Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, sur le site internet du PS le 14 novembre 2003, sur l'opportunité de légiférer sur les signes religieux à l'école.

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Média : www.parti-socialiste.fr

Texte intégral

Alors qu'il y a un mois, il n'était pas encore question de légiférer sur les signes religieux à l'école, le Bureau national du PS a finalement voté un texte qui opte fermement pour une loi. Quelles sont les raisons de cette évolution?
Au début des travaux de la mission Debré, il y a déjà plusieurs mois, beaucoup de députés socialistes étaient réservés à l'idée d'une loi, se demandant si cela n'allait pas créer un malaise, faire plus de mal que de bien. Mais au fil des auditions, même les plus réservés se sont dit que l'on n'arriverait pas à clarifier la situation actuelle sans procéder à une modification de la loi. Aujourd'hui, nous en sommes là et, au niveau du Parlement comme au niveau du parti, nous proposons tout simplement que la loi rappelle la règle commune. À savoir que dans l'enceinte des établissements d'enseignement public et dans les activités extérieures organisées par eux, le port apparent de signes religieux, politique ou philosophique est interdit. La République doit affirmer ainsi sa détermination à défendre ses principes de laïcité contre les tentatives de certains groupes fondamentalistes ou communautaires de mettre en cause la neutralité de l'école. Il n'est, en revanche, pas utile d'étendre ces dispositions aux autres services publics. La loi impose déjà à chaque fonctionnaire un devoir de réserve et de neutralité, notamment sur le plan vestimentaire. En cas de manquement, les sanctions disciplinaires existent.
Cette loi porte t-elle en germe un remaniement de la loi de 1905, à deux ans de son centenaire ?
Absolument pas. Il n'est pas question de toucher à la loi de 1905 qui a abouti à un équilibre unique au monde entre la neutralité de l'État et des services publics et la liberté de croyance. C'est un élément fort de consolidation de la République et de pacification, après des années de querelles entre la République et la religion. C'est une garantie pour tous les citoyens, qu'ils aient une religion ou pas, de voir leur liberté de conscience respectée.
Que répondez-vous à ceux qui doutent l'efficacité et même de la nécessité d'une législation en la matière ? Que va changer la loi sur le fond ?
Elle ne va rien changer sur le fond. Le manque de clarté de la jurisprudence du Conseil d'État pose problème. Ce vide juridique a, depuis quinze ans, livré le corps enseignant et les chefs d'établissement à eux-mêmes face à la montée du prosélytisme dans les enceintes scolaires. Cette loi changerait la situation en leur permettant d'interdire, dans leur règlement interne, les signes distinctifs religieux, politiques ou philosophiques dans l'enceinte scolaire. En même temps, il ne s'agit pas de faire n'importe quoi. L'article 2 de notre proposition de loi stipule qu'avant de procéder à la sanction, les chefs d'établissements et les professeurs devraient faire le maximum pour convaincre les élèves en infraction de se conformer au règlement. Ce n'est que dans un second temps, si les élèves et leurs parents refusaient de changer leur attitude, qu'on procèderait à l'exclusion. L'école n'est pas un lieu d'exclusion, elle est un creuset de l'intégration. Mais dans l'hypothèse où la médiation échouerait, le règlement disciplinaire devrait s'appliquer.
Comment éviter que ce texte n'apparaisse comme la stigmatisation de la seule confession musulmane ?
Il faut vraiment éviter de tomber dans cette interprétation. Nous avons, en France, une chance formidable - les religions le comprennent en majorité -, c'est que l'on peut exercer librement sa religion, être croyant ou pas. C'est cela que nous voulons, rien d'autre. Pas question de se lancer dans une querelle antireligieuse, qui serait absurde et néfaste. Nous voulons montrer que la France a un message original, une identité. En même temps, nous n'imaginons pas régler tous les problèmes par un texte de loi. La principale difficulté demeure l'intégration. Trop de gens d'origine sociale modeste ou par leur nationalité ou la couleur de leur peau se sentent exclus de la société. Ce texte doit être un signe fort à leur égard pour rappeler la règle commune et aussi que la République permet à tous ses enfants, quelle que soit leur origine, leur sexe, d'avoir leur place dans la société.
A.M

(source http://www.parti-socialiste.fr, le 17 novembre 2003)