Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, à RTL le 5 mai 2004, sur son élection à la présidence du groupe, le problème des 35 heures, le service minimum et sur le changement du mode de scrutin pour éviter les élections triangulaires.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie-. Bonjour B. Accoyer.
- " Bonjour. "
Q- On vous découvre ce matin, vous êtes médecin ORL, vous avez 59 ans. Député de Haute-Savoie, vous siégez à l'Assemblée Nationale depuis 1993. Hier soir, 337 députés UMP vous ont élu à la présidence de leur groupe en remplacement de J. Barrot, qui a, lui, rejoint la Commission Européenne à Bruxelles, et l'AFP a publié une bio - c'est classique - hier soir, 20 h 26. Et j'ai lu ceci : "B. Accoyer a la parole économe, calculée, et jamais spontanée en présence de la presse". C'est vrai ?
R - " Non. J'essaye de dire ce que je ressens. J'essaye de ne pas dire trop de bêtises. Mais vous savez bien, et vous en êtes contents, qu'on en dit un certain nombre. "
Q-Alors on va essayer ce matin de voir si votre parole est spontanée. On dit que le groupe UMP à l'Assemblée nationale vit mal, qu'il éprouve un profond malaise depuis les élections régionales. C'est vrai B. Accoyer ?
R - " Il n'y a pas une défaite, quand on est élu, et que son camp a perdu, ça ne fait jamais plaisir. Donc effectivement, il y a, et c'est heureux, une réflexion pour essayer de voir l'avenir, d'abord de façon constructive, et ensuite de gagner les prochaines échéances. "
Q-"Je crois qu'une bonne partie des députés UMP étouffe", c'est ce qu'a dit C. Estrosi au Parisien, le 13 avril dernier. "Jusqu'ici, on a toujours freiné nos propositions, et retenu parmi elles les plus aseptisées". Ca va changer tout ça, B. Accoyer, avec vous ?
R - " Relativisons les mots. Bien sûr qu'il est nécessaire d'avoir un travail plus partagé, les initiatives, le ressenti de tous les députés, en tout cas que tous ceux qui veulent s'impliquer puissent l'être davantage. Et c'est ce que je vais m'employer à essayer de faire. C'est utile parce que les 364 députés de notre groupe sont une formidable interface entre les Français, tous ceux que nous rencontrons sur tout le territoire, dans nos circonscriptions, dans les villages, dans les quartiers, dans les associations, et qui nous disent ce qu'ils ressentent, ce qu'ils craignent, ce qu'ils espèrent. Et c'est là qu'il y a du travail à faire pour améliorer ce lien entre le terrain, les députés et le Gouvernement. "
Q-J. Auclair, qui est député UMP de la Creuse, était à votre place la semaine dernière, et il disait : "on ne nous écoute pas. Le Gouvernement ne prend pas en compte ce que nous disent les électeurs, alors fatalement, cette fois-ci, ils ont voulu nous sanctionner".
R - " On peut toujours faire mieux ! "
Q-Et vous allez essayer de le faire ?
R - " On va essayer de faire mieux, oui bien sûr. "
Q-Concrètement, N. Sarkozy hier, lors de sa conférence de presse - A. Duhamel en parlait tout à l'heure - a dit ceci à propos des 35 heures : "je souhaite qu'au minimum, le problème soit clairement posé devant les Français"... Est-ce que vous, B. Accoyer, patron du groupe UMP, vous partagez cette volonté de N. Sarkozy ? Poser, par exemple, le problème des 35 heures...
R - " Le problème des 35 heures est majeur. Les conséquences de cette mesure dogmatique, qui a été appliquée par L. Jospin, les conséquences sont considérables ! Il y a déjà eu pas mal de choses qui ont été faites par le gouvernement de J.-P. Raffarin - les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin -, pour assouplir, pour permettre aux Français qui le souhaitent de travailler davantage, pour gagner davantage. Bien sûr, je crois qu'il faut aller plus loin, et qu'il faut regarder ce qui doit être fait, en plus, pour essayer d'atténuer les conséquences de cette mesure dont le caractère général, systématique, obligatoire, l'a rendue néfaste. Elle aurait été librement choisie entre les partenaires sociaux, ça aurait été très différent. Mais là, c'est le caractère obligatoire ! Et donc nous ferons quelque chose. "
Q-Mais vous voyez, il y a quinze jours, P. Ollier rend public un rapport sur les 35 heures, et dans la matinée où il l'a rendu public, le Gouvernement dit : on ne touchera à rien. Alors ?
