Texte intégral
Madame la Présidente,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
L'Union européenne a vocation à être un acteur à part entière, influent et respecté, de la vie politique internationale. Nos valeurs démocratiques, notre volonté commune de contribuer à la paix et à la sécurité dans le monde nous y guident. Le poids économique de la Communauté, son rôle primordial en faveur du développement et les liens privilégiés noués avec de très nombreux pays ou groupes de pays tiers nous le permettent. Enfin, l'instabilité d'un monde en rapide évolution, aux portes mêmes de l'Union, nous y incite vivement.
C'est pourquoi la Présidence française du Conseil de l'Union européenne entend contribuer, dans la continuité de l'effort engagé depuis plusieurs années, à promouvoir la présence de l'Union dans le monde.
Je me propose de vous exposer les quatre grands objectifs que nous nous sommes fixés :
- d'abord, bien entendu, le processus d'élargissement de l'Union, qui est le grand chantier de l'Union pour les prochaines années ;
- ensuite, le développement d'une politique européenne de sécurité et de défense, qui doit contribuer à faire de l'Union un acteur majeur de la vie internationale ;
- le développement de partenariats stratégiques avec nos voisins et avec les grands ensembles régionaux, qui doit permettre à l'Union de contribuer à l'émergence d'un monde multipolaire, qui est, à long terme, essentielle pour la stabilité des relations internationales ;
- enfin, l'amélioration de l'efficacité des instruments de l'Union européenne, sur la base d'un débat que les ministres des Affaires étrangères viennent d'avoir lors de la réunion du "Gymnich" qui s'est tenu à Evian les 2 et 3 septembre dernier.
I. Le premier objectif de la Présidence française, c'est de donner une nouvelle impulsion aux négociations d'adhésion
La perspective de l'élargissement de l'Union est la question essentielle qui nous est posée pour les prochaines années. D'où l'insistance de la Présidence française quant à la nécessité de réussir la CIG et de conclure un bon Traité à Nice afin de ne pas retarder l'élargissement et de pouvoir accueillir les premiers pays candidats dans une Union dotée d'institutions plus efficaces.
Nous irons donc aussi loin que possible dans les négociations d'adhésion : avec les "Six de Luxembourg", bien sûr, pays avec lesquels nous comptons avancer dans les négociations sur les chapitres les plus difficiles de l'acquis ; avec les "Six d'Helsinki", aussi, pays avec lesquels nous entendons maintenir le rythme des négociations et ouvrir, en tenant compte du degré de préparation de chacun, toute une série de nouveaux chapitres, allant de 4 à 9 selon les pays. Au total, notre objectif, établi en étroite concertation avec la Commission, est de parvenir, à Nice, à une vision d'ensemble de l'état des négociations, afin d'orienter efficacement les travaux des Présidences suivantes et de baliser le chemin qui conduit vers la conclusion de ces négociations. Les différents rapports en cours d'examen dans nos commissions, et le débat sur l'élargissement prévu en octobre, nourriront davantage encore notre analyse.
Les principales échéances de notre Présidence seront les suivantes :
- avec chacun des 12 candidats, une session ministérielle de négociation aura lieu soit le 21 novembre, soit le 5 décembre, précédée elle-même, à l'automne, de deux réunions au niveau des ambassadeurs ;
- en ce qui concerne les Quinze, nous organiserons, lors du Conseil Affaires générales du 20 novembre, un débat d'orientation politique, sur la base du "rapport d'ensemble" et des rapports de progrès pour chacun des pays candidats que la Commission doit remettre au Conseil au début du mois de novembre. Il s'agira d'identifier, en vue du Conseil européen de Nice, les principales difficultés à résoudre, chapitre par chapitre, pays par pays, et de réfléchir, sur cette base, à la poursuite du processus d'adhésion ;
- je rappelle enfin que nous réunirons à deux reprises la Conférence européenne : le 23 novembre, à Sochaux, au niveau des ministres des Affaires européennes des Quinze et des ministres des pays candidats, [réunion à laquelle je vous ai également conviée, Madame la Présidente] ; et le 7 décembre, à Nice, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.
Nous souhaitons donc donner une impulsion forte au processus d'élargissement. L'Union a en effet indiqué, à Helsinki, qu'elle serait prête à accueillir les premiers nouveaux membres le 1er janvier 2003, dès l'achèvement des procédures de ratification du futur Traité de Nice. Mais, comme l'ont souligné les chefs d'Etat et de gouvernement lors du Sommet de Feira, les pays concernés doivent non seulement reprendre l'acquis communautaire mais "surtout être capables de le mettre en oeuvre et de l'appliquer réellement".
C'est là naturellement une tâche très lourde et difficile pour les candidats, à laquelle la Communauté prend déjà sa part en soutenant les efforts de chacun. Ces efforts sont fondamentaux pour conduire de façon sérieuse et maîtrisée le processus d'élargissement qui a été engagé, et permettre ainsi l'adhésion, aussi vite que possible, des pays les plus avancés.
En ce qui concerne la Turquie, la reconnaissance à Helsinki de sa candidature a marqué une étape importante. La Présidence engagera les travaux au sein du Conseil en vue de l'adoption du partenariat pour l'adhésion et poursuivra l'exercice d'examen analytique de l'acquis. Elle veillera également au respect des engagements pris par l'Union en matière d'assistance financière, en vue d'instaurer un cadre unique regroupant tous les instruments d'aide à ce pays ; elle s'attachera, en particulier, à permettre l'adoption du règlement relatif au développement économique et social de ce pays.
Mais il est évident que les négociations d'adhésion ne seront même pas envisageables aussi longtemps que la Turquie ne respectera pas les critères, notamment démocratiques, de Copenhague, alors que tout progrès en ce sens facilitera naturellement l'adoption des mesures que je viens de rappeler. Nous attendons avec intérêt l'adoption par votre assemblée des rapports de M. Morillon sur ces importantes questions.
II. Le deuxième objectif de la Présidence française est de poursuivre le développement de la politique européenne de sécurité et de défense commune, en mettant en oeuvre les décisions prises à Helsinki et à Feira.
L'Union dispose des instruments nécessaires à la conduite d'une politique étrangère commune. Il en manquait cependant un, fondamental, pour assurer la crédibilité de son engagement : la capacité de mobiliser des moyens militaires suffisants pour lui permettre de décider et d'agir de façon autonome dans le cadre des missions dites de Petersberg.
Notre objectif, comme nous l'ont enseignées les crises en Bosnie ou au Kosovo, est bien d'apporter une réponse globale à des crises dont les dimensions sont aujourd'hui nombreuses et extrêmement complexes : ethniques, certes, mais aussi sociologiques, administratives, judiciaires, sécuritaires et, enfin, militaires. C'est cela la spécificité de la réponse européenne, par rapport à d'autres instruments existants.
C'est dire que la Présidence française souhaite prendre sa part d'une construction extrêmement ambitieuse, qui prendra nécessairement plusieurs années. Elle entend, pour cela, maintenir le rythme des travaux afin de permettre aux engagements pris à Feira d'être réalisés d'ici au Conseil européen de Nice. L'agenda est particulièrement chargé :
- en ce qui concerne les capacités, la Conférence d'engagement que nous organiserons le 20 novembre prochain sera l'occasion pour les Etats membres de préciser leurs contributions nationales à la réalisation de l'objectif global défini à Helsinki ;
- en ce qui concerne les institutions politico-militaires permanentes, il revient à notre Présidence de préparer le passage, dès que possible, à la phase définitive et opérationnelle, permettant à l'Union de gérer une crise dans toutes ses dimensions.
- nous devons enfin mettre en oeuvre les décisions de Feira s'agissant des relations avec l'OTAN et avec les pays tiers pour la gestion militaire des crises, et poursuivre les travaux engagés sur le renforcement des instruments civils de gestion des crises.
