Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers,
cet après-midi, je voudrais vous remercier à plus d'un titre. D'abord, de m'accueillir ici, au Conseil économique et social, ce qui est toujours un honneur agrémenté d'un très grand plaisir. Je voudrais vous remercier aussi pour le travail remarquable que le rapporteur, mon ami Jean-Claude Pasty, vient de présenter aussi synthétiquement que brillamment. Vous remercier enfin car il y a dans ce rapport tous les ingrédients dont peut rêver un politique convaincu, mais qui a encore besoin de convaincre, y compris dans le concert interministériel.
Votre travail confirme, étaye, explicite et surtout met en perspective l'importance et l'urgence de l'enjeu formidable que représente le non-alimentaire, lui-même complémentaire de l'alimentaire. A cet égard, j'ai été très frappé par le parallélisme historique que votre analyse vous conduit à établir entre la France des choix nucléaires, spatiaux ou aéronautiques, et celle qui, aujourd'hui, est face à celui du carbone renouvelable. J'espère que la solennité de ce diagnostic, dont la pertinence ne peut faire de doute pour qui sait lire votre rapport, contribuera à troubler la confortable conviction des sceptiques de tout poil.
Et si je pense que votre travail a une chance de participer à cette évolution des esprits, c'est parce qu'il replace l'enjeu du non-alimentaire dans une dynamique plus globale de bénéfices, d'enjeux, de stratégies et de calendrier, tranchant ainsi avec les analyses un peu binaires qui nous ont conduits à la place qui est aujourd'hui la nôtre dans cette course où nous avons, chacun le sait, beaucoup trop de retard.
Les atouts d'abord. Ils sont nombreux. Nous les connaissons tous et vous les avez abondamment commentés dans votre rapport. Le premier d'entre eux, c'est bien sûr la particularité intrinsèque de ces productions, c'est-à-dire leur caractère renouvelable. A un stade du développement mondial - observé chez les uns, programmé chez les autres - où la perspective de raréfaction des ressources fossiles devient mesurable à l'échelle d'une vie humaine, la substitution progressive du carbone fossile par le carbone vert ne peut plus être considérée comme un gadget de luxe ou une marotte. Le développement durable que nos sociétés ont mis tout en haut dans l'agenda des priorités collectives ne peut se concevoir sans que soit pris à bras le corps cet enjeu central. De la même manière, l'écobilan des carburants verts en matière d'émission de gaz à effet de serre a été suffisamment documenté et commenté pour plaider lui-même sa cause.
Mais au-delà de leurs atouts indiscutables et irremplaçables dans l'élaboration de toute politique de développement durable, les ressources vertes et leur valorisation non-alimentaire sont aussi facteur de développement tout court. Dans les pays pauvres d'abord, qui sont riches de ces ressources permettant de diversifier et de sécuriser une indépendance d'approvisionnement en matières premières sans laquelle la croissance ne peut qu'être tributaire de heurts exogènes. Dans nos pays aussi, où la diversification non-alimentaire des débouchés est un enjeu de développement agricole dont les institutions européennes elles-mêmes ont saisi toute la portée, dans le contexte nouveau créé par les discussions commerciales multilatérales. Sur ce plan, le ministre de l'Agriculture, négociateur à Bruxelles, soldat à Genève et ailleurs, ne peut qu'être en phase avec les analyses qui sont les vôtres.
Mais le ministre de l'Agriculture est aussi celui des affaires rurales, et il ne peut pas non plus être insensible aux bénéfices évidents que représente la substitution d'approvisionnements extérieurs par la valorisation de gisements verts, créatrice nette de richesse, d'emplois localisés et donc d'opportunités territoriales.
Voilà, succinctement résumées, quelques-unes des raisons essentielles qui me paraissent clairement faire pencher une balance dont votre rapport contribue très utilement à éclairer les différentes masses. Et si cette balance tarde à frémir du côté voulu, c'est peut-être précisément parce que l'équation est encore trop souvent réduite de manière arithmétique à un ou deux facteurs, alors qu'il faudrait en intégrer beaucoup plus et les pondérer de manière dynamique.
Sur ce point, vous regrettez que le bilan concernant l'effet de serre soit le seul crible, forcément très réducteur, des analyses budgétaires dominantes, à l'exclusion de toutes les externalités qui sont attachées à ces valorisations. Et là-dessus, vous savez que je ne vous donnerai pas forcément tort... D'ailleurs cette équation, d'autres que nous l'ont résolue sans ambiguïté et depuis bien longtemps. Outre-Atlantique bien sûr, mais aussi en Europe où nos partenaires ont fait le choix résolu de l'implication publique, distançant la France dans une course de longue haleine où certains ont pris beaucoup d'avance.
Pour toutes ces raisons, je suis convaincu, comme vous, que les biocarburants et, plus généralement, tous les débouchés non-alimentaires représentent un enjeu stratégique majeur, mais aussi urgent pour notre agriculture, pour notre économie dans son ensemble et pour notre pays.
Bien sûr, certaines filières ont connu des progrès réguliers sur ces débouchés, avec le développement permis par la jachère et les opportunités supplémentaires offertes depuis cette année grâce à la mise en oeuvre du crédit carbone décidé à Luxembourg en juin dernier. Mais l'intérêt national et l'impulsion donnée par l'Union européenne au travers de la PAC et des directives concernant l'incorporation doivent nous convaincre d'aller de l'avant et de conclure de manière positive un débat que d'autres Etats-membres autour de nous ont déjà arbitré. A cet égard, l'annonce récente par le Premier ministre d'une augmentation des agréments de diester, à hauteur des 80 000 tonnes nécessaires à la mise en route d'une nouvelle usine à Sète, est une avancée aussi importante qu'attendue. Mais il faut bien évidemment poursuivre l'effort.
Votre rapport met en avant l'importance des efforts de recherche-développement et d'application industrielle qui doivent être à la fois ciblés et intensifiés dans le cadre des priorités partagées par tous les intervenants. Cela me paraît effectivement essentiel. A cet égard, j'ai pris l'initiative d'organiser récemment une réunion de travail avec un ensemble de chercheurs multidisciplinaires pour nourrir ma propre réflexion sur le non-alimentaire. Et cet échange, dont la vocation était avant tout pédagogique, m'a convaincu à la fois de l'appétence des chercheurs pour ce sujet et du besoin d'une impulsion stratégique affirmée.
Au-delà, je crois que nous devons collectivement et urgemment réfléchir à tous les outils dont nous disposons pour favoriser le développement de ces débouchés, même si c'est le levier fiscal qui a été privilégié jusqu'ici pour aider au démarrage des filières de valorisation non-alimentaire. Car au-delà de ses implications budgétaires, cette stratégie se heurte, nous le savons tous, aux défiscalisations compétitives de nos voisins.
La réflexion rendue nécessaire par nos nouvelles obligations communautaires mérite donc peut-être, aujourd'hui, d'être élargie à d'autres instruments dans le champ du réglementaire et/ou du normatif, qui reste encore à exploiter. C'est dans cet esprit que je viens d'écrire à mon collègue ministre d'Etat, ministre des Finances, en lui faisant part d'une détermination que je sais partagée par mon collègue de l'environnement. C'est également le sens des positions très claires qui sont défendues par mon ministère dans toutes les discussions interministérielles qui ont lieu en ce moment sur ce sujet très important.
Ainsi, j'ai bon espoir que la position française, qui sera communiquée à la Commission dans le courant de l'année 2004 et à l'élaboration de laquelle nous travaillons ardemment, correspondra à cette vision ambitieuse qui est la vôtre. En tout cas, je crois que nous devons saisir cette occasion pour affirmer notre stratégie nationale à court et moyen terme et tracer les perspectives claires que votre rapporteur a soulignées et dont ont besoin les chercheurs, les producteurs et les industriels pour s'engager plus résolument dans une voie sur laquelle l'opinion publique, elle aussi, doit être en mesure de s'exprimer. A cet égard, je crois que votre rapport, par sa qualité et l'ensemble de ses propositions, constitue une contribution tout à fait précieuse pour alimenter ce débat.
Enfin, je ne voudrais pas finir sans dire un mot de la négociation en cours sur le Mercosur et son volet éthanol. Sur ce dossier, vous le savez, je partage les inquiétudes des professionnels sur le risque que fait courir cette négociation au développement de la filière des biocarburants, qu'elle soit d'ailleurs française ou européenne. Cette négociation ne doit pas anticiper de façon surdimensionnée une croissance du marché qui n'est pour l'instant pas acquise. A cet égard, elle est à contresens de la directive européenne sur la promotion des biocarburants, dont plusieurs considérants sont basés sur l'impact positif sur le développement rural européen et la sécurité d'approvisionnement de l'Union.
J'ai pris des positions très claires sur ce dossier et j'en ai récemment discuté au fond avec ma collègue allemande, qui me paraît sur une ligne d'analyse très similaire. Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause le principe de la négociation avec le Mercosur, qui est acquise, mais son accélération, dès lors que cela a pour but de la faire aboutir avant celle du cycle du développement de l'OMC, afin de rendre possible coûte que coûte une relance illusoire de la négociation à Genève cet été. Cela constituerait une grave faute tactique, notamment vis-à-vis des pays les plus pauvres, et ne permettrait pas à l'Europe de préserver ses intérêts, ni à l'OMC, ni vis-à-vis du Mercosur.
Un accord très partiel à l'OMC à l'été, un accord de libre-échange conclu avec le Mercosur à la fin de l'année, un cycle de négociation OMC dont la conclusion interviendrait en tout état de cause après le renouvellement de la commission européenne et après les élections américaines : cela serait le scénario de l'inacceptable, conduisant en quelque sorte à payer trois fois. Je ne veux pas d'un tel scénario pour l'agriculture française, et je suis décidé à tout faire pour l'éviter.
Voilà les quelques mots que je tenais à vous dire aujourd'hui sur un sujet qui me paraît à la fois essentiel pour notre agriculture et emblématique des grands enjeux de société qui se cristallisent autour de son avenir. D'ailleurs le Bureau du CES ne s'y est pas trompé en se saisissant de ce dossier dès janvier 2002 et en confiant cette mission à sa section de l'agriculture et de l'alimentation. En vous félicitant une fois encore de ce travail remarquable, je vous remercie de cette pierre ainsi apportée à l'édifice des valorisations non-alimentaires des produits agricoles, sujet pour lequel notre pays doit non seulement nourrir, mais aussi construire une grande ambition. " (Applaudissements)
(Source http://www.ces.fr, le 21 mai 2004)
cet après-midi, je voudrais vous remercier à plus d'un titre. D'abord, de m'accueillir ici, au Conseil économique et social, ce qui est toujours un honneur agrémenté d'un très grand plaisir. Je voudrais vous remercier aussi pour le travail remarquable que le rapporteur, mon ami Jean-Claude Pasty, vient de présenter aussi synthétiquement que brillamment. Vous remercier enfin car il y a dans ce rapport tous les ingrédients dont peut rêver un politique convaincu, mais qui a encore besoin de convaincre, y compris dans le concert interministériel.
Votre travail confirme, étaye, explicite et surtout met en perspective l'importance et l'urgence de l'enjeu formidable que représente le non-alimentaire, lui-même complémentaire de l'alimentaire. A cet égard, j'ai été très frappé par le parallélisme historique que votre analyse vous conduit à établir entre la France des choix nucléaires, spatiaux ou aéronautiques, et celle qui, aujourd'hui, est face à celui du carbone renouvelable. J'espère que la solennité de ce diagnostic, dont la pertinence ne peut faire de doute pour qui sait lire votre rapport, contribuera à troubler la confortable conviction des sceptiques de tout poil.
Et si je pense que votre travail a une chance de participer à cette évolution des esprits, c'est parce qu'il replace l'enjeu du non-alimentaire dans une dynamique plus globale de bénéfices, d'enjeux, de stratégies et de calendrier, tranchant ainsi avec les analyses un peu binaires qui nous ont conduits à la place qui est aujourd'hui la nôtre dans cette course où nous avons, chacun le sait, beaucoup trop de retard.
Les atouts d'abord. Ils sont nombreux. Nous les connaissons tous et vous les avez abondamment commentés dans votre rapport. Le premier d'entre eux, c'est bien sûr la particularité intrinsèque de ces productions, c'est-à-dire leur caractère renouvelable. A un stade du développement mondial - observé chez les uns, programmé chez les autres - où la perspective de raréfaction des ressources fossiles devient mesurable à l'échelle d'une vie humaine, la substitution progressive du carbone fossile par le carbone vert ne peut plus être considérée comme un gadget de luxe ou une marotte. Le développement durable que nos sociétés ont mis tout en haut dans l'agenda des priorités collectives ne peut se concevoir sans que soit pris à bras le corps cet enjeu central. De la même manière, l'écobilan des carburants verts en matière d'émission de gaz à effet de serre a été suffisamment documenté et commenté pour plaider lui-même sa cause.
Mais au-delà de leurs atouts indiscutables et irremplaçables dans l'élaboration de toute politique de développement durable, les ressources vertes et leur valorisation non-alimentaire sont aussi facteur de développement tout court. Dans les pays pauvres d'abord, qui sont riches de ces ressources permettant de diversifier et de sécuriser une indépendance d'approvisionnement en matières premières sans laquelle la croissance ne peut qu'être tributaire de heurts exogènes. Dans nos pays aussi, où la diversification non-alimentaire des débouchés est un enjeu de développement agricole dont les institutions européennes elles-mêmes ont saisi toute la portée, dans le contexte nouveau créé par les discussions commerciales multilatérales. Sur ce plan, le ministre de l'Agriculture, négociateur à Bruxelles, soldat à Genève et ailleurs, ne peut qu'être en phase avec les analyses qui sont les vôtres.
Mais le ministre de l'Agriculture est aussi celui des affaires rurales, et il ne peut pas non plus être insensible aux bénéfices évidents que représente la substitution d'approvisionnements extérieurs par la valorisation de gisements verts, créatrice nette de richesse, d'emplois localisés et donc d'opportunités territoriales.
Voilà, succinctement résumées, quelques-unes des raisons essentielles qui me paraissent clairement faire pencher une balance dont votre rapport contribue très utilement à éclairer les différentes masses. Et si cette balance tarde à frémir du côté voulu, c'est peut-être précisément parce que l'équation est encore trop souvent réduite de manière arithmétique à un ou deux facteurs, alors qu'il faudrait en intégrer beaucoup plus et les pondérer de manière dynamique.
Sur ce point, vous regrettez que le bilan concernant l'effet de serre soit le seul crible, forcément très réducteur, des analyses budgétaires dominantes, à l'exclusion de toutes les externalités qui sont attachées à ces valorisations. Et là-dessus, vous savez que je ne vous donnerai pas forcément tort... D'ailleurs cette équation, d'autres que nous l'ont résolue sans ambiguïté et depuis bien longtemps. Outre-Atlantique bien sûr, mais aussi en Europe où nos partenaires ont fait le choix résolu de l'implication publique, distançant la France dans une course de longue haleine où certains ont pris beaucoup d'avance.
Pour toutes ces raisons, je suis convaincu, comme vous, que les biocarburants et, plus généralement, tous les débouchés non-alimentaires représentent un enjeu stratégique majeur, mais aussi urgent pour notre agriculture, pour notre économie dans son ensemble et pour notre pays.
Bien sûr, certaines filières ont connu des progrès réguliers sur ces débouchés, avec le développement permis par la jachère et les opportunités supplémentaires offertes depuis cette année grâce à la mise en oeuvre du crédit carbone décidé à Luxembourg en juin dernier. Mais l'intérêt national et l'impulsion donnée par l'Union européenne au travers de la PAC et des directives concernant l'incorporation doivent nous convaincre d'aller de l'avant et de conclure de manière positive un débat que d'autres Etats-membres autour de nous ont déjà arbitré. A cet égard, l'annonce récente par le Premier ministre d'une augmentation des agréments de diester, à hauteur des 80 000 tonnes nécessaires à la mise en route d'une nouvelle usine à Sète, est une avancée aussi importante qu'attendue. Mais il faut bien évidemment poursuivre l'effort.
Votre rapport met en avant l'importance des efforts de recherche-développement et d'application industrielle qui doivent être à la fois ciblés et intensifiés dans le cadre des priorités partagées par tous les intervenants. Cela me paraît effectivement essentiel. A cet égard, j'ai pris l'initiative d'organiser récemment une réunion de travail avec un ensemble de chercheurs multidisciplinaires pour nourrir ma propre réflexion sur le non-alimentaire. Et cet échange, dont la vocation était avant tout pédagogique, m'a convaincu à la fois de l'appétence des chercheurs pour ce sujet et du besoin d'une impulsion stratégique affirmée.
Au-delà, je crois que nous devons collectivement et urgemment réfléchir à tous les outils dont nous disposons pour favoriser le développement de ces débouchés, même si c'est le levier fiscal qui a été privilégié jusqu'ici pour aider au démarrage des filières de valorisation non-alimentaire. Car au-delà de ses implications budgétaires, cette stratégie se heurte, nous le savons tous, aux défiscalisations compétitives de nos voisins.
La réflexion rendue nécessaire par nos nouvelles obligations communautaires mérite donc peut-être, aujourd'hui, d'être élargie à d'autres instruments dans le champ du réglementaire et/ou du normatif, qui reste encore à exploiter. C'est dans cet esprit que je viens d'écrire à mon collègue ministre d'Etat, ministre des Finances, en lui faisant part d'une détermination que je sais partagée par mon collègue de l'environnement. C'est également le sens des positions très claires qui sont défendues par mon ministère dans toutes les discussions interministérielles qui ont lieu en ce moment sur ce sujet très important.
Ainsi, j'ai bon espoir que la position française, qui sera communiquée à la Commission dans le courant de l'année 2004 et à l'élaboration de laquelle nous travaillons ardemment, correspondra à cette vision ambitieuse qui est la vôtre. En tout cas, je crois que nous devons saisir cette occasion pour affirmer notre stratégie nationale à court et moyen terme et tracer les perspectives claires que votre rapporteur a soulignées et dont ont besoin les chercheurs, les producteurs et les industriels pour s'engager plus résolument dans une voie sur laquelle l'opinion publique, elle aussi, doit être en mesure de s'exprimer. A cet égard, je crois que votre rapport, par sa qualité et l'ensemble de ses propositions, constitue une contribution tout à fait précieuse pour alimenter ce débat.
Enfin, je ne voudrais pas finir sans dire un mot de la négociation en cours sur le Mercosur et son volet éthanol. Sur ce dossier, vous le savez, je partage les inquiétudes des professionnels sur le risque que fait courir cette négociation au développement de la filière des biocarburants, qu'elle soit d'ailleurs française ou européenne. Cette négociation ne doit pas anticiper de façon surdimensionnée une croissance du marché qui n'est pour l'instant pas acquise. A cet égard, elle est à contresens de la directive européenne sur la promotion des biocarburants, dont plusieurs considérants sont basés sur l'impact positif sur le développement rural européen et la sécurité d'approvisionnement de l'Union.
J'ai pris des positions très claires sur ce dossier et j'en ai récemment discuté au fond avec ma collègue allemande, qui me paraît sur une ligne d'analyse très similaire. Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause le principe de la négociation avec le Mercosur, qui est acquise, mais son accélération, dès lors que cela a pour but de la faire aboutir avant celle du cycle du développement de l'OMC, afin de rendre possible coûte que coûte une relance illusoire de la négociation à Genève cet été. Cela constituerait une grave faute tactique, notamment vis-à-vis des pays les plus pauvres, et ne permettrait pas à l'Europe de préserver ses intérêts, ni à l'OMC, ni vis-à-vis du Mercosur.
Un accord très partiel à l'OMC à l'été, un accord de libre-échange conclu avec le Mercosur à la fin de l'année, un cycle de négociation OMC dont la conclusion interviendrait en tout état de cause après le renouvellement de la commission européenne et après les élections américaines : cela serait le scénario de l'inacceptable, conduisant en quelque sorte à payer trois fois. Je ne veux pas d'un tel scénario pour l'agriculture française, et je suis décidé à tout faire pour l'éviter.
Voilà les quelques mots que je tenais à vous dire aujourd'hui sur un sujet qui me paraît à la fois essentiel pour notre agriculture et emblématique des grands enjeux de société qui se cristallisent autour de son avenir. D'ailleurs le Bureau du CES ne s'y est pas trompé en se saisissant de ce dossier dès janvier 2002 et en confiant cette mission à sa section de l'agriculture et de l'alimentation. En vous félicitant une fois encore de ce travail remarquable, je vous remercie de cette pierre ainsi apportée à l'édifice des valorisations non-alimentaires des produits agricoles, sujet pour lequel notre pays doit non seulement nourrir, mais aussi construire une grande ambition. " (Applaudissements)
(Source http://www.ces.fr, le 21 mai 2004)