Texte intégral
Tout d'abord, je voudrais vous dire toute ma joie d'être parmi vous et remercier la DMGPSE d'avoir organisé cette journée, comme elle le fait régulièrement sous la houlette de Serge ARNAUD. Je me réjouis également de la variété et du nombre des participants. Vous avez été très nombreux et je sais aussi que vous n'habitez pas tous Paris.
J'essaierai donc d'être bref, puis nous tenterons si vous le voulez bien d'engager un dialogue si vous avez des questions à poser ou simplement quelques commentaires à faire.
Même si certains d'entre vous sont jeunes, engagés dans une jeune carrière et d'autres plus expérimentés, j'ai le sentiment que vous avez dû voir passer plusieurs secrétaires d'Etat ou ministres chargés de la réforme de l'Etat et que vous avez donc une expérience assez importante dans ce domaine. Vous avez certainement entendu déjà beaucoup de choses sur ces sujets et participé à de nombreuses initiatives ; vous avez été vous-mêmes probablement à l'origine de beaucoup d'initiatives ; vous avez essayé d'innover dans vos services et vous connaissez donc la difficulté qu'il y a aujourd'hui à réformer une institution aussi lourde et aussi importante que l'Etat. Pourtant, j'ai la conviction - et je pense que nous sommes nombreux ici à partager cette opinion - que l'Etat est réformable. Lorsque le Premier ministre m'a demandé d'être secrétaire d'Etat, j'ai reçu beaucoup de lettres ou de mots de félicitation. Mais ces félicitations, en tout cas ceux qui émanent de personnes qui savent de quoi il s'agit, contiennent toujours un brin d'ironie. Ils disent " Bravo ! Et bon courage ! Car il faudra du de temps. L'Etat est lourd ; il n'est pas facile de faire virer le paquebot "
Ma première conviction. est donc que l'Etat est réformable. Il est réformable parce que la plupart de ses agents ont une idée très élevée du service public. Je le dis d'autant plus facilement que je ne suis pas moi-même issu de la fonction publique ; ma carrière s'étant plutôt déroulée dans les entreprises. Les agents publics souhaitent de toute évidence bien faire leur travail. Bien faire ce travail, être un agent public, être un agent au service du public, quelle que soit la responsabilité de cet agent, du directeur d'une administration centrale jusqu'à l'agent le plus modeste, avoir cette volonté de tenir son rang en ce qui concerne le service public, implique de bouger, d'évoluer. En tout cas, cette situation n'est pas compatible avec une vision immobiliste du service public ; pour bien servir, il faut évidemment bouger. D'ailleurs, l'Etat ne pourra être et demeurer cette organisation de stabilisation de la société française qu'à la condition d'être en permanence en transformation. On ne peut être un Etat garantissant, prévoyant pour les citoyens, que si l'on sait bouger et se transformer. Si l'on ne bouge pas, si l'on ne se transforme pas, si l'on est immobile, si l'on reste verrouillé sur des conservatismes, on se met évidemment en décalage avec la société française ; et vous savez bien qu'en général cela se passe mal et se termine mal. L'Etat doit bouger et évoluer. Je suis persuadé que les uns et les autres (j'oublie les quelques irréductibles comme il en existe dans toutes les institutions) vous êtes évidemment prêts à écouter ce langage et qu'une énorme majorité de fonctionnaires, d'agents publics, est prête, probablement depuis des années, à participer à ce langage et à cette conviction.
L'Etat est donc évidemment réformable et il l'est avec ses agents. Je ne suis pas sûr que la réforme de l'Etat soit le " grand soir " de l'organisation de l'Etat. De la même manière qu'on ne changera pas la fiscalité du jour au lendemain, on ne changera pas l'Etat du jour au lendemain. Ceci est évidemment une vision théorique.
En second lieu, il n'existe pas une réforme de l'Etat mais des réformes de l'Etat. Il y a aussi plusieurs niveaux de réforme de l'Etat, de la plus simple, de la plus modeste jusqu'aux plus complexes. Les plus simples et les plus modestes ne sont d'ailleurs pas toujours les plus faciles à réaliser. Je dirai même que le terme même de réforme n'est pas toujours adapté. D'abord, il est souvent mal perçu ; il ne faut pas employer des termes mal vécus. Il faut conserver les idées mais il faut quelquefois rechercher, pour mieux les exprimer, des termes plus adéquats. Il ne s'agit pas tant d'une réforme de l'Etat que d'une évolution, d'une transformation permanente de l'Etat que nous devons mettre en place. Elle est d'ailleurs effective depuis longtemps : l'Etat d'il y a dix ans n'est pas celui d'aujourd'hui, il s'est transformé sous l'impulsion des uns et des autres, de ses acteurs politiques mais aussi des agents publics. Il existe donc plusieurs réformes de l'Etat et une volonté d'instaurer une évolution, une transformation permanente de l'Etat.
Ma troisième conviction est que le moment est favorable pour parler de réforme de l'Etat.
Le premier élément, et c'est une bonne " fenêtre de tir " comme l'on dit, est constitué par la LOLF, que vous avez probablement évoquée lors de vos travaux. Certes il en est question depuis plusieurs années, mais elle va bientôt devenir réalité.
