Intervention de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part sur la stratégie du gouvernement en matière de baisse et de simplification des impôts, et d'autre part sur la politique en matière d'épargne avec notamment la mise en place d'un plan d'épargne retraite populaire, à Paris le 3 octobre 2003.

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Circonstance : Forum de l'Investissement et du Placement à Paris le 3 octobre 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Il y a un an, presque jour pour jour, nous débattions ici de la stratégie du gouvernement en matière de baisse d'impôts. Aujourd'hui, je vous propose de faire le point sur cette question et sur notre politique en matière d'épargne. Beaucoup de choses se sont en effet passées depuis notre dernière rencontre.
Les marchés financiers ont connu une forte volatilité depuis trois ans. Depuis le début de l'année, le rebond est soutenu par des anticipations plus favorables sur la reprise économique mondiale. Car la reprise est là. Elle est évidente chez nos principaux partenaires avec une forte progression de la production aux États-Unis et au Japon. En Allemagne, les enquêtes de conjoncture se redressent depuis maintenant quatre mois. En France, le même mouvement s'est amorcé en Juillet, et les perspectives pour 2004 sont encourageantes.
Dans ce contexte plus favorable, le CAC 40 - pour ne citer que l'exemple de la France - a augmenté de près de 5% depuis le début de l'année et de 33 % par rapport à ses niveaux les plus bas atteints au début du printemps. Mais la confiance des épargnants a été mise à rude épreuve. Le rôle du Gouvernement est de créer les conditions pour que cette confiance soit plus forte, car elle est le ressort fondamental de la croissance.
Notre politique en matière de fiscalité et d'épargne est guidée par trois objectifs :
Poursuivre la baisse des impôts ;
Mettre l'épargne au service de la croissance ;
Reconstruire le pacte de confiance dans le marché.
1/ Poursuivre la baisse des impôts, car c'est la condition d'une croissance solide et durable
a) Pourquoi mener une politique d'allégement des prélèvements qui pèsent sur les ménages et les entreprises ? pour deux raisons principales.
La première, c'est que les baisses d'impôt apportent un surcroît de revenu, dans un contexte conjoncturel qui reste encore fragile :
- en "redonnant" du pouvoir d'achat aux Français ;
- et en leur donnant un signal clair de confiance, sur la poursuite de la politique qu'ils ont choisie au printemps 2002.
Ce que nous disent les études disponibles sur la base des comportements passés, c'est qu'une baisse d'impôt est consommée dans les mêmes proportions et avec le même "timing" qu'un surcroît de revenu "normal" : 83% de la baisse d'impôt est consommée. La dernière baisse d'impôt a donc joué un rôle déterminant dans le maintien du bon niveau de la consommation en France fin 2002/début 2003.
La seconde raison, et c'est la principale, c'est que la baisse des impôts, comme la baisse des charges, est un composant essentiel de notre stratégie de croissance durable, pour faire en sorte que le travail et l'initiative "paient" davantage, pour que notre territoire soit plus attractif.
C'est en baissant le niveau des prélèvements obligatoires que l'on stoppera la délocalisation du capital productif tout comme le départ des salariés les plus qualifiés. C'est ainsi que l'on accompagnera le renforcement de notre potentiel de production. C'est ainsi que l'on préparera un avenir placé sous le signe du vieillissement, qui est le grand défi que nos sociétés devront relever.
Nous poursuivons donc résolument la stratégie engagée dès le printemps 2002 en maintenant le cap de la baisse de l'impôt sur le revenu.
En 2003, le taux marginal supérieur est devenu inférieur à 50 % pour la première fois depuis 1959, date de création de l'impôt sur le revenu sous sa forme actuelle. La nouvelle baisse de 3 % de l'impôt en 2004 permet de poursuivre dans cette direction. Le taux marginal passera ainsi à 48,09 %, pour être précis, l'impôt sur le revenu baissant de 10 % en trois ans. Il s'agit d'un signal fort pour favoriser l'initiative et l'esprit d'entreprise, alléger les prélèvements sur le travail, et restaurer de manière durable l'attractivité de notre pays.
