Interview de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, dans "Le Figaro" du 3 décembre 2003, sur l'action humanitaire, notamment la réorganisation de la Délégation à l'action humanitaire et le financement des ONG.

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Q - L'action humanitaire, du moins dans son volet étatique, se fait-elle en cohérence avec la politique étrangère ?
R - L'action extérieure de la France tourne autour de cinq axes : la "parole", qui fixe les choix politiques, l'action culturelle, les entreprises à l'étranger, l'action militaire et l'action humanitaire. Cette dernière est donc une composante de notre diplomatie, ou du moins doit l'être.
Q - Vous avez pourtant constaté un manque de coordination au niveau des services de l'Etat.
R - Il y avait en effet un manque de cohérence des outils de l'Etat. Nous nous sommes donc attaqués à une refonte de la Délégation à l'action humanitaire (DAH). Un certain nombre d'actions étaient trop éparpillées, mal coordonnées. Comme celles relevant par exemple de la sécurité civile, du ministère de l'Agriculture ou de la Santé. La DAH doit être un poste de régulation, un peu dans l'esprit de ce qui se fait pour le SAMU. Je suis un ancien médecin urgentiste, et je dois dire que ce modèle m'a marqué. On peut relayer, piloter, répondre aux questions, tout en laissant aux acteurs leurs libertés. Il faut fédérer, rassembler les forces de l'humanitaire.
Q - Cette réforme se traduit-elle par une augmentation des moyens ?
R - Oui, la DAH s'est étoffée. Mais elle a surtout été réorganisée pour coordonner l'action non seulement pendant, mais aussi avant et après les crises. Cela a été le cas pour l'Irak et cela a très bien fonctionné. Nous avons fait trois grandes réunions avec toutes les ONG impliquées et nous avons répondu à toutes les demandes, notamment pour un soutien diplomatique (visas...) et logistique.
Q - Le fait que cela ait marché pour l'Irak ne tient-il pas au fait que tout le monde - Etat et ONG - était d'accord sur l'appréciation de cette crise ?
R - C'est vrai que nous avions la même analyse. Mais je pense que nous pouvons être d'accord sur 90 % des cas. Pour le reste, chacun fera au mieux...
Q - La sphère humanitaire a été secouée ces derniers mois par une crise de confiance.
R - L'humanitaire a eu sans doute besoin d'un second souffle. A notre niveau, nous pouvons proposer quelques outils. C'est le cas du portail Internet "Humanitaire France", que nous pilotons. Il doit permettre de faire circuler l'information de l'Etat, des ONG, des entreprises et des collectivités territoriales, pour une meilleure coordination. Mais il doit aussi être un lieu d'expression, de débat.
Q - Vous parlez de partenaires de natures très différentes, qu'ils soient des acteurs associatifs, économiques ou étatiques. Se parlent-ils suffisamment ?
R - Il y a bien sûr des progrès à faire. Et c'est notamment primordial pour le financement des ONG. L'appel aux dons des particuliers a ses limites. Et la voie des partenariats avec les entreprises ou les collectivités territoriales est des plus intéressantes. Cela se développe, mais il faut encore la favoriser, aider à dépasser des barrières culturelles. Par ailleurs, nous voulons aussi aider à la sensibilisation médiatique de l'humanitaire d'urgence, avec des campagnes communes comme cela se fait chez les Anglo-Saxons. Enfin, nous voulons favoriser la création d'une nouvelle norme de qualité, afin que les ONG françaises et francophones ne soient pas pénalisées par la norme actuelle qui répond plus au fonctionnement des ONG anglo-saxonnes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 décembre 2003)