III. La troisième priorité de la Présidence française sera de développer les partenariats stratégiques de l'Union avec ses voisins et les grands ensembles régionaux.
La priorité est de resserrer les relations avec le voisinage de l'Union, et tout particulièrement avec les Balkans, dont la situation demeure préoccupante. Afin de marquer l'importance que l'Union accorde au développement de relations avec une région des Balkans pacifique et démocratique, la France a proposé à ses partenaires la tenue, le 24 novembre prochain, en Croatie, d'un sommet avec les pays de l'ex-Yougoslavie qui, à des stades divers, sont les plus avancés dans leur évolution démocratique. Il s'agira d'accompagner les évolutions positives enregistrées récemment dans plusieurs de ces pays et de rappeler à la République fédérale de Yougoslavie que la porte lui sera également ouverte lorsqu'elle se joindra au mouvement.
Le développement du partenariat stratégique avec la Russie et l'Ukraine est une autre priorité de la Présidence française, qui accueillera à Paris, dans dix jours, le Sommet UE/Ukraine et, le 30 octobre, le Sommet UE/Russie. Le cadre de l'action de la Présidence française de l'Union vis-à-vis de la Russie est fixé par les conclusions adoptées par le Conseil européen à Feira, qui a offert de soutenir les efforts déployés par le président Poutine et par le nouveau gouvernement russe pour moderniser et réformer leur pays. Dans le même temps, la Présidence continuera bien entendu d'apporter la plus grande attention à la question de la Tchétchénie, le Conseil ayant encore rappelé en juillet que seule une solution politique permettra un règlement durable de ce conflit.
Enfin, en dépit des incertitudes qui pèsent sur l'évolution du processus de paix au Proche-Orient - nous venons d'en débattre - le développement de la relation euro-méditerranéenne est au centre des préoccupations de la Présidence française. Notre objectif est de procéder à Marseille, lors de la réunion ministérielle du 16 novembre - et, si les circonstances le permettent, lors du sommet qui pourrait être organisé le 17 - à un bilan général du processus de Barcelone et à une évaluation de la coopération menée dans le cadre du programme MEDA, afin de définir des orientations pour donner une nouvelle impulsion à la coopération euro-méditerranéenne.
La Présidence compte par ailleurs mener à bien les travaux concernant la charte de paix et de stabilité lors de cette réunion. S'agissant du processus de paix, l'Union doit assumer un rôle majeur pour apporter son soutien aux parties et aux accords qu'elles concluront. La Présidence s'attache enfin à mettre en oeuvre la stratégie commune sur la Méditerranée adoptée à Feira et à faire adopter le nouveau règlement MEDA. En ce qui concerne les accords d'association, elle espère parvenir à la signature de l'accord avec l'Egypte et à des progrès dans les négociations avec le Liban, la Syrie et l'Algérie.
Au-delà de son environnement immédiat, la Présidence française veillera à développer le dialogue politique avec les grands ensembles régionaux :
- en Asie, la priorité est accordée à la relance du dialogue politique euro-asiatique et au renforcement de la coopération économique et financière dans le cadre de l'ASEM (sommet de Séoul, 20 et 21 octobre) et à celle du dialogue UE-ASEAN. Deux sommets importants avec des pays clés de la région marqueront aussi la présidence française : celui du 19 juillet avec le Japon a été l'occasion de lancer le processus de révision de la déclaration de 1991 et de préparer un plan d'action qui pourrait être adopté lors du sommet de 2001 ; l'autre, avec la Chine, se tiendra à Pékin, le 23 octobre ;
- avec l'Afrique, la Présidence organisera la première réunion de suivi du sommet du Caire. Elle travaillera également au développement du dialogue avec les organisations sous-régionales, conformément aux dispositions de la Convention de Cotonou. Elle organisera la quatrième réunion ministérielle UE-SADC à Gaborone, les 29 et 30 novembre, ainsi qu'une réunion ministérielle UE-CEDEAO, à Abuja, le 16 octobre prochain ;
- s'agissant du dialogue transatlantique, trois thèmes de politique étrangère seront privilégiés : les Balkans, la Russie et le processus de paix au Proche-Orient. Ce cadre sera également mis à profit, à l'occasion des sommets des 18 et 19 décembre prochain, avec respectivement les Etats-Unis et le Canada, pour informer nos grands partenaires des développements récents de la politique européenne de sécurité et de défense ;
- le dialogue avec l'Amérique latine sera poursuivi dans le cadre des réunions régulières avec les groupes régionaux qui se tiendront la semaine prochaine, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. La France a proposé également à ses partenaires de réfléchir à l'avenir des relations avec Cuba ;
- la Présidence française veillera enfin à ce que l'Europe puisse jouer tout son rôle, de façon cohérente et solidaire, pour qu'un nouveau cycle de négociations, global et équilibré, puisse démarrer dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce.
IV. A plus long terme, la Présidence a engagé, à l'occasion du Gymnich qui s'est tenu à Evian, une réflexion sur l'amélioration de l'efficacité des instruments de l'Union.
L'Union dispose de nombreux instruments lui permettant de peser sur l'évolution des relations internationales. Ainsi, sa présence diplomatique dans le monde - celle des Quinze et de la Commission - est sans égale, que ce soit en termes d'effectifs ou de couverture géographique. De même, l'Union constitue un groupe actif et cohérent aux Nations unies, où ses points de vue sont représentés dans chaque forum. Enfin, ses moyens financiers sont considérables.
Chacun connaît cependant les faiblesses de l'action extérieure de l'Union : manque de visibilité, coordination parfois insuffisante, manque de flexibilité, influence trop limitée dans les organisations internationales, notamment celles de Bretton Woods. Un effort a d'ores et déjà été entrepris pour combler ces insuffisances, avec notamment l'adoption des premières stratégies communes, mais il demeure que l'impact et la crédibilité de l'action européenne restent insuffisants par rapport aux moyens mis en oeuvre.
Une réflexion a donc été engagée par les ministres des Affaires étrangères des Quinze, à l'instigation de M. Hubert Védrine, lors du dernier Gymnich d'Evian, sur la base des travaux présentés par M. Patten, au nom de la Commission et par le Secrétaire général du Conseil, Haut représentant pour la PESC. Plusieurs pistes de travail ont été retenues :
- il faut d'abord renforcer la coordination entre les différents acteurs de l'Union européenne : sur place, dans les pays tiers, par une plus grande déconcentration dans la gestion des programmes communautaires et par une meilleure coordination de l'action de la Communauté avec celle de ses Etats membres ; au niveau central, par la réaffirmation du rôle de coordination du Conseil "Affaires générales", afin d'accroître la cohérence de l'action extérieure dans tous ses aspects (dialogue politique, coopération financière, concessions commerciales...) ;
- il faut ensuite mieux tirer parti de l'effort global de l'Union et en accroître l'efficacité. Cela suppose d'abord d'établir la mesure de cet effort global vis-à-vis de l'extérieur, et, à cette fin, de disposer d'outils de synthèse intégrant toutes les dimensions de l'aide extérieure ;
- il est également nécessaire d'améliorer la gestion de l'aide communautaire, en améliorant la programmation et l'exécution des instruments communautaires, compte tenu du constat fait par la Commission et les Etats membres de l'écart inacceptable entre les engagements et les décaissements des crédits communautaires, et des critiques croissantes et légitimes avancées par les Etats tiers contre la lenteur et la lourdeur des procédures ;
- enfin, les partenaires sont convenus de l'opportunité d'assurer un meilleur suivi de la mise en oeuvre de l'aide communautaire et de son efficacité, notamment dans le cadre du Conseil "Affaires générales" qui doit jouer un rôle encore plus important dans le pilotage de l'action extérieure de l'Union. Je signale, à cet égard, que les ministres y reviendront dès la session du Conseil du 18 septembre, afin de définir, avec la Commission et le Secrétaire général/Haut Représentant, le cadre et les modalités de ce suivi.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
J'ai l'honneur de vous présenter, aujourd'hui, au nom de la Présidence du Conseil, le projet de budget des Communautés européennes tel qu'il a été établi par le Conseil le 20 juillet dernier. Ce Conseil a été présidé, comme vous le savez, par ma collègue Florence Parly mais celle-ci ne peut malheureusement pas être présente aujourd'hui et je vous prie de l'excuser.
