Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs le parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Avant toute chose, permettez-moi de vous présenter les sincères excuses du Ministre, initialement prévu en fermeture de ce colloque, mais qui, comme vous le savez, est actuellement retenu au banc du Sénat pour l'examen du projet de loi communications électroniques.
J'ai donc la lourde charge de conclure ce colloque dont les débats se sont avérés d'une très grande richesse et d'un intérêt majeur. Les réflexions conduites, les perspectives évoquées, la qualité de l'engagement de chacun démontrent, une fois de plus, que la télévision numérique de terre porte en elle une ambition qui dépasse son propre apport technologique, sa future place au sein de notre paysage audiovisuel.
Pour comprendre cette ambition, il convient de revenir à la source, à l'inspiration même et sur les raisons qui ont conduit le précédent Gouvernement, et celui auquel j'ai l'honneur d'appartenir, à rassembler tous les atouts pour, véritablement, donner sa chance à la télévision numérique terrestre.
1. COMME L'A INDIQUE LE MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, LA TNT CORRESPOND A UNE AMBITION POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT D'UNE OFFRE AUDIOVISUELLE FORTE POUR LE GRAND PUBLIC
La télévision numérique hertzienne terrestre (TNT), dont le cadre juridique est né ici, au Parlement, lors de la discussion de la loi du 1 août 2000 et à l'occasion des nombreux colloques que vous avez organisés sur ce sujet. Je salue le volontarisme de votre Commission des Affaires culturelles en faveur de la TNT. Permettez-moi également d'évoquer le travail considérable accompli par le CSA, sous l'impulsion de Dominique BAUDIS.
Mais surtout, je partage pleinement votre analyse sur l'apport que représente cette nouvelle technologie pour les nombreux foyers qui ne sont pas raccordés au câble ou équipés d'une antenne parabolique. Pour reprendre les termes de M. Renaud DONNEDIEU de VABRES, ces foyers " ne doivent pas être les laissés pour compte d'une offre télévisuelle élargie ".
La télévision numérique terrestre, c'est tout simplement le moyen de fournir au plus grand nombre de nos concitoyens une offre élargie de programmes, au delà des 6 chaînes nationales analogiques actuelles, que complète parfois une chaîne locale ou régionale.
Ce n'est certes pas la technologie qui permet de distribuer le plus grand nombre de chaînes : sur ce terrain-là, le câble, le satellite, demain l'ADSL, l'emportent aisément. Mais ces technologies, qui réclament des investissements très élevés, sont avant tout vouées à proposer une offre payante. Ce n'est pas le cas de la TNT qui, pour le prix, modique, d'un décodeur, offrira au plus grand nombre davantage de chaînes gratuites et, par conséquent, un choix élargi de programmes.
Ce n'est pas non plus la technologie qui offre la plus grande bande passante et, de ce fait, ce n'est probablement pas la mieux adaptée au développement d'offres à haute définition.
Mais c'est incontestablement la technologie la plus " grand public ". En effet, en 2004, pour les trois quarts des Françaises et des Français la traditionnelle antenne " râteau " reste le mode privilégié de réception des programmes de télévision. Cette large majorité de la population ignore ainsi l'immense diversité des programmes accessibles aux abonnés aux offres dites " de complément ".
C'est à cette majorité que s'adresse la TNT : accessible à 80 % des foyers sans adaptation majeure de leur installation, elle se présente donc comme le moyen de généraliser le plus rapidement et au moindre coût l'accès de la plus grande partie des Français à des offres audiovisuelles numériques, d'autant que le prix des décodeurs, indispensables pour recevoir ces nouvelles offres, devrait désormais être inférieur à la centaine d'euros, donc à la portée de la très grande majorité de nos concitoyens.
Et, bien entendu, parce qu'elle va s'adresser d'emblée à une large majorité de téléspectateurs, la TNT va façonner en profondeur notre paysage audiovisuel : elle va introduire de nouvelles chaînes, de nouveaux programmes, de nouveaux acteurs, amenant avec elle une concurrence accrue, facteur d'émulation et de créativité pour attirer de nouveaux publics.
II. LA TNT CONSTITUE EGALEMENT UNE VERITABLE CHANCE DE TRADUIRE DANS LA REALITE LA NOTION DE PROXIMITE CATHODIQUE A TRAVERS LE DEVELOPPEMENT DES TELEVISIONS LOCALES
Sur le développement des télévisions de proximité auquel le Gouvernement est, comme je vous l'ai déjà indiqué, très attaché, le décret qui fixe les obligations économiques de ces chaînes locales numériques a allégé leur régime de manière à encourager leur bon développement. Par ailleurs, l'ouverture à la publicité télévisée des secteurs interdits intervenue ce 1er janvier permet aux chaînes locales de disposer de nouvelles recettes publicitaires, notamment en provenance de la distribution.
