Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'évolution des relations franco-norvégiennes en matière de politique énergétique, Paris, le 2 mars 2000.

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Circonstance : Rencontre franco-norvégienne à la table ronde sur l'énergie à Paris, le 2 mars 2000

Texte intégral

C'est un plaisir et un honneur pour moi de prendre la parole dans cette enceinte qui regroupe les principaux acteurs norvégiens et français de la scène énergétique.
Je tiens à vous remercier, madame la ministre, pour avoir pris l'initiative de cette réunion qui constitue, au regard de la qualité des personnes ici rassemblées, une opportunité d'échanges exceptionnelle entre nos deux pays.
Une telle table ronde est une initiative particulièrement heureuse entre pays ayant des liens aussi étroits que les nôtres. L'atterrage de NorFra, reliant les champs gaziers norvégiens au réseau de transport français représente un remarquable symbole de ces liens et de leur caractère durable.
L'inauguration de cet ouvrage, en présence de nos deux premiers Ministres, Lionel Jospin et Kjell Magne Bondevik, où nous étions tous deux présents, a constitué un moment fort de notre histoire commune qui se poursuit aujourd'hui. Nous partageons de nombreux intérêts communs.
La Norvège est aujourd'hui le 1er fournisseur de gaz de la France, notre pays représente le deuxième débouché pour le gaz norvégien.
La Norvège est le 2ème fournisseur de pétrole brut et Totafina-Elf est la première compagnie pétrolière étrangère opérant en Norvège. Notre proximité culturelle a certainement facilité cette fructueuse collaboration franco-norvégienne.
Nous développons une conception proche du rôle que doit tenir l'Etat dans le secteur de l'énergie pour garantir l'intérêt général. Nos politiques énergétiques sont bien entendu différentes du fait de la situation contrastée de nos ressources nationales et de nos besoins en énergie.
C'est pourquoi, j'aimerais en introduction de nos discussions rappeler, sans souci d'exhaustivité, les principales orientations de la politique énergétique française, La politique énergétique française poursuit, avec assiduité et cohérence depuis plusieurs décennies, les trois mêmes objectifs : compétitivité économique, sécurité des approvisionnements et respect de l'environnement.
Comme vous le savez, la recherche de la sécurité des approvisionnements énergétiques nous a conduits à privilégier trois axes après les chocs pétroliers : - Le développement de la filière électronucléaire.
Cette production d'EDF représente aujourd'hui près de 80 % de l'électricité consommée en France à un prix très compétitif. - La promotion des économies d'énergie et des énergies nouvelles renouvelables.
La France s'est notamment dotée d'un outil performant, l'ADEME, à laquelle elle consacre des moyens budgétaires importants. - la diversification géographique et par énergies.
C'est dans cet objectif qu'a été approuvée une série de contrats d'approvisionnement gazier avec la Norvège. Des résultats très positifs en ont résulté : - L'indépendance énergétique a été renforcée et atteint aujourd'hui un niveau proche de 50% . -
L'intensité énergétique a baissé de 20% depuis 1973. - L'approvisionnement extérieur est diversifié ; la dépendance pétrolière vis à vis du Moyen-Orient a ainsi chuté de 75 à 40% en 20 ans.
Aujourd'hui, cette politique énergétique équilibrée, diversifiée, maîtrisée doit être poursuivie de manière responsable en gardant à l'esprit l'objectif d'assurer la sécurité et la diversité de nos approvisionnements. Ni tout pétrole, ni tout nucléaire, ni tout gaz : nous souhaitons que cet équilibre soit maintenu. Cette attention portée à la diversification est nécessaire alors que la dépendance énergétique de l'Europe communautaire est croissante, notamment pour le pétrole et le gaz dont les réserves sont concentrées géographiquement. A ce titre, la proximité de la Norvège est une chance pour la France et l'Europe communautaire.
Le niveau élevé des prix actuels du pétrole nous rappelle également tout l'intérêt de cette démarche de diversification. Le poids du nucléaire amortit l'impact de la hausse des prix du pétrole et du gaz. Il atténue l'impact de la volatilité des prix des hydrocarbures pour notre économie au moment où la régulation de l'offre pétrolière a entraîné un fort renchérissement du coût de nos approvisionnements.
La France aura ainsi connu en 1999 un alourdissement de sa facture énergétique de 13.4 milliards de F. La France accorde une grande importance à la stabilité des cours du pétrole brut, qui est nécessaire tant pour les pays producteurs que pour les pays consommateurs. Nous sommes particulièrement préoccupés par la situation actuelle des prix pétroliers et leur volatilité. Cette conjoncture est imputable à la forte diminution du niveau des stocks, causée principalement par la politique de restriction volontaire de l'offre de pétrole adoptée par un certain nombre de pays exportateurs.
La persistance de prix du pétrole artificiellement élevés pourrait affecter à terme la croissance économique mondiale, pénaliser durablement les pays en développement et accroître les risques de tensions inflationnistes.
Cette situation ne serait pas sans inconvénient pour les pays producteurs car elle risquerait de remettre en cause la stabilité de leurs débouchés à long terme. Je comprends les motivations de la Norvège qui a rejoint la voie de la régulation de l'offre alors que les cours pétroliers étaient particulièrement déprimés.
J'espère cependant que votre pays privilégiera désormais à cette option la voie du dialogue au sein d'instances comme l'AIE.
