Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur le déremboursement des médicaments n'ayant pas un service médical rendu suffisant et la réforme de la Commission de la transparence des médicaments, Paris le 17 juillet 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Je souhaite pouvoir aborder avec vous trois thèmes :
- la présentation des produits susceptibles de faire l'objet de la première vague de déremboursements,
- les grandes lignes de la réforme de la commission de la transparence
- et enfin les conséquences de l'arrêt récent du conseil d'Etat sur les vasodilatateurs.
Comme vous le savez, j'ai annoncé à l'automne, lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, mon intention de procéder au déremboursement des médicaments n'ayant pas un service médical rendu suffisant pour justifier un remboursement. Cette décision est la conséquence directe de la réévaluation des 4.500 médicaments de la pharmacopée qui avait été commandée par Martine Aubry en 1999. Elle avait d'ailleurs publiquement annoncé son intention de procéder au déremboursement puis est revenue sur sa décision.
Dérembourser pour favoriser l'innovation
Je ne pouvais laisser la situation en l'état. Vous le savez, l'assurance maladie connaît un déficit important qui résulte d'une progression rapide des dépenses et d'une croissance ralentie des recettes conséquence du ralentissement actuel de la conjoncture économique. Pendant ce temps, nous devons admettre au remboursement de nouveaux produits dont les patients ont besoin. Depuis mon arrivée, nous avons notamment inscrit au remboursement des produits importants pour les malades tels que Ebixa, Prévenar, Lantus ou Keppra...
Ces décisions coûtent cher. Il est légitime d'essayer de les financer en partie au moins par le déremboursement de produits dont l'utilité est devenue moindre. C'est la concrétisation de ce qu'un ancien président du comité économique des produits de santé, Jean Marmot, qualifiait de "respiration de la liste des médicaments". En outre, ces produits pouvaient, juridiquement être déremboursés sur simple décision du ministre. Il n'était pas sain de laisser leurs laboratoires continuer à les commercialiser sans offrir la moindre visibilité.
Le plan que j'ai annoncé est étalé sur 3 ans afin de permettre tant aux médecins qu'aux industriels de se préparer à cette évolution. Ces déremboursements doivent intervenir en trois étapes correspondant chacune à une des catégories de médicaments suivantes : en 2003, les produits dont l'utilisation n'est médicalement pas souhaitable, en 2004 les produits qui relèvent d'un choix d'automédication et, enfin, en 2005, les produits médicalement peu efficaces mais, pour l'heure, sans alternative thérapeutique.
Dérembourser : une procédure longue
Nous avons donc procédé en fin d'année dernière à une relecture de la liste des produits à SMR insuffisant pour retenir ceux qui portaient la mention "n'a pas de place dans la stratégie thérapeutique". 95 spécialités ont alors été identifiées dont 2 n'étaient plus commercialisées à cette date. Restaient 93. En février, les laboratoires exploitant ces spécialités ont été informés individuellement de notre intention de procéder au déremboursement de leur spécialité. Ils ont été en même temps avertis qu'ils disposaient d'un mois pour faire valoir leurs observations à la commission de la transparence. Les laboratoires n'ont fait usage de ce droit que pour 10 produits. Les réexamens de la commission de la transparence ont eu lieu en mai et juin. A l'issue de cette phase, nous étions en mesure de procéder aux déremboursements pour le 1° juillet comme prévu.
Un délai supplémentaire nous a toutefois été imposé du fait de l'intervention récente de la décision du 20 juin du conseil d'Etat, qui, saisi par 2 laboratoires, a annulé les arrêtés pris par mon prédécesseur qui abaissaient de 65% à 35% le taux de remboursement de 2 médicaments vasodilatateurs. En effet, le Conseil d'Etat a mis en évidence l'insuffisante motivation des avis de la commission de la transparence sur lesquels le ministre s'appuie pour décider d'un déremboursement. J'ai donc demandé pour les produits concernés que la rédaction des avis motivés soit reprise de façon plus explicite et dans le sens d'une plus grande rigueur. Ce travail a mobilisé la commission de la transparence et son secrétariat jusqu'à ce jour. La commission de la transparence s'est réunie mercredi 16 pour adopter les nouveaux avis. Ceux-ci ont été transmis aux laboratoires qui disposent de 8 jours pour faire part de leurs observations. A l'issue de ce délai, je serai en mesure de procéder au déremboursement.
