Texte intégral
Monsieur le président,
Messieurs les députés,
Mesdames, messieurs,
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de m'exprimer devant vous à la faveur de la préparation de la loi de sécurité financière. Votre présence encore plus nombreuse aujourd'hui qu'à l'ordinaire montre bien votre adhésion à la démarche que nous avons engagée pour créer les fondements d'une information financière fiable, de nature à rassurer les investisseurs dans notre pays.
Je suis heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui, sur la base d'un texte promulgué et entré en droit positif et à cette occasion. Je souhaite me joindre au Président Tudel pour remercier ceux qui y ont contribué et qui sont ici cet après midi. Je pense en particulier aux rapporteurs du projet de loi au Parlement, Philippe Marini, Jean-Jacques Hyest, François Goulard, et Philippe Houillon. Je tiens aussi à vous remercier Monsieur le Président, et à travers vous, les responsables de la compagnie et beaucoup de ses membres, avec qui nous avons dialogué pour trouver les bonnes réponses aux problèmes qui se posaient.
Nous avons, dans ce débat législatif, construit solidement pour l'avenir et il nous faut à présent donner vie au projet que nous avons ainsi forgé. Je voudrais aujourd'hui décrire trois des branches de cet ouvrage, et, à chaque fois, vous faire part d'une conviction :
(1) la régulation du commissariat aux comptes en France doit davantage prendre en compte le cadre international dans lequel elle se place ; (2) nous devons progresser rapidement dans la mise en uvre de notre mécanisme national et (3) cette mise en uvre doit être l'occasion de préciser les modalités d'application de la loi, dans le sens de la crédibilité des institutions que nous créons et donc de la fiabilité du commissariat aux comptes en France.
(1) Tout au long de l'élaboration de la loi de sécurité financière, nous avons pensé le nouveau dispositif dans un cadre international. Je me souviens en particulier d'un débat très riche à ce sujet lors de la discussion au Sénat en première lecture.
Mon objectif est en effet de mettre en place des institutions et des textes de qualité internationalement reconnue. C'est évidemment l'un des volets de la politique de compétitivité du site France que le Premier Ministre a engagée lors des rencontres de La Baule avant l'été. Je tiens personnellement à y apporter une contribution significative. Notre politique de compétitivité se construit d'abord sur la fiscalité, mais le contexte institutionnel, en particulier juridique, en est aussi un élément central. Pour cette raison, j'ai choisi, en termes de gouvernance d'entreprise, une politique fondée sur la transparence et non sur de nouvelles règles. J'ai également engagé une modernisation du droit des valeurs mobilières, pour laquelle un projet d'ordonnance sera mis en consultation en fin d'année. Nos progrès sur le commissariat aux comptes s'inscrivent totalement dans cette démarche.
La reconnaissance internationale est quelque chose qu'il faut savoir gagner. Nous avons la chance de disposer, au moment d'installer nos nouvelles institutions, du rapport de la commission Crow. L'IFAC, remarquablement présidée par René Ricol que je salue ici, l'a installée en octobre dernier ; elle vient de rendre ses conclusions. Je partage le point de vue de son rapport sur deux priorités qu'il propose : le renforcement de la qualité de l'audit et la maîtrise de risque de fraude. C'est donc un plan de travail ambitieux que nous partageons avec l'IFAC aujourd'hui.
Face à ce défi mondial, la cohésion européenne est un facteur clé de réussite. La Commission vient d'engager les travaux en vue d'une nouvelle directive sur l'audit, ce qui nous apporte un cadre naturel en ce sens. Là encore, les objectifs me paraissent judicieux puisqu'il s'agit de mettre en place un ensemble exhaustif de règles communautaires relatives aux modalités d'exécution des audits et à l'infrastructure d'audit nécessaire pour garantir la qualité des contrôles. Les dispositions de la loi de sécurité financière nous permettront d'être exemplaires dans ces travaux.
