Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les grandes lignes du projet de Charte de l'environnement notamment la gestion de l'eau, la sécurité de l'approvisionnement en eau potable et le principe de réparation des dommages en cas de pollution, Toulouse le 30 juin 2003.

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Circonstance : Clôture du comité de bassin Adour-Garonne par Mme Roselyne Bachelot, à Toulouse le 30 juin 2003

Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher Président,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Cette réunion extraordinaire de votre comité de bassin est importante à plus d'un titre.
Elle vient d'abord consacrer la place éminente que j'ai souhaité réserver aux Comités de bassin dans le débat national sur la politique de l'eau.
Ainsi cette réunion est-elle dédiée à la synthèse des travaux menés au fil des huit réunions de commissions géographiques et de celle de la commission du milieu naturel aquatique, ce qui est probablement une première depuis la création de ce comité il y a plus de trente-cinq années.
Voilà la raison pour laquelle j'ai tenu à être présente parmi vous non pas tant pour conclure vos travaux, que pour vous écouter. J'ai prévu de participer de la même manière aux réunions des autres comités métropolitains au prix d'un véritable " Tour de France ", de saison !
J'ai donc été particulièrement attentive aux présentations des rapports des trois ateliers qui se sont réunis ce matin et à la synthèse que vous venez d'en faire, monsieur le président.
En ressortent des thèmes qui seront probablement mis en avant dans d'autres bassins et certains qui sont plus spécifiques du bassin Adour-Garonne.
A mi- parcours du débat national sur la politique de l'eau, n'attendez pas de ma part des réponses précises ni la présentation d'un programme d'action tout ficelé ! Je souhaite en effet disposer de l'ensemble des contributions de tous les comités de bassin ainsi que de l'opinion du grand public, avant d'élaborer une stratégie gouvernementale.
Pour autant je souhaite vous livrer des pistes de réflexion qui se nourrissent à la fois d'éléments propres à la politique de l'eau mais aussi des travaux tout à fait fondamentaux que j'ai eu la chance historique de mener tout au long de l'année écoulée, je veux parler du projet de Charte de l'Environnement.
* L'enjeu du débat, c'est la mise en uvre de la directive cadre européenne sur l'eau du 23 octobre 2000 et son objectif ambitieux du bon état chimique et écologique des eaux d'ici 2015. Au-delà des mots, il s'agit de construire une politique de l'eau qui permette d'atteindre effectivement les objectifs que nous nous fixerons. Dans le droit fil du caractère novateur des textes fondateurs de la politique de l'eau, je souhaite ajouter à cet enjeu premier, l'application par anticipation au domaine de l'eau des principes du projet de charte de l'environnement que le gouvernement a approuvé en Conseil des ministres le 25 juin dernier.
Certains de ces principes trouveront une application directe dans la réforme de la politique de l'eau que nous élaborons collectivement, ce sont notamment :
·- la prise en compte du développement durable dans les politiques publiques,
·- le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé,
·- le devoir de chacun de préserver l'environnement,
·- le principe de précaution,
·- le principe de prévention,
·- le principe de réparation,
·- le droit du public à l'information relative à l'environnement et de participation à l'élaboration des décisions.
Le dispositif mis en place en 1964 répondait déjà partiellement à ces principes, et quarante ans après, chacun peut reconnaître son caractère précurseur. Il nous revient de le compléter et de l'adapter pour y répondre pleinement.
* La charte place les politiques publiques dans une perspective de développement durable qui assure la solidarité entre les générations grâce à la recherche d'un nouvel équilibre entre développement économique, progrès social et protection de l'environnement.
- La gestion de l'eau se situe au confluent entre la politique de l'eau proprement dite, à savoir la gestion de la ressource et les services à la population, et de nombreuses autres politiques publiques qui interfèrent fortement avec la qualité des masses d'eau : Agriculture, Energie, Industrie, Aménagement du territoire, UrbanismeIl en résulte que l'exigence de la Charte ouvre à la politique de l'eau un champ de perspectives nouvelles. Chacun a bien conscience que la PAC et ses évolutions auront bien plus d'influence sur les choix agricoles fondamentaux que les redevances nitrates !
