Déclaration de M. François Bayrou, président de l'UDF, lors du lancement de la campagne pour les élections européennes et la présentation des têtes de liste pour l'UDF, Paris le 28 avril 2004.

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Texte intégral

Pour l'UDF la campagne des élections européennes commence aujourd'hui. S'il y a une différence entre l'UDF et les autres formations politiques françaises, c'est que pour nous, ces élections européennes sont des élections européennes, c'est-à-dire que nous avons l'intention de faire de l'Europe le sujet de cette élection. Nous savons bien que, dans toute élection, il y a des éléments de politique intérieure mais, pour nous, le problème européen est un problème majeur qui dépasse de beaucoup les circonstances de politique intérieure.
Je voudrais vous dire pourquoi, selon nous, le moment que nous vivons est historique. Il est historique évidemment parce que dans deux jours, nous allons vivre l'élargissement à dix pays supplémentaires et que cela ouvre une page nouvelle de l'Europe. Mais il est historique pour une raison supplémentaire qui est que, désormais, l'Europe va devoir choisir entre deux modèles. L'Europe aujourd'hui c'est un héritage et c'est un miracle ; c'est une construction politique extraordinaire. Qui aujourd'hui songerait à penser à des affrontements entre états européens autrement que comme une guerre civile ? Qui aujourd'hui songerait à renoncer à l'euro, même parmi les plus eurosceptiques des Français ? Il n'y en a pas un qui aujourd'hui, proposerait qu'on sorte de l'euro. C'est dire le pas en avant très important qui a été fait. J'en parle en connaissance de cause, j'étais tête de liste aux élections européennes il y a cinq ans, en 1999, et à l'époque il y avait des débats très importants avec des tas de gens qui proposaient que naturellement on ne fasse pas une monnaie unique et qui annonçaient les pires catastrophes dès l'instant qu'on la ferait. D'autres qui prétendaient avec assurance qu'on ne la ferait jamais. Voilà l'héritage et c'est un héritage précieux.
Aujourd'hui nous sommes devant une question qui dépasse la question de l'héritage : c'est que nous avons changé d'époque. Pendant longtemps les gens ont défendu l'Etat-nation. Aujourd'hui nous sommes entrés dans le temps des " empires-continents ". Nous sommes sortis du temps où l'Etat-nation était pertinent, pour entrer dans le temps où il va falloir choisir d'exister ou de ne pas exister dans le monde des " empires-continents ". Les Etats-Unis sont le premier ; la Chine s'avance désormais avec une puissance, une croissance et une population à quoi rien ne ressemble dans le monde ; l'Inde avec son milliard d'habitants. Je pourrais naturellement en citer d'autres.
La question qui se pose pour nous est de savoir si nous voulons être une voix entendue parmi les " empires-continents " ou si nous décidons d'être spectateurs de décisions qui se prendront ailleurs. Nous, nous faisons le choix de l'unité européenne, parce que l'unité de l'Europe est évidemment la condition pour que notre voix soit entendue. C'est de l'unité de l'Europe que dépend la défense de notre modèle de société et de civilisation, social, culturel, de nos langues, de notre diversité. C'est de l'unité de l'Europe que dépend la réponse à cette question. Nous sommes la seule formation politique - je dis cela avec fierté - à avoir clairement fait ce choix. Si l'Europe doit être unie pour faire entendre sa voix dans les " empires-continents ", alors cela veut dire, naturellement, que ses Institutions doivent être solides et transparentes et elles ne peuvent pas être solides et transparentes sans le concours des peuples. C'est pourquoi, à la veille du jour où va s'exprimer le Président de la République, l'UDF lui demande solennellement de faire ratifier la Constitution européenne le jour où elle sera écrite, par referendum. On ne peut pas imaginer donner une constitution aux citoyens et aux États européens sans que les peuples aient été consultés sur cette Constitution. C'est une position, pour nous, de principe, qui amènera chacun à prendre ses responsabilités, qui amènera tous les leaders à s'engager pour savoir dans quels temps et sous quelles lois, ils veulent vivre.
La participation des citoyens directement à cet engagement donnera naturellement à cette question l'importance d'un rendez-vous historique, supérieur encore à celui de Maastricht.