Enfin, la relation avec les Etats-Unis est aussi un facteur sensible pour votre profession et, au delà, pour les entreprises françaises. Je connais les enjeux des discussions en cours sur l'enregistrement auprès du PCAOB des commissaires aux comptes étrangers des entreprises cotées à New York et de leurs filiales. Les autorités communautaires ont fait de ce point une de leur priorité. Le Haut Conseil du commissariat aux comptes devra y contribuer. J'accorde, moi aussi, à cet aspect sensible une attention particulière pour que des solutions pragmatiques soient trouvées. Cela devrait être possible puisque nous partageons le souci de sécurité et de progrès de nos partenaires américains. Je me rendrai moi-même aux Etats-Unis dans quelques semaines et aurai l'occasion d'aborder cette problématique à cette occasion.
(2) Les ambitions que nous avons, au niveau international et national, doivent donc nous conduire à avancer rapidement dans la mise en uvre de la loi de sécurité financière. La création du Haut Conseil du Commissariat aux comptes et le lancement rapide de ses travaux sont donc pour moi des priorités.
Les missions du Haut Conseil du commissariat aux comptes sont larges et permettront qu'un organisme référent puisse examiner toutes les questions que peut poser le contrôle légal des comptes, qui sont nombreuses et évolutives.
Certaines des missions du Haut Conseil sont traditionnelles, comme les missions d'inscription et de discipline. D'autres sont nouvelles et demanderont une analyse fine de la part des membres du Haut conseil. C'est par exemple le cas de l'identification des bonnes pratiques professionnelles. Je ne doute pas de la qualité des travaux qui seront menés. La composition que le législateur a choisi pour cet organisme est un gage de compétences certaines et diverses.
Je souhaite que le Haut conseil du commissariat aux comptes soit mis en place le plus rapidement possible, car sa tâche est immense et importante. C'est pourquoi mes services ont déjà, à ma demande, élaboré le décret d'application qui doit préciser ses règles de fonctionnement. II sera transmis dans les jours prochains pour examen au Conseil d'Etat. Les membres du Haut Conseil seront nommés dès la parution de ce décret. Je veillerai à une composition correspondant aux priorités que j'énonce devant vous aujourd'hui. J'installerai donc le Haut Conseil vraisemblablement dans le courant du mois de novembre.
Nous avons donc là un plan de travail ambitieux que j'ai demandé à mes services de mener à bien dans les meilleurs délais.
(3) Je voudrais à présent revenir sur quelques problématiques importantes qui doivent donner lieu à précision dans le cadre législatif désormais fixé et en particulier deux d'entre elles :
- (a) la clarification des règles déontologiques et notamment de la séparation des missions d'audit de celles de conseil ;
- (b) le renforcement des informations financières par la voie des rapports du commissaire aux comptes.
(a) S'agissant de la modernisation et de la clarification des incompatibilités d'exercice de la profession, je pense qu'elle est indispensable car chacun sait que la norme actuelle engendre une pratique qui, dans d'autres pays, a été un élément de dysfonctionnement grave dans la sincérité des comptes.
Je crois que, notamment grâce au travail du Parlement et aux importantes améliorations qu'il a apportées au projet, nous sommes arrivés à un équilibre permettant de garantir l'indépendance des contrôleurs légaux à un niveau suffisant.
Pour ce qui concerne l'incompatibilité audit-conseil, il me semble qu'il faut avoir à l'esprit les dispositions de la loi que je résumerai de la façon suivante
- un commissaire aux comptes ne peut avoir de mandat d'audit légal dans une société dans quatre situations précises :
* s'il la conseille ;
* s'il conseille sa mère ou ses filiales ;
* si un membre du réseau auquel il appartient effectue des prestations de service pour cette société ;
* si le réseau auquel il appartient fournit des prestations de services à la mère ou aux filiales, de nature à affecter son indépendance.
Le code de déontologie aura donc à préciser deux choses :
- dans quelle mesure certaines prestations de conseil peuvent être considérées comme partie intégrante de la mission d'audit, notamment en matière juridique ou fiscale ;
- les cas dans lesquels l'indépendance risque d'être affectée par une activité de conseil d'un membre de son réseau à une société mère ou filiale.
Ce dernier point est central. Il implique la profession de commissaire aux comptes comme d'autres types de professions, réglementées ou non. J'ai demandé à mes services de veiller à la cohérence des débats dans les différentes enceintes compétentes sur ces sujets très discutés aujourd'hui, car il ne faudrait pas imposer aux différents intervenants, commissaires aux comptes et avocats en particulier, des normes contradictoires.