Avant toute chose, je souhaite rendre hommage à l'excellent travail accompli par la Présidence portugaise, en amont de l'adoption en première lecture par le Conseil du projet de budget 2001.
Je voudrais par ailleurs souligner l'excellent climat dans lequel a débuté cette procédure budgétaire. En effet, cette année, les dispositions du nouvel accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 ont joué pleinement. La procédure de trilogue réunissant le Parlement européen, le Conseil et la Commission, dont une première session a eu lieu le 6 juillet dernier, ici même à Strasbourg, a montré son utilité, avec une meilleure compréhension mutuelle de nos priorités respectives.
La réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil, qui s'est tenue le 20 juillet dernier a été, je le pense, très positive. Elle a notamment permis de trouver de très nombreux points d'accord entre institutions et de progresser largement sur les sources éventuelles de désaccord. Je souhaite que la suite des travaux budgétaires se poursuive dans le même esprit, de façon à aboutir à un budget des Communautés européennes pour l'exercice 2001 qui nous donne les moyens de répondre aux priorités et défis qui attendent l'Union européenne prochainement.
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Je voudrais d'abord vous indiquer quelles ont été les grandes lignes directrices qui ont guidé la démarche du Conseil en établissant ce projet de budget, avant de revenir plus en détail sur ses différentes rubriques.
En premier lieu, le Conseil a veillé à ce que les différentes actions de l'Union européenne, notamment celles relevant du domaine des relations extérieures, après identification de priorités claires et des besoins réels, soient financées de manière appropriée. A cet effet, il a tenu compte, en ce qui concerne les crédits d'engagement, de l'évaluation des possibilités d'exécution des crédits.
Le Conseil a également porté une attention particulière à l'évolution des crédits de paiement, en fixant leur augmentation par rapport à 2000 à un taux maximal de 3,5%, qui tient compte notamment de la capacité d'exécution et du rythme probable des paiements entraînés par les restes à liquider. Cette évolution, qui est bien supérieure à celles que s'autorisent les Etats membres au titre de leurs budgets nationaux, ainsi qu'au taux d'inflation prévu pour 2001, marque la volonté du Conseil d'assurer un financement satisfaisant pour l'ensemble des politiques de l'Union européenne.
Enfin, ce projet de budget s'inscrit résolument dans le cadre de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire. Le Conseil a, en particulier, considéré qu'il était absolument essentiel de respecter chacun des plafonds annuels de dépenses fixés par les perspectives financières, telles qu'elles ont été souscrites, il y a un an, par nos trois Institutions : Parlement européen, Conseil et Commission.
C'est sur ces bases que le projet de budget pour l'exercice 2001, établi par le Conseil le 20 juillet dernier, prévoit :
- un montant de crédits d'engagement de 95,9 milliards d'euros, représentant une augmentation de 2,7% par rapport au budget 2000 ;
- un montant de crédits de paiement de 92,5 milliards d'euros, représentant une augmentation de 3,5% par rapport au budget 2000.
Une importance toute particulière a été accordée à la montée en puissance des crédits d'assistance aux Balkans occidentaux, priorité maintes fois affirmée de l'Union européenne. Le Conseil a souhaité traduire cette priorité dans les chiffres avec une enveloppe en augmentation de 30% par rapport à celle de 2000. Les 614 millions d'euros retenus par le Conseil permettront de financer l'ensemble des besoins prévisibles.
Ce montant significatif a pu être dégagé sans avoir recours à une révision des perspectives financières ayant pour objet un renforcement de la rubrique 4, telle que l'avait proposée la Commission.
Le Conseil s'est également assuré du financement de l'ensemble des autres priorités politiques de l'Union européenne.
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Sans me lancer dans une description exhaustive du projet de budget du Conseil, qui fait l'objet d'un exposé des motifs détaillé qui vous a été remis, je voudrais maintenant vous présenter de façon plus précise, c'est-à-dire par catégorie de dépenses, ce que le Conseil a retenu dans son projet de budget pour l'exercice 2001.
En ce qui concerne la rubrique 1 des perspectives financières relative aux dépenses agricoles, le projet de budget prévoit une augmentation des crédits d'engagement de 6,3% par rapport à 2000, afin de financer la réforme de la PAC décidée par le Conseil européen à Berlin en mars 1999.
Néanmoins, pour la sous-rubrique 1a) des perspectives financières, qui couvre les dépenses de marché de la Politique agricole commune, le Conseil a retenu des montants globalement inférieurs de 330 millions d'euros à ceux proposés par la Commission dans son avant-projet.
On observe, en effet, chaque année une sous-exécution de ces crédits. Dès lors, le Conseil a considéré qu'il pouvait procéder à une diminution ciblée de certaines lignes budgétaires traditionnellement sous-exécutées. Ce faisant, il témoigne aussi d'une volonté de faire des efforts particuliers pour réaliser des économies importantes sur des dépenses obligatoires, et pas seulement sur des dépenses non obligatoires.
Les économies réalisées par rapport à l'avant-projet de budget de la Commission n'empêchent pas le Conseil, par ailleurs, de prévoir une augmentation, qui répond aux préoccupations de votre Parlement, de deux lignes budgétaires concernant la distribution de lait aux écoliers et la promotion de la qualité des produits.
Pour les dépenses liées au développement rural, le Conseil a considéré, compte tenu des retards accumulés dans l'approbation et la mise en oeuvre des plans nationaux de développement rural, qu'une marge de 225 millions d'euros, sous le plafond de la sous-rubrique 1b) des perspectives financières, pouvait être dégagée. L'évolution de ces crédits affiche cependant une augmentation de 4,6% par rapport à 2000. Cette progression traduit la priorité attachée par le Conseil aux crédits affectés à ce qui constitue désormais le 2ème pilier de la Politique agricole commune.
Ainsi, le projet de budget établi par le Conseil fait apparaître des marges disponibles sous les plafonds des sous-rubriques 1a et 1b des perspectives financières. Je tiens toutefois à préciser que le Conseil est, bien entendu, prêt à reprendre l'examen des dépenses agricoles cet automne, en fonction du contenu de la lettre rectificative que doit présenter la Commission, et à reconsidérer alors l'évolution des dépenses de marché et de développement rural.
En ce qui concerne les actions structurelles, qui font l'objet de la rubrique 2 des perspectives financières, le Conseil a budgétisé la totalité de cette rubrique en crédits d'engagement, conformément aux conclusions du Conseil européen de Berlin de mars 1999. Il a, par ailleurs, reconduit globalement les crédits de paiement inscrits en 2000, mais il a souhaité augmenter les dotations du Fonds de cohésion de 360 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait l'avant-projet de la Commission, pour tenir compte des prévisions d'exécution de ses crédits dans les Etats membres.
Sur la rubrique 3 des perspectives financières, relative au financement des politiques internes, le Conseil s'est avant tout attaché à assurer le financement approprié des programmes pluriannuels, en respectant le cas échéant la programmation décidée en commun avec le Parlement .