La LOLF est un formidable outil de changement. Elle est en premier lieu un formidable outil de conviction politique et de conviction du service public : un Etat plus transparent, un Etat dans lequel ceux qui en sont responsables pourront exercer plus facilement leurs responsabilités, un Etat où le parlement pourra mieux jouer son rôle. La LOLF est aussi un formidable moment de remise en cause des structures de l'Etat. Il n'existe pas de système de pilotage comptable ou budgétaire sans qu'il y ait impact sur les structures de l'Etat ; c'est donc un formidable moment pour bouger. Il n'est pas le seul.
On ne peut évidemment pas transformer l'Etat à partir du seul outil LOLF. Qui le penserait se tromperait lourdement. On ne peut pas transformer l'Etat uniquement sous l'angle budgétaire, même si cet angle est la traduction d'une stratégie plus élevée et doit se retrouver plus tard dans un certain nombre de mesures que vous connaissez bien. Je pense très sincèrement que le ministère de la Fonction publique et de la réforme de l'Etat a un rôle tout particulier à jouer en donnant, à côté de la LOLF, une autre vision,, une vision de la qualité du service public, de la capacité à produire un service public de qualité, adapté à la société d'aujourd'hui et pour un coût donné.
Le bon moment est venu pour le réaliser grâce à un deuxième élément : la stratégie ministérielle de réforme, que vous connaissez bien. Ce pourrait être un instrument comme un autre, comme nous en avons vu passer un certain nombre : un instrument lancé par un Premier ministre, que les ministres appliquent plus ou moins bien en lui donnant une priorité plus ou moins grande et qui, au bout d'un certain temps, atteint ses limites et tombe dans une sorte de routine administrative qui se traduit par la production d'un rapport par un malheureux fonctionnaire qui a bien d'autres choses à faire. Dans ce cas, cela ne débouche pas sur grand-chose. Or, nous sommes persuadés que les stratégies ministérielles de réforme valent mieux que cela. Les stratégies ministérielles de réforme n'ont peut-être pas donné en 2003 leur pleine mesure - encore que de bonnes choses aient d'ores et déjà été réalisées - mais nous sommes persuadés que cette démarche est l'embryon d'une véritable vision stratégique de la réforme de l'Etat, pour autant que nous nous en donnions les moyens.
La conjonction de la LOLF et d'un système de stratégie ministérielle de réforme annuelle, pilotée, organisée et cohérente est donc une bonne manière de s'attaquer au rocher de l'immobilisme ou des conservatismes des grandes structures. Les grandes structures sont, par habitude, quasiment génétiquement immobiles et il faut des déclencheurs pour les faire bouger. Ce ne sont pas les hommes et les femmes qui les composent qui sont immobiles ; j'ai pu le constater dans les entreprises que j'ai fréquentées et je le vois avec les agents, ainsi que je le disais précédemment. Je suis maire, je le vois bien. En général les agents sont plutôt réformateurs, ils souhaitent que les choses bougent, comme les électeurs. Mais collectivement, il est difficile d'organiser le mouvement. Et je suis persuadé qu'à la fois la LOLF et les stratégies ministérielles de réforme, si nous savons leur donner le " punch " nécessaire et le poids politique indispensable, seront une bonne manière d'agir.
Pourquoi réformer l'Etat ? Là est la bonne question. Si réformer l'Etat consiste uniquement en une sorte d'exercice personnel, cela ne répond pas à grand-chose. S'il s'agit uniquement d'économiser quelques euros, cela ne présente pas non plus un intérêt majeur même si cela est important. Le citoyen dira cependant que si nous économisons quelque part, nous dépensons ailleurs ; il est assez sceptique sur ce point. Il faut donc donner un peu de perspective à la réforme de l'Etat.
Personnellement, je n'ai pas les réponses, aujourd'hui en tout cas, et il faut que nous y réfléchissions ensemble. Mais je crois en un certain nombre de valeurs.
En premier lieu, un Etat doit être respecté et être respectueux. S'il est respecté - et il doit l'être - il est, dans sa vision autoritaire et régalienne des choses, le garant de la liberté de l'ensemble de ses citoyens. Nous avons là la définition d'un Etat démocratique. L'Etat doit être respectueux : dans une société aussi évoluée que la nôtre, le respect des citoyens doit dominer. L'Etat doit évidemment intégrer cette notion de respect.
En deuxième lieu, je crois à une autre notion intégrée à la première : l'Etat vérité. Nous devons dire clairement, nous devons la vérité à nos concitoyens. Ils sont, d'une certaine manière, un peu actionnaires. J'espère que je ne choquerai personne parmi vous en tenant de tels propos. Nous sommes un peu actionnaires de l'Etat. Nous payons tous les ans nos impôts sous des formes diverses et variées. Tout le monde paye un impôt à un moment donné et d'une certaine manière, l'Etat, en échange de cet impôt, nous verse un service public. Parfois il s'agit de services publics contraignants ; d'autres fois, ce sont de véritables services. En face de ceux-ci, l'Etat doit la vérité à ses concitoyens. Il doit dire comment il produit ces services, à partir de quoi et vers quoi tend ce service public. L'Etat vérité, que ce soit dans le domaine du contenu des politiques publiques comme dans le domaine des modalités de production de ces politiques, doit dire la vérité.
En troisième lieu, l'Etat doit être un employeur exemplaire. Avec un nombre aussi important d'agents publics, avec une barre mise de plus en plus haut sur la notion de service public, l'Etat se doit d'être un bon employeur, un employeur exemplaire. Si l'Etat n'est pas un excellent employeur, l'agent public se démotive. Il faut donc trouver, de l'autre côté de la barrière, un personnel fier et en capacité de faire évoluer ces services publics.
L'Etat respecté, l'Etat respectueux, l'Etat vérité, c'est aussi - probablement - le moyen d'entrer dans l'ère de la responsabilité. Nous le voyons bien, quelles que soient nos professions, nous sommes de plus en plus responsables. Nous sommes de plus en plus responsables devant ceux à qui nous délivrons un service.
Il faut mettre fin à l'Etat lourd, il faut mettre fin à l'Etat lent et il faut mettre fin à l'Etat opaque. Plus il est lourd, plus il produit de la complexité ; plus il est lent, plus il est en décalage avec une société qui va de plus en plus vite, quelquefois même trop vite. Plus il est en décalage et plus il est opaque ; je le disais tout à l'heure, moins nous sommes capables de le réformer et plus il crée de la suspicion.
Comment essayer de réformer l'Etat ? Après ces quelques mots ou ces quelques idées sur le " pourquoi " - mais nous essaierons de les creuser - je crois qu'il convient d'évoquer deux points.
D'abord, il faut se concentrer sur l'usager. Vous entendez ce langage certainement depuis longtemps : la démarche de réforme de l'Etat doit partir de l'usager. Nous sommes tous usagers du service public : que nous soyons agent public, que nous participions au secteur privé, que nous soyons malheureusement à la recherche d'un emploi ou que nous poursuivions des études, nous sommes tous, à un moment donné, usagers du service public. Il convient de partir des besoins de l'usager de la même manière que les grandes entreprises disent qu'il faut avoir une démarche client. Je fais bien la différence entre les deux. Je ne crois pas que l'Etat soit une entreprise mais je suis persuadé qu'il faut partir de l'usager. C'est la seule manière d'aborder correctement la question de l'évolution de l'Etat. Cela signifie qu'il faut réexaminer systématiquement le périmètre d'intervention de l'Etat. Beaucoup de choses ont été faites sur ce sujet mais il faut continuer à l'approfondir. Si nous savons bien nous concentrer sur le périmètre du service public, nous serons encore mieux en capacité de remplir les fonctions de service public. Dans d'autres cas, il faut savoir déléguer, piloter ou donner à faire.
Ensuite, il faut se pencher sur les process, sur les manières de faire du service public et sur la capacité des services publics à être réactifs, à aller plus vite ainsi que, probablement, sur la mutualisation d'un certain nombre de moyens. Bref, tout ce qui concerne les modalités de production, les modalités de délivrance du service public.
Reste le chantier que vous connaissez bien : l'amélioration de la gestion des ressources humaines. Je suis persuadé que la réforme de l'Etat, c'est d'abord une culture nouvelle à promouvoir. Ce sont évidemment des procédés, un certain nombre de bonnes pratiques et l'essaimage de ces bonnes pratiques, mais c'est avant tout une question de culture. On peut rêver d'une culture de transformation de l'Etat pendant deux cent ans et ne jamais rien faire, car les cultures, au bout du compte, ne relèvent pas uniquement de la fatalité : on ne les constate pas, on essaye aussi de les orienter. Il faut évidemment plus de temps. Je suis persuadé que nous ne parviendrons à faire évoluer les choses que si nous arrivons à transformer avec le temps la culture des uns et des autres, la culture des citoyens, la culture des agents publics, la culture des hommes et des femmes politiques pour faire en sorte que l'Etat évolue en permanence.
Je le disais tout à l'heure, réformer sans les fonctionnaires est impossible. Le fait d'être tourné vers l'usager constitue le moteur principal de la réforme de l'Etat. Mais si les agents publics n'en sont pas persuadés, le moteur est inexistant. Les agents publics doivent s'approprier cette démarche de transformation et ne doivent pas en avoir peur. Ceci implique qu'il faut expliquer. La réforme ne doit pas être brutale, elle doit être une réforme de dialogue, jouant sur la concertation et l'adhésion des uns et des autres. Le meilleur auteur peut écrire une très bonne pièce, mais s'il n'a pas d'acteur sur la scène pour la jouer, cela se passera mal même s'il y a des spectateurs dans la salle. Il faut que les acteurs soient là mais il faut aussi qu'ils soient bons : j'ai vu beaucoup de bonnes pièces avec de mauvais acteurs, cela ne donne pas grand-chose. Il faut donc motiver les acteurs et il y a, sur ce point, beaucoup de choses à dire et à faire. Un agent public ne subit pas la réforme de l'Etat, il est acteur et ambassadeur de la réforme de l'Etat. Il n'est pas uniquement acteur pour lui-même, il vend cette réforme de l'Etat. Il a un pouvoir de conviction sur son collègue mais aussi sur l'usager. Il est un moteur de la transformation de la société.
Enfin, et ce sera le dernier élément, il faut souligner un certain nombre de points.
D'abord, il faut continuer l'uvre de nos prédécesseurs. Il n'y a pas de raison de ne pas continuer. Je pense notamment au projet de loi d'habilitation sur la simplification du droit : il faut renforcer ce PLH II puisqu'il est passé en Conseil des ministres. Nous avons l'intention de le renforcer, de lui donner peut-être plus de visibilité, ou de lisibilité comme l'on dit aujourd'hui, bref d'en faire un outil créatif. Nous avons aussi l'intention de mieux préparer le projet de loi d'habilitation numéro trois qui viendra en 2005 en travaillant notamment sur les publics. Nous nous demanderons si, en réalité, il ne vaut pas mieux essayer de faire évoluer les choses plutôt par publics ; nous examinerons, autour de tels ou tels publics, à partir de publics ciblés (les jeunes par exemple), leurs relations avec le monde administratif et l'Etat afin de déceler en quoi l'Etat complique ou améliore la vie de ces publics, en quoi il permet d'assurer leurs capacités d'initiative et, en même temps, comment il garantit les éventuels problèmes de nature sociale ou tout type d'insécurité. Nous travaillerons ensemble sur ce sujet pour le PLH III, c'est-à-dire en 2005, mais auparavant " il faut le mettre sur le feu " et c'est ce que nous allons faire.
Nous avons également l'intention, vous l'avez compris dans mes propos liminaires, de réformer ce bel outil que sont les stratégies ministérielles de réforme. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir d'évolution permanente de l'Etat sans un instrument de référence. Il faut des lieux, des instruments, il faut cristalliser, symboliser les choses et évidemment mettre un peu de pression car on ne peut pas réformer sans un minimum de tension, de tension positive bien sur. Les stratégies ministérielles de réforme peuvent être un lieu consensuel de transformation de l'Etat.
Nous souhaiterions aussi montrer quelques réformes symboliques à nos concitoyens ; qu'ils voient que l'Etat a décidé de réformer telle structure ou tel processus de production administrative parce qu'il considère lui-même que c'est nécessaire et qu'il ne le fait pas sous une quelconque pression extérieure. Bref, la réforme de l'Etat ne consiste pas uniquement en une simplification administrative, aussi importante soit-elle. La simplification administrative est extrêmement importante - modifier tel formulaire, s'attacher à telle délivrance de production de service public compte beaucoup - mais la réforme de l'Etat ne peut pas se limiter à cela,
Elle ne peut pas non plus résider uniquement dans l'essor de l'administration électronique même si ce chantier est, lui aussi, extrêmement important. J'ai moi-même travaillé dans un cabinet de conseil il y a quelques années, sur le e-gouvernement et la e-administration. L'administration électronique est essentielle, au même titre que la LOLF d'ailleurs, car elle est un instrument de modification : lorsque l'on met des informations, des formulaires, des procédures en ligne, on modifie les structures qui les accompagnent. Mais ce n'est pas suffisant non plus.
Il faut aussi réexaminer là aussi d'une manière positive, sans tabou et sans drame, les structures de l'Etat en se posant sans arrêt la question de savoir si elles sont adaptées. Et il faut le faire avec les autres ministères. Notre ministère est peut-être petit, peut-être n'est-il pas doté de beaucoup de moyens, mais il a une grande ambition. L'ambition est un levier et pas nécessairement le poids que nous avons au début. Doter le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat de moyens plus importants ne serait probablement pas totalement la solution. Certes il pourrait avoir quelques moyens supplémentaires, - je ne dis pas le contraire-, mais ce ne serait pas la seule solution. La transformation de l'Etat est en fait de la coproduction : nous ne pouvons pas travailler seuls. La coproduction, c'est d'avoir un fort impact de conviction et d'y ajouter de temps en temps un rapport de forces favorable. Je crois que là réside la seule manière aujourd'hui de faire bouger les choses.
Il n'est pas question de changer tout l'Etat. Je ne suis pas sûr que d'ici la semaine prochaine nous ayons totalement réformé l'Etat : c'est une uvre de longue haleine. Je pense en revanche qu'il est terriblement urgent de mettre en place les instruments de fond permettant d'éclairer cette démarche de réforme. En ce sens, vous en êtes certainement les acteurs principaux. Vous êtes un encadrement. Vous assumez une forte responsabilité. Vous êtes à la fois en bas et en haut, un peu partout, " au four et au moulin ", mais il n'y a pas de réforme de l'Etat sans vous. Personnellement, j'aimerais que vous n'hésitiez pas à nous faire toutes propositions que vous jugeriez utiles et indispensables. J'aimerais qu'il y ait des échanges, un peu d'interaction. Deux ministres et quelques délégations interministérielles ne pourront réaliser ce travail à eux seuls. Nous avons besoin de tous parce que l'Etat, c'est nous tous. Voilà le message que je voulais faire passer et d'avance, je vous dis " merci ".
Avant de vous quitter, je voudrais encore féliciter Serge ARNAUD pour l'organisation de cette journée et souhaiter bonne route à ceux qui résident plus loin.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 mai 2004)
J'essaierai donc d'être bref, puis nous tenterons si vous le voulez bien d'engager un dialogue si vous avez des questions à poser ou simplement quelques commentaires à faire.
Même si certains d'entre vous sont jeunes, engagés dans une jeune carrière et d'autres plus expérimentés, j'ai le sentiment que vous avez dû voir passer plusieurs secrétaires d'Etat ou ministres chargés de la réforme de l'Etat et que vous avez donc une expérience assez importante dans ce domaine. Vous avez certainement entendu déjà beaucoup de choses sur ces sujets et participé à de nombreuses initiatives ; vous avez été vous-mêmes probablement à l'origine de beaucoup d'initiatives ; vous avez essayé d'innover dans vos services et vous connaissez donc la difficulté qu'il y a aujourd'hui à réformer une institution aussi lourde et aussi importante que l'Etat. Pourtant, j'ai la conviction - et je pense que nous sommes nombreux ici à partager cette opinion - que l'Etat est réformable. Lorsque le Premier ministre m'a demandé d'être secrétaire d'Etat, j'ai reçu beaucoup de lettres ou de mots de félicitation. Mais ces félicitations, en tout cas ceux qui émanent de personnes qui savent de quoi il s'agit, contiennent toujours un brin d'ironie. Ils disent " Bravo ! Et bon courage ! Car il faudra du de temps. L'Etat est lourd ; il n'est pas facile de faire virer le paquebot "
Ma première conviction. est donc que l'Etat est réformable. Il est réformable parce que la plupart de ses agents ont une idée très élevée du service public. Je le dis d'autant plus facilement que je ne suis pas moi-même issu de la fonction publique ; ma carrière s'étant plutôt déroulée dans les entreprises. Les agents publics souhaitent de toute évidence bien faire leur travail. Bien faire ce travail, être un agent public, être un agent au service du public, quelle que soit la responsabilité de cet agent, du directeur d'une administration centrale jusqu'à l'agent le plus modeste, avoir cette volonté de tenir son rang en ce qui concerne le service public, implique de bouger, d'évoluer. En tout cas, cette situation n'est pas compatible avec une vision immobiliste du service public ; pour bien servir, il faut évidemment bouger. D'ailleurs, l'Etat ne pourra être et demeurer cette organisation de stabilisation de la société française qu'à la condition d'être en permanence en transformation. On ne peut être un Etat garantissant, prévoyant pour les citoyens, que si l'on sait bouger et se transformer. Si l'on ne bouge pas, si l'on ne se transforme pas, si l'on est immobile, si l'on reste verrouillé sur des conservatismes, on se met évidemment en décalage avec la société française ; et vous savez bien qu'en général cela se passe mal et se termine mal. L'Etat doit bouger et évoluer. Je suis persuadé que les uns et les autres (j'oublie les quelques irréductibles comme il en existe dans toutes les institutions) vous êtes évidemment prêts à écouter ce langage et qu'une énorme majorité de fonctionnaires, d'agents publics, est prête, probablement depuis des années, à participer à ce langage et à cette conviction.
L'Etat est donc évidemment réformable et il l'est avec ses agents. Je ne suis pas sûr que la réforme de l'Etat soit le " grand soir " de l'organisation de l'Etat. De la même manière qu'on ne changera pas la fiscalité du jour au lendemain, on ne changera pas l'Etat du jour au lendemain. Ceci est évidemment une vision théorique.
En second lieu, il n'existe pas une réforme de l'Etat mais des réformes de l'Etat. Il y a aussi plusieurs niveaux de réforme de l'Etat, de la plus simple, de la plus modeste jusqu'aux plus complexes. Les plus simples et les plus modestes ne sont d'ailleurs pas toujours les plus faciles à réaliser. Je dirai même que le terme même de réforme n'est pas toujours adapté. D'abord, il est souvent mal perçu ; il ne faut pas employer des termes mal vécus. Il faut conserver les idées mais il faut quelquefois rechercher, pour mieux les exprimer, des termes plus adéquats. Il ne s'agit pas tant d'une réforme de l'Etat que d'une évolution, d'une transformation permanente de l'Etat que nous devons mettre en place. Elle est d'ailleurs effective depuis longtemps : l'Etat d'il y a dix ans n'est pas celui d'aujourd'hui, il s'est transformé sous l'impulsion des uns et des autres, de ses acteurs politiques mais aussi des agents publics. Il existe donc plusieurs réformes de l'Etat et une volonté d'instaurer une évolution, une transformation permanente de l'Etat.
Ma troisième conviction est que le moment est favorable pour parler de réforme de l'Etat.
Le premier élément, et c'est une bonne " fenêtre de tir " comme l'on dit, est constitué par la LOLF, que vous avez probablement évoquée lors de vos travaux. Certes il en est question depuis plusieurs années, mais elle va bientôt devenir réalité.
La LOLF est un formidable outil de changement. Elle est en premier lieu un formidable outil de conviction politique et de conviction du service public : un Etat plus transparent, un Etat dans lequel ceux qui en sont responsables pourront exercer plus facilement leurs responsabilités, un Etat où le parlement pourra mieux jouer son rôle. La LOLF est aussi un formidable moment de remise en cause des structures de l'Etat. Il n'existe pas de système de pilotage comptable ou budgétaire sans qu'il y ait impact sur les structures de l'Etat ; c'est donc un formidable moment pour bouger. Il n'est pas le seul.
On ne peut évidemment pas transformer l'Etat à partir du seul outil LOLF. Qui le penserait se tromperait lourdement. On ne peut pas transformer l'Etat uniquement sous l'angle budgétaire, même si cet angle est la traduction d'une stratégie plus élevée et doit se retrouver plus tard dans un certain nombre de mesures que vous connaissez bien. Je pense très sincèrement que le ministère de la Fonction publique et de la réforme de l'Etat a un rôle tout particulier à jouer en donnant, à côté de la LOLF, une autre vision,, une vision de la qualité du service public, de la capacité à produire un service public de qualité, adapté à la société d'aujourd'hui et pour un coût donné.
Le bon moment est venu pour le réaliser grâce à un deuxième élément : la stratégie ministérielle de réforme, que vous connaissez bien. Ce pourrait être un instrument comme un autre, comme nous en avons vu passer un certain nombre : un instrument lancé par un Premier ministre, que les ministres appliquent plus ou moins bien en lui donnant une priorité plus ou moins grande et qui, au bout d'un certain temps, atteint ses limites et tombe dans une sorte de routine administrative qui se traduit par la production d'un rapport par un malheureux fonctionnaire qui a bien d'autres choses à faire. Dans ce cas, cela ne débouche pas sur grand-chose. Or, nous sommes persuadés que les stratégies ministérielles de réforme valent mieux que cela. Les stratégies ministérielles de réforme n'ont peut-être pas donné en 2003 leur pleine mesure - encore que de bonnes choses aient d'ores et déjà été réalisées - mais nous sommes persuadés que cette démarche est l'embryon d'une véritable vision stratégique de la réforme de l'Etat, pour autant que nous nous en donnions les moyens.
La conjonction de la LOLF et d'un système de stratégie ministérielle de réforme annuelle, pilotée, organisée et cohérente est donc une bonne manière de s'attaquer au rocher de l'immobilisme ou des conservatismes des grandes structures. Les grandes structures sont, par habitude, quasiment génétiquement immobiles et il faut des déclencheurs pour les faire bouger. Ce ne sont pas les hommes et les femmes qui les composent qui sont immobiles ; j'ai pu le constater dans les entreprises que j'ai fréquentées et je le vois avec les agents, ainsi que je le disais précédemment. Je suis maire, je le vois bien. En général les agents sont plutôt réformateurs, ils souhaitent que les choses bougent, comme les électeurs. Mais collectivement, il est difficile d'organiser le mouvement. Et je suis persuadé qu'à la fois la LOLF et les stratégies ministérielles de réforme, si nous savons leur donner le " punch " nécessaire et le poids politique indispensable, seront une bonne manière d'agir.
Pourquoi réformer l'Etat ? Là est la bonne question. Si réformer l'Etat consiste uniquement en une sorte d'exercice personnel, cela ne répond pas à grand-chose. S'il s'agit uniquement d'économiser quelques euros, cela ne présente pas non plus un intérêt majeur même si cela est important. Le citoyen dira cependant que si nous économisons quelque part, nous dépensons ailleurs ; il est assez sceptique sur ce point. Il faut donc donner un peu de perspective à la réforme de l'Etat.
Personnellement, je n'ai pas les réponses, aujourd'hui en tout cas, et il faut que nous y réfléchissions ensemble. Mais je crois en un certain nombre de valeurs.
En premier lieu, un Etat doit être respecté et être respectueux. S'il est respecté - et il doit l'être - il est, dans sa vision autoritaire et régalienne des choses, le garant de la liberté de l'ensemble de ses citoyens. Nous avons là la définition d'un Etat démocratique. L'Etat doit être respectueux : dans une société aussi évoluée que la nôtre, le respect des citoyens doit dominer. L'Etat doit évidemment intégrer cette notion de respect.
En deuxième lieu, je crois à une autre notion intégrée à la première : l'Etat vérité. Nous devons dire clairement, nous devons la vérité à nos concitoyens. Ils sont, d'une certaine manière, un peu actionnaires. J'espère que je ne choquerai personne parmi vous en tenant de tels propos. Nous sommes un peu actionnaires de l'Etat. Nous payons tous les ans nos impôts sous des formes diverses et variées. Tout le monde paye un impôt à un moment donné et d'une certaine manière, l'Etat, en échange de cet impôt, nous verse un service public. Parfois il s'agit de services publics contraignants ; d'autres fois, ce sont de véritables services. En face de ceux-ci, l'Etat doit la vérité à ses concitoyens. Il doit dire comment il produit ces services, à partir de quoi et vers quoi tend ce service public. L'Etat vérité, que ce soit dans le domaine du contenu des politiques publiques comme dans le domaine des modalités de production de ces politiques, doit dire la vérité.
En troisième lieu, l'Etat doit être un employeur exemplaire. Avec un nombre aussi important d'agents publics, avec une barre mise de plus en plus haut sur la notion de service public, l'Etat se doit d'être un bon employeur, un employeur exemplaire. Si l'Etat n'est pas un excellent employeur, l'agent public se démotive. Il faut donc trouver, de l'autre côté de la barrière, un personnel fier et en capacité de faire évoluer ces services publics.
L'Etat respecté, l'Etat respectueux, l'Etat vérité, c'est aussi - probablement - le moyen d'entrer dans l'ère de la responsabilité. Nous le voyons bien, quelles que soient nos professions, nous sommes de plus en plus responsables. Nous sommes de plus en plus responsables devant ceux à qui nous délivrons un service.
Il faut mettre fin à l'Etat lourd, il faut mettre fin à l'Etat lent et il faut mettre fin à l'Etat opaque. Plus il est lourd, plus il produit de la complexité ; plus il est lent, plus il est en décalage avec une société qui va de plus en plus vite, quelquefois même trop vite. Plus il est en décalage et plus il est opaque ; je le disais tout à l'heure, moins nous sommes capables de le réformer et plus il crée de la suspicion.
Comment essayer de réformer l'Etat ? Après ces quelques mots ou ces quelques idées sur le " pourquoi " - mais nous essaierons de les creuser - je crois qu'il convient d'évoquer deux points.
D'abord, il faut se concentrer sur l'usager. Vous entendez ce langage certainement depuis longtemps : la démarche de réforme de l'Etat doit partir de l'usager. Nous sommes tous usagers du service public : que nous soyons agent public, que nous participions au secteur privé, que nous soyons malheureusement à la recherche d'un emploi ou que nous poursuivions des études, nous sommes tous, à un moment donné, usagers du service public. Il convient de partir des besoins de l'usager de la même manière que les grandes entreprises disent qu'il faut avoir une démarche client. Je fais bien la différence entre les deux. Je ne crois pas que l'Etat soit une entreprise mais je suis persuadé qu'il faut partir de l'usager. C'est la seule manière d'aborder correctement la question de l'évolution de l'Etat. Cela signifie qu'il faut réexaminer systématiquement le périmètre d'intervention de l'Etat. Beaucoup de choses ont été faites sur ce sujet mais il faut continuer à l'approfondir. Si nous savons bien nous concentrer sur le périmètre du service public, nous serons encore mieux en capacité de remplir les fonctions de service public. Dans d'autres cas, il faut savoir déléguer, piloter ou donner à faire.
Ensuite, il faut se pencher sur les process, sur les manières de faire du service public et sur la capacité des services publics à être réactifs, à aller plus vite ainsi que, probablement, sur la mutualisation d'un certain nombre de moyens. Bref, tout ce qui concerne les modalités de production, les modalités de délivrance du service public.
Reste le chantier que vous connaissez bien : l'amélioration de la gestion des ressources humaines. Je suis persuadé que la réforme de l'Etat, c'est d'abord une culture nouvelle à promouvoir. Ce sont évidemment des procédés, un certain nombre de bonnes pratiques et l'essaimage de ces bonnes pratiques, mais c'est avant tout une question de culture. On peut rêver d'une culture de transformation de l'Etat pendant deux cent ans et ne jamais rien faire, car les cultures, au bout du compte, ne relèvent pas uniquement de la fatalité : on ne les constate pas, on essaye aussi de les orienter. Il faut évidemment plus de temps. Je suis persuadé que nous ne parviendrons à faire évoluer les choses que si nous arrivons à transformer avec le temps la culture des uns et des autres, la culture des citoyens, la culture des agents publics, la culture des hommes et des femmes politiques pour faire en sorte que l'Etat évolue en permanence.
Je le disais tout à l'heure, réformer sans les fonctionnaires est impossible. Le fait d'être tourné vers l'usager constitue le moteur principal de la réforme de l'Etat. Mais si les agents publics n'en sont pas persuadés, le moteur est inexistant. Les agents publics doivent s'approprier cette démarche de transformation et ne doivent pas en avoir peur. Ceci implique qu'il faut expliquer. La réforme ne doit pas être brutale, elle doit être une réforme de dialogue, jouant sur la concertation et l'adhésion des uns et des autres. Le meilleur auteur peut écrire une très bonne pièce, mais s'il n'a pas d'acteur sur la scène pour la jouer, cela se passera mal même s'il y a des spectateurs dans la salle. Il faut que les acteurs soient là mais il faut aussi qu'ils soient bons : j'ai vu beaucoup de bonnes pièces avec de mauvais acteurs, cela ne donne pas grand-chose. Il faut donc motiver les acteurs et il y a, sur ce point, beaucoup de choses à dire et à faire. Un agent public ne subit pas la réforme de l'Etat, il est acteur et ambassadeur de la réforme de l'Etat. Il n'est pas uniquement acteur pour lui-même, il vend cette réforme de l'Etat. Il a un pouvoir de conviction sur son collègue mais aussi sur l'usager. Il est un moteur de la transformation de la société.
Enfin, et ce sera le dernier élément, il faut souligner un certain nombre de points.
D'abord, il faut continuer l'uvre de nos prédécesseurs. Il n'y a pas de raison de ne pas continuer. Je pense notamment au projet de loi d'habilitation sur la simplification du droit : il faut renforcer ce PLH II puisqu'il est passé en Conseil des ministres. Nous avons l'intention de le renforcer, de lui donner peut-être plus de visibilité, ou de lisibilité comme l'on dit aujourd'hui, bref d'en faire un outil créatif. Nous avons aussi l'intention de mieux préparer le projet de loi d'habilitation numéro trois qui viendra en 2005 en travaillant notamment sur les publics. Nous nous demanderons si, en réalité, il ne vaut pas mieux essayer de faire évoluer les choses plutôt par publics ; nous examinerons, autour de tels ou tels publics, à partir de publics ciblés (les jeunes par exemple), leurs relations avec le monde administratif et l'Etat afin de déceler en quoi l'Etat complique ou améliore la vie de ces publics, en quoi il permet d'assurer leurs capacités d'initiative et, en même temps, comment il garantit les éventuels problèmes de nature sociale ou tout type d'insécurité. Nous travaillerons ensemble sur ce sujet pour le PLH III, c'est-à-dire en 2005, mais auparavant " il faut le mettre sur le feu " et c'est ce que nous allons faire.
Nous avons également l'intention, vous l'avez compris dans mes propos liminaires, de réformer ce bel outil que sont les stratégies ministérielles de réforme. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir d'évolution permanente de l'Etat sans un instrument de référence. Il faut des lieux, des instruments, il faut cristalliser, symboliser les choses et évidemment mettre un peu de pression car on ne peut pas réformer sans un minimum de tension, de tension positive bien sur. Les stratégies ministérielles de réforme peuvent être un lieu consensuel de transformation de l'Etat.
Nous souhaiterions aussi montrer quelques réformes symboliques à nos concitoyens ; qu'ils voient que l'Etat a décidé de réformer telle structure ou tel processus de production administrative parce qu'il considère lui-même que c'est nécessaire et qu'il ne le fait pas sous une quelconque pression extérieure. Bref, la réforme de l'Etat ne consiste pas uniquement en une simplification administrative, aussi importante soit-elle. La simplification administrative est extrêmement importante - modifier tel formulaire, s'attacher à telle délivrance de production de service public compte beaucoup - mais la réforme de l'Etat ne peut pas se limiter à cela,
Elle ne peut pas non plus résider uniquement dans l'essor de l'administration électronique même si ce chantier est, lui aussi, extrêmement important. J'ai moi-même travaillé dans un cabinet de conseil il y a quelques années, sur le e-gouvernement et la e-administration. L'administration électronique est essentielle, au même titre que la LOLF d'ailleurs, car elle est un instrument de modification : lorsque l'on met des informations, des formulaires, des procédures en ligne, on modifie les structures qui les accompagnent. Mais ce n'est pas suffisant non plus.
Il faut aussi réexaminer là aussi d'une manière positive, sans tabou et sans drame, les structures de l'Etat en se posant sans arrêt la question de savoir si elles sont adaptées. Et il faut le faire avec les autres ministères. Notre ministère est peut-être petit, peut-être n'est-il pas doté de beaucoup de moyens, mais il a une grande ambition. L'ambition est un levier et pas nécessairement le poids que nous avons au début. Doter le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat de moyens plus importants ne serait probablement pas totalement la solution. Certes il pourrait avoir quelques moyens supplémentaires, - je ne dis pas le contraire-, mais ce ne serait pas la seule solution. La transformation de l'Etat est en fait de la coproduction : nous ne pouvons pas travailler seuls. La coproduction, c'est d'avoir un fort impact de conviction et d'y ajouter de temps en temps un rapport de forces favorable. Je crois que là réside la seule manière aujourd'hui de faire bouger les choses.
Il n'est pas question de changer tout l'Etat. Je ne suis pas sûr que d'ici la semaine prochaine nous ayons totalement réformé l'Etat : c'est une uvre de longue haleine. Je pense en revanche qu'il est terriblement urgent de mettre en place les instruments de fond permettant d'éclairer cette démarche de réforme. En ce sens, vous en êtes certainement les acteurs principaux. Vous êtes un encadrement. Vous assumez une forte responsabilité. Vous êtes à la fois en bas et en haut, un peu partout, " au four et au moulin ", mais il n'y a pas de réforme de l'Etat sans vous. Personnellement, j'aimerais que vous n'hésitiez pas à nous faire toutes propositions que vous jugeriez utiles et indispensables. J'aimerais qu'il y ait des échanges, un peu d'interaction. Deux ministres et quelques délégations interministérielles ne pourront réaliser ce travail à eux seuls. Nous avons besoin de tous parce que l'Etat, c'est nous tous. Voilà le message que je voulais faire passer et d'avance, je vous dis " merci ".
Avant de vous quitter, je voudrais encore féliciter Serge ARNAUD pour l'organisation de cette journée et souhaiter bonne route à ceux qui résident plus loin.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 mai 2004)