Le budget présenté par le Gouvernement prévoit donc au total en 2004 4 Md d'euros d'allègements dont 2,8 Md d'euros consacrés à la réduction des impôts qui pèsent sur les ménages.
Nous maintiendrons le cap pour les années à venir, car la prévisibilité et la lisibilité de la politique fiscale sont un élément majeur pour la reprise de la croissance. L'impact à court terme sur le déficit public ne peut certes pas être ignoré, mais nous devons raisonner en dynamique. La baisse d'impôt consolide la croissance, qui seule rend possible une vraie réduction du déficit alors qu'en sens inverse les prélèvements excessifs étouffent la reprise.
b) Notre action doit aussi porter sur la simplification de l'impôt. C'est le sens de la réforme du régime fiscal des distributions, avec la suppression de l'avoir fiscal pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2005. Je voudrais m'y arrêter un instant, car ce point a suscité des incompréhensions.
Le régime fiscal des distributions, qui repose sur le mécanisme de l'avoir fiscal et du précompte, est trop complexe, pour l'actionnaire comme pour l'entreprise. Le précompte entraîne des charges de gestion importantes pour les entreprises, pénalise leur compétitivité et nuit à leur développement international, puisqu'elles doivent verser un " précompte " sur des bénéfices rapatriés de l'étranger qui ont déjà supporté l'impôt.
Le remboursement de l'avoir fiscal aux non résidents que nous sommes les seuls à pratiquer est une exception coûteuse pour notre pays (600 M d'euros en 2002). Ce régime doit également évoluer pour être en cohérence avec le droit communautaire.
Partant de ce constat, le Gouvernement a mené une réflexion pour remplacer l'avoir fiscal par un mécanisme plus simple. Nous avons été très attentifs aux réformes qu'ont engagées nos principaux partenaires européens, et nous avons engagé une concertation approfondie avec tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse des représentants des entreprises, du secteur financier ou des actionnaires.
Au terme de cette démarche, nous proposons de supprimer le précompte et de remplacer l'avoir fiscal par un abattement de 50 % sur l'imposition des dividendes, comme le font plusieurs de nos voisins.
L'entrée en vigueur de cette réforme sera progressive pour ménager une phase de transition et préserver les intérêts des actionnaires individuels. Pour les personnes physiques, l'avoir fiscal sera donc maintenu en 2004 et 2005, au titre des dividendes distribués cette année et l'année prochaine. Ce n'est qu'en 2006, pour l'imposition des revenus perçus en 2005, qu'il sera remplacé par un abattement de 50 % sur les dividendes.
Par ailleurs, pour limiter les contreparties négatives de cette réforme sur l'actionnariat individuel, le Gouvernement propose toute une série de mesures de compensation :
* premièrement, la création d'un crédit d'impôt pour l'actionnaire, égal à 50 % du dividende, qui pourra aller jusqu'à 75 d'euros pour un célibataire et 150 d'euros pour un couple. Les actionnaires détenant des titres en direct ou par l'intermédiaire d'un PEA en bénéficieront. Les 3/4 des PEA ont un encours moyen inférieur à 8 000 d'euros : ceux-ci verront donc leur situation inchangée grâce au crédit d'impôt. Même si certains détenteurs de PEA auront un manque à gagner, l'attrait de ce produit est préservé dès lors que les dividendes et les plus-values demeurent totalement exonérés ;
* deuxièmement, le niveau actuel de l'abattement de 1 220 d'euros (2 440 d'euros pour un couple) est maintenu inchangé, alors que la logique voudrait qu'il soit réduit du fait de la suppression de l'avoir fiscal. Cette disposition va améliorer substantiellement l'avantage dont bénéficiera le petit actionnaire. Concrètement, sur la base d'un taux de distribution de 3 % net (hors avoir fiscal), les revenus de tous les portefeuilles inférieurs ou égaux à 162 000 euros pour un couple seront exonérés d'impôt (contre 54 000 euros aujourd'hui).