C'est pourquoi il a accepté les montants demandés par la Commission, dans son avant-projet de budget, pour le programme-cadre de recherche et développement ainsi que pour les réseaux transeuropéens. Il en a fait de même en ce qui concerne les crédits demandés pour l'amélioration de l'environnement financier des PME et le démarrage du programme Life III. A propos de Life III, le Conseil considère que le montant retenu assure le démarrage du programme dans de bonnes conditions.
En ce qui concerne le prolongement de l'Initiative Emploi, décidée par votre Parlement pour renforcer la dynamique sur l'emploi amorcée par le Conseil européen d'Amsterdam, la réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil qui s'est tenue le 20 juillet a montré que ce sujet constituait une priorité de nos deux institutions pour le budget de l'exercice 2001, notamment dans le prolongement des conclusions du Conseil européen de Feira. Néanmoins, le Conseil attend l'évaluation de la précédente initiative, qui devrait être prochainement transmise par la Commission, en vue de rechercher un accord avec votre Parlement sur son financement, dans le cadre d'un accord global au cours de la deuxième lecture.
Par ailleurs, il a dégagé une marge de précaution de 208 millions d'euros, supérieure à celle figurant dans l'avant-projet de budget de la Commission, l'objectif étant de disposer des marges de manoeuvre suffisantes, au-delà d'une marge nécessaire sous le plafond de la rubrique 3, pour faire face à de nouvelles priorités partagées par le Conseil et le Parlement, telle que l'Initiative Emploi.
J'en viens maintenant au financement des actions extérieures de l'Union européenne qui font l'objet de la rubrique 4 des perspectives financières. Je pense que je n'ai pas à rappeler le caractère hautement prioritaire que le Conseil attache à l'assistance aux Balkans occidentaux pour laquelle je vous ai déjà indiqué précédemment que le projet de budget prévoyait une augmentation de 30% par rapport à 2000.
Les 614 Meuros retenus par le Conseil permettront de financer l'ensemble des besoins prévisibles : le Conseil se fonde sur les seuls travaux d'évaluation des besoins existants à ce jour, qui sont rassemblés dans le rapport de 1999 de la Banque mondiale sur la reconstruction du Kosovo. Par souci de pragmatisme, le Conseil a reconduit, sans les augmenter, les crédits destinés à la Serbie, dans la mesure où celle-ci n'est pas encore éligible à l'assistance communautaire, en dehors d'une aide à la démocratie et à la société civile incluse dans cette enveloppe. D'une façon générale, le Conseil souhaite en effet la mise en place d'une intervention efficace et crédible dans la région, fondée sur une analyse des besoins, l'adaptation des niveaux et des modalités d'aide à la nature de ces besoins, et la répartition des efforts entre l'ensemble des donateurs bilatéraux et multilatéraux.
En ce qui concerne les autres chapitres budgétaires, le Conseil, tout en maintenant des dotations budgétaires significatives, n'a pas retenu la totalité des crédits demandés par la Commission, dans son avant-projet de budget, pour un nombre limité de lignes budgétaires : je pense notamment au programme Tacis, au financement de la Kedo, aux accords internationaux de pêche, au dispositif d'action rapide et au programme Meda. En revanche, il s'est conformé à l'avant-projet de la Commission pour la grande majorité des autres programmes de coopération.
Je tiens à souligner qu'en ce qui concerne le programme Meda, le projet de budget prévoit un montant de 701 millions d'euros, qui est supérieur à la moyenne annuelle des dotations budgétaires sur la période 1995-1999. La réduction de 150 millions d'euros opérée par le Conseil par rapport aux demandes de la Commission tient compte du stock d'engagements restant à liquider sur ce programme, qui représente plusieurs années d'exécution. Je saisis cette occasion pour rappeler la volonté du Conseil de contribuer à l'amélioration de la gestion du programme, préalable indispensable à l'accentuation de nos efforts. Mais malgré cette réduction motivée par la nécessité de résorber le "reste à liquider", le programme Meda demeure naturellement une priorité du Conseil. La Présidence française a pour objectif d'aboutir prochainement à l'adoption du nouveau règlement pluriannuel pour Meda, et sera particulièrement à l'écoute du Parlement européen sur ce sujet.
Je voudrais aussi réaffirmer l'attachement du Conseil au processus d'adhésion pour Chypre et Malte, qui l'a conduit à suivre la Commission en regroupant les crédits demandés dans un titre "Stratégie pré-adhésion". Il n'a toutefois pas donné suite à la proposition de la Commission de révision des perspectives financières transférant ces crédits dans la rubrique 7 (aides pré-adhésion), et les a maintenus en rubrique 4 (actions extérieures).
Enfin, je tiens à faire part, ici, de ma satisfaction qu'un accord ait pu intervenir lors de la réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil du 20 juillet dernier sur le montant des crédits à inscrire pour la Politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que sur le transfert des dépenses administratives des représentants spéciaux de la PESC dans le budget du Conseil, conformément à ce que prévoit l'accord interinstitutionnel de 1999.
Cet accord a donné lieu à la rédaction de deux déclarations communes, dont l'une précise que les montants inscrits au budget du Conseil au titre des dépenses administratives de la PESC devaient être établis compte tenu de leur incidence sur la situation générale de la rubrique 5, et l'autre engage le Conseil à veiller à ce que l'estimation des coûts administratifs envisagés par chaque nouvelle décision dans le domaine de la PESC soit transmise en temps utile à l'autre branche de l'Autorité budgétaire.
Comme vous pouvez le constater, le Conseil s'est donc efforcé de doter de façon appropriée les différentes priorités dans le domaine des actions extérieures de l'Union européenne. Ce faisant, il a dégagé une marge de 184 millions d'euros sous le plafond de la rubrique 4 des perspectives financières afin de donner à l'Union, le cas échéant, des marges de manoeuvre pour faire face à de nouvelles priorités, au-delà d'une marge de précaution minimale qu'il faudra conserver.
En établissant son projet de budget pour les dépenses administratives, couvertes par la rubrique 5 des perpectives financières, le Conseil a eu pour souci de stabiliser les dépenses courantes, tout en prenant en compte les besoins exceptionnels des institutions, notamment en matière d'effectifs pour l'Office de lutte anti-fraude et la Cour de Justice.
S'agissant du budget de la Commission, le Conseil n'avait pas statué en juillet, dans l'attente de la lettre rectificative de la Commission, qui vient d'être présentée. Le Conseil va dorénavant examiner cette proposition et tirera les enseignements des travaux de réorganisation entrepris.
Le Conseil est disposé à faire le nécessaire pour examiner cette lettre rectificative de façon à ce que son incidence puisse être prise en compte dès la première lecture du Parlement européen. A cette fin, le projet de budget laisse une marge de 113 millions d'euros sous le plafond de la rubrique 5 des perspectives financières, qui pourra être en partie mobilisée pour faire face à d'éventuels besoins nouveaux en matière de dépenses administratives.
Je terminerai ce tour d'horizon des différentes catégories de dépenses par les dépenses concernant les aides pré-adhésion. Le Conseil a retenu pour celles-ci, en crédits d'engagement, le montant demandé par la Commission.
Pour les crédits de paiement, le Conseil a ajusté par une baisse à hauteur de 300 millions d'euros le montant demandé par la Commission dans son avant-projet de budget. Conformément à la logique qui a prévalu dans d'autres rubriques, le Conseil a tenu le plus grand compte de la forte sous-exécution de ces crédits en 2000. Malgré cette réduction par rapport à l'avant-projet de la Commission, les crédits de paiement de préadhésion enregistrent une forte augmentation de 10,8% par rapport à 2000, ce qui traduit la priorité accordée à ces dépenses absolument fondamentales pour bien préparer cet objectif politique majeur qu'est l'élargissement, priorité partagée par le Conseil, le Parlement européen et la Commission.