Dérembourser : une procédure complexe
Toutefois, dans un souci de transparence et pour anticiper une annonce de déremboursements qui, juridiquement du fait des délais de procédure, ne pourra se faire qu'en août, j'ai souhaité vous communiquer dès maintenant les produits que j'ai demandés à la commission de réexaminer en vue d'un éventuel déremboursement. Vous trouverez la liste dans le dossier de presse. Cette liste précise pour chaque produit, ses indications, une brève description des raisons qui m'ont conduit à interroger la commission de la transparence une dernière fois sur l'opportunité d'un déremboursement et une présentation des alternatives thérapeutiques. Je ne doute pas que ce tableau devrait répondre à l'ensemble de vos interrogations.
Je profite de cette occasion pour faire le point sur 2 produits qui ne figurent pas dans cette liste alors qu'ils avaient été évoqués dans les journaux comme devant en faire partie. Le Toplexil est un sirop dont la commission de la transparence a estimé lors de la réévaluation qu'il rendait un service médical insuffisant car il associait un anti tussif et un expectorant. Chaque médecin sait que cette association est illogique. Suite à cette évaluation, l'entreprise a choisi de modifier la composition de ce produit. Comme pour tout médicament, elle a déposé un nouveau dossier d'autorisation de mise sur le marché ; ce nouveau sirop a été évalué en octobre 2002 par la commission de la transparence et a été crédité à cette occasion d'un "smr faible". Il n'est donc plus question de dérembourser ce produit. Nous n'avons pas de base légale pour le faire. Je vous rappelle que nous ne pouvons dérembourser que les médicaments susceptibles d'entraîner des dépenses injustifiées ou ceux qui ont un service médical rendu insuffisant. Dimetane, autre produit anti tussif, a choisi de procéder de la même manière.
Comme je vous l'ai dit, je ne pourrai procéder au déremboursement qu'au vu de l'avis définitif de la commission de la transparence. L'avis rendu mercredi n'est qu'un avis provisoire. Nous devrions donc être à même de publier l'arrêté officialisant la décision et la liste des produits concernés au début du mois d'août, une fois les avis devenus définitifs. La liste que je vous communique fournit toutefois une bonne indication des produits qui, sauf avis contraire de la commission, devraient être déremboursés.
Vous le voyez, un déremboursement nécessite une procédure longue et juridiquement complexe. Il ne saurait en être autrement. Il s'agit en effet d'une décision lourde de conséquences pour les médecins, leurs patients et l'industriel qui exploite ce médicament. La commission de la transparence a la charge de la majeure partie du travail d'instruction des dossiers de déremboursement. Je souhaite aujourd'hui lui rendre hommage pour le travail qu'elle a fourni. C'est un travail difficile, exigeant, technique. Il est légitime de remercier aujourd'hui tout spécialement les membres bénévoles et le tout premier d'entre eux son président, le professeur Bernard Dupuis.