Je suis persuadé que ces règles, une fois précisées, permettront un exercice serein du contrôle légal en confortant l'indépendance et en évitant les suspicions.
(b) Un nouveau rapport, relatif au contrôle interne de la société, est désormais exigé de vous par la loi. Il sera élaboré sur la base de celui que feront les dirigeants des sociétés sur ces méthodes de contrôle interne dont l'importance pour la fiabilité de l'information financière est reconnue par tous.
Cette idée était d'ailleurs avancée dans le "rapport Bouton". J'ai, moi aussi, considéré que le rôle des auditeurs internes est primordial pour informer aux mieux les actionnaires des risques : stratégiques, commerciaux, financiers... et aider les organes de direction dans la prise de décision.
Cette intervention interne complète celle du commissaire aux comptes, dont la mission est d'examiner les risques dès lors qu'ils peuvent avoir une traduction comptable.
Le contrôle interne est une activité d'analyse de la gestion des risques et de conseil pour améliorer l'efficacité de la société. L'audit interne doit couvrir tous les risques significatifs, y compris vérifier la conformité des pratiques aux lois et règlements, donner à l'organisation une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations et aider à anticiper les problèmes.
La direction générale est responsable du système de contrôle interne de l'entreprise et rapporte sur l'adéquation et l'efficacité de ce système.
Le rapport que le commissaire aux comptes devra faire sur la base du rapport des dirigeants de la société sera donc sans aucun doute analysé attentivement par les intéressés.
Vous appliquez déjà une norme professionnelle à ce sujet, qui vous amène à effectuer une étude et une évaluation des systèmes jugés significatifs en vue d'identifier : d'une part les contrôles internes sur lesquels vous vous appuyez, et, d'autre part, les risques d'erreurs dans le traitement des données pour établir votre programme de contrôle des comptes adaptés. Il faudra sans doute faire évoluer cette norme compte tenu du nouveau contexte et d'une exigence plus grande aujourd'hui que par le passé.
(c) La loi a également renforcé les rapports du commissaire aux comptes, afin que les actionnaires et les tiers soient mieux informés.
C'est ainsi que le rapport général de certification devra être plus motivé que le texte ne l'imposait jusqu'à présent.
Je sais que cette disposition soulève des interrogations de votre part, mais je crois essentiel que l'opinion formulée soit étayée. Votre Compagnie nationale travaille aussi à l'élaboration d'une norme d'application de ces dispositions, qui permettra de lever les inquiétudes qui ont pu voir le jour.
(d) J'ai mentionné les normes d'exercice professionnel à plusieurs reprises : on voit bien l'importance qu'elles revêtent.
La loi permettra qu'elles soient plus transparentes. Approuvées par un acte réglementaire, elles offriront une meilleure sécurité juridique aux professionnels qui les appliquent.
Bien qu'il existe des normes internationales, le rôle de la Compagnie nationale dans l'élaboration des normes, ainsi que celui du Haut conseil du commissariat aux comptes, seront décisif. En effet, ce dernier devra réexaminer une à une les normes existantes, afin de donner un avis pertinent sur chacune d'elles, puisque toutes les normes doivent être conformes aux standards internationaux lorsqu'ils existent, mais doivent aussi être complétées, en cas de spécificités françaises. Je pense, à ce sujet, aussi bien aux sociétés cotées, contrôlées dans le monde entier, qu'à la particularité du contrôle français, qui s'étend à des PME et à nombre d'autres personnes, comme les associations.
Je crois donc que nous avons un travail important devant nous. Nous avons, ensemble, une obligation de résultat. Votre Président mentionnait tout à l'heure le doute qui s'était parfois installé sur la qualité de l'information financière en France et dans le monde. Nous devons dissiper ces doutes. Votre profession est en première ligne sur le front de la sécurité de l'information financière. La fiabilité de l'information, et donc de votre parole, doit être votre objectif, au sens le plus technique et le plus stratégique du terme.