Ainsi, le projet de loi de transposition de la directive cadre européenne, que l'assemblée nationale a approuvé en première lecture le 10 avril dernier, rénove les outils de planification de la politique de l'eau et prévoit leur prise en compte par les documents d'urbanisme. C'est un premier pas, mais il faut veiller à ce que les problèmes d'eau soient intégrés le plus en amont possible dans les projets d'aménagement territoriaux. Ce souci devra vous guider lors de l'élaboration et l'approbation des documents de planification (SDAGE, SAGE, ).
- C'est bien dans cette perspective de développement durable que doit être conçue et mise en oeuvre la politique de gestion des ressources en eau du bassin Adour-Garonne dont vous venez de rappeler les contraintes, Monsieur le Président, exacerbées en cette période de sècheresse hélas récurrente. Maîtrise de la demande en eau et retour à l'équilibre par la mobilisation éventuelle, si cela s'avère indispensable, de ressources nouvelles sont sans doute les mots clef de cette politique dans votre bassin, en prenant garde de ne pas entrer dans la spirale perverse de l'explosion de la demande du fait de l'offre accrue.
Dans tous les cas de figure, un préalable indispensable me semble être de réaliser toutes les économies d'eau raisonnables possibles, de mettre en place une gestion collective des prélèvements agricoles, et de trouver les dispositifs de régulation adaptés de la demande.
J'ajoute que, dans le contexte économique actuel, il faut veiller particulièrement à la viabilité économique des projets de développement.
Le projet de CHARLAS a ainsi été soumis à la procédure de débat public, conformément également au principe d'information et de participation du public affirmé par la Charte. J'attends beaucoup de ce débat pour éclairer les enjeux et les attentes de l'ensemble des riverains du bassin de la Garonne, avant que ne soit arrêtée la position de l'Etat sur ce projet. J'ajoute que la DCE nous enjoint d'être vigilants quant aux débits d'étiage des cours d'eau qui sont souvent déterminants pour la qualité écologique de leur " masse d'eau ".
- La préservation des zones humides répond également à ce souci de développement durable, tant les multiples fonctionnalités de celles ci -auto-épuration, expansion des crues, etc.- en font un enjeu pour les générations à venir. Malgré une volonté forte des pouvoirs publics depuis maintenant plus de 10 ans, ces écosystèmes continuent à régresser, faute d'outils efficaces pour les protéger. Aussi, à mon initiative, le projet de loi que prépare Hervé GAYMARD sur l'aménagement rural devrait proposer des mesures nouvelles en ce sens.
La Charte consacre également le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé.
La sécurité de l'approvisionnement en eau potable répond à cette exigence. Elle passe en particulier par la maîtrise des pollutions diffuses.
- A ce titre le nouveau programme de prévention des pollutions en provenance des élevages, dit PMPOA 2, doit être mis en uvre selon les modalités qui ont été longuement et âprement discutées avec la commission européenne, sous peine de graves difficultés à prévoir.. A cet égard, j'ai bien entendu, monsieur le président, que les zones vulnérables du bassin Adour-Garonne étaient essentiellement concernées par des pollutions dues aux grandes cultures plutôt qu'aux élevages, cela veut simplement dire qu'il faudra y mettre en place d'autres outils, complémentaires au PMPOA, pour y restaurer la qualité des eaux. Ce faisant, vous mettez le doigt, Monsieur le Président sur le défaut de dispositifs nationaux et a fortiori européens qui ne prévoient pas les souplesses d'adaptation aux réalités locales.
- La sécurité de l'approvisionnement en eau potable passe aussi par une protection des captages plus efficaces. Le projet de loi que Jean-François MATTEI vient de faire approuver par le Conseil des ministres simplifie la procédure actuelle lourde, longue et complexe, notamment pour les captages bénéficiant d'une protection naturelle ou situés dans un environnement favorable.
Ce projet pourrait être complété, notamment par l'instauration d'un droit de préemption au bénéfice des communes dans les périmètres de protection rapprochés qui devrait faciliter l'instauration de ces derniers sans que les communes aient à recourir à l'expropriation.
- En matière de sécurité publique qui me paraît découler également de ce principe, des avancées significatives pour la prévention contre les inondations doivent résulter du projet de loi que l'assemblée nationale va examiner prochainement en deuxième lecture. J'ai eu l'occasion de détailler ce point il y a 10 jours lors de la proclamation de l'appel à projets que j'avais lancé sur ce thème, et dont les résultats ont largement répondu à mes espérances. En effet, les collectivités y ont démontré leur capacité à mettre en place des méthodes innovantes de lutte contre les inondations, fondées sur la restauration de fonctionnalités écologiques du territoire (zones d'expansion de crues, restauration de cours d'eau,.) et sur l'information du public. Cela m'incite à un certain optimisme pour la mise en uvre de la directive cadre.
* Le devoir de chacun de prendre part à la préservation de l'environnement, de s'associer à la prévention des atteintes susceptibles de lui être portées, constitue l'un des principes fondamentaux de la charte.
- L'action des agences de l'eau doit chercher à renforcer l'application de ce principe, c'est à dire privilégier la prévention des dommages à l'environnement. Je sais que c'est déjà largement leur credo et je ne doute pas de leur capacité à se mobiliser dans ce sens.
- Le mouvement de décentralisation initié par le gouvernement a pour objectif de rapprocher le pouvoir décisionnel des citoyens : cela ne peut que contribuer à les responsabiliser davantage, en développant leur niveau d'information et leur intérêt pour la " chose publique ".
Sur ce plan, la politique de l'eau est déjà très décentralisée et tous les échelons territoriaux sont concernés à des titres divers par l'eau. Des mesures complémentaires sont en cours d'examen par le Parlement comme la reconnaissance du rôle des collectivités à travers les établissements publics territoriaux de bassin ou la décentralisation du domaine public fluvial.
Mais il est possible d'aller plus loin, en renforçant l'efficacité des outils existants d'une part, et en imaginant de nouveaux rôles pour certains acteurs.
- Renforcer l'efficacité des outils existants, c'est d'abord renforcer la mise en uvre des SAGE, dont seulement 12 sont, à ce jour, approuvés ou en passe de l'être.. Comment en renforcer la maîtrise d'ouvrage, et identifier celle ci dès le début du processus, quel rôle dans ce processus pour les Régions, les Départements, les EPTB ? comment en assurer le financement ? comment en renforcer la portée juridique ? en simplifier les procédures ? C'est probablement un des sujets sur lequel Il y a le plus de propositions qui remontent de vos bassins, ; vous pouvez être assurés que nous les exploiterons toutes pour vous proposer des améliorations de cet outil en fin d'année.
Il nous faudra également examiner la coordination entre l'ensemble des commissions existantes au niveau des bassins et des sous bassins (Commissions géographiques, Commission des milieux naturels et aquatiques et Comités de gestion des poissons migrateurs) et voir comment simplifier les dispositifs.
- Mais au-delà, j'ai engagé des discussions avec l'Association des Départements de France et plusieurs présidents de conseils régionaux, sur les nouveaux rôles que pourraient assumer ces collectivités. L'une des difficultés rencontrées réside dans la grande diversité des situations quant à la pertinence des limites administratives au regard de celles des masses d'eau (bassins versants, nappes alluviales, nappes profondes).
Je considère en particulier que le rôle important que les départements jouent en matière de distribution d'eau potable et d'assainissement en appui des communes doit perdurer et sans doute s'accroître. La logique de bassin de vie est ici en effet prédominante. Je suis attentive sur ce point aux propositions de l'ADF, qu'il va nous falloir étudier, notamment en ce qui concerne le rôle de coordination ou de financements des schémas départementaux de l'eau potable et de l'assainissement. Les régions devraient probablement, à l'image de certaines d'entre elles, s'impliquer davantage dans la gestion des ressources en eau au nom de leur responsabilité en matière d'aménagement du territoire. Leur rôle devra ainsi probablement être renforcé, notamment en matière de planification, de financement ou d'implication dans les instances de bassin. Sans doute faudra-il à cet égard adopter une politique évolutive en s'appuyant sur les volontaires pour expérimenter des formules nouvelles.
Il convient dans ces évolutions de faire preuve de pragmatisme et de veiller à ne pas compliquer les choses.
- J'appelle aussi votre attention sur le fait que c'est l'Etat qui est responsable devant les instances européennes de l'application des directives. Ce problème délicat de responsabilité est un enjeu fort de la décentralisation dans le domaine de l'eau, et devra être traité de façon à lier responsabilité et obligation de résultat. Nous sommes conviés à une nouvelle architecture des responsabilités dans laquelle l'Etat reste le garant alors que les collectivités sont impliquées dans la mise en uvre.
* Le principe de réparation tel qu'énoncé par le projet de charte va plus loin que le principe pollueur-payeur qui peut sous-entendre quand il est mal appliqué un certain droit à polluer. Non seulement le pollueur doit contribuer financièrement à la réparation des dommages, mais cette réparation doit être effective.
- Nous entrons de plain-pied, avec ce principe, dans les missions et les procédures des Agences de l'eau, outils précieux de la mise en uvre d'une véritable politique de Bassin. Vous avez évoqué le problème des moyens consacrés au financement de la politique de l'eau. Je crois effectivement indispensable d'avoir une réflexion approfondie dans ce domaine tant sur le plan quantitatif (mais nous ne connaissons pas encore avec précision le coût de la mise en uvre de la directive cadre) que qualitatif (qui fait quoi ?).
Nous en saurons plus à l'issue de l'état des lieux en cours. S'y ajoutera le coût de renouvellement des infrastructures anciennes parfois insuffisamment provisionnées par les services, sans oublier le remplacement des conduites en plomb.
- Vous avez rappelé, monsieur le président, que les capacités contributives des redevables du bassin Adour-Garonne ne pouvaient être comparables à celles des redevables de régions plus riches. J'en conviens et l'un des enjeux de la réforme de la politique de l'eau est sans doute de mettre en place une réelle capacité de solidarité nationale sans remettre en cause le principe de responsabilité. Cette solidarité ne doit faire appel au budget de l'Etat qu'exceptionnellement, et doit donc rester dans la ligne de " l'eau qui paye l'eau ". J'observe que le système actuel ne permet que très faiblement cette solidarité et qu'il faut donc le faire évoluer.
- J'ai également noté votre souci, que je partage, de simplification et de lisibilité des redevances des agences de l'eau. Le principe de réparation ne s'oppose pas une modulation de l'effort contributif par les redevances tenant compte des enjeux environnementaux, économiques et sociaux, sans confondre équité et égalité.
Le Premier ministre a confié sur ce point une mission de réflexion au député de l'Ardèche Jean-Paul FLORY. Il devra proposer des scénarios permettant de concilier rémunération d'un service de mise à disposition d'une ressource rare, l'eau, équité sociale et efficacité environnementale. Il remettra ses conclusions pour la fin du mois de septembre.
- Je suis attachée comme vous à l'autonomie de gestion des agences de l'eau, comme l'a voulu le législateur en 1964. Mais cette autonomie est actuellement fragile, car elle repose sur un fondement juridique insuffisant au plan constitutionnel. Qui plus est, les parlementaires présents seront en accord avec moi pour dire que les droits du Parlement doivent être


(source http://www.environnement.gouv.fr, le 4 juillet 2003)