Plusieurs dispositions du projet de loi sur le lancement de ces télévisions étaient en cours d'examen par le Sénat quand je l'ai quitté :
- allégement du dispositif anticoncentration afin de permettre aux projets de télévision locale de bénéficier de l'expertise et des capitaux de groupes de médias. Le Gouvernement a toutefois veillé à préserver l'équilibre nécessaire entre les télévisions locales et les grandes télévisions nationales qui peuvent certes investir dans ces télévisions, mais à titre de minoritaires ;
- allégement du régime économique de ces chaînes, notamment en portant le plafond d'habitants desservis de 6 à 10 millions d'habitants ;
- suppression des restrictions à la création de télévisions locales par les collectivités territoriales. Une fois définies à la fois les objectifs, les atouts et les modifications qui vont être engendrées par la TNT, il reste à vous présenter les mesures concrètes mises en uvre par le Gouvernement pour la réussite de ce projet.
III. L'ACTION DU GOUVERNEMENT POUR DONNER SA CHANCE A LA TELEVISION NUMERIQUE TERRESTRE
Lorsque le Gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a pris ses fonctions, le dossier lui est apparu comme insuffisamment préparé et la date de lancement annoncée pour la fin de l'année 2002 tout à fait irréaliste.
Pour apporter réponse à ces interrogations, le Premier ministre a demandé à Michel Boyon, qui ne dirigeait pas encore son cabinet, un rapport qui a permis de clarifier les étapes nécessaires au démarrage de la télévision numérique terrestre et leur état d'avancement.
Ce rapport, rendu à l'automne 2003, a proposé un calendrier réaliste pour le projet et, non sans se montrer critique sur le montage juridique retenu par la précédente majorité, mais constatant l'impossibilité de le remettre en cause sans risquer de faire prendre au projet un retard irrémédiable, il a proposé au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour " donner sa chance " à la TNT.
Ceci a été fait.
- a. Je pense d'abord aux 1500 réaménagements des fréquences analogiques qui doivent être réalisés pour préparer les fréquences nécessaires à la télévision numérique terrestre. Ces opérations nécessitent à la fois des adaptations des émetteurs et une large information des téléspectateurs, voire certaines interventions ponctuelles chez les téléspectateurs. Ces opérations étaient parfois présentées comme irréalisables, d'un coût astronomique, comme un obstacle insurmontable au lancement de la télévision numérique terrestre.
Sur la base de l'évaluation technique et économique de ces opérations, le Gouvernement a décidé de préfinancer une partie des travaux à hauteur de 32 millions d'euros. Ces sommes ont été avancées par l'Agence nationale des fréquences par l'intermédiaire du Fonds de réaménagement du spectre.
Plusieurs conventions ont été conclues entre l'Agence nationale des fréquences et le groupement d'intérêt économique constitué entre les éditeurs de services analogiques pour la réalisation des premiers réaménagements avant le 15 juillet 2004, permettant le lancement de la télévision numérique terrestre sur les 25 premiers sites couvrant 40% de la population. Les réaménagements supplémentaires seront effectués au fur et à mesure de leur publication par le CSA.
Contrairement aux prédictions des Cassandre, ces réaménagements se déroulent aujourd'hui de manière pleinement satisfaisante. Le prétendu obstacle a donc été levé. Je tiens d'ailleurs à remercier l'ensemble des parties qui ont uvré pour le bon déroulement de ces travaux.
- b. Dans son rapport, Michel Boyon avait également insisté sur l'importance de la coordination des acteurs de la télévision numérique terrestre. Un certain nombre de réunions se sont tenues en ce sens sous sa présidence dans un premier temps, puis, à la suite de sa nomination comme directeur de cabinet du Premier ministre, sous la présidence de Daniel Boudet de Montplaisir. Ces réunions ont permis d'amorcer et d'entretenir un fructueux dialogue entre les chaînes de télévision retenues, le CSA et les pouvoirs publics.
Cette coordination permet d'affiner les travaux préparatoires au lancement de la TNT notamment en matière de communication vers le grand public. C'est ainsi que l'association pour le lancement de la télévision numérique terrestre a vu récemment le jour.