Si nous voulons que l'Europe, avec ses institutions, soit unie, il faut aussi qu'elle ait une identité. C'est la raison pour laquelle depuis le premier jour, vous le savez, l'UDF a condamné la décision prise en catimini, sans consultation d'aucun citoyen et d'aucun parlementaire de reconnaître à la Turquie le statut de pays candidat, c'est-à-dire de lui donner l'assurance qu'elle allait entrer dans l'Europe, si un certain nombre de conditions étaient remplies. C'est Jacques Chirac et Lionel Jospin qui ont pris cette responsabilité en décembre 1999. Nous avons dès le premier jour dit que cela nous paraissait être une erreur. Nous le disons non pas avec des relents vraiment désagréables à l'égard de ce grand pays qu'est la Turquie, mais parce que répondre à la question de l'adhésion de la Turquie, c'est répondre à la question de la nature de l'Europe. Si l'on veut que l'Europe soit un ensemble unitaire qui agisse sur la scène du monde, alors il ne faut pas la construire sur une trop grande hétérogénéité. J'espère que le Président de la République va, demain, lever toute ambiguïté sur le sujet. C'est donc deux questions que l'UDF pose au Président de la République, parce qu'il y a sur ces deux sujets débat, ambiguïté et interprétation risquée. Tels sont les thèmes que nous allons défendre dans cette campagne européenne.
L'UDF est pour une armée européenne, pour une politique de recherche européenne et pour une politique économique européenne. Je voudrais m'arrêter une seconde sur ce point : nous considérons que la question de la politique européenne face aux délocalisations doit être mise au centre de cette campagne électorale. Si l'Europe a un sens, c'est pour protéger et promouvoir les emplois européens. Aujourd'hui les délocalisations sont le résultat d'une situation tout à fait malsaine qui est celle-ci : fiscalement, en charges sociales, tout est fait pour que l'entreprise ait intérêt à aller créer des emplois ailleurs. Nous voulons sortir de ce déséquilibre. Nous voulons que l'Europe mette sur son agenda la question " Comment faire pour que l'entreprise ait au moins autant intérêt à garder des emplois chez nous qu'à aller créer des emplois ailleurs ? " et ceci passe par une série de décisions que, si vous le voulez bien, nous exposerons au cours de la campagne électorale.
Voilà la trame de la campagne électorale que nous allons développer devant les Français.
Je voudrais maintenant vous présenter au terme de cette introduction les personnalités qui porteront cette campagne électorale dans chacune des grandes régions qui ont été créées.
Permettez-moi de dire au passage que cette loi électorale est absurde. Il n'y en a pas un parmi vous qui puisse me faire la liste des regions, sauf si vous êtes appointés pour les connaître et encore, j'aimerais bien faire une interro écrite Naturellement, cette loi électorale a été faite pour nuire à des formations comme les nôtres. Naturellement, comme toujours, elle se retournera contre ses auteurs. Ce n'est pas parce que le débat a été éclaté en régions, sans unité, que nous ne ferons pas de l'Europe le grand débat qui s'impose.
Quels sont les principes qui nous ont guidés dans les choix des candidats que nous présentons aux Français ? Le principe essentiel est celui de la crédibilité des candidats. Il se trouve - je crois ne pas offenser leur modestie en disant - que les parlementaires européens de l'UDF, dans la précédente législature, ont été regardés comme étant parmi les parlementaires européens de premier plan, à la fois par leur assiduité et par l'importance des responsabilités qu'ils ont prises.
Je voudrais vous présenter les candidats qui sont autour de moi.
Dans la grande circonscription Nord qui comprend les deux Normandies, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, c'est Jean-Louis Bourlanges qui conduira la liste. Je n'ai pas besoin de dire quel parlementaire européen Jean-Louis Bourlanges est. Ce n'est pas seulement le brillant essayiste que tout le monde connaît et dont vous usez à juste raison, le penseur que vous savez, mais c'est aussi l'homme qui a été Rapporteur général du Budget de la Communauté et de l'Union européenne.