Réformer la commission de la transparence
Il reste que cette commission doit évoluer pour assumer l'ensemble des charges que j'entends lui confier. La commission de la transparence doit en effet non seulement évaluer les nouveaux produits afin d'aider le politique à déterminer si le produit doit être admis au remboursement. Cette évaluation sert ensuite à la fixation des prix. Elle doit aussi le conseiller dans la gestion quotidienne de la liste des médicaments remboursés. Ces missions doivent être exercées dans le cadre d'un certain formalisme juridique. Cela implique des équipes et des savoir faire multiples, médicaux et juridiques. Elle a enfin un rôle à jouer capital dans l'information des professionnels de santé au quotidien. L'administration ne peut travailler dans son coin, elle doit informer et expliquer ses décisions auprès des praticiens et peut-être même auprès des patients. J'ai demandé au professeur Gilles Bouvenot (voir son C.V dans le dossier de presse) de me faire des propositions sur les évolutions souhaitables de cette commission. A partir de ses suggestions, j'ai décidé de faire évoluer la commission de la transparence dès maintenant selon trois axes : un changement de sa composition, une modification des procédures et un renforcement de son autonomie financière.
Cette évolution ne préjuge naturellement pas de la création de la commission du service médical rendu étendu à l'ensemble des conduites et procédés diagnostiques et thérapeutiques qui aura lieu dans l'année qui vient après une large concertation.
1 - La modification de sa composition vise à renforcer le caractère médical de cette commission. Je souhaite que ses avis soient, d'un point de vue médical, le plus incontestable possible. C'est pourquoi j'ai décidé d'augmenter le nombre de cliniciens qui y participent. Parallèlement, les représentants des administrations ou des caisses n'auront plus qu'une voix consultative. Il s'agit de mettre fin aux soupçons, même injustifiés, qui pèsent actuellement sur le fonctionnement de cette commission. Les avis seront purement médicaux. Le mandat des actuels membres de la commission arrive à échéance fin juillet. La modification de la composition que je souhaite faire nécessite un décret en conseil d'Etat. Ce texte sera transmis au cours de l'été au Conseil d'Etat afin de le publier dès septembre pour assurer la continuité de cette commission essentielle au bon fonctionnement de notre dispositif d'admission au remboursement. Je peux d'ores et déjà vous annoncer que le professeur Gilles Bouvenot sera le président de cette commission de la transparence rénovée. C'est un choix logique. Il a une grande connaissance du médicament développée lors de ses nombreuses participations aux instances travaillant sur le médicament en France. Il était en outre cohérent de lui confier la charge de la commission après lui avoir demandé d'en tracer les évolutions.
2 - Nous devons aussi donner plus de clarté aux procédures qui régissent le fonctionnement de la commission de la transparence. Les modifications porteront sur la procédure telle qu'elle est décrite dans le code de la sécurité sociale. Le texte actuel est complexe, d'une interprétation délicate et source de contentieux. Le commissaire du gouvernement chargé du dossier vasodilatateur au conseil d'Etat le juge lui même difficile à appliquer. Les changement affecteront aussi le cheminement du dossier au sein de la commission. Nous devons être en mesure de mieux suivre les différentes étapes d'analyse d'un dossier. Cela permettra un travail plus approfondi et cela constituera un atout important dans le respect des délais qui nous sont fixés par l'Union Européenne. Les changements affecteront enfin le choix des experts qui peuvent être amenés à contribuer au travail de la commission. Les enjeux financiers qui découlent de cette commission sont considérables, la pression n'est pas absente. Les conditions de déontologie doivent donc être irréprochables. Cet axe de la réforme nécessite plus de temps, la réforme devrait pouvoir être mise en place à la fin de l'automne.
3 - Le troisième axe de la réforme de la transparence concerne le renforcement de la structure administrative sur laquelle est adossée cette commission. La Cour des Comptes a de nombreuses fois déploré le manque de moyens qui était accordé à la commission de la transparence. Le positionnement ambiguë de cette commission ( elle est placée auprès du ministre mais rattachée à l'AFSSAPS ) n'est pas de nature à faciliter la dotation en moyens administratifs de cet organisme. Il est temps de lui donner plus d'indépendance.