Avant de conclure, je voudrais saisir maintenant l'occasion de me féliciter de l'accord intervenu lors de la réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil du 20 juillet dernier sur une déclaration relative à la programmation financière.
Aux termes de cette déclaration commune, il sera désormais fait obligation à la Commission de mieux évaluer les conséquences financières de chacune de ses nouvelles propositions, notamment pour les rubriques 3 et 4 des perspectives financières. Je suis certain qu'il s'agit d'un élément fondamental pour mieux éclairer les décisions de l'Autorité budgétaire. Il va en tout cas, sans conteste, dans le sens d'une meilleure prévision budgétaire et devrait être d'une grande utilité au cours des procédures budgétaires à venir.
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A l'issue de ce bref tour d'horizon, je pense que le projet de budget qui vous est transmis offre un compromis équilibré, qui permet le financement des priorités de l'Union, dans le respect des perspectives financières de Berlin.
L'accord interinstitutionnel du 6 juin 1999 a instauré au cours de la procédure budgétaire des concertations entre institutions dont nous devrions tirer tous les bénéfices dès cette année.
A cet égard, je me félicite des progrès qui ont déjà pu être réalisés, avant même l'adoption du projet de budget en première lecture par le Conseil, pour rapprocher les points de vue entre institutions.
Il me semble que le projet que je viens de vous présenter tire de nombreuses leçons de ces concertations. Je forme en tout cas le voeu qu'il vous permette d'entamer vos travaux budgétaires sur de bonnes bases et qu'il contribue à l'établissement d'un budget pour 2001 respectant les priorités de chacune des nos institutions.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)
Madame la Présidente,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je tiens d'abord à vous remercier, Madame la Présidente de vos aimables paroles de bienvenue et de cette occasion qui m'est donnée de m'exprimer devant vous au nom de la Présidence du Conseil.
Vous avez choisi très légitimement, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés, d'évoquer la situation au Proche-Orient. Ce choix est d'autant plus opportun que cette région, qui a été le théâtre ces derniers mois d'événements particulièrement marquants, aborde un tournant historique. Nous nous trouvons en effet à la veille d'échéances décisives pour les peuples de la région, avec, pour la première fois, la possibilité véritable de voir se clore un demi-siècle de conflit israélo-palestinien, mais avec le risque aussi, si cet espoir venait à être déçu, de voir la violence réapparaître à nouveau.
Que les présidents de la Knesset, M. Avraham Burg, et du Conseil Législatif Palestinien, M. Ahmed Qureï, aient accepté de venir - ensemble - s'exprimer aujourd'hui devant le Parlement européen - à votre invitation, Madame la Présidente - illustre la volonté de paix et de dialogue qui anime les deux parties. Je vois également dans cette démarche sans précédent une marque de reconnaissance pour les efforts que n'a cessé de déployer l'Union européenne pour favoriser l'émergence de la paix. Une reconnaissance qui s'accompagne également d'une attente forte vis-à-vis de l'Europe. Une attente qui ne devra pas être déçue. Ce geste exceptionnel, dans lequel je veux voir un signe de confiance et d'espoir, mérite d'être salué.
Je vais maintenant m'efforcer de vous faire part de l'analyse que nous faisons des derniers développements dans la région, de la situation et des perspectives du processus de paix.
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Nous avons assisté ces derniers mois, au Proche-Orient, à des événements de première importance, qu'il s'agisse du sommet de Camp David ou du retrait israélien du Sud-Liban. La disparition du président syrien Hafez El Assad, qui a fait de son pays un acteur important sur la scène régionale, est survenue au même moment.
Cette évolution accélérée des événements concerne en premier lieu les négociations israélo-palestiniennes. L'accession au pouvoir en Israël d'Ehud Barak, élu sur un programme de paix, ainsi que la détermination sans faille de Yasser Arafat à poursuivre le dialogue, ont permis de relancer les négociations, contribuant ainsi à sortir le processus de l'impasse dans laquelle il se trouvait depuis plusieurs années. L'accord de Charm El-Cheikh, signé le 4 septembre 1999, a inauguré une nouvelle phase du processus de paix, rompant avec une longue période d'immobilisme, voire de recul. Il a défini les modalités de mise en oeuvre des clauses de l'accord de Wye River, restées sans application. Il a déterminé un nouveau calendrier pour la conclusion des négociations sur le statut final, en fixant leur nouveau terme au 13 septembre 2000, prolongeant ainsi de facto la période intérimaire d'un an. A l'approche de cette échéance, il est permis de tirer un premier bilan - nécessairement provisoire - de cette relance du processus de paix.
L'accord de Charm El-Cheikh a pu être mis en oeuvre dans ses principales dispositions, bien que souvent avec retard par rapport au calendrier défini. Le deuxième redéploiement s'est ainsi achevé le 24 mars 2000, soit un peu plus de deux mois après l'échéance prévue. Plusieurs centaines de prisonniers ont été libérés. Mais le bilan n'est pas encore entièrement satisfaisant. D'autres dispositions n'ont été qu'imparfaitement appliquées. Ainsi, le troisième redéploiement n'a pas eu lieu ; seul un des deux corridors entre Gaza et la Cisjordanie prévus a été effectivement ouvert ; les activités de colonisation et l'expropriation de terres en Cisjordanie se sont poursuivies, en violation de l'accord de Charm El-Cheikh qui interdisait toute mesure unilatérale destinée à modifier la situation sur le terrain. Ces difficultés, qui se conjuguent avec une situation économique et sociale déprimée, ont largement contribué au maintien d'une forte tension dans les Territoires, qui à plusieurs reprises a dégénéré en de violents incidents.
Quant aux négociations sur le statut final, qui devaient passer par l'étape intermédiaire d'un accord-cadre, elles ont longtemps piétiné. L'éloignement des positions initiales des parties a pu donner le sentiment qu'il était encore trop tôt pour espérer des compromis. Le récent sommet de Camp David, s'il n'a pas permis d'aboutir à l'accord souhaité, a ouvert de nouvelles perspectives sur l'ensemble des questions du statut final. Il ne saurait à ce titre être considéré comme un échec. Bien au contraire, il a créé une dynamique nouvelle.
Ce résultat, inespéré il y a à peine quelques mois, n'aurait sans doute pas été possible sans l'engagement personnel du président Clinton, et de Mme Albright. Les progrès obtenus doivent beaucoup à leur détermination à faire converger les points de vues et à faire progresser les négociations. Ils doivent aussi beaucoup, naturellement, au courage politique, au sens des responsabilités et à l'engagement en faveur de la paix dont ont su faire preuve le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien.
Pour la première fois, en effet, ils ont débattu de toutes les questions relevant du statut permanent, n'hésitant pas l'un comme l'autre à lever certains tabous, à assouplir des positions de principe présentées jusqu'alors comme intangibles. Les discussions n'ont certes pas abouti, et aucune des avancées réalisées ne saurait naturellement, en l'absence d'accord global, être considérée comme définitive, en application de la règle qui veut "qu'il n'y a d'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout".
Si la paix au Proche-Orient est désormais en vue, elle n'est pas pour autant acquise. Les progrès réalisés à Camp David devront être consolidés et d'ultimes avancées sont nécessaires, en particulier sur la question de Jérusalem et plus particulièrement des Lieux Saints, mais aussi sur celle des réfugiés. Des perspectives ont été ouvertes à Camp David. Nous ne doutons pas qu'une solution tenant compte des attentes légitimes de chaque partie, et du reste du monde, soit possible, y compris pour les Lieux Saints.