* troisièmement, je rappelle que l'abattement de 50 % comme le crédit d'impôt s'appliqueront désormais, à la différence de l'avoir fiscal, aux dividendes de source étrangère.
Cette réforme veille donc aux intérêts de l'épargnant et sera neutre pour l'Etat. L'objectif n'est pas d'augmenter nos recettes budgétaires.
Je rappelle également les nombreuses mesures très favorables qui ont été votées dans le cadre du budget 2003, et qui ont pour objet d'encourager l'investissement en actions, dans l'intérêt du financement de nos entreprises : relèvement du plafond du PEA (de 120 000 d'euros à 132 000 d'euros ); relèvement du seuil d'imposition des cessions de titres (de 7 650 d'euros à 15 000 d'euros), rallongement du délai d'imputation des moins-values de 5 à 10 ans, rétablissement de l'abattement sur les dividendes pour tous les contribuables, imputation anticipée des pertes en cas de liquidation ou de cession d'entreprises.
Alors que nous maintenons le cap en matière de baisse d'impôts, tout ceci montre clairement l'importance que nous accordons aux actionnaires individuels.
2/ J'en viens donc au deuxième axe de notre politique, mettre l'épargne au service de la croissance
a/ Voyons d'abord pourquoi nous devons agir dans ce domaine.
La première question qui se pose est de savoir si nous disposons en France de l'épargne dont notre économie a besoin, en termes quantitatifs comme qualitatifs.
En termes quantitatifs, la lecture des chiffres conduit parfois à considérer que nous avons en France une épargne abondante, voire surabondante. Les ménages français ont épargné jusqu'à 17% de leur revenu disponible en 2002, taux qui rejoint les plus hauts historiques. Ce taux d'épargne est à première vue très supérieur à celui de nos principaux voisins européens, notamment à celui de l'Allemagne ou de l'Espagne qui est d'environ 10% ; il apparaît en outre sans commune mesure avec les faibles taux d'épargne des pays anglo-saxons : 4 à 5% seulement pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
La réalité est cependant plus nuancée. Une fois harmonisées, les statistiques internationales révèlent un mouvement de convergence des niveaux d'épargne européens, et la France se situe au total dans une position moyenne parmi les pays d'Europe continentale.
Plus que le niveau de notre épargne, c'est la tendance à la hausse que nous avons enregistrée au cours des années 90 qui est atypique, au regard de la réduction du taux d'épargne des ménages enregistrée dans un grand nombre de pays.
Mais le plus important est que nous souffrons plutôt d'un problème qualitatif. Les livrets réglementés et l'épargne logement mobilisent une part beaucoup plus importante de l'épargne des ménages que la détention de valeurs mobilières, et notamment d'actions, qui sont nécessaires aux fonds propres de nos entreprises. Il y a certes eu des progrès dans les dernières années, l'épargne des ménages en actions a ainsi atteint un niveau historiquement élevé. Mais ce niveau demeure modeste et se stabilise. Moins d'un Français sur quatre détient des actions, (c'est plus d'un sur deux aux Etats-Unis), et la détention directe reste faible : 7 % seulement de la capitalisation boursière de la Place de Paris est détenue directement par des actionnaires individuels.
Nous devons donc activer cette épargne et lui donner un caractère offensif, mieux l'orienter vers le financement des entreprises et la préparation de l'avenir, qui inclut le vieillissement démographique.
