Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à "RTL" le 27 octobre 2003, sur la mise en place de radars automatisés sur les routes, sur l'abstention de vote des recettes budgétaires par l'UDF, et sur l'éventualité de listes autonomes de l'UDF aux élections régionales de 2004.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie-. Vous êtes avec nous au téléphone depuis votre domicile d'Amiens, et cet après-midi vous serez dans l'Essonne, en région parisienne, au bord de la route Nationale 20, en compagnie de N. Sarkozy...
- "Absolument, et de R. Heitz, le délégué interministériel à la Sécurité Routière..."
Vous allez mettre en place les premiers radars automatisés. On a appris samedi, en lisant Le Parisien, que la CNIL vous avait rendu un avis le 23 septembre, disant que ce système automatisé était illégal, qu'il contrevenait notamment une loi de 1978, qui interdit une infraction avec un dispositif automatisé, c'est-à-dire sans l'intervention d'un fonctionnaire. Qu'allez-vous faire de cet avis de la CNIL ?
- "Pendant quelques jours, on va faire des essais bien sûr avec ces radars automatisés et on va se mettre en conformité..."
C'est-à-dire que vous allez modifier les textes ?
- "On va regarder comment on peut effectivement rendre compatibles ces radars automatisés, les textes de la loi et les recommandations de la CNIL."
Donc vous convenez qu'il y a un problème ?
- "Non, il n'y a pas un problème, il y a simplement une mise au point."
Et ceci risque-t-il de retarder la mise en place des radars ?
- "Je ne pense pas. Parce que les radars sont mis en place très progressivement, sur on peut dire un an et demi ou deux ans. On va mettre les 100 premiers en place d'ici la fin de l'année. Ensuite, on en mettra environ 1.000 d'ici 2005. Et donc c'est une mise en place progressive, avec une période d'essai, contenant davantage d'avertissements que de contraventions."
On peut s'étonner que ce problème n'ait pas été anticipé ?
- "Non. On a une réponse de la CNIL très récente et on va la mettre maintenant en conformité, tout simplement."
Donc vous conseillez aux automobilistes de faire attention à partir de la fin de l'année ?
- "De ralentir, de ralentir..."
D'accord... Vous êtes ministre, mais aussi membre de l'UDF. Pensez-vous que F. Bayrou et les députés de l'UDF ont franchi la ligne jaune, en s'abstenant de voter les recettes budgétaires, la semaine dernière à l'Assemblée nationale ?
- "Non, certainement pas. Vous savez la ligne jaune, c'est la motion de censure qu'on vote ou bien c'est l'ensemble du budget qu'on refuse. Là, c'est la partie "recettes". Le budget est une longue marche qui nous amène jusqu'à la fin du mois de décembre. Je voudrais dire deux choses : peut-être d'abord, dédramatisons un peu. Il n'est pas scandaleux qu'une formation de la majorité donne son avis et que parmi des centaines de mesures qu'on prend chaque fois qu'il y a un budget, parmi ces centaines de mesures, il y en ait deux ou trois qui fassent l'objet d'une critique de la part d'une formation de la majorité. J'observe d'ailleurs que les remarques que fait F. Bayrou sont partagées aussi par de nombreux UMP. Alors, il ne faut pas s'en offusquer. Je crois que vraiment on fait beaucoup de mousse autour de tout ça !"
"Ne pas voter le budget, c'est prendre le risque de s'exclure de la majorité" : vous savez qui disait ça ?
- "Oui, peu importe..."
Votre collègue du gouvernement, A. Lambert, ministre du Budget !
- "Ecoutez, on peut jouer au petit jeu des questions-réponses en prenant un bout de paroles de l'un ou de l'autre pour essayer de le mettre en contradiction. Tout ça n'est pas très important. Je crois qu'au-delà de cette tension, c'est peut-être le fonctionnement qui pourrait être amélioré dans les formations de la majorité. Vous savez combien on prêche en faveur du dialogue social en France, pour essayer de revaloriser le rôle des syndicats, pour essayer de leur donner un plus grand rôle. On pourrait faire la même chose aussi pour la politique. On devrait améliorer notre dialogue démocratique et trouver normal qu'il y ait des échanges plus nombreux entre les formations de la majorité."
Est-ce que c'est une manière de regretter que le Gouvernement n'ait pas consenti à prendre un ou deux amendements présentés par F. Bayrou ?
- "Non, je n'ai pas dit du tout que le Gouvernement devait obtempérer aux souhaits de F. Bayrou. Je dis simplement qu'il devrait y avoir des occasions de rencontres plus souvent entre les formations de la majorité, tout simplement..."
Mais s'il y a des rencontres, c'est bien pour qu'il en sorte quelque chose...
- "Bien sûr."
Donc, par exemple, accepter les amendements de l'UDF !
- "Je remarque tout simplement que dans cette affaire-là, F. Bayrou a le même langage que celui qu'il avait pendant la campagne présidentielle. Par exemple, la baisse des charges plutôt que la baisse des impôts pour créer de l'emploi. Le Gouvernement, au contraire, est fidèle à ses engagements, parce que pendant la campagne J. Chirac disait qu'il fallait baisser les impôts pour profiter au maximum de la croissance quand elle reviendra. Donc, chacun est dans son rôle et rappelle ses convictions. Est-ce qu'il y a quelque chose de scandaleux à être fidèle à ses convictions ?"
