainement nous devons continuer les réformes que nous avons initiées, car je suis persuadé de l'impact négatif des déficits et de l'endettement sur la consommation et la confiance du consommateur français.
Nous sommes très conscients que nous avons des efforts à faire en terme de maîtrise de nos déficits. Ce sur quoi j'ai plaidé, c'est qu'il y a qu'un seul monde et que nous avons tous des efforts à faire.
Q. Ce n'est pas la politique américaine ?
M. le Ministre - Non, la caractéristique, c'est peut-être un point de désaccord, c'est qu'elle n'a pas pris justement. Vous connaissez suffisamment ces questions, vous savez bien, vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a que de la politique. Chacun doit reconnaître les rôles prépondérants d'une politique américaine. Il n'y a pas qu'eux. Par ailleurs, nous nous sommes préoccupés de l'évolution du prix du pétrole qui est une vraie question. D'ailleurs, on aurait pu dire juste l'évolution du prix de certaines matières premières, la question de l'acier n'est pas un petit sujet. Si nous avons un problème de déficit, d'après ce que je vois, nous ne sommes pas les seuls. Cela ne m'a pas échappé.
Vous savez, je suis Ministre des Finances depuis moins d'un mois, je n'aimerais pas être arrogant et vouloir donner des réponses à des sujets aussi complexes. Je suis bien conscient que nous avons beaucoup de travail à faire. Et je pense qu'on n'est pas les seuls et que s'il y a des menaces sur la croissance, elles ne viennent pas simplement des croissances qui ne sont pas assez fortes. Mais qui n'est pas assez forte dans la zone Euro ? Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Ce n'est pas un petit problème et cela montre à l'utilité de ces réunions qui vont nous permettre d'échanger, et d'échanger surtout de la façon la moins convenue possible. Je sais bien qu'il y a des codes, je sais bien qu'il y a des marchés, qu'il faut faire attention à ce que l'on dit, mais je suis attaché à ce que la prudence n'amène pas à vider la substance. Cela pourrait être aussi un problème.
Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org; le 29 avril 2004)
Q. Monsieur le Ministre, vous venez de rencontrer exceptionnellement le Conseiller à la Sécurité Nationale et le Ministre des Affaires étrangères, le Secrétaire d'Etat, apparemment cela s'est bien passé ?
M. le Ministre - Oui, cela s'est très bien passé, et puis les habitudes sont faites pour être changées. Après tout, à partir du moment où je venais à Washington autant avoir des contacts multiples et divers et cela a été, me semble-t-il extrêmement fructueux. Cela s'est passé dans un climat de grande confiance et d'amitié. Les Etats-Unis et la France ont connu une période un peu tendue à la suite du désaccord qui nous a opposés sur la façon dont il convenait de traiter la question irakienne. Eh bien maintenant cela appartient au passé, il faut se tourner vers l'avenir, et pour cela le plus de contacts possibles sont nécessaires. Mais je n'ai pas eu que des rendez-vous avec des ministres ou des responsables de l'Administration, j'ai eu aussi un déjeuner débat avec des responsables importants d'associations. Je crois que c'est très important que les Américains, les Français, se comprennent mieux.
Q. Sur le plan de la religion que vous avez abordée à midi, quel vous semble le point de convergence entre les Etats-Unis et la France qui ont une approche totalement différente du problème ?
M. le Ministre - Vous avez raison, on a une approche très différente, raison de plus pour se comprendre et qu'il n'y ait pas de faux procès ou de malentendu. J'ai expliqué notamment que la loi sur le voile, ce n'était pas une loi de prohibition, mais c'était au contraire pour garantir une liberté. J'ai également expliqué pourquoi j'avais été amené à conduire les musulmans de France à s'organiser dans un conseil français du culte musulman. Et puis j'ai été amené à dire avec quelle force le gouvernement français a engagé la lutte contre toute forme d'antisémitisme. La France n'est pas un pays antisémite et je crois que c'était important qu'on puisse en parler comme cela, simplement entre amis. Mais à quoi cela sert d'être amis, si l'on ne se dit pas les choses.
Q. Vous avez l'impression que ce que l'on a pu appeler bêtement ou pas l'antiaméricanisme en France a encore de beaux jours devant lui ou qu'au contraire les choses s'apaisent de ce point de vue ?
M. le Ministre - Moi, je ne crois pas à l'antiaméricanisme. Ecoutez, chacun d'entre nous connaît des jeunes dans toutes les familles de France qui n'ont qu'un seul rêve, c'est venir aux Etats-Unis, y passer des vacances, y apprendre la langue, pouvoir y travailler. L'amitié entre les peuples, cela compte. Et encore une fois, il faut dédramatiser les désaccords. Les désaccords, c'est l'actualité. La réalité de notre histoire, c'est l'amitié.