R - " Oui, il faut relativiser ces propos car en réalité, il y a tellement de choses dans le rapport Ollier/Novelli, que certaines d'entre elles s'imposent. Prenons le cas de ce qui est en train d'être discuté actuellement à l'Assemblée : la journée de solidarité pour la dépendance des personnes âgées et des handicapés... Eh bien, c'est une journée de travail, c'est du temps de travail. C'est précisément la définition de nos systèmes sociaux... Toute la solidarité en France est fondée sur la richesse créée par du travail qui est affecté à ceux qui en ont besoin. "
Q-Les députés UMP réclament depuis longtemps que quelque chose soit fait sur le service minimum dans les transports publics. Des propositions de loi existent. Est-ce que vous allez tenter, B. Accoyer, de faire en sorte que ces propositions de loi soient discutées ?
R - " Non seulement il y aura des décisions qui seront prises à l'automne, mais la procédure est engagée. Il y a eu à l'initiative des députés UMP, et de notre groupe UMP sous la présidence de J. Barrot, un débat au cours duquel le Gouvernement, en accord avec les députés UMP, a lancé toute une procédure de concertations pour tenter par tous les moyens de trouver un accord avec les partenaires sociaux sur le service minimum dans les services publics, et en particulier dans les transports. Si à l'automne, il y a un constat d'échec, eh bien il y aura une décision qui sera de légiférer. "
Q-Mais vous voyez, on fête aujourd'hui les deux ans de l'élection de J. Chirac, et rien n'est toujours fait sur ce dossier qui avait été pourtant présenté pendant la campagne électorale de J. Chirac, et puis par beaucoup de députés UMP pendant leur campagne électorale législative comme important. Deux ans, et rien de fait encore.
R - " Non. C'est faux. Il y a vous le savez déjà un certain nombre d'accords qui existent, un certain nombre de systèmes d'alerte pour prévenir les conflits sociaux. "
Q-Dans les entreprises, la RATP par exemple ?
R - " Dans les transports, tout à fait. La RATP, c'est considérable pour les Franciliens. Et il y a, en plus, cette démarche qui s'inscrit dans la volonté de concertation. Parce que vouloir instaurer - ce qui est absolument nécessaire - un service minimum dans les transports, dans le service public, cela nécessite aussi de la concertation. Il ne s'agit pas de faire les choses brutalement. Il faut respecter le dialogue social. Vous savez que le Gouvernement et nous tous y sommes extrêmement attaché. "
Q-Des députés UMP demandent qu'on revoit la loi électorale, par exemple pour les élections législatives. Des propositions de loi existent dans ce sens pour qu'il n'y ait plus que deux candidats lors du second tour. Qu'est-ce que vous en dites, B. Accoyer ?
R - " Oui, c'est une question qui est posée, compte tenu désormais du nombre de triangulaires. Il y en a eu 17 sur 22 aux Régionales. Vous savez que la majorité de 97 avait été due aux triangulaires. Et donc la question de cette situation qui fausse le résultat de la consultation populaire et démocratique nécessite l'ouverture d'une réflexion, d'un examen et probablement de déboucher sur quelque chose. La première phase, c'est un travail qui doit mesurer les conséquences d'un changement de mode de scrutin. "
Q-Ca c'est simple.
R - " Car il est également important... "
Q-Non, pas d'un mode de scrutin, faire en sorte qu'il n'y ait que deux candidats au deuxième tour. C'est pas changer beaucoup de choses ça.
R - " C'est une modification du mode de scrutin. D'autant plus qu'il est quand même nécessaire que les minorités soient prises en compte. "
Q-Et vous souhaitez que quelque chose soit fait rapidement ?
R - " Et cette réflexion va s'engager dans un groupe de travail, entre des sénateurs et des députés. Le premier ministre l'a évoqué devant le groupe UMP à l'Assemblée. "
Q-Vous êtes inquiet au moment de prendre ce poste. Ca va être difficile pour vous, les trois ans de législature qui restent, en deux mots.
R - " D'abord je me sens honoré de cette responsabilité. "
Q-Difficile ?
R- " Oui, et je ferai de mon mieux pour essayer d'aider les députés à agir dans le bon sens, pour le Gouvernement et pour la France. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 mai 2004)