Est-ce que vous étiez d'accord avec F. Bayrou, pendant ce débat budgétaire, pour dire que la hausse du gazole, par exemple, était inopportune ?
- "Non, la hausse du gazole est utile pour RFF [Réseau ferré de France, ndlr], parce que vous savez que RFF est extrêmement endetté. Si on ne désendette pas RFF, c'est tout le système ferroviaire qui peut en être handicapé. Par conséquent, il est utile d'avoir des recettes pour que la dette de RFF ne plombe pas l'activité de modernisation des infrastructures en France."
Donc, sur ce point précis, vous êtes plutôt en désaccord avec F. Bayrou ?
- "Absolument. Mais si vous voulez me faire dire que..."
Non, non, je fais l'inventaire des choses !
- "... que je suis en désaccord avec F. Bayrou, parce que je suis membre du Gouvernement, sachez que lorsque je serai en désaccord avec le Gouvernement, je ne serai plus au Gouvernement, tout simplement. Je suis totalement solidaire..."
La totalité du budget, recettes et dépenses, sera soumise au vote des députés à la mi-novembre. Est-ce que vous imaginez, à ce moment-là, l'abstention à nouveau des députés UDF ?
- "Non, je pense que les députés UDF auront certainement eu l'occasion de discuter avec des responsables de la majorité. J'espère qu'il y aura des rencontres possibles, pour que "ces mises au point" disons, ou ces "contradictions" puissent être le plus possible, effacées."
Mais ceci - vous en conviendrez - ne peut être fait que si le Gouvernement lâche un peu de lest...
- "Non, pas forcément. Il peut y avoir une meilleures compréhension du point de vue des uns et des autres. Vous savez, lorsque les gens se rencontrent, ils se comprennent toujours mieux. Le pire, c'est de ne jamais se rencontrer, parce qu'à ce moment-là, la tension monte, on se fait quelquefois des procès d'intention et il y a une espèce de dramaturgie qui se met en place, alors qu'il est si simple, comme quand il y a un conflit dans une entreprise, quand il y a un cadre qui n'est pas d'accord, eh bien il va voir son supérieur ou son collègue et ils essaient de se mettre d'accord. Je pense qu'on manque peut-être un petit peu de simplicité lorsqu'on est en politique. Les meilleures explications sont celles qui se font dans un bureau, et pas forcément à travers la presse."
Justement, il a semblé, ces derniers jours, que dans la mise en scène de ce désaccord budgétaire, l'UDF irait presque inéluctablement à des listes séparées aux élections régionales. C'est un sentiment que vous partagez ?
- "Vous voyez, vous faites le rapport entre les discussions du budget et les élections régionales !"
Il n'y a pas que moi qui l'ait fait ces derniers jours, vous savez !
- "Voilà. Alors vous le faites, comme d'autres de vos collègues..."
D'accord. Et vous, vous ne le faite pas ?
- "Je le fais, bien sûr, parce que, quand on prépare des élections régionales, ce qui n'intéresse d'ailleurs pas beaucoup les auditeurs, vous le savez..."
Ah, dites donc, ils ne sont pas civiques, les auditeurs, quand même !
- "Cela intéresse les états-majors, mais, honnêtement, les citoyens... Moi, quand je leur en parle à Amiens, je vous assure que les régionales, "Ah bon, on va voter pour les Régionales l'année prochaine ? Bon très bien...". Ce qui les intéresse c'est la Picardie."
Ils ne s'intéressent pas à la vie politique ?
- "Si, ils s'intéressent à la vie politique. Mais pour les régionales, vous le savez très bien, ils s'y intéressent dans le dernier mois qui précède les élections, les échéances."
On se souvient de vous G. de Robien, devant les cameras de France 3. C'était en avril 1998. Vous aviez déchiré votre carte de l'UDF, parce que certaines personnalités de droite avaient passé dans les conseils régionaux des accords avec les élus d'extrême droite. Comment avez-vous réagi ces dernières semaines, en apprenant l'investiture par l'UMP de J.-P. Soisson en Bourgogne, et de J. Blanc en Languedoc-Roussillon, qui avaient précisément passé des accords avec l'extrême droite ?
- "Eh bien, j'espère bien que ce coup-ci, ils ne passeront pas d'accords avec l'extrême droite. Je pense que la leçon aura porté et que désormais, ils feront des alliances avec des partis démocratiques."
Mais le fait qu'ils l'aient fait dans le passé ne les invalide pas pour être investis aujourd'hui ?
- "C'est peut-être pour ça aussi que l'UDF pense à présenter effectivement des listes qui soient autonomes."
Vous seriez content finalement que l'UDF présente des listes autonomes ?
- "Non, je ne serais pas content ! Je vous dirais franchement que, pour moi, il me semble que partout il faudrait des "listes d'union, sauf", et non pas "partout des listes séparées, sauf ici ou là des listes d'union"..."
Bon, c'était votre dernier mot !
- "Mon dernier mot, ce sont des "listes d'union partout, sauf"..."
C'était votre dernier mot, G. de Robien, sur RTL. Ministre et UDF, ce n'est pas tous les jours facile !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 octobre 2003)