Une opportunité historique existe donc. Nous nous trouvons, en effet, dans une conjoncture exceptionnellement favorable. Le Premier ministre israélien, qui a été élu sur un programme de paix, souhaite un accord, et y a un puissant intérêt, tout comme le président Arafat, qui reste fidèle au choix qu'il a fait de s'engager dans le processus d'Oslo. Le président Clinton, quant à lui, est plus résolu que jamais à mettre toute son influence et celle de son pays pour favoriser, avant le terme de son mandat, une issue positive aux négociations. Cette exceptionnelle fenêtre d'opportunité pourrait toutefois bientôt se refermer. Les élections américaines approchent, de même que la rentrée parlementaire israélienne. Quant à l'échéance du 13 septembre, terme fixé par l'accord de Charm El-Cheikh pour la conclusion des négociations sur le statut final, elle ne pourra être indéfiniment repoussée sans que des progrès tangibles et des perspectives d'une conclusion proche ne se dessinent dans les négociations.
Cette occasion exceptionnelle ne doit pas être gâchée. Pour que l'espoir suscité par Camp David se concrétise, il importe d'abord que les parties restent mobilisées et continuent de faire preuve du même engagement et de la même volonté que ceux qu'ils ont démontrés jusqu'à présent. Leurs dirigeants doivent assumer des décisions difficiles et courageuses. Dans ce contexte, tout doit être mis en oeuvre pour inciter les parties à persévérer sans relâche dans la démarche qu'elles ont engagée, jusqu'à la conclusion d'un accord global et définitif.
L'Union européenne est prête à prendre toute sa part pour assurer le succès des efforts engagés. Son rôle, qu'elle entend poursuivre de manière active et utile, se décline selon plusieurs registres : encouragement aux parties, contribution à la recherche de solutions, soutien à la mise en oeuvre des accords.
- A travers le dialogue politique étroit et régulier qu'elle entretient avec l'ensemble des parties régionales, l'Union ne manque jamais de rappeler la légalité internationale, le souci de voir appliquer les résolutions des Nations Unies et les principes fondamentaux qui guident le processus de paix, et d'encourager les parties à progresser dans la voie de la paix. Vous avez pu constater, Madame la Présidente, à l'occasion du déplacement que vous avez effectué au Proche-Orient au début de cette année, à quel point les positions européennes sont entendues, scrutées, disséquées, jugées tantôt trop timides ou trop allantes, mais généralement constructives et équilibrées. Vous avez pu également remarquer combien l'attente vis-à-vis de l'Europe demeurait forte. C'est ce souci d'affirmer le rôle de l'Europe et de répondre à l'attente des parties qui avait présidé à la désignation d'un envoyé spécial de l'Union européenne, en 1996. L'Ambassadeur Moratinos, que je salue, et qui assume cette fonction depuis 4 ans, est parvenu à donner un visage à l'Europe, en développant des contacts quotidiens avec l'ensemble des dirigeants de la région.
- Ce rôle d'appui et de facilitateur et d'intermédiaire, complémentaire de celui des Etats-Unis, se double d'une contribution à la réflexion collective pour imaginer des solutions nouvelles, briser certains tabous ou proposer des compromis. La Déclaration de Berlin, en 1999, après celle de Venise en 1980, qui traduisent une remarquable unité de vues des partenaires européens, constituent des textes de références, qui ont contribué à ouvrir la voie à des compromis historiques entre Israéliens et Palestiniens.
- L'Europe, enfin, a développé une politique de coopération avec l'ensemble des pays du Proche-Orient visant, à créer les conditions d'un développement économique et social harmonieux tout en renforçant l'intégration régionale, condition de l'ancrage de la paix. Elle assure ainsi près de la moitié des engagements financiers de l'aide internationale aux Territoires palestiniens depuis 1993. Elle demeure naturellement disponible pour contribuer, le moment venu, à la pleine application des accords conclus.
Il est encore trop tôt pour évoquer ce que pourrait être un accord sur le statut permanent des Territoires palestiniens, qu'il appartiendra en tout état de cause aux seules parties de définir par la négociation. Les discussions de Camp David donnent toutefois une première idée de ce que pourrait être les contours d'un futur accord.
L'avènement d'un Etat palestinien est inéluctable. Un Etat viable, pacifique et démocratique. Il en va du droit imprescriptible des Palestiniens à l'autodétermination. Il constitue par ailleurs la meilleure garantie de sécurité pour Israël. Ce droit à disposer d'un Etat et, partant, à le proclamer, ne saurait faire l'objet d'aucun veto. Comme l'Union européenne l'a déjà marqué, sa préférence irait à ce qu'un Etat palestinien soit créé au terme d'un processus de négociation qui aurait abouti. Elle n'en fait cependant pas une condition. Sa position sur cette question demeure celle exprimée dans la Déclaration de Berlin, de mars 1999. Mais, dans la phase présente, tous les efforts, à commencer par ceux des parties, doivent tendre, vers la conclusion d'un accord qui est à portée de main. Comme vous avez pu le noter, les Palestiniens s'interrogent eux-mêmes aujourd'hui, sur l'opportunité, les conditions et le moment de la proclamation de leur Etat, au regard des évolutions en cours. Les échanges de vues entre les ministres des Affaires étrangères des Quinze, lors de leur récente réunion informelle "Gymnich" à Evian, ont confirmé la validité de l'approche européenne conduite jusqu'à présent, en appui au processus de paix.
L'urgence qu'il y a à obtenir une percée décisive sur le volet israélo-palestinien, ne doit pas nous détourner des autres volets du processus de paix. Car celui-ci forme un tout cohérent et requiert une solution globale. Un accord israélo-palestinien ne peut à lui seul assurer au Proche-Orient paix et stabilité. Aussi, comme l'a souligné dernièrement le président de la République, est-il temps que les fils de la discussion soient renoués entre la Syrie et Israël, le statu quo n'étant dans l'intérêt d'aucun des deux pays. Tout doit donc être entrepris pour favoriser dès que possible la conclusion d'un accord entre Israël et la Syrie, ainsi qu'entre Israël et le Liban. Si la situation apparaît aujourd'hui contrastée, des perspectives existent.
Le retrait israélien du Sud-Liban, le 24 mai dernier, a mis fin à 22 années d'occupation. Il a créé une nouvelle donne. Ce retrait, certifié par le Secrétaire général des Nations unies le 16 juin, a constitué un élément positif à plus d'un titre. Il a marqué d'abord l'application, certes tardive, mais intégrale et inconditionnelle, de la résolution 425 du Conseil de Sécurité. Il a représenté à cet égard une incontestable avancée. Il s'est déroulé ensuite dans des conditions plus favorables que l'on ne pouvait le craindre et n'a pas été accompagné de la recrudescence de la violence que l'on pouvait redouter. Il faut souligner à cet égard le sens des responsabilités dont a fait preuve l'ensemble des parties.
Les difficultés rencontrées ont pu jusque là être surmontées, et les dispositions de la résolution 425 mises en oeuvre. La question des empiétements israéliens le long de la "ligne bleue" a ainsi pu être réglée, après deux mois de difficultés. Le Conseil de sécurité a adopté le 27 juillet la résolution 1310 prorogeant le mandat de la FINUL pour une nouvelle période de six mois. Le gouvernement libanais a donné, le 5 août, son accord au redéploiement de la force dans l'ex-zone occupée. Depuis lors, la FINUL a établi un certain nombre de postes fixes dans cette zone et a également pris position le long de la frontière israélo-libanaise. Parallèlement, le gouvernement libanais a procédé, le 9 août, au déploiement, dans l'ex zone occupée, d'une "force mixte" de 1000 hommes (500 militaires et 500 policiers), avec pour mission de maintenir l'ordre public à l'intérieur même du territoire libanais, à l'exclusion toutefois de toute tâche de surveillance de la frontière.