(source http://www.cncc.fr, le 13 novembre 2003)
Messieurs les députés,
Mesdames, messieurs,
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de m'exprimer devant vous à la faveur de la préparation de la loi de sécurité financière. Votre présence encore plus nombreuse aujourd'hui qu'à l'ordinaire montre bien votre adhésion à la démarche que nous avons engagée pour créer les fondements d'une information financière fiable, de nature à rassurer les investisseurs dans notre pays.
Je suis heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui, sur la base d'un texte promulgué et entré en droit positif et à cette occasion. Je souhaite me joindre au Président Tudel pour remercier ceux qui y ont contribué et qui sont ici cet après midi. Je pense en particulier aux rapporteurs du projet de loi au Parlement, Philippe Marini, Jean-Jacques Hyest, François Goulard, et Philippe Houillon. Je tiens aussi à vous remercier Monsieur le Président, et à travers vous, les responsables de la compagnie et beaucoup de ses membres, avec qui nous avons dialogué pour trouver les bonnes réponses aux problèmes qui se posaient.
Nous avons, dans ce débat législatif, construit solidement pour l'avenir et il nous faut à présent donner vie au projet que nous avons ainsi forgé. Je voudrais aujourd'hui décrire trois des branches de cet ouvrage, et, à chaque fois, vous faire part d'une conviction :
(1) la régulation du commissariat aux comptes en France doit davantage prendre en compte le cadre international dans lequel elle se place ; (2) nous devons progresser rapidement dans la mise en uvre de notre mécanisme national et (3) cette mise en uvre doit être l'occasion de préciser les modalités d'application de la loi, dans le sens de la crédibilité des institutions que nous créons et donc de la fiabilité du commissariat aux comptes en France.
(1) Tout au long de l'élaboration de la loi de sécurité financière, nous avons pensé le nouveau dispositif dans un cadre international. Je me souviens en particulier d'un débat très riche à ce sujet lors de la discussion au Sénat en première lecture.
Mon objectif est en effet de mettre en place des institutions et des textes de qualité internationalement reconnue. C'est évidemment l'un des volets de la politique de compétitivité du site France que le Premier Ministre a engagée lors des rencontres de La Baule avant l'été. Je tiens personnellement à y apporter une contribution significative. Notre politique de compétitivité se construit d'abord sur la fiscalité, mais le contexte institutionnel, en particulier juridique, en est aussi un élément central. Pour cette raison, j'ai choisi, en termes de gouvernance d'entreprise, une politique fondée sur la transparence et non sur de nouvelles règles. J'ai également engagé une modernisation du droit des valeurs mobilières, pour laquelle un projet d'ordonnance sera mis en consultation en fin d'année. Nos progrès sur le commissariat aux comptes s'inscrivent totalement dans cette démarche.
La reconnaissance internationale est quelque chose qu'il faut savoir gagner. Nous avons la chance de disposer, au moment d'installer nos nouvelles institutions, du rapport de la commission Crow. L'IFAC, remarquablement présidée par René Ricol que je salue ici, l'a installée en octobre dernier ; elle vient de rendre ses conclusions. Je partage le point de vue de son rapport sur deux priorités qu'il propose : le renforcement de la qualité de l'audit et la maîtrise de risque de fraude. C'est donc un plan de travail ambitieux que nous partageons avec l'IFAC aujourd'hui.
Face à ce défi mondial, la cohésion européenne est un facteur clé de réussite. La Commission vient d'engager les travaux en vue d'une nouvelle directive sur l'audit, ce qui nous apporte un cadre naturel en ce sens. Là encore, les objectifs me paraissent judicieux puisqu'il s'agit de mettre en place un ensemble exhaustif de règles communautaires relatives aux modalités d'exécution des audits et à l'infrastructure d'audit nécessaire pour garantir la qualité des contrôles. Les dispositions de la loi de sécurité financière nous permettront d'être exemplaires dans ces travaux.
Enfin, la relation avec les Etats-Unis est aussi un facteur sensible pour votre profession et, au delà, pour les entreprises françaises. Je connais les enjeux des discussions en cours sur l'enregistrement auprès du PCAOB des commissaires aux comptes étrangers des entreprises cotées à New York et de leurs filiales. Les autorités communautaires ont fait de ce point une de leur priorité. Le Haut Conseil du commissariat aux comptes devra y contribuer. J'accorde, moi aussi, à cet aspect sensible une attention particulière pour que des solutions pragmatiques soient trouvées. Cela devrait être possible puisque nous partageons le souci de sécurité et de progrès de nos partenaires américains. Je me rendrai moi-même aux Etats-Unis dans quelques semaines et aurai l'occasion d'aborder cette problématique à cette occasion.
(2) Les ambitions que nous avons, au niveau international et national, doivent donc nous conduire à avancer rapidement dans la mise en uvre de la loi de sécurité financière. La création du Haut Conseil du Commissariat aux comptes et le lancement rapide de ses travaux sont donc pour moi des priorités.
Les missions du Haut Conseil du commissariat aux comptes sont larges et permettront qu'un organisme référent puisse examiner toutes les questions que peut poser le contrôle légal des comptes, qui sont nombreuses et évolutives.
Certaines des missions du Haut Conseil sont traditionnelles, comme les missions d'inscription et de discipline. D'autres sont nouvelles et demanderont une analyse fine de la part des membres du Haut conseil. C'est par exemple le cas de l'identification des bonnes pratiques professionnelles. Je ne doute pas de la qualité des travaux qui seront menés. La composition que le législateur a choisi pour cet organisme est un gage de compétences certaines et diverses.
Je souhaite que le Haut conseil du commissariat aux comptes soit mis en place le plus rapidement possible, car sa tâche est immense et importante. C'est pourquoi mes services ont déjà, à ma demande, élaboré le décret d'application qui doit préciser ses règles de fonctionnement. II sera transmis dans les jours prochains pour examen au Conseil d'Etat. Les membres du Haut Conseil seront nommés dès la parution de ce décret. Je veillerai à une composition correspondant aux priorités que j'énonce devant vous aujourd'hui. J'installerai donc le Haut Conseil vraisemblablement dans le courant du mois de novembre.
Nous avons donc là un plan de travail ambitieux que j'ai demandé à mes services de mener à bien dans les meilleurs délais.
(3) Je voudrais à présent revenir sur quelques problématiques importantes qui doivent donner lieu à précision dans le cadre législatif désormais fixé et en particulier deux d'entre elles :
- (a) la clarification des règles déontologiques et notamment de la séparation des missions d'audit de celles de conseil ;
- (b) le renforcement des informations financières par la voie des rapports du commissaire aux comptes.
(a) S'agissant de la modernisation et de la clarification des incompatibilités d'exercice de la profession, je pense qu'elle est indispensable car chacun sait que la norme actuelle engendre une pratique qui, dans d'autres pays, a été un élément de dysfonctionnement grave dans la sincérité des comptes.
Je crois que, notamment grâce au travail du Parlement et aux importantes améliorations qu'il a apportées au projet, nous sommes arrivés à un équilibre permettant de garantir l'indépendance des contrôleurs légaux à un niveau suffisant.
Pour ce qui concerne l'incompatibilité audit-conseil, il me semble qu'il faut avoir à l'esprit les dispositions de la loi que je résumerai de la façon suivante
- un commissaire aux comptes ne peut avoir de mandat d'audit légal dans une société dans quatre situations précises :
* s'il la conseille ;
* s'il conseille sa mère ou ses filiales ;
* si un membre du réseau auquel il appartient effectue des prestations de service pour cette société ;
* si le réseau auquel il appartient fournit des prestations de services à la mère ou aux filiales, de nature à affecter son indépendance.
Le code de déontologie aura donc à préciser deux choses :
- dans quelle mesure certaines prestations de conseil peuvent être considérées comme partie intégrante de la mission d'audit, notamment en matière juridique ou fiscale ;
- les cas dans lesquels l'indépendance risque d'être affectée par une activité de conseil d'un membre de son réseau à une société mère ou filiale.
Ce dernier point est central. Il implique la profession de commissaire aux comptes comme d'autres types de professions, réglementées ou non. J'ai demandé à mes services de veiller à la cohérence des débats dans les différentes enceintes compétentes sur ces sujets très discutés aujourd'hui, car il ne faudrait pas imposer aux différents intervenants, commissaires aux comptes et avocats en particulier, des normes contradictoires.