Le dialogue Producteurs-consommateurs, que nos deux pays ont contribué à initier, peut permettre d'assurer plus efficacement encore sur le long terme la stabilité à laquelle nos deux pays sont attachés. La sécurité des approvisionnements que je viens de développer n'est cependant qu'un volet de notre politique. Le souci d'un développement, respectueux de l'environnement, est une préoccupation croissante.
Elle est loin d'être nouvelle et j'en veux pour preuve la contribution positive à cet égard du développement du nucléaire qui a participé grandement à la réduction, de 25%, des émissions de CO2 en France entre 75 et 99. La part croissante du gaz dans le bilan énergétique français contribue positivement à ce chantier. Le développement économique durable oriente également les évolutions de la fiscalité énergétique aujourd'hui en cours en France.
La comparaison des coûts de l'énergie, en France et dans les autres pays européens, illustre le fait que l'objectif de préservation de la compétitivité des consommateurs est largement atteint en dépit de nos ressources limitées. S'il faut en France une énergie de qualité, au moindre coût, celle-ci doit être accessible à tous, même aux plus démunis. Notre souci est de concilier performance économique, progrès social et missions de service public. Ces objectifs sont maintenus et confortés dans le contexte d'ouverture et d'intégration des marchés de l'énergie en Europe.
La France souscrit pleinement à l'ouverture, progressive et maîtrisée, des marchés de l'électricité et du gaz. Conformément aux deux directives, nous allons organiser la concurrence et faire en sorte que les gros consommateurs, et notamment les grandes entreprises industrielles, qui vont être en mesure de négocier leurs achats de gaz et d'électricité, profitent des nouvelles opportunités qui leur sont ouvertes en Europe et maintiennent leur compétitivité. Les coûts de transport et de distribution doivent poursuivre leur baisse en particulier pour les clients domestiques.
La France partage aujourd'hui avec la Norvège la fierté de compter sur une industrie énergétique de premier plan et elle souhaite disposer d'acteurs majeurs dans le nouveau paysage qui se dessine. Alors que l'ouverture et l'intégration des marchés progressent, les opérateurs français comme leurs homologues norvégiens bénéficient de nombreux atouts pour conforter ou développer leur position sur la scène énergétique européenne.
Le rapprochement entre Elf et Totalfina, qui constitue désormais le 4ème groupe pétrolier mondial , paraît de nature à assurer la pérennité du nouvel ensemble dans ce nouveau paysage. Mais plus encore, c'est sa capacité technique, illustrée par les faibles coûts de production de pétrole affichés par cette compagnie, qui en est le garant. GDF s'adapte lui aussi au nouveau contexte gazier européen et aux opportunités nouvelles qu'il offre au travers d'une stratégie dont les trois axes forts sont " exploitation, internationalisation, négoce ".
Pour illustrer ses premiers succès, j'aimerais simplement rappeler que GDF a su rapidement développer une nouvelle compétence amont au travers de ses participations dans plusieurs importants projets, notamment en Mer du Nord britannique. Je suis convaincu qu'il pourra mener à bien des actions similaires en Mer du Nord norvégienne et que vous pourrez apprécier les compétences en exploration production de GDF avec qui les compagnies norvégiennes travaillent déjà efficacement dans l'aval gazier.
L'association d'actifs de stockage et d'une position géographique, qui en fait un acteur majeur du transit de gaz en Europe de l'ouest, confère en ce domaine à GDF des atouts décisifs. EDF est lui aussi remarquablement bien placé dans le paysage énergétique européen ; du fait de sa capacité à produire une électricité à des coûts très compétitifs ; du fait de positions fortes à l'international.
De manière plus générale, l'un des succès essentiels de la politique énergétique que je mentionnais précédemment est d'avoir permis le développement de compétences technologiques fortes tant dans les entreprises privées que dans les entreprises du secteur public.
En essayant de compenser la faiblesse de nos ressources par le développement de compétences scientifiques et techniques de premier plan, l'industrie para-pétrolière française a conquis une place internationale sans commune mesure avec les réserves de l'Hexagone en hydrocarbures. Technip, l'IFP et Doris, dont les présidents sont aujourd'hui présents, mais aussi CGG ou Coflexip souhaitent faire profiter nos partenaires de leurs technologies comme Framatome et ses filiales, Cogema ou le CEA dans d'autres domaines.
Je me félicite par ailleurs des développements de compétences communs à nos deux pays notamment grâce aux actions de la Fondation Franco-Norvégienne dans le domaine de la R D.
Je souhaite que ces actions communes continuent dans le nouveau cadre réglementaire européen. Je devine d'ailleurs que l'ensemble des acteurs, français comme norvégiens, présents autour de cette table sont tous impatients de connaître les propositions contenues dans le livre blanc que, Madame la Ministre, vos services préparent.
Je suis sûr que les opérateurs français trouveront dans ces propositions les ferments d'une ouverture plus large du secteur norvégien des hydrocarbures ainsi que de nouvelles opportunités de coopération.
Je rappelais en introduction l'importance des liens qui unissent nos deux pays. J'ai la conviction que nous avons beaucoup à gagner à les consolider et à les resserrer encore.
Cette table ronde en est une occasion privilégiée et donnera aux industriels présents l'opportunité d'exposer leurs principaux projets pour agir concrètement en ce sens.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 7 mars 2000)