Point de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur le dialogue avec la Russie pour une solution politique en Tchétchénie, sur l'appui communautaire à l'opposition serbe, et sur l'aide de l'Union européenne à l'Autorité palestinienne, Bruxelles le 24 janvier 2000.

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Circonstance : Conseil affaires générales à Bruxelles le 24 janvier 2000

Texte intégral

Nous avons tout d'abord traité du suivi du Conseil européen d'Helsinki. Cet échange a permis de revenir sur la question de l'amélioration du fonctionnement du Conseil Affaires générales. J'y suis très attaché. Cela fait trois ou quatre présidences que nous insistons, Pierre Moscovici et moi-même, pour avoir des méthodes de travail plus efficaces au sein du Conseil Affaires générales. Ce qui n'est pas bien ou pas vraiment traité par le Conseil Affaires générales n'est bien traité nulle part et, finalement, cela perturbe l'ensemble du système. Nous avons donc insisté sur ce point.
Nous avons également échangé quelques propositions sur la gestion, par la présidence portugaise, des négociations d'élargissement et j'ai notamment appelé son attention sur la nécessité de mettre en oeuvre de façon concrète le principe de la différenciation. Nous avons insisté, soutenus par beaucoup de délégations, sur le fait que le Conseil devait suivre, de façon très régulière et très attentive, ces négociations, ce qui signifie qu'il en ait les moyens, par exemple grâce à un tableau de bord qui permettrait d'avoir une vue d'ensemble des engagements pris par les pays candidats pour savoir où on en est exactement, chapitre par chapitre.
Puis nous avons eu un déjeuner très intéressant avec le président Arafat. Il nous a fait part de son analyse complète de l'état des négociations sur le processus de paix au Proche-Orient pour ce qui le concerne directement. Ensuite, nous avons eu un échange de vues, montrant que la plupart des intervenants estiment que l'Union européenne peut faire plus, en tout cas mieux, pour aider les Palestiniens à préparer le futur Etat palestinien pour qu'il soit fort et crédible et que ce soit un élément de la stabilité future du Proche-Orient. Il y a donc une relation entre l'Union européenne et les autorités palestiniennes qui est à renforcer.
Enfin, nous avons eu un début d'échange intéressant sur l'avenir, sur ce que pourraient être les relations entre les différentes entités, les différents Etats dans ce futur Proche-Orient en paix. Je suis ces questions avec d'autant plus d'intérêt que c'est un sujet sur lequel travaille le ministère depuis maintenant plusieurs mois. Cela paraît encore utopique mais cela l'est moins qu'avant. La paix n'est pas encore à portée de main mais on s'en rapproche. C'est d'ailleurs à ce sujet qu'ont été consacrés mes entretiens au Caire. On commence à se projeter au-delà des difficultés des négociations actuelles.
Cet après-midi, il nous reste à traiter plusieurs points importants dont les Balkans, la Russie.
Sur la Russie, je demanderai que nous ayons une attitude qui soit cohérente et logique par rapport aux conclusions d'Helsinki. Naturellement, le dialogue avec la Russie doit être poursuivi avec le président par intérim. Il n'a jamais été question de le suspendre. Au contraire, nous en avons plus que jamais besoin. Je dis cela aussi bien pour l'Union européenne, en tant que telle, que pour la France. M. Fischer revient de Moscou. J'ai eu un entretien fort intéressant avec lui à ce sujet. J'y serai moi-même le 4 février et je pense que l'Union européenne doit poursuivre ces contacts, c'est d'ailleurs ce qu'a fait M. Gama. En même temps, il faut que notre position soit claire et sans ambiguïté par rapport à la Russie et à ce qui se passe en Tchétchénie. Il faut que nous nous inscrivions dans le cadre des conclusions d'Helsinki.
Sur les Balkans, je plaiderai pour que nous allions le plus loin possible dans la réponse à donner à l'opposition, qui a, ces derniers temps, fait des progrès. Elle commence à s'unifier et vient de nous demander, de nouveau, de suspendre un certain nombre de mesures d'embargo dont elle pense qu'elle lui sont préjudiciables. Vous savez quelle est la position de la France à cet égard depuis maintenant quelques mois. Cet appel de l'opposition serbe doit être entendu.
Q - Attendez-vous des décisions concrètes sur la Russie ? Que voulez-vous dire sur la stratégie commune ?
R - Cela veut dire qu'il faut répondre à ce que l'on a dit à Helsinki qui était une réflexion sur la stratégie commune pour la Russie. C'est à nous, Etats membres, d'avancer ce travail, en reprenant le texte de la stratégie commune pour voir ce qui doit être poursuivi tel quel ou adapté en fonction de la situation, en fonction des questions que nous posons aux Russes sur la Tchétchénie et en fonction des réponses ou d'absence de réponses. On l'a dit à Helsinki mais ce travail n'a pas vraiment eu lieu en vérité. Il faut qu'on utilise l'analyse qui est faite par les différents ministres et responsables qui vont à Moscou.
D'autre part, il faut avancer dans la réflexion sur la suspension éventuelle de certaines des clauses de l'accord de partenariat et de coopération. Là aussi, elles n'ont pas toutes la même portée, la même signification. Nous avons pris la décision de concentrer toutes les actions au titre de Tacis sur les domaines que nous jugeons prioritaires et que nous voulons poursuivre : les Droits de l'Homme, l'Etat de droit, le soutien à la société civile et la sûreté nucléaire. Ce sont des programmes de coopération que nous menons aussi dans notre propre intérêt et il faut les poursuivre.
Et nous attendons des autorités russes qu'elles bâtissent une solution politique sur la Tchétchénie. C'est le leitmotiv des interventions françaises depuis maintenant fin septembre et on voit bien, compte tenu de l'actualité, que c'est plus nécessaire que jamais, y compris du point de vue russe.
Q - Pourquoi une rencontre avec M. Arafat ? Avez-vous évoqué avec lui le problème particulier de la transparence de l'aide européenne (...).
R - Il y a périodiquement des rencontres de ce type et l'Union européenne marque son attention à ce processus de paix au Proche-Orient en ayant des contacts réguliers avec les différents protagonistes. Et comme l'Union européenne veut jouer un rôle accru pour aider les Palestiniens à bâtir un Etat moderne, crédible, donc améliorer, perfectionner cette aide sur certains points, y compris en matière de transparence, c'est une bonne occasion de le dire dans un dialogue direct.
Q - Les réponses de M. Arafat vous ont-elles convaincu ?
R - Il m'a semblé - je ne parle pas que pour moi - que tous les participants étaient satisfaits des réponses, de son orientation et du désir général d'améliorer le fonctionnement de cet état. Mais on ne peut pas se comporter avec M. Arafat comme s'il était à la tête d'un Etat normal, installé, qui n'a aucun problème par ailleurs. C'est une période de gestation en fait. On ne peut donc pas avoir le même genre d'exigences. Si nous en avons, il faut qu'elles soient dynamiques et positives. Il faut qu'elles s'inscrivent dans une dynamique de solution et qu'elles aident les Palestiniens et pas l'inverse. Il y a une façon d'appréhender le sujet pour que l'attitude européenne soit constructive. Je crois que les participants étaient tous très satisfaits d'avoir cette information de première main./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 février 2000)