Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les compétences et l'autorité scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, à l'Assemblée nationale le 11 mai 2004.

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Circonstance : 20ème anniversaire de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, à l'Assemblée nationale le 11 mai 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les parlementaires, chers collègues,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
C'est avec un grand plaisir que je me trouve parmi vous, ce soir, pour célébrer le XXème anniversaire de la création de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. D'emblée, je souhaite exprimer mes plus vives et chaleureuses félicitations à son dynamique Président, Claude BIRRAUX, comme à son premier vice-Président, mon collègue Henri REVOL et à tous les parlementaires qui en sont membres.
20 ans, c'est la fin de l'adolescence, c'est l'entrée dans l'âge adulte et dans ce que les sociologues appellent dans leur jargon " l'adulescence ". C'est donc le temps des premiers bilans. Instance commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, l'Office à su mettre au point une méthode de travail originale qui se traduit par une approche non partisane et consensuelle de questions capitales pour l'avenir de nos sociétés. Je me félicite que dans des enceintes aussi politiques que les nôtres, des parlementaires sachent, de temps en temps, transcender les oppositions partisanes pour le plus grand bien de nos concitoyens, avec comme seule motivation l'intérêt général et l'avenir de nos sociétés.
Nouvelles technologies, organismes génétiquement modifiés, changement climatique, sûreté nucléaire, clonage, autant de sujets délicats à forte teneur scientifique, mais aussi terriblement concrets, qui préoccupent les Français. L'étude de ces thèmes a donné ses lettres de noblesse à l'Office. En effet, vous avez su, mes chers collègues, encadrer, orienter et encourager le travail des scientifiques ; vous avez, de manière exemplaire, réussi à prôner les valeurs de transparence, de précaution et d'éthique.
De l'avis de tous les spécialistes, l'Office est aujourd'hui une grande réussite dont l'autorité, l'indépendance et la crédibilité sont incontestables.
Eclaireurs de l'avenir, vous avez pris part avec succès aux débats de société et contribué ainsi à la modernisation et à l'adaptation des normes législatives. J'en donnerai pour preuve le rapport de 1992 sur la bioéthique qui a permis l'adoption de la loi du 29 juillet 1994, celui de 1998 sur l'utilisation des OGM dans l'agriculture et l'alimentation, et celui de 2000 sur le clonage.
Parallèlement, vous avez aussi consacré votre activité à promouvoir la recherche et à identifier les enjeux industriels émergents. Je pense aux rapports consacrés à la politique spatiale française de 2001, ou bien à celui sur l'entrée dans la société d'information de 1997, ou encore à celui sur le rôle des très grands équipements dans la recherche publique ou privée de 2000.
Enfin, vous avez su évaluer les risques encourus par notre société et explorer les moyens de mieux les prévenir. Je pense ici aux rapports sur l'évaluation des changements climatiques en 2002, à celui consacré à l'incidence de la téléphonie mobile sur la santé cette même année, et enfin à celui relatif à la sûreté des installations nucléaires au sujet de laquelle 11 rapports ont été rédigés depuis 1998.
Enceinte de prospective et espace de dialogue entre responsables publics, scientifiques et économiques, l'Office a joué, grâce à votre action, un rôle clé dans l'élaboration de la société de demain.
L'implication des sciences dans la vie quotidienne est croissante et nous oblige à réagir de plus en plus vite pour répondre aux craintes de plus en plus légitimes de nos concitoyens. En effet, nous vivons, en matière de sciences, une période certes passionnante et fondatrice pour les cent ans à venir, mais aussi une période déterminante où des dérives sont possibles si l'on n'est pas vigilant.
L'élaboration d'une loi de programmation et d'orientation de la recherche, la Charte de l'environnement, la mondialisation des préoccupations scientifiques et technologiques (effet de serre, biodiversité...), la délocalisation de la recherche comme conséquence inéluctable de la délocalisation de pans entiers de l'industrie, sont autant de nouveaux enjeux et de nouveaux défis à relever pour le Parlement en général et son office en particulier.
Pour y répondre et permettre à votre action d'être encore efficace, quelques pistes peuvent être explorées.
Alors que les commissions permanentes, tout comme le pouvoir exécutif, manquent de temps, l'Office dispose de la durée pour élaborer ses analyses et ses préconisations. C'est pourquoi je souhaite l'instauration d'une meilleure articulation entre l'Office et les commissions permanentes. L'Office doit occuper toute sa place au sein de nos assemblées. Les commissions doivent relayer les rapports de l'Office et les porter le plus en aval possible. Ce n'est pas diminuer leur pouvoir, loin de là, c'est instituer une complémentarité indispensable au bon fonctionnement de nos institutions parlementaires.
Il vous appartient aussi, à vous membres de l'Office de mettre à profit l'entrée de nouveaux membres dans l'Union européenne, pour participer à la croisade d'unification de la recherche en Europe. En effet, chaque pays ne peut travailler seul, le Parlement, et vous tout particulièrement, devez contribuer à amorcer une véritable mutation intellectuelle afin que soient mis en commun les moyens de chacun des pays de l'Union. Comme pour Ariane et Airbus, il faut tirer le meilleur de chacun d'entre nous. Vous avez, vous membres de l'Office, un rôle primordial à jouer, notamment par le biais d'un rapprochement avec les offices déjà existants chez nos partenaires européens. Le temps n'est plus à l'individualisme et au repli sur soi, notamment sur le délicat problème de la recherche scientifique. Il est au contraire au travail en commun et au refus de la frilosité.
L'éthique scientifique est un domaine qui appartient collectivement aux parlementaires. Gouverner c'est prévoir, et prévoir c'est anticiper, c'est donc toute la noble tâche du Parlement pour qui les biosciences et la bioéthique ne constituent pas une nébuleuse philosophique, mais des réalités quotidiennes.
En 1998, j'avais appelé de mes vux une alliance entre la République, les politiques et les savants. Ici, solennellement ce soir devant vous, je renouvelle ce vu.
Le siècle qui vient de s'achever, aura été marqué par la prise en compte et la lutte contre les inégalités sociales. Je pense que le siècle à venir sera celui des inégalités biologiques. Il appartient au Parlement d'être vigilant face à ces évolutions et de réaffirmer ce que Rabelais déclarait déjà il y a plusieurs siècles que " science sans conscience n'est que ruine de l'âme ".
Je ne veux pas être plus long ce soir. Je souhaite, pour conclure, rendre hommage aux membres de l'Office et aux fonctionnaires de nos assemblées qui y travaillent. Bon anniversaire à tous. Sachez que le Président du Sénat est fier de votre action et que vous pouvez compter sur son entier soutien.
(Source http://www.senat.fr, le 2 juin 2004)