Le redéploiement de la FINUL et l'envoi, par le gouvernement libanais, d'une "force mixte" de sécurité dans le Sud constituent des éléments positifs. Mais la situation sur la frontière avec Israël demeure fragile. Des incidents, jusqu'à présent relativement mineurs, se produisent de temps à autre le long de la "ligne bleue". Il est dans l'intérêt de toutes les parties d'éviter tout incident susceptible de provoquer l'escalade. Il importe que le Gouvernement libanais assume toutes ses responsabilités, afin de créer les conditions nécessaires au plein exercice, par la FINUL, de son mandat.
La stabilisation de la situation au Sud-Liban passe également par la réhabilitation de cette région qui a beaucoup souffert de l'occupation et de la guerre, ainsi que par sa réintégration dans l'espace économique et social du Liban. L'Union européenne est naturellement prête à prendre sa part à la reconstruction du Sud-Liban, dès que les conditions sur le terrain auront été réunies. Elle entend notamment manifester son aide au Liban à l'occasion de la "Conférence des donateurs pour la reconstruction du Liban-Sud", dont la tenue est prévue à l'automne.
Le retrait d'Israël du Sud-Liban et le rétablissement progressif de la souveraineté libanaise dans la zone vont dans le bon sens. Par ailleurs, les changements en cours dans la région laissent entrevoir la possibilité d'une évolution progressive des relations syro-libanaises. La situation n'en demeure pas moins fragile. Seul un accord israélo-syrien, en application de la résolution 242 du Conseil de sécurité et du principe de l'échange des territoires contre la paix, pourra apporter à la région une paix juste et durable.
Le contexte peut, certes, ne pas apparaître très favorable à une reprise des négociations israélo-syriennes, tout au moins à court terme. Les positions des deux parties demeurent - à ce stade - inconciliables, même si les différends paraissent moins profonds que sur bien des aspects du conflit israélo-palestinien. Par ailleurs, les agendas internes des dirigeants israélien et syrien paraissent, dans l'immédiat, accaparés par d'autres enjeux.
Pour autant, le choix stratégique de la paix demeure de part et d'autre et a été récemment réaffirmé au plus haut niveau. Le président Bachar El Assad a marqué dans son discours d'investiture du 17 juillet dernier son "empressement" à conclure un accord avec Israël, rappelant que "tout était négociable, sauf la ligne du 4 juin 1967". Ehud Barak, quant à lui, a appelé pour sa part la Syrie à conclure la "paix des braves". On peut donc espérer que, dans les mois à venir, les fils de la négociation pourront être renoués.
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L'évolution récente de la région n'est pas uniquement liée à celle du processus de paix, même si celui-ci joue un rôle central. L'intégration régionale, encore très insuffisante, progresse, lentement mais régulièrement. Elle s'inscrit tout particulièrement dans le cadre plus large du processus euro-méditerranéen de Barcelone qui traduit le souci de l'Union européenne de développer une stratégie globale appliquée à cette région, qui nous est si proche et intimement liée. Une zone de libre-échange est en construction avec l'Union qui inclut tous les pays du Proche-Orient et devrait favoriser l'ouverture et la modernisation des économies ainsi que leur insertion dans l'économie mondiale. Des accords d'association ont été signés avec la Jordanie, avec Israël et l'Autorité palestinienne. Ils devraient l'être prochainement avec l'Egypte. Des négociations sont en cours avec le Liban ainsi qu'avec la Syrie. Nul doute que le processus euro-méditerranéen, dans sa dimension politique, avec le projet de Charte de paix et de stabilité, économique, mais aussi sociale et humaine, contribuera à construire le Proche-Orient de l'après-paix. Car il n'existe pas d'alternative au processus de paix engagé, et aujourd'hui entré dans une phase décisive.
L'Europe, à l'instar du reste de la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis, entend tout mettre en oeuvre pour faciliter les grandes décisions qui reviennent aux acteurs premiers que sont les Israéliens et les Palestiniens, responsables devant leur peuple et devant l'Histoire, et favoriser l'émergence de cette paix, si longtemps attendue, si longtemps désirée..
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
L'Union européenne a vocation à être un acteur à part entière, influent et respecté, de la vie politique internationale. Nos valeurs démocratiques, notre volonté commune de contribuer à la paix et à la sécurité dans le monde nous y guident. Le poids économique de la Communauté, son rôle primordial en faveur du développement et les liens privilégiés noués avec de très nombreux pays ou groupes de pays tiers nous le permettent. Enfin, l'instabilité d'un monde en rapide évolution, aux portes mêmes de l'Union, nous y incite vivement.
C'est pourquoi la Présidence française du Conseil de l'Union européenne entend contribuer, dans la continuité de l'effort engagé depuis plusieurs années, à promouvoir la présence de l'Union dans le monde.
Je me propose de vous exposer les quatre grands objectifs que nous nous sommes fixés :
- d'abord, bien entendu, le processus d'élargissement de l'Union, qui est le grand chantier de l'Union pour les prochaines années ;
- ensuite, le développement d'une politique européenne de sécurité et de défense, qui doit contribuer à faire de l'Union un acteur majeur de la vie internationale ;
- le développement de partenariats stratégiques avec nos voisins et avec les grands ensembles régionaux, qui doit permettre à l'Union de contribuer à l'émergence d'un monde multipolaire, qui est, à long terme, essentielle pour la stabilité des relations internationales ;
- enfin, l'amélioration de l'efficacité des instruments de l'Union européenne, sur la base d'un débat que les ministres des Affaires étrangères viennent d'avoir lors de la réunion du "Gymnich" qui s'est tenu à Evian les 2 et 3 septembre dernier.
I. Le premier objectif de la Présidence française, c'est de donner une nouvelle impulsion aux négociations d'adhésion
La perspective de l'élargissement de l'Union est la question essentielle qui nous est posée pour les prochaines années. D'où l'insistance de la Présidence française quant à la nécessité de réussir la CIG et de conclure un bon Traité à Nice afin de ne pas retarder l'élargissement et de pouvoir accueillir les premiers pays candidats dans une Union dotée d'institutions plus efficaces.
Nous irons donc aussi loin que possible dans les négociations d'adhésion : avec les "Six de Luxembourg", bien sûr, pays avec lesquels nous comptons avancer dans les négociations sur les chapitres les plus difficiles de l'acquis ; avec les "Six d'Helsinki", aussi, pays avec lesquels nous entendons maintenir le rythme des négociations et ouvrir, en tenant compte du degré de préparation de chacun, toute une série de nouveaux chapitres, allant de 4 à 9 selon les pays. Au total, notre objectif, établi en étroite concertation avec la Commission, est de parvenir, à Nice, à une vision d'ensemble de l'état des négociations, afin d'orienter efficacement les travaux des Présidences suivantes et de baliser le chemin qui conduit vers la conclusion de ces négociations. Les différents rapports en cours d'examen dans nos commissions, et le débat sur l'élargissement prévu en octobre, nourriront davantage encore notre analyse.
Les principales échéances de notre Présidence seront les suivantes :
- avec chacun des 12 candidats, une session ministérielle de négociation aura lieu soit le 21 novembre, soit le 5 décembre, précédée elle-même, à l'automne, de deux réunions au niveau des ambassadeurs ;
- en ce qui concerne les Quinze, nous organiserons, lors du Conseil Affaires générales du 20 novembre, un débat d'orientation politique, sur la base du "rapport d'ensemble" et des rapports de progrès pour chacun des pays candidats que la Commission doit remettre au Conseil au début du mois de novembre. Il s'agira d'identifier, en vue du Conseil européen de Nice, les principales difficultés à résoudre, chapitre par chapitre, pays par pays, et de réfléchir, sur cette base, à la poursuite du processus d'adhésion ;
- je rappelle enfin que nous réunirons à deux reprises la Conférence européenne : le 23 novembre, à Sochaux, au niveau des ministres des Affaires européennes des Quinze et des ministres des pays candidats, [réunion à laquelle je vous ai également conviée, Madame la Présidente] ; et le 7 décembre, à Nice, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.