Dans la grande circonscription Est qui comprend l'Alsace, la Lorraine, la Bourgogne, la Franche-Comté et la Champagne-Ardenne, c'est Jean-Thomas Nordmann qui conduira la liste. Il est parlementaire européen. Ce matin quelqu'un disait qu'il était parmi les dix meilleurs parlementaires européens et reconnu comme tel.
Dans la région Sud-Est qui comprend Rhône-Alpes, PACA et la Corse, c'est Thierry Cornillet qui conduira la liste. Il était le représentant du Parlement européen lors de la rédaction de la première convention sur la Charte des droits fondamentaux.
Dans la grande région Sud-Ouest qui comprend l'Aquitaine, le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, c'est un autre de type de personnalité. Ce n'est pas un parlementaire européen sortant. C'est quelqu'un qui a marqué la société civile de son empreinte. Grand journaliste, grand responsable de société, y compris national, de radio et de télévision, c'est Jean-Marie Cavada. Je suis très heureux qu'il ait accepté cette responsabilité pour la grande région Sud -Ouest. J'ai toujours voulu placer la politique sous l'angle de l'ouverture, sous l'éclairage nécessaire de la société civile. Le monde politique a tort de se renfermer. J'ai trouvé que les propos, pour le dernier gouvernement, disant que l'on " virait " la société civile pour ne plus mettre en place que des " professionnels ", étaient risqués. Je pense qu'un monde politique qui se ferme est un monde politique qui perd. Je pense qu'on a besoin dans la vie politique nationale d'expériences venues de la société civile, du monde des médias, du monde de l'économie, du monde associatif, du monde syndical et qu'on aurait grand tort de choisir la fermeture. J'ai voulu le montrer encore une fois - je le fais à chaque occasion, lorsque je le peux - . J'ai été sensible au fait que Jean-Marie Cavada fasse ce choix d'abandonner les fonctions très importantes qui étaient les siennes pour s'engager dans le combat européen.
Dans la grande région Ouest - si j'ose dire un autre venu de la société civile, mais passé durant cinq ans par le Parlement européen -, c'est le général Philippe Morillon qui conduira notre liste. Philippe Morillon, vous le savez, a accepté de s'engager auprès de nous il y a cinq ans, en 1999, alors qu'il était auréolé de la notoriété de l'homme qui avait pris à Srebrenica les responsabilités que vous connaissez. Au Parlement européen, il s'est imposé comme un des grands parlementaires dans les affaires diplomatiques et militaires. Il a joué un très grand rôle au sein de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen et c'est à ce titre qu'il a noué avec le Commandant Massoud les relations profondes que vous savez et auxquelles il vient de consacrer un livre. Philippe Morillon a, au Parlement européen, une réputation qui fait que notre famille de pensée aura naturellement, dans ces domaines diplomatique et militaire, une très grande importance.
C'est Janelly Fourtou qui sera à la tête de notre liste en région Centre, à la demande des parlementaires de la région. Janelly Fourtou a joué au sein de la Commission juridique du Parlement européen un rôle très important. J'ai été heureux de voir qu'elle était en tête des classements pour l'assiduité des parlementaires européens. Elle a joué un rôle très important dans les domaines en particulier du droit des auteurs et donc elle a accepté de conduire notre liste en région Centre.
Enfin, en région Ile-de-France, c'est celle qui a inventé dans le monde universitaire le programme qu'on appelle Erasmus Mundus, c'est Marielle de Sarnez qui a été rapporteur d'Erasmus Mundus au Parlement européen, qui conduira notre liste en Ile-de-France. Ce ne sera pas une surprise étant donné le rôle qu'elle joue dans cette famille politique depuis longtemps. Je la remercie de prendre cette responsabilité.
Les Dom-Tom. Pour l'instant nous avons réservé l'annonce des Dom-Tom parce que vous le savez, il y a des circonstances politiques extrêmement compliquées avec deux consultations, l'une en Nouvelle-Calédonie et l'autre en Polynésie et c'est un peu difficile de réunir nos amis pour avoir leur accord définitif. C'est en tout cas une personnalité marquante et de renouvellement que je présenterais à nos amis des Dom-Tom.
Voilà pour les huit listes que l'UDF présentera dans les huit circonscriptions françaises.
(source http://www.udf.org, le 3 mai 2004)