D'autre part, notre dispositif fiscal est peu lisible, et nécessite une meilleure hiérarchisation des objectifs pour concentrer les incitations sur nos priorités. Car nous avons empilé au cours du temps des dépenses fiscales, avec vraisemblablement peu d'efficacité d'un point de vue économique et social au regard d'un coût budgétaire élevé. Je rappelle qu'environ 60 % des revenus de l'épargne sont aujourd'hui totalement exonérés dans notre pays.
b/ Avec la réforme des retraites, nous avons l'occasion d'une remise à plat de notre dispositif, et je voudrais profiter de cette occasion pour dégager les lignes directrices de l'action engagée depuis un an.
?Premièrement, nous avons remis l'épargne réglementée sur ses pieds.
Dans un premier temps, le Plan d'épargne logement a été recentré sur son objectif initial, qui est de favoriser l'accès au logement. Avec le soutien du gouvernement, le Parlement a adopté fin 2002 une disposition subordonnant l'octroi de la prime d'Etat à l'acquisition d'un logement, ce qui était la vocation première de ce produit.
Ensuite, après une longue concertation, nous avons cet été rétabli l'équilibre de l'épargne réglementée, en ramenant les taux à un niveau compatible avec les conditions économiques, et en définissant de nouvelles règles de fixation de ces taux. Ces nouvelles règles permettront à la fois d'assurer la pérennité de ce système, en garantissant le pouvoir d'achat des épargnants, et de participer activement au soutien de l'économie.
Pour clarifier le mode de fixation des taux, le gouvernement a retenu une formule d'indexation automatique du taux du livret A en liaison avec les indicateurs économiques. Calculée rétrospectivement sur les 15 dernières années, elle aurait conduit à un taux supérieur à l'inflation et au taux observé en moyenne pour le livret A sur cette période. A 2,25 % net, la rémunération du livret A est supérieure à l'inflation, qui devrait s'établir à 2 % cette année.
Par ailleurs, pour protéger les personnes aux revenus les plus modestes, le gouvernement a décidé de maintenir inchangé pour un an le taux du livret d'épargne populaire à 4,25 % et de garantir en tout état de cause une rémunération supérieure de 1 % à celle du livret A. Ces décisions ont permis à la fois de restaurer l'équilibre des fonds d'épargne et de mobiliser l'épargne réglementée au bénéfice de plusieurs priorités de notre politique économique et sociale, qu'il s'agisse du logement social ou du financement des PME.
De manière plus générale, l'ajustement des taux permet de diffuser dans l'économie la baisse des taux décidée par la Banque Centrale Européenne. On voit bien qu'il aurait été incohérent de souhaiter d'un côté à Francfort une baisse des taux pour relancer la croissance, et de l'autre d'empêcher qu'elle ne se diffuse pleinement dans l'économie en bloquant les taux administrés à un niveau excessivement élevé.
?Le deuxième grand axe de cette politique d'épargne vise à préparer l'avenir. Pour cela, après avoir garanti le maintien d'un système fondé sur la solidarité entre les générations, nous créons un produit d'épargne retraite qui comble un vide.
Le gouvernement a décidé de mettre en place un dispositif attractif et sûr, le Plan d'épargne retraite populaire.
Ce Plan d'épargne prévoit une sortie en rente avec la possibilité de verser une rente viagère à un bénéficiaire désigné en cas de décès prématuré. Il bénéficiera d'un régime particulièrement sûr, avec un niveau de transparence de gestion et de sécurité spécifiques adapté à son objectif propre et à son horizon de long terme :
- sécurité patrimoniale, par la création d'un cantonnement juridique qui préserve les actifs d'un défaut du gestionnaire et avec l'intervention d'un dépositaire, comme pour les OPCVM ;
- sécurité et transparence de gestion, par l'instauration de comités de surveillance dotés de larges pouvoirs de contrôle ;
- sécurité dans la supervision des plans, assurée par la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance.
Par ailleurs, les souscripteurs bénéficieront des dispositions récentes de la loi de sécurité financière, qui a significativement amélioré la transparence des contrats d'assurance vie.
Dans un souci d'équité, la nouvelle architecture fiscale intègre l'ensemble des dispositifs actuels de retraite supplémentaire en prenant en compte la disparité des niveaux de prestations des régimes légaux. Chacun disposera donc d'une même capacité d'épargne venant en déduction du revenu imposable.
Pour assurer l'attractivité de ce nouveau produit, le niveau de l'aide fiscale retenu est important.
Chacun pourra épargner jusqu'à 10 % de son revenu annuel net de frais, dans la limite de 23 500 euros par individu, en déduisant ces sommes du revenu imposable. En outre, une enveloppe de 2 920 euros sera disponible pour les faibles revenus ou les inactifs, ce qui permettra d'inciter à la préparation de la retraite tous les membres du foyer fiscal, même ceux qui ont peu ou pas de revenus, comme les femmes au foyer.
Ainsi par exemple, un couple où l'un des conjoints gagne 35 000 euros nets par an et l'autre est au foyer pourra déduire chaque année de son revenu imposable un maximum de 6 070 euros.
Le plan d'épargne retraite populaire sera ainsi le seul produit qui permettra d'alléger immédiatement l'impôt sur le revenu alors que les autres produits d'épargne existants ne procurent un avantage fiscal qu'à la sortie, au terme de plusieurs années de blocage.
En outre, à côté de ce produit individuel, un nouveau produit collectif d'épargne-retraite est créé. Issu des dispositifs d'épargne salariale, le PPESVR bénéficiera d'une sécurité renforcée et ne pourra pas être investi à plus de 5 % en titres de l'entreprise ou en titres non cotés.
?Soyons clairs, ces innovations auront un coût élevé pour les finances publiques car elles en
2/ J'en viens donc au deuxième axe de notre politique, mettre l'épargne au service de la croissance
a/ Voyons d'abord pourquoi nous devons agir dans ce domaine.
La première question qui se pose est de savoir si nous disposons en France de l'épargne dont notre économie a besoin, en termes quantitatifs comme qualitatifs.
En termes quantitatifs, la lecture des chiffres conduit parfois à considérer que nous avons en France une épargne abondante, voire surabondante. Les ménages français ont épargné jusqu'à 17% de leur revenu disponible en 2002, taux qui rejoint les plus hauts historiques. Ce taux d'épargne est à première vue très supérieur à celui de nos principaux voisins européens, notamment à celui de l'Allemagne ou de l'Espagne qui est d'environ 10% ; il apparaît en outre sans commune mesure avec les faibles taux d'épargne des pays anglo-saxons : 4 à 5% seulement pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
La réalité est cependant plus nuancée. Une fois harmonisées, les statistiques internationales révèlent un mouvement de convergence des niveaux d'épargne européens, et la France se situe au total dans une position moyenne parmi les pays d'Europe continentale.
Plus que le niveau de notre épargne, c'est la tendance à la hausse que nous avons enregistrée au cours des années 90 qui est atypique, au regard de la réduction du taux d'épargne des ménages enregistrée dans un grand nombre de pays.
Mais le plus important est que nous souffrons plutôt d'un problème qualitatif. Les livrets réglementés et l'épargne logement mobilisent une part beaucoup plus importante de l'épargne des ménages que la détention de valeurs mobilières, et notamment d'actions, qui sont nécessaires aux fonds propres de nos entreprises. Il y a certes eu des progrès dans les dernières années, l'épargne des ménages en actions a ainsi atteint un niveau historiquement élevé. Mais ce niveau demeure modeste et se stabilise. Moins d'un Français sur quatre détient des actions, (c'est plus d'un sur deux aux Etats-Unis), et la détention directe reste faible : 7 % seulement de la capitalisation boursière de la Place de Paris est détenue directement par des actionnaires individuels.
Nous devons donc activer cette épargne et lui donner un caractère offensif, mieux l'orienter vers le financement des entreprises et la préparation de l'avenir, qui inclut le vieillissement démographique.
D'autre part, notre dispositif fiscal est peu lisible, et nécessite une meilleure hiérarchisation des objectifs pour concentrer les incitations sur nos priorités. Car nous avons empilé au cours du temps des dépenses fiscales, avec vraisemblablement peu d'efficacité d'un point de vue économique et social au regard d'un coût budgétaire élevé. Je rappelle qu'environ 60 % des revenus de l'épargne sont aujourd'hui totalement exonérés dans notre pays.
b/ Avec la réforme des retraites, nous avons l'occasion d'une remise à plat de notre dispositif, et je voudrais profiter de cette occasion pour dégager les lignes directrices de l'action engagée depuis un an.
?Premièrement, nous avons remis l'épargne réglementée sur ses pieds.
Dans un premier temps, le Plan d'épargne logement a été recentré sur son objectif initial, qui est de favoriser l'accès au logement. Avec le soutien du gouvernement, le Parlement a adopté fin 2002 une disposition subordonnant l'octroi de la prime d'Etat à l'acquisition d'un logement, ce qui était la vocation première de ce produit.
Ensuite, après une longue concertation, nous avons cet été rétabli l'équilibre de l'épargne réglementée, en ramenant les taux à un niveau compatible avec les conditions économiques, et en définissant de nouvelles règles de fixation de ces taux. Ces nouvelles règles permettront à la fois d'assurer la pérennité de ce système, en garantissant le pouvoir d'achat des épargnants, et de participer activement au soutien de l'économie.
Pour clarifier le mode de fixation des taux, le gouvernement a retenu une formule d'indexation automatique du taux du livret A en liaison avec les indicateurs économiques. Calculée rétrospectivement sur les 15 dernières années, elle aurait conduit à un taux supérieur à l'inflation et au taux observé en moyenne pour le livret A sur cette période. A 2,25 % net, la rémunération du livret A est supérieure à l'inflation, qui devrait s'établir à 2 % cette année.
Par ailleurs, pour protéger les personnes aux revenus les plus modestes, le gouvernement a décidé de maintenir inchangé pour un an le taux du livret d'épargne populaire à 4,25 % et de garantir en tout état de cause une rémunération supérieure de 1 % à celle du livret A. Ces décisions ont permis à la fois de restaurer l'équilibre des fonds d'épargne et de mobiliser l'épargne réglementée au bénéfice de plusieurs priorités de notre politique économique et sociale, qu'il s'agisse du logement social ou du financement des PME.
De manière plus générale, l'ajustement des taux permet de diffuser dans l'économie la baisse des taux décidée par la Banque Centrale Européenne. On voit bien qu'il aurait été incohérent de souhaiter d'un côté à Francfort une baisse des taux pour relancer la croissance, et de l'autre d'empêcher qu'elle ne se diffuse pleinement dans l'économie en bloquant les taux administrés à un niveau excessivement élevé.
?Le deuxième grand axe de cette politique d'épargne vise à préparer l'avenir. Pour cela, après avoir garanti le maintien d'un système fondé sur la solidarité entre les générations, nous créons un produit d'épargne retraite qui comble un vide.
Le gouvernement a décidé de mettre en place un dispositif attractif et sûr, le Plan d'épargne retraite populaire.
Ce Plan d'épargne prévoit une sortie en rente avec la possibilité de verser une rente viagère à un bénéficiaire désigné en cas de décès prématuré. Il bénéficiera d'un régime particulièrement sûr, avec un niveau de transparence de gestion et de sécurité spécifiques adapté à son objectif propre et à son horizon de long terme :
- sécurité patrimoniale, par la création d'un cantonnement juridique qui préserve les actifs d'un défaut du gestionnaire et avec l'intervention d'un dépositaire, comme pour les OPCVM ;
- sécurité et transparence de gestion, par l'instauration de comités de surveillance dotés de larges pouvoirs de contrôle ;
- sécurité dans la supervision des plans, assurée par la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance.