Q. Mais quand vous dîtes ici, devant la communauté française, que vous aimeriez bien importer ou vous inspirer de beaucoup de choses ici aux Etats-Unis, sur le plan économique ou sur d'autres plans, c'est des propos qui peuvent encore, c'est vrai en France, susciter des réactions ?
M. le Ministre - Mais, comme vous étiez là, vous avez bien entendu que ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il y avait toujours chez chacun des choses dont il fallait savoir s'inspirer parce qu'elles marchaient et des choses qui n'étaient pas transposables. Le modèle américain n'est pas transposable. Mais pour autant l'optimisme, le dynamisme, la reconnaissance du succès, la possibilité de donner une nouvelle chance, ce sont des choses qui ont contribué beaucoup à la prospérité américaine, à la création phénoménale d'emplois aux Etats-Unis. Il est normal que l'ensemble des ministres des Finances du G8 regardent ce qui fonctionne. Pour le reste, nous avons un attachement aux valeurs de solidarité, de cohésion et de République qui n'est pas le même ici. Donc, il faut s'inspirer de ce qui marche et puis rester avec un modèle qui est le nôtre. Comparaison ne veut pas dire raison.
Q. Sur un autre sujet, à propos du budget de la Défense dont on parle beaucoup en France en ce moment, est-ce que vous avez réussi à faire comprendre à Michèle Alliot-Marie qu'il fallait économiser ce fameux milliard ?
M. le Ministre - Vous savez, cela fait vingt-trois ans que la France présente un budget en déficit. La France a pris un certain nombre d'engagements internationaux. Nous devons maîtriser nos dépenses publiques. C'est un travail qui est difficile et c'est un travail qui est indispensable. Il faut le mener avec sérénité, avec calme et avec détermination. C'est la feuille de route que l'on m'a fixée. Comme toujours, j'essaie de faire ce que je dis et dire ce que je fais.
Q. Donner une nouvelle chance aux Française et dynamiser, cela veut dire quoi concrètement en termes de mesures ?
M. le Ministre - J'aurai l'occasion de m'exprimer plus longuement au début du mois de mai dans une conférence de presse que je ferai.
Q. Monsieur le Ministre, vous disiez que les liens avec les Etats-Unis étaient bons à vos yeux, parmi les critiques que les Etats-Unis font à l'Europe c'est de ne pas assez dépenser pour sa défense mais de ne pas prendre suffisamment sa part de l'effort commun ?
M. le Ministre - J'aurai l'occasion de parler plus longuement de toutes ces questions dans une conférence de presse que je ferai le 4 mai. L'effort que la France fait en faveur de la défense, chacun le connaît bien et est tout à fait nécessaire. Il y a des impératifs budgétaires que chacun aussi comprend et connaît. Il n'y a pas lieu à polémiquer, il y a un effort partagé.
Q. Heureusement qu'on n'est pas en Irak alors ?
M. le Ministre - Je ne pense pas que nous n'avons pas été en Irak pour des seules questions budgétaires à moins que nous n'ayez des révélations à me faire.
Q. Vous pensez que la France participerait demain dans le cadre de l'OTAN si les conditions étaient réunies ?
M. le Ministre - Je crois que le Président de la République s'est exprimé sur le sujet. Je pense que c'était important pour moi de venir aux Etats-Unis pour avoir ces occasions de rencontres et à partir du moment où il y avait une réunion du FMI, une réunion du G7/8 de pouvoir essayer, pour la part qui est la mienne, de lever des malentendus. Je crois que c'est en bonne voie.
Q. Est-ce que vous n'avez pas un peu marché sur les plates-bandes de M. Barnier, de M. de Villepin ?
M. le Ministre - Voire Chirac... (rires)
Q. Jean-Paul II ?
M. le Ministre - Vous savez ce qui est formidable, c'est que vous vivez aux Etats-Unis et que vous êtes restés typiquement français, je vous en félicite.
Q. Il y a énormément de gardes du corps autour de vous, est-ce que vous avez eu des menaces précises, comment est-ce que vous expliquez cette présence ?
M. le Ministre - Non, il n'y a pas de gardes du corps énormément autour de moi, il y en a quatre français. Et s'agissant du Secret Service, vous devez peut-être interroger le Secrétaire d'Etat à l'Intérieur alors.
Q. Est-ce que vous avez reçu des menaces ?
M. le Ministre - Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org, le 29 avril 2004)
M. le Ministre - C'est l'occasion pour l'ensemble des ministres des Finances, cette Assemblée générale du FMI, pour essayer de retrouver le chemin de la croissance, pour comprendre pourquoi il y a beaucoup de croissance aux Etats-Unis, pourquoi il y a beaucoup de croissance en Asie, pourquoi il y a de la croissance dans un certain de nombre de pays émergents et pourquoi dans la zone Euro il y a de la croissance mais pas assez. C'est cela la question qui est posée, qui nous est posé à tous. Parce que la croissance c'est l'emploi, et l'emploi c'est ce qu'attendent de nous nos compatriotes.