- c. Le service public prend toute sa part de cette opération. La télévision numérique terrestre lui permettra de mieux remplir ses missions auprès des téléspectateurs de notre pays :
- France 5 et ARTE disposeront enfin d'un canal à temps complet ce qui permettra aux téléspectateurs qui travaillent d'accéder aux programmes de France 5 et à la chaîne ARTE d'être diffusée toute la journée ;
- un canal supplémentaire sera attribué à une nouvelle chaîne de service public, filiale de France Télévisions. Chaîne créée à partir de la chaîne thématique Festival, son format privilégiera une offre de programmes tournée vers la création et la valorisation du patrimoine en complémentarité des autres chaînes du service public ;
- par ailleurs, La Chaîne parlementaire viendra compléter le multiplexe occupé par les chaînes de service public
- d. Comme je vous l'indiquais, le Sénat n'a pas achevé à l'instant l'examen du projet de loi sur les communications électroniques et les services de communications audiovisuels. De nombreux articles relatifs à la télévision numérique terrestre n'ont pas encore été examinés, comme l'allégement du dispositif anti-concentration adoptée par la précédente majorité, qui limitait à 5 le nombre de chaînes nationales que pouvait détenir un même groupe, plafond que nous souhaitons porter à 7, ou la disposition visant à s'assurer de la participation de l'ensemble des acteurs à la mise en uvre de la TNT, en conditionnant le bénéfice de la prorogation des autorisations analogiques au démarrage effectif des émissions en numérique de ces services.
Le Sénat a toutefois fait droit dès ce matin à la demande du Conseil supérieur de l'audiovisuel de disposer d'outils juridiques supplémentaires pour mener à bien ce projet, notamment pour inciter les chaînes payantes de la télévision numérique à conclure dans les meilleurs délais les conventions nécessaires avec leur diffuseur technique. Le Conseil disposera également de la possibilité, s'il l'estime nécessaire, de modifier la composition des multiplexes pour regrouper les services de télévision payants.
Quelques mots sur ce dernier point. Certains opérateurs demandent que le lancement de l'offre payante soit décalée par rapport à celui de l'offre gratuite. Je constate simplement que dans ce cas les opérateurs de télévision payante ne participeraient pas aux premiers mois, les plus coûteux, de lancement de la télévision numérique terrestre. Par ailleurs, la recomposition des multiplexes que ce scénario imposerait conduirait nécessairement à retarder le lancement de la TNT. On peut donc penser que le CSA, à qui revient la responsabilité d'arrêter le scénario de déploiement, ne se résoudrait à envisager cette hypothèse que s'il s'avérait que le scénario actuellement engagé rencontrait un obstacle imprévu. Le Sénat a d'ores et déjà repoussé plusieurs amendements en ce sens.
IV DES CONDITIONS POUR LA REUSSITE DE LA TNT ?
Il nous importe à tous que le démarrage s'opère dans des conditions optimales aussi bien sur le plan technique et financier qu'en termes d'offres de chaînes. C'est la raison pour laquelle tout en partageant les objectifs des parlementaires, je pense qu'il est prématuré de fixer une date d'arrêt de l'analogique, comme l'a proposé la Commission des affaires culturelles du sénat. Avant de fixer cette date, nous devons être bien conscients qu'elle n'aura de portée réelle que si les investissements des industriels correspondent à la demande du public et des opérateurs. De même, il convient de lever certaines questions cruciales pour les téléspectateurs et ne pas les inciter, dans un sens ou dans l'autre, vers des choix technologiques non confirmés. Il en est ainsi par exemple de la couverture des zones d'ombre, guère possible en TNT et qui implique pour éviter des écrans noirs pour des milliers de foyers de prévoir des solutions techniques de substitution. Il s'agit là tout simplement du respect le plus élémentaire du droit à l'information du public. Pour ma part, je préfère plutôt que de fixer par voie législative une date de démarrage, dont aujourd'hui il n'est pas certain qu'elle puisse être tenue, vous proposer de confier au CSA une étude des différentes questions techniques, en particulier en matière de normes, qui se posent pour préparer ce basculement inéluctable de l'analogique vers le numérique. Il est tout à fait essentiel à mes yeux que la technologie choisie réponde à l'impératif de disponibilité opérationnelle pour tous.
La pleine réussite de ce projet repose maintenant sur la mobilisation de tous les acteurs concernés. Les radiodiffuseurs privés, qu'ils soient déjà présents en analogique ou "nouveaux entrants", ont un rôle essentiel à jouer à coté de ceux du service public. Je leur fais confiance pour préparer le démarrage de la télévision numérique terrestre de manière à en faire un succès populaire et rapide. Je suis sûr qu'ils sauront mettre à l'antenne des programmes de qualité et ainsi séduire rapidement les foyers Français.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 21 avril 2004)