Par ailleurs, les souscripteurs bénéficieront des dispositions récentes de la loi de sécurité financière, qui a significativement amélioré la transparence des contrats d'assurance vie.
Dans un souci d'équité, la nouvelle architecture fiscale intègre l'ensemble des dispositifs actuels de retraite supplémentaire en prenant en compte la disparité des niveaux de prestations des régimes légaux. Chacun disposera donc d'une même capacité d'épargne venant en déduction du revenu imposable.
Pour assurer l'attractivité de ce nouveau produit, le niveau de l'aide fiscale retenu est important.
Chacun pourra épargner jusqu'à 10 % de son revenu annuel net de frais, dans la limite de 23 500 euros par individu, en déduisant ces sommes du revenu imposable. En outre, une enveloppe de 2 920 euros sera disponible pour les faibles revenus ou les inactifs, ce qui permettra d'inciter à la préparation de la retraite tous les membres du foyer fiscal, même ceux qui ont peu ou pas de revenus, comme les femmes au foyer.
Ainsi par exemple, un couple où l'un des conjoints gagne 35 000 euros nets par an et l'autre est au foyer pourra déduire chaque année de son revenu imposable un maximum de 6 070 euros.
Le plan d'épargne retraite populaire sera ainsi le seul produit qui permettra d'alléger immédiatement l'impôt sur le revenu alors que les autres produits d'épargne existants ne procurent un avantage fiscal qu'à la sortie, au terme de plusieurs années de blocage.
En outre, à côté de ce produit individuel, un nouveau produit collectif d'épargne-retraite est créé. Issu des dispositifs d'épargne salariale, le PPESVR bénéficiera d'une sécurité renforcée et ne pourra pas être investi à plus de 5 % en titres de l'entreprise ou en titres non cotés.
?Soyons clairs, ces innovations auront un coût élevé pour les finances publiques car elles entraîneront une diminution des recettes fiscales. Le Plan d'épargne populaire pour la retraite pourrait coûter plus de 2 milliards d'euros par an en régime de croisière, et probablement 200 à 300 millions d'euros dès 2005.
Ceci implique donc de revoir simultanément les incitations fiscales sur d'autres produits d'épargne. Pourquoi ?
Parce que notre taux d'épargne, je le répète, est déjà très élevé, à plus de 16% du revenu disponible. Il ne faut pas plus d'épargne, il faut une épargne mieux utilisée.
Mais aussi parce que la création d'un produit consacré à l'épargne retraite doit conduire à rationaliser les produits qui s'étaient développés en substitution. On ne peut pas indéfiniment accumuler les produits fiscalement aidés, il faut simplifier notre paysage fiscal, pour rendre plus lisible l'offre de produits d'épargne retraite défiscalisés, sans remettre en cause les grands équilibres existants.
Dans cette perspective, il n'y aura pas de remise en cause globale du régime fiscal de l'assurance vie, même si on peut s'interroger ainsi sur la pertinence du maintien de la réduction d'impôt pour les contrats à prime périodique souscrits avant 1996.
En sens inverse, il a été décidé de mettre fin à la possibilité d'ouvrir un nouveau Plan d'épargne populaire. Créé en 1990, le PEP était un produit concurrent direct du Plan d'épargne retraite populaire sans pour autant en partager tous les principes de sécurité et de transparence. C'est pourquoi le PEP cèdera la place au PERP comme véhicule d'épargne retraite individuelle. Naturellement, rien ne change pour les titulaires de plans ouverts avant le 25 septembre, la réforme proposée n'ayant aucun effet " rétroactif ".