Nous souhaitons donc donner une impulsion forte au processus d'élargissement. L'Union a en effet indiqué, à Helsinki, qu'elle serait prête à accueillir les premiers nouveaux membres le 1er janvier 2003, dès l'achèvement des procédures de ratification du futur Traité de Nice. Mais, comme l'ont souligné les chefs d'Etat et de gouvernement lors du Sommet de Feira, les pays concernés doivent non seulement reprendre l'acquis communautaire mais "surtout être capables de le mettre en oeuvre et de l'appliquer réellement".
C'est là naturellement une tâche très lourde et difficile pour les candidats, à laquelle la Communauté prend déjà sa part en soutenant les efforts de chacun. Ces efforts sont fondamentaux pour conduire de façon sérieuse et maîtrisée le processus d'élargissement qui a été engagé, et permettre ainsi l'adhésion, aussi vite que possible, des pays les plus avancés.
En ce qui concerne la Turquie, la reconnaissance à Helsinki de sa candidature a marqué une étape importante. La Présidence engagera les travaux au sein du Conseil en vue de l'adoption du partenariat pour l'adhésion et poursuivra l'exercice d'examen analytique de l'acquis. Elle veillera également au respect des engagements pris par l'Union en matière d'assistance financière, en vue d'instaurer un cadre unique regroupant tous les instruments d'aide à ce pays ; elle s'attachera, en particulier, à permettre l'adoption du règlement relatif au développement économique et social de ce pays.
Mais il est évident que les négociations d'adhésion ne seront même pas envisageables aussi longtemps que la Turquie ne respectera pas les critères, notamment démocratiques, de Copenhague, alors que tout progrès en ce sens facilitera naturellement l'adoption des mesures que je viens de rappeler. Nous attendons avec intérêt l'adoption par votre assemblée des rapports de M. Morillon sur ces importantes questions.
II. Le deuxième objectif de la Présidence française est de poursuivre le développement de la politique européenne de sécurité et de défense commune, en mettant en oeuvre les décisions prises à Helsinki et à Feira.
L'Union dispose des instruments nécessaires à la conduite d'une politique étrangère commune. Il en manquait cependant un, fondamental, pour assurer la crédibilité de son engagement : la capacité de mobiliser des moyens militaires suffisants pour lui permettre de décider et d'agir de façon autonome dans le cadre des missions dites de Petersberg.
Notre objectif, comme nous l'ont enseignées les crises en Bosnie ou au Kosovo, est bien d'apporter une réponse globale à des crises dont les dimensions sont aujourd'hui nombreuses et extrêmement complexes : ethniques, certes, mais aussi sociologiques, administratives, judiciaires, sécuritaires et, enfin, militaires. C'est cela la spécificité de la réponse européenne, par rapport à d'autres instruments existants.
C'est dire que la Présidence française souhaite prendre sa part d'une construction extrêmement ambitieuse, qui prendra nécessairement plusieurs années. Elle entend, pour cela, maintenir le rythme des travaux afin de permettre aux engagements pris à Feira d'être réalisés d'ici au Conseil européen de Nice. L'agenda est particulièrement chargé :
- en ce qui concerne les capacités, la Conférence d'engagement que nous organiserons le 20 novembre prochain sera l'occasion pour les Etats membres de préciser leurs contributions nationales à la réalisation de l'objectif global défini à Helsinki ;
- en ce qui concerne les institutions politico-militaires permanentes, il revient à notre Présidence de préparer le passage, dès que possible, à la phase définitive et opérationnelle, permettant à l'Union de gérer une crise dans toutes ses dimensions.
- nous devons enfin mettre en oeuvre les décisions de Feira s'agissant des relations avec l'OTAN et avec les pays tiers pour la gestion militaire des crises, et poursuivre les travaux engagés sur le renforcement des instruments civils de gestion des crises.
III. La troisième priorité de la Présidence française sera de développer les partenariats stratégiques de l'Union avec ses voisins et les grands ensembles régionaux.
La priorité est de resserrer les relations avec le voisinage de l'Union, et tout particulièrement avec les Balkans, dont la situation demeure préoccupante. Afin de marquer l'importance que l'Union accorde au développement de relations avec une région des Balkans pacifique et démocratique, la France a proposé à ses partenaires la tenue, le 24 novembre prochain, en Croatie, d'un sommet avec les pays de l'ex-Yougoslavie qui, à des stades divers, sont les plus avancés dans leur évolution démocratique. Il s'agira d'accompagner les évolutions positives enregistrées récemment dans plusieurs de ces pays et de rappeler à la République fédérale de Yougoslavie que la porte lui sera également ouverte lorsqu'elle se joindra au mouvement.
Le développement du partenariat stratégique avec la Russie et l'Ukraine est une autre priorité de la Présidence française, qui accueillera à Paris, dans dix jours, le Sommet UE/Ukraine et, le 30 octobre, le Sommet UE/Russie. Le cadre de l'action de la Présidence française de l'Union vis-à-vis de la Russie est fixé par les conclusions adoptées par le Conseil européen à Feira, qui a offert de soutenir les efforts déployés par le président Poutine et par le nouveau gouvernement russe pour moderniser et réformer leur pays. Dans le même temps, la Présidence continuera bien entendu d'apporter la plus grande attention à la question de la Tchétchénie, le Conseil ayant encore rappelé en juillet que seule une solution politique permettra un règlement durable de ce conflit.
Enfin, en dépit des incertitudes qui pèsent sur l'évolution du processus de paix au Proche-Orient - nous venons d'en débattre - le développement de la relation euro-méditerranéenne est au centre des préoccupations de la Présidence française. Notre objectif est de procéder à Marseille, lors de la réunion ministérielle du 16 novembre - et, si les circonstances le permettent, lors du sommet qui pourrait être organisé le 17 - à un bilan général du processus de Barcelone et à une évaluation de la coopération menée dans le cadre du programme MEDA, afin de définir des orientations pour donner une nouvelle impulsion à la coopération euro-méditerranéenne.
La Présidence compte par ailleurs mener à bien les travaux concernant la charte de paix et de stabilité lors de cette réunion. S'agissant du processus de paix, l'Union doit assumer un rôle majeur pour apporter son soutien aux parties et aux accords qu'elles concluront. La Présidence s'attache enfin à mettre en oeuvre la stratégie commune sur la Méditerranée adoptée à Feira et à faire adopter le nouveau règlement MEDA. En ce qui concerne les accords d'association, elle espère parvenir à la signature de l'accord avec l'Egypte et à des progrès dans les négociations avec le Liban, la Syrie et l'Algérie.
Au-delà de son environnement immédiat, la Présidence française veillera à développer le dialogue politique avec les grands ensembles régionaux :
- en Asie, la priorité est accordée à la relance du dialogue politique euro-asiatique et au renforcement de la coopération économique et financière dans le cadre de l'ASEM (sommet de Séoul, 20 et 21 octobre) et à celle du dialogue UE-ASEAN. Deux sommets importants avec des pays clés de la région marqueront aussi la présidence française : celui du 19 juillet avec le Japon a été l'occasion de lancer le processus de révision de la déclaration de 1991 et de préparer un plan d'action qui pourrait être adopté lors du sommet de 2001 ; l'autre, avec la Chine, se tiendra à Pékin, le 23 octobre ;
- avec l'Afrique, la Présidence organisera la première réunion de suivi du sommet du Caire. Elle travaillera également au développement du dialogue avec les organisations sous-régionales, conformément aux dispositions de la Convention de Cotonou. Elle organisera la quatrième réunion ministérielle UE-SADC à Gaborone, les 29 et 30 novembre, ainsi qu'une réunion ministérielle UE-CEDEAO, à Abuