Déclaration de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur l'ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité (juillet 2004 pour les industriels, juillet 2007 pour les ménages), sur la préservation de la diversité du système énergétique, Paris le 18 novembre 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque sur le libéralisation des marchés de l'énergie et les conséquences pour les collectivités locales au Salon des Maires le 18 novembre 2003

Texte intégral


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les maires et les élus
Mesdames, Messieurs
Je suis très heureuse de me trouver parmi vous ce matin, au coeur du Salon des Maires et des collectivités locales. Je tiens d'abord à remercier Monsieur Jacques Guy, Président du Groupe Moniteur, d'avoir eu l'idée de ce colloque, consacré à la libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité. Il est en effet capital d'envisager dès à présent les conséquences de cette grande nouveauté pour les collectivités locales, -nouveauté qui constitue pour elles un véritable défi mais aussi une grande opportunité
Au-delà de ce colloque, je veux aussi souligner le dynamisme du " pôle Energie " du groupe Moniteur, des rédactions du Bulletin de l'Industrie Pétrolière et d'Enerpresse, qui ont accompagné pendant plusieurs mois le Débat national sur les Energies, depuis son lancement le 8 janvier dernier.
Nous en avons synthétisé les réflexions et j'ai rendu publiques les propositions du Gouvernement dans un Livre Blanc sur les énergies, qui est soumis à concertation jusqu'à la fin de l'année. Chacun peut le consulter sur le site Internet du Débat.
Notre projet s'articule autour de 3 axes forts :
- la relance de la maîtrise de l'énergie;
- la diversification de notre bouquet énergétique grâce au développement des énergies renouvelables ;
- la préparation de l'horizon 2020.
Mais j'en viens au sujet qui nous rassemble ce matin : l'ouverture du marché. En premier lieu, je souhaiterais souligner que les consommateurs seront les premiers bénéficiaires de cette libéralisation, progressive et maîtrisée.
En effet, l'ouverture du marché du gaz et de l'électricité, d'abord aux professionnels (en juillet 2004), puis aux ménages (en juillet 2007) entraînera un processus concurrentiel qui verra l'offre innover, se diversifier, se multiplier pour mieux correspondre à la demande des ménages. Je ne doute pas ainsi que nous passerons progressivement d'une ère de la vente d'énergie à celle d'un service énergétique notamment plus soucieux de la maîtrise de l'énergie.
En second lieu, je souhaiterais insister sur le fait que libéralisation du marché de l'énergie et service public ne doivent pas être opposés mais au contraire se conforteront. La France a en effet su faire prévaloir au niveau européen sa conception de la libéralisation des marchés de l'énergie : il n'y a pas de libéralisation efficace sans un service public fort. Cette vision a largement inspiré la loi relative aux marchés énergétiques du 3 janvier 2003 et, bien évidemment, présidera aux textes de loi qui assureront la transposition des deux directives adoptées en juin 2003.
Enfin, ce processus de libéralisation, tout en introduisant une certaine compétition au niveau de la production et de la fourniture d'énergie ne remet absolument pas en cause l'organisation institutionnelle française, qui en faisant travailler ensemble l'Etat et les collectivités locales, les concessionnaires et les régies, a prouvé son Efficacité, et que le Gouvernement entend conforter.
J'ai donc toute confiance en la capacité de notre système énergétique à relever le défi de l'ouverture des marchés, même si cela suppose de poursuivre son adaptation autour de trois axes :
1 - Premier axe de cette adaptation : conforter le service public.
Notre système doit continuer de garantir l'accès à une énergie de qualité et à un prix raisonnable sur l'ensemble du territoire. C'est en particulier le cas dans le domaine de l'électricité où il convient de s'assurer de la qualité du réseau pour garantir celle du courant et limiter les coupures. La tempête de 1999, les incendies du sud-est de la France comme les difficultés des réseaux de distribution pendant la canicule de cet été, nous en ont donné suffisamment d'illustrations. Je prendrai les mesures législatives nécessaires à cet effet dans le cadre de la loi sur l'énergie.
J'entends aussi veiller à ce que les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité garantissent aux distributeurs des ressources financières suffisantes pour développer les réseaux.
Enfin, le Gouvernement a veillé, par la loi du 3 janvier 2003, à préserver les moyens du FACÉ (Fonds d'amortissement des charges d'électrification), dont nous savons le rôle capital pour l'amélioration de la qualité des réseaux. Les partenaires de ce fonds conduisent d'ailleurs en ce moment une analyse sur les moyens d'en accroître l'efficacité. J'étudierai avec attention leurs propositions.
L'amélioration de la qualité des réseaux doit ensuite aller de pair avec la préservation de notre environnement. Depuis de nombreuses années, EDF s'est engagé vis-à-vis de l'Etat sur un programme ambitieux d'enfouissement des lignes électriques. Plus des 2/3 des nouvelles lignes basse tension ont ainsi été posées en technique discrète. Surtout, environ 13 000 km de lignes anciennes ont été déposés en 2001 et 2002, soit 80 % des objectifs que lui avait fixés l'Etat. Il convient donc de poursuivre et redoubler les efforts. Un nouvel accord devra prochainement être négocié et j'y serais particulièrement attentive.
En matière de service de public, je souhaite enfin rappeler l'importance de la protection des consommateurs. La loi a ainsi chargé EDF et les distributeurs non nationalisés de garantir la continuité de l'alimentation en cas de défaillance d'un fournisseur et l'accès de tous à l'électricité. De même, en matière gazière, la loi a prévu d'instituer un fournisseur de dernier recours pour les clients non domestiques assurant des missions d'intérêt général. Un projet de décret décrivant les obligations de service public s'imposant à l'ensemble des opérateurs de la chaîne gazière est actuellement soumis à l'examen du conseil d'Etat.
L'Etat est donc bien décidé à conforter le service public dans le contexte d'ouverture des marchés de l'énergie à la concurrence. Il ne pourra toutefois pas le faire sans vous car le service public doit surtout vivre au plus près du terrain. C'est la raison pour laquelle votre implication en tant que concédant des distributions d'électricité et de gaz est aussi importante. Les excellentes relations que nous entretenons avec la FNCCR (Fédération Nationale des collectivités concédantes de réseaux) me montrent toutefois à quel point vous en êtes collectivement conscients.
2 - Votre rôle ne se limite toutefois pas ou plutôt plus à celui de collectivités concédantes. La libéralisation va en effet vous permettre de jouer un nouveau rôle - celui de consommateur éligible. Il convient également de vous y préparer.
Les collectivités locales figureront en effet parmi les nouveaux clients éligibles dès le 1er juillet 2004. Cela ne signifie d'ailleurs nullement qu'elles seront tenues de rompre brutalement les liens qui les unissent à EDF ou GDF mais simplement, qu'elles auront la possibilité de le faire si elles le jugent souhaitable. Cette évolution est majeure car les collectivités ou leurs syndicats sont souvent de gros consommateurs et pourront donc disposer d'un important pouvoir de négociation pour leurs approvisionnements vis-à-vis des différents fournisseurs.
En revanche, cette nouvelle opportunité soulève des questions qu'il faudra résoudre et qui seront d'ailleurs largement abordées tout au long de la matinée, comme par exemple :
- Comment l'approvisionnement en énergies des collectivités locales sera-t-il soumis demain aux règles de l'achat public ?
- Comment gérer le risque de la continuité d'approvisionnement sur un marché concurrentiel ?
3 - Enfin, troisième axe des nécessaires adaptations, je reste bien sûr attentive à préserver la diversité de notre système énergétique, et donc à permettre aux régies de jouer pleinement leur rôle et d'affronter une concurrence nouvelle.
Or ces régies sont aujourd'hui handicapées par un principe de spécialité géographique qui les condamne à perdre progressivement des parts de marché sur leur territoire sans pouvoir en conquérir ailleurs.
J'ai aussi demandé à mes services, en concertation avec vos fédérations et associations professionnelles, d'étudier les mesures législatives permettant aux régies et aux sociétés locales de distribution de se développer tout en respectant évidement les principes fondamentaux de notre organisation territoriale. En outre, et je sais combien les Maires sont à juste titre soucieux de leur budget, je serai vigilante et veillerai à ce que cette nouvelle dynamique n'obère pas les ressources des collectivités locales.
A partir du 1er juillet 2004, nous verrons donc s'instituer une nouvelle dynamique, qui devrait offrir à chaque consommateur une plus grande liberté, des prix plus attractifs, des offres plus variées et mieux
adaptées à ses besoins. Pour que cette promesse devienne réalité, il importe que l'Etat et les collectivités travaillent conjointement pour encadrer ce processus de libéralisation mais je sais pouvoir compter sur vous.
Enfin, pour conclure, je souhaiterais vous inviter à participer à la concertation ouverte sur le Livre Blanc sur les énergies dont je vous parlais au début de mon intervention.
Dans le Livre blanc, vous constaterez en effet l'importance que nous accordons à la politique de maîtrise de l'énergie et au développement des énergies renouvelables. Les collectivités locales ont dans ces deux domaines un rôle particulier à jouer, à travers la maîtrise et l'organisation de leur territoire, et à travers leurs politiques d'incitation. Je souhaite donc que la loi d'orientation sur les énergies soit l'occasion de souligner et renforcer ce rôle.
Je vous remercie
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 19 novembre 2003)