Il n'est pas raisonnable de confier à cette commission une tâche aussi lourde sans lui accorder les moyens nécessaires. J'ai obtenu du ministère de l'économie et des finances que nous indemnisions les experts libéraux. C'est un début, il faudra sans doute aller plus loin. Je souhaite aussi doter la commission d'un secrétaire général chargé du suivi de l'ensemble des taches administratives. Je souhaite enfin conférer une certaine autonomie budgétaire à cette commission. Les modalités ne sont pas encore fixées. La solution retenue pour le comité économique des produits de santé peut nous inspirer. Cette dimension devra aussi être considérée dans le cadre plus large de la mise en place de la commission du service médical rendu.
L'arrêt du conseil d'Etat sur les vasodilatateurs
Je faisais référence, il y a quelques instants à la nécessaire qualité juridique des avis. Vous le savez, le conseil d'Etat a annulé deux décisions prises par Madame Guigou en mettant en évidence le caractère insuffisant de la motivation des avis rendus par la commission de la transparence préalablement aux décisions du ministre de la santé.
Cette décision de justice fragilise l'ensemble des décisions de baisse de taux ou de déremboursement prises depuis 2001. Les enjeux financiers sont importants. Nous ne pouvons laisser un problème formel remettre en cause une politique dont aucun scientifique ne conteste le bien fondé.
Il fallait agir rapidement pour mettre fin à l'instabilité juridique née de cet arrêt. J'ai donc décidé de proposer au parlement une validation législative qui consolidera l'ensemble des décisions qui ont été prises et qui, à l'heure de leur annonce, n'avaient fait l'objet d'aucune contestation. Ce texte revêt la forme d'un amendement à un texte (voir fiche du dossier de presse) que le gouvernement fait actuellement discuter au parlement. J'espère qu'il pourra être promulgué dans les meilleurs délais.
Comme vous le voyez, malgré les imprévus qui font partie de tout quotidien, je maintiens le cap de la politique du médicament que j'avais définie à l'automne dernier.
Une politique du médicament au service des malades
J'avais souhaité faciliter l'accès de nos concitoyens aux innovations. Pour ce faire, j'ai mis en place une nouvelle procédure de dépôt de prix, et consacré 200 millions à l'innovation à l'hôpital.
J'ai souhaité pouvoir faire des économies sur les molécules plus anciennes, nous avons fait une campagne sur le générique, nous sommes en train de finaliser la mise en place des tarifs forfaitaires de remboursement et obtenu des laboratoires une baisse de prix conséquente sur le paracétamol équivalent à un prix générique.
Je désirais une gestion plus active de la liste des déremboursements : nous avons baissé la prise en charge de produits dont la prise en charge à 65% n'était pas justifiée, et nous allons procéder au déremboursement de la première phase du déremboursement des produits à SMR insuffisant. Il me semblait enfin nécessaire d'améliorer nos procédures : la modification de la commission de la transparence est en cours.
Les mesures que j'ai prises dès mon arrivée avec le soutien des professionnels de santé ont incontestablement concouru à ralentir la croissance des dépenses de médicaments en ville et à l'hôpital. Alors que le taux de croissance se situait à 7,7% par an en 2000 et 2001, il a été de 5,7% en 2002 et tout porte à croire que cet infléchissement se poursuivra en 2003.
C'est donc, avec constance et malgré les difficultés, que je trace un chemin pour assurer les meilleurs traitements aux coûts les plus justes pour les malades. C'est à eux seuls que je pense en définissant la politique du médicament car notre système de sécurité sociale doit rester ce qu'il a toujours été, juste et solidaire. Et tout le monde peut comprendre l'importance d'une prise en charge des meilleurs traitements, les plus innovants pour tous ceux qui en n'ont besoin lors des maladies graves. Le Ministre de la santé est d'abord le Ministre des malades et je veux que ceux-ci sachent ma détermination à leur assurer le meilleur, au meilleur coût pour nous tous. Ne l'oublions pas, nous payons tous pour que chacun soit pris en charge selon ses besoins.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 juillet 2003)