Je suis persuadé que ces règles, une fois précisées, permettront un exercice serein du contrôle légal en confortant l'indépendance et en évitant les suspicions.
(b) Un nouveau rapport, relatif au contrôle interne de la société, est désormais exigé de vous par la loi. Il sera élaboré sur la base de celui que feront les dirigeants des sociétés sur ces méthodes de contrôle interne dont l'importance pour la fiabilité de l'information financière est reconnue par tous.
Cette idée était d'ailleurs avancée dans le "rapport Bouton". J'ai, moi aussi, considéré que le rôle des auditeurs internes est primordial pour informer aux mieux les actionnaires des risques : stratégiques, commerciaux, financiers... et aider les organes de direction dans la prise de décision.
Cette intervention interne complète celle du commissaire aux comptes, dont la mission est d'examiner les risques dès lors qu'ils peuvent avoir une traduction comptable.
Le contrôle interne est une activité d'analyse de la gestion des risques et de conseil pour améliorer l'efficacité de la société. L'audit interne doit couvrir tous les risques significatifs, y compris vérifier la conformité des pratiques aux lois et règlements, donner à l'organisation une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations et aider à anticiper les problèmes.
La direction générale est responsable du système de contrôle interne de l'entreprise et rapporte sur l'adéquation et l'efficacité de ce système.
Le rapport que le commissaire aux comptes devra faire sur la base du rapport des dirigeants de la société sera donc sans aucun doute analysé attentivement par les intéressés.
Vous appliquez déjà une norme professionnelle à ce sujet, qui vous amène à effectuer une étude et une évaluation des systèmes jugés significatifs en vue d'identifier : d'une part les contrôles internes sur lesquels vous vous appuyez, et, d'autre part, les risques d'erreurs dans le traitement des données pour établir votre programme de contrôle des comptes adaptés. Il faudra sans doute faire évoluer cette norme compte tenu du nouveau contexte et d'une exigence plus grande aujourd'hui que par le passé.
(c) La loi a également renforcé les rapports du commissaire aux comptes, afin que les actionnaires et les tiers soient mieux informés.
C'est ainsi que le rapport général de certification devra être plus motivé que le texte ne l'imposait jusqu'à présent.
Je sais que cette disposition soulève des interrogations de votre part, mais je crois essentiel que l'opinion formulée soit étayée. Votre Compagnie nationale travaille aussi à l'élaboration d'une norme d'application de ces dispositions, qui permettra de lever les inquiétudes qui ont pu voir le jour.
(d) J'ai mentionné les normes d'exercice professionnel à plusieurs reprises : on voit bien l'importance qu'elles revêtent.
La loi permettra qu'elles soient plus transparentes. Approuvées par un acte réglementaire, elles offriront une meilleure sécurité juridique aux professionnels qui les appliquent.
Bien qu'il existe des normes internationales, le rôle de la Compagnie nationale dans l'élaboration des normes, ainsi que celui du Haut conseil du commissariat aux comptes, seront décisif. En effet, ce dernier devra réexaminer une à une les normes existantes, afin de donner un avis pertinent sur chacune d'elles, puisque toutes les normes doivent être conformes aux standards internationaux lorsqu'ils existent, mais doivent aussi être complétées, en cas de spécificités françaises. Je pense, à ce sujet, aussi bien aux sociétés cotées, contrôlées dans le monde entier, qu'à la particularité du contrôle français, qui s'étend à des PME et à nombre d'autres personnes, comme les associations.
Je crois donc que nous avons un travail important devant nous. Nous avons, ensemble, une obligation de résultat. Votre Président mentionnait tout à l'heure le doute qui s'était parfois installé sur la qualité de l'information financière en France et dans le monde. Nous devons dissiper ces doutes. Votre profession est en première ligne sur le front de la sécurité de l'information financière. La fiabilité de l'information, et donc de votre parole, doit être votre objectif, au sens le plus technique et le plus stratégique du terme.
(source http://www.cncc.fr, le 13 novembre 2003)