Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, en réponse à une question sur l'élargissement de l'Europe, à l'Assemblée nationale le 3 décembre 2003.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Je voudrais d'abord, monsieur le président, saluer votre initiative qui fait honneur à votre Assemblée, et dire combien je suis heureux, ici, de saluer les présidents des Assemblées de Chypre, d'Estonie, de Hongrie, de Lettonie, de Lituanie, de Malte, de Pologne, de Slovaquie, de Slovénie et de République Tchèque. Merci à vous tous d'être présents ici, dans ce haut lieu de la démocratie française et de la démocratie européenne.
Je suis très heureux de saluer ici les pays qui, en effet, viennent nous rejoindre. Et à leur devoir d'espérance correspond pour nous un devoir d'accueil, une mobilisation puissante pour réussir cet élargissement. Je voudrais, en saluant le président de la Diète polonaise et en le remerciant de son accueil chaleureux, dire combien j'ai ressenti profondément l'enthousiasme... Quelle grandeur d'état d'esprit vous faites preuve ! Vous parlez de l'élargissement, mais êtes-vous vraiment prêts à le vivre, avec l'esprit ouvert, en faisant les efforts nécessaires pour que ces pays puissent vivre leur espérance, le projet européen, comme nous voulons le faire, en disant non seulement aux pays d'Europe "bienvenue", mais en disant au peuple de France : "n'ayez pas peur, n'ayez pas peur pour votre emploi, n'ayez pas peur pour votre entreprise". Ce grand marché, ce grand projet est favorable à l'ensemble de tous les pays. Aujourd'hui... Je laisse tous ceux qui ont la nostalgie communiste - ce n'est pas notre cas... Quand on me cherche, on me trouve.
Monsieur le président Lequiller, je réponds à votre question par deux grandes actions : d'abord, la mobilisation nationale, celle qui fait que toutes les communes de France, celle qui fait que tous les citoyens de France s'engagent dans cette politique d'accueil, par des jumelages, par des échanges, par des équivalences universitaires, par des développements économiques, sociaux et culturels. Je dis aux Français : "n'ayez pas peur de cette grande Europe". Les pays qui nous rejoignent espèrent notre niveau de vie, rêvent à notre modèle social. Nous devons les accueillir et nous n'avons pas à craindre cet élargissement, et nous n'avons pas à craindre que le fleuve Europe retrouve son lit historique. Tout cela donne de la force à nos idées, tout cela donne de la force à nos convictions, tout cela donne la puissance continentale aux valeurs de la France pour l'Europe.
Quant aux institutions, monsieur le président de la délégation européenne, sachez que la France souhaite des institutions fortes, que la France souhaite qu'en même temps que l'élargissement, on puisse développer un approfondissement institutionnel qui rende l'Europe à Vingt-cinq plus gouvernable que l'Europe à Quinze, qui rende l'Europe à Vingt-cinq plus efficace que l'Europe à Quinze, qui rende l'Europe à Vingt-cinq plus démocratique. C'est pour cela que nous voulons un Conseil européen plus stable. C'est pour cela que nous voulons dans nos institutions plus de proximité et le rôle des Parlements renforcé. Et c'est pour cela que nous voulons une Commission davantage opérationnelle.
Nous écoutons vos propositions, nous entendons votre attente, nous comprenons que sur un certain nombre de sujets, vous n'avez pas toujours les mêmes positions que les nôtres. Nous le comprenons, nous n'avons pas la même histoire. Notre espoir est de voir nos situations et nos visions se rapprocher. Mais pour nous, avec l'expérience que nous avons de l'Europe, nous souhaitons qu'à ce grand projet européen puissent correspondre des institutions plus fortes. C'est cela le combat de la France, et la France ne prendra jamais position pour des institutions trop faibles, qui ne seraient pas à la hauteur de l'ambition européenne.
Je remercie les parlementaires qui ont donné dans ce débat l'image de la démocratie, l'image de l'accueil. Et je reconnais que pour ma famille politique et pour l'histoire politique qui a été la mienne, aussi bien avec des gens comme P. Mendès-France et un certain nombre d'autres, il y a, mesdames et messieurs les députés, des causes plus grandes que nous-mêmes et il y a des combats qui méritent de se rassembler, qui méritent de dépasser les égoïsmes politiques et les clivages partisans.
Vive la République et vive l'Europe.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2003)