Je voudrais enfin rappeler qu'il n'est pas dans les intentions du gouvernement de saisir l'occasion de la création du PERP pour mettre en cause les dispositifs de prévoyance existants. Les enveloppes initialement prévues pour la loi de finances ont ainsi été revues à la hausse suite aux observations formulées dans le cadre de la concertation qui avait été engagée, et l'on verra dans les prochaines semaines si nous sommes parvenus au bon calibrage.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement travaille à la mise en place d'un cadre fiscal favorable à l'initiative, à l'innovation et à l'épargne qui se traduit également par toute une série de mesures favorables à la création d'entreprise et à l'innovation.
Je n'y reviens pas ici dans le détail, mais l'on peut attendre de l'ensemble de ces décisions une réorientation de nos flux d'épargne vers des usages plus productifs, qui répondent à la fois aux besoins des épargnants et des entreprises.
3/ Il est cependant évident que les acteurs ne feront des choix dynamiques dans l'allocation de leur épargne que s'ils ont confiance dans la gestion de leurs fonds. Cette confiance a été mise à rude épreuve par une dérive de certaines pratiques qui appelait une remise en ordre. La loi de sécurité financière du 3 août dernier a agi dans trois directions que je rappelle brièvement.
a) Elle crée d'abord des autorités de contrôle et de régulation puissantes.
Deux nouvelles autorités sont créées, dotées d'un statut juridique inédit et de moyens renforcés. Pour les marchés, ce sera l'Autorité des marchés financiers, un gendarme de la bourse unique. Pour les assurances, ce sera la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et institutions de prévoyance.
L'Autorité des marchés financiers sera au centre du contrôle de l'ensemble des professions de la chaîne de l'information financière. Emetteurs, investisseurs, intermédiaires financiers, analystes ou agences de notation seront à des titres divers dans son champ d'action.
Les textes réglementaires nécessaires ont été transmis au Conseil d'Etat la semaine dernière, et les consultations sur la composition de son collège ont été engagées pour pouvoir procéder à son installation début novembre.
b) Deuxièmement, la loi de sécurité financière a permis de renforcer la législation sur le démarchage, qui datait de 1972.
Le nouveau dispositif permettra de responsabiliser chaque intervenant, à travers un système de mandats, des exigences d'honorabilité et de compétences, et des règles de bonne conduite que les démarcheurs seront tenus de respecter, sous peine de sanctions disciplinaires ou pénales.
Il en sera de même des conseillers en investissements financiers, activité qui n'était régie par aucun texte lorsqu'elle était exercée de façon indépendante.
c) Troisièmement, la loi de sécurité financière renforce la transparence et le contrôle des entreprises.
D'abord, les règles d'intervention et de contrôle des commissaires aux comptes ont été modifiées pour accroître encore la qualité du système français et éliminer les conflits d'intérêt d'une profession qui joue un rôle clé dans le retour de la confiance. Une autorité de contrôle sera également mise en place cet automne pour conforter la régulation du secteur.
Ensuite, la loi a renforcé les règles du gouvernement d'entreprise, en confortant le rôle central de l'assemblée générale des actionnaires et la démocratie actionnariale. Les investisseurs institutionnels seront incités à jouer leur rôle en toute transparence, et les associations d'actionnaires pourront plus facilement engager des actions en justice pour défendre leurs droits.
La loi a donc créé les conditions d'une pression du marché sur les dirigeants pour améliorer encore la gouvernance de leurs entreprises et favoriser ainsi la convergence vers les meilleures pratiques existantes.
Mais n'oublions pas sur ce point que la clé du retour à la confiance, c'est aussi le retour à une certaine éthique des comportements, qui ne se décrète pas.
Mesdames et Messieurs, avant de répondre à quelques questions, je veux vous dire que nous sommes déterminés à poursuivre notre action. En baissant les prélèvements qui pèsent sur la croissance, en créant les conditions pour que notre épargne, qui est abondante, soit plus utile dans un cadre plus sûr, nous préparons l'avenir.
Les réformes engagées sont indispensables au redressement de notre pays et pour fonder une croissance solide et durable, elles porteront leurs fruits.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 6 octobre 2003)