Déclaration conjointe franco-libyenne et déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec M. Abdurrahman Chalgham, ministre libyen des affaires étrangères, sur le règlement de l'affaire de l'attentat contre l'avion d'UTA entre les familles des victimes et la Fondation Khadafi, l'avenir des relations franco-libyennes et l'engagement de la Libye sur la question du terrorisme, Paris le 9 janvier 2004.

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Circonstance : Visite en France de M. Abdurrahman Shalgham, ministre libyen des affaires étrangères : signature de la déclaration conjointe franco-libyenne garantissant l'accord portant règlement de l'affaire de l'attentat d'UTA, à Paris le 9 janvier 2004

Texte intégral

(Déclaration conjointe signée par les ministres français et libyen des affaires étrangères garantissant l'accord conclu entre les familles des victimes du vol UTA 772 et la Fondation Kaddafi pour les Associations caritatives, à Paris, le 9 janvier 2004) :
Les autorités françaises et libyennes se réjouissent de l'accord qui vient d'être conclu entre la Fondation Qaddafi pour les oeuvres de bienfaisance et les représentants des familles des victimes du vol UT772. A cet effet, les deux parties saluent les efforts des présidents Bouteflika, Ben Ali, Tanja, Touré, Campaoré et de M. Romano Prodi, président de la Commission européenne, en vue de parvenir à la présente déclaration ainsi qu'à l'accord intervenu entre la Fondation et les représentants des familles des victimes.
Cet accord qui prévoit conformément aux souhaits des autorités françaises et libyennes, une indemnisation additionnelle et équitable pour les familles des victimes, contribue à un règlement définitif de ce drame et à mettre un terme à toute réclamation ultérieure afin que s'ouvre à présent un nouveau chapitre dans nos relations bilatérales dans l'esprit qui a présidé à la commission mixte qui s'est tenue en octobre 2002 et sur la base de ses conclusions.
Les autorités libyennes confirment les dispositions du présent accord conclu entre la Fondation Qaddafi pour les Associations Caritatives et les familles des victimes du vol UTA 772. Elles se portent garantes de l'exécution de cet accord en conformité avec les mesures et mécanismes prévus en cas de défaut de ladite Fondation.
La France et la Libye s'engagent en particulier à coordonner leur action pour contribuer à la paix, à la stabilité et au respect du droit international. Elles sont résolues à renforcer leurs échanges de vues et, dans le cadre du soutien à l'Union africaine, à joindre leurs efforts en faveur du développement économique de l'Afrique et ses infrastructures. La France étudiera la faisabilité de projets d'infrastructure entre la Libye et les pays d'Afrique subsaharienne et la possibilité d'y contribuer, le moment venu, dans la mesure de ses moyens. Les deux pays travailleront de manière coordonnée à l'étude et à la réalisation de projets de développement agricole et industriel en vue de favoriser l'emploi sur le continent et dans le but de lutter contre l'immigration illégale. Ils favoriseront la coopération à destination des populations du continent africain entre les organisations non gouvernementales françaises et libyennes intéressées. A cet égard, les deux pays sont d'accord pour mettre sur pied un cadre de coopération pour financer de tels projets.
La France s'attachera en coordination avec ses partenaires européens à surmonter les obstacles susceptibles de freiner le développement des relations entre la Libye et l'Union européenne et chacun de ses membres. Nos deux pays poursuivront, dans le même esprit, le travail déjà engagé à travers " le dialogue 5+5" pour le renforcement de l'Union du Maghreb arabe et l'approfondissement d'une concertation active entre le nord et le sud de la Méditerranée occidentale. A cet égard, la France prend en considération l'importance que la Grande Jamahiriya attache à ses propres besoins de sécurité régionale.
Sur le plan bilatéral, l'accord qui vient d'être conclu à un niveau non gouvernemental coïncide avec la volonté affichée de la Grande Jamahiriya de moderniser et de réformer en profondeur son système économique. C'est pourquoi la France, qui a des relations anciennes et profondes avec la Libye, est prête à l'accompagner dans cet effort qui permettra à la Libye de tirer tout le profit souhaitable de son insertion dans la communauté internationale à la place qui lui revient. Les deux pays sont d'accord pour étudier des projets dans ce sens dans les meilleurs délais. Ils définiront les modalités de cette coopération à l'occasion de la tenue prochaine de la commission mixte bilatérale.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 janvier 2004)
(Point de presse conjoint entre les ministres français et libyens des affaires étrangères à la suite de la signature de la déclaration conjointe, à Paris, le 9 janvier 2004) :
Au terme de notre entretien et après la signature que nous venons d'effectuer de la déclaration conjointe franco-libyenne, je suis heureux de saluer mon homologue, M. Chalgham. C'est un moment important qui ouvre de nouvelles perspectives pour la relation entre nos deux pays, la France et la Libye.
Cette déclaration intervient après l'accord conclu ce matin entre les représentants des familles des victimes de l'attentat d'UTA et de la Fondation Qaddhafi, dont je me réjouis. Les représentants des deux parties, qui sont présents ici se sont déjà exprimés sur ce texte.
Nos pensées vont en ce moment avec émotion aux victimes de cet attentat. Cet accord va contribuer de manière significative au règlement de cette douloureuse affaire.