Q. Vous avez des recettes pour la réunion de demain ?
M. le Ministre - Pour des recettes, nous avons surtout une volonté. Il faut conduire un certain nombre de réformes, il faut réduire nos déficits, il faut soutenir l'activité, je crois pour les pays où la croissance n'est pas assez forte. Pour les pays où la croissance est très forte, il faut faire attention au prix des matières premières, il faut faire attention au déséquilibre financier et budgétaire. Et il faut que chacun comprenne qu'il n'y a qu'un seul monde et que nous sommes tous tributaires les uns des autres. Il faut donc coordonner nos politiques et essayer de trouver la politique la mieux adaptée à chaque zone. Il n'y a pas une réponse. Il y a des réponses qui sont adaptées à chaque zone et à chaque époque.
Q. Est-ce que vous venez chercher des réponses ici aux Etats-Unis, un pays qui semble repartir dans la croissance ? C'est un modèle dans une certaine mesure ?
M. le Ministre - Vous savez la France n'est pas une page blanche. On ne plaque pas des modèles pris ailleurs. Mais chacun sait l'importance et l'influence des grandes économies du monde sur l'économie française. Nous avons besoin que l'activité reparte. Et elle est repartie au Japon. C'est important les 9 % de croissance en Chine. Et quand aux Etats-Unis, leur économie elle aussi est prospère, c'est important aussi pour nos entreprises. Et on voit bien par exemple quand l'Allemagne et l'Italie ont des économies avec un problème de croissance que c'est un problème aussi pour nous, et nous sommes un problème aussi. Il n'y a plus d'économies qui sont isolées des autres, c'est donc l'utilité de ces rencontres. Il faut coordonner nos politiques, voir si nous avons les mêmes analyses, les confronter et trouver des solutions en commun. Mais ce ne sont pas forcément les mêmes solutions. Ce n'est pas parce que dans un endroit cela a marché que cela fonctionnera obligatoirement dans un autre. Mais cet échange est indispensable parce que personne ne peut se passer des autres.
Q. Dans votre inspiration du modèle américain, vous dites que vous donnez une chance ou une deuxième chance aux gens, c'est quoi concrètement ?
M. le Ministre - Ce n'est pas une inspiration de quelque modèle que ce soit. Je crois que la vraie politique sociale, c'est une politique où chacun, quelque soit son âge, quelque soit son statut, quelque soit l'échec auquel il a été confronté, aura le droit de se relever et faire vivre sa famille du fruit de son travail et pas seulement de son assistance.
Q. Mais comment ?
M. le Ministre - Cela, c'est le principe. Pour le comment, il y aura toutes les semaines qui viennent qui nous permettront de définir comment.
Q. L'amitié franco-américaine est importante à ce point pour que cela justifie le fait de rencontrer M. Powell, Mme Rice ou est-ce autre chose ?
M. le Ministre - Vous savez, l'amitié entre la France et les Etats-Unis, c'est important quand on regarde notre histoire. Aucun Français n'a oublié que quand on avait besoin des Etats-Unis, des Américains, ils étaient là. Le Président des Etats-Unis, à l'invitation du Président de la France, sera au mois de juin en Normandie. Cela signifie quelque chose d'important.
Q. Avec Colin Powell, vous avez parlé du projet du grand Moyen-Orient dans vos échanges ?
M. le Ministre - Pas simplement avec Colin Powell, avec Condoleezza Rice aussi. C'est une initiative extrêmement intéressante qui consiste à se dire que la liberté permettra le développement et le développement consolidera la liberté. Ce qu'il faut c'est que cette idée qui est une idée intéressante, les gouvernements concernés se l'approprient parce que l'on ne peut pas plaquer un modèle de l'extérieur.
Q. Qu'est-ce que les Etats-Unis attendent de la France, qu'est-ce qu'on vous a demandé aujourd'hui ? Vos interlocuteurs vous ont demandé des choses précises ?
M. le Ministre - Mais rien. Enfin, on a procédé à des échanges. On a essayé de comprendre un certain nombre de choses, on a évoqué l'avenir.
Q. Ils ont des attentes ?
M. le Ministre - Il y a des attentes bien sûr, la dette en Irak, un certain nombre de sujets. On a commencé à en parler et on a encore jusqu'à demain soir.
Q. Vous avez parlé de resserrer des liens avec ces rencontres, est-ce que vous pensez avoir progressé ?
M. le Ministre - C'est à vous de le dire. Merci.
(source http://www.ambafrance-us.org, le 29 avril 2004)