Le résultat qui a été obtenu répond à l'exigence d'équité qui est la nôtre depuis un an. Les familles de toute nationalité vont pouvoir bénéficier d'une indemnisation additionnelle d'un million de dollars chacune. Conformément à leurs engagements d'octobre 2002, les autorités libyennes appliqueront par ailleurs les décisions de la justice française, concernant les personnes non-indemnisées en 1999.
L'ensemble de notre relation entre la France et la Libye va donc bénéficier d'une nouvelle dynamique. C'est une nouvelle étape qui s'ouvre.
Nous mènerons en particulier, nous en avons discuté avec M. Chalgham, un dialogue politique approfondi en faveur de la paix et, notamment en faveur du développement du continent africain.
La France et la Libye auront à coeur de contribuer au règlement des crises, dans la transparence et l'ouverture. Elles pourront étudier leur participation commune à des projets de coopération.
Nous continuerons à promouvoir également le dialogue 5+5 qui regroupe l'Europe du Sud et le Maghreb, à un moment où la Libye va exercer la présidence de l'Union du Maghreb arabe.
Nos relations bilatérales vont pouvoir connaître des développements nouveaux : je pense à notre coopération technique pour la formation des responsables, l'enseignement du français, l'environnement, ou encore le patrimoine. Je pense aux entreprises françaises qui pourront participer pleinement au mouvement d'ouverture économique mené par le Premier ministre libyen, M. Ghanem.
Nous sommes favorables à une normalisation progressive des relations entre l'Union européenne et la Libye. Elle nécessitera le règlement de l'affaire relative à l'attentat survenu en 1986 dans la discothèque "La Belle" à Berlin. Nous estimons par ailleurs que la Libye - et je l'ai réaffirmé à M. Chalgham - a une vocation naturelle à adhérer au Processus de Barcelone.
Dans le domaine multilatéral, nous voulons avancer. A cet égard je salue de nouveau la décision annoncée le 19 décembre dernier par Tripoli, de renoncer à tout programme d'acquisition d'armes de destruction massive. Nous sommes maintenant prêts à aider la Libye à entamer ou à poursuivre les procédures nécessaires dans les enceintes appropriées, notamment en ce qui concerne le domaine nucléaire.
Dans le domaine des Droits de l'Homme, nous resterons également vigilants.
Enfin, dans celui de la lutte collective contre le terrorisme international, la France et la Libye souhaitent s'engager ensemble de manière encore plus déterminée.
Ces relations rénovées devront être fondées sur la clarté et sur la confiance. Nos deux pays ont vocation à travailler ensemble, dans la double perspective de la réintégration de la Libye au sein de la communauté internationale et de son rapprochement avec l'Europe.
Voilà maintenant de nombreuses années que ce processus est engagé. Nous sommes heureux de franchir une nouvelle étape. Vous connaissez les liens de l'histoire, de la géographie, de la culture qui unissent nos deux peuples, nos deux pays, et nous sommes heureux de pouvoir aborder maintenant cette nouvelle étape. Je laisse donc la parole à M. Chalgham, mon collègue libyen.
Q - Etes-vous satisfaits des engagements pris par la Libye en matière de terrorisme ?
R - Vous avez entendu la déclaration de M. Chalgham comme vous avez entendu au cours des derniers mois les engagements qui ont été pris par la Libye. Ces engagements remontent au 11 septembre 2001, puisque la Libye juste après les attentats était amenée à prendre une position très forte sur cette question du terrorisme. C'est bien sûr notre souhait que d'accomplir, d'engager, d'accompagner cette coopération et je crois que tout ce qui a été fait au cours des derniers mois, en particulier avec nos partenaires britanniques et américains, a fait l'objet d'un travail très soigneux conduisant à ces engagements pris en commun avec la Libye sur la prolifération.
Notre souhait, c'est bien évidemment, que toute la communauté internationale puisse accompagner ces engagements et faire en sorte qu'on entre dans une étape nouvelle. Donc, je pense que des progrès très forts ont été accomplis ainsi au cours des derniers mois.
Dans le cadre du règlement de l'affaire Lockerbie comme de l'affaire UTA, vous le savez, tout ceci a été situé dans un contexte international qui a conduit à des résolutions des Nations unies, a une décision globale de la communauté internationale, parallèlement, vous le savez du côté français, une négociation a été conduite entre les familles des victimes qui sont représentées ici ainsi que la Fondation Qaddhafi. Et le règlement supplémentaire de cette indemnisation qui a été décidé l'a été directement dans un cadre privé entre la Fondation Kadhafi et les familles françaises. Il s'agit donc bien d'une déclaration, d'un accord signé entre les familles des victimes et la Fondation. Pour le reste, nous nous situons dans le cadre des relations bilatérales entre la France et la Libye, donc au-delà de cet accord conclu entre la Fondation et les familles des victimes qui ont convenu, ensemble avec la Libye, des termes d'un accord concernant la triste affaire de l'attentat UTA.
Q - La justice française avait condamné les six ressortissants libyens par contumace. Est-ce que la Libye vous a demandé quelque chose précis concernant ce jugement, spécialement M. Sanoussi, qui est le beau-frère du colonel Qaddhafi ?
R - En ce qui concerne le point que vous avez évoqué, les six ressortissants libyens condamnés par contumace, comme vous le savez, la procédure judiciaire engagée en France a conduit à la condamnation en mars 1999, par la Cour d'Assises de Paris, de six responsables libyens, dans l'attentat commis contre le vol UTA. Ces individus font l'objet, depuis lors, de mandats internationaux qui demeurent valables en ce qui concerne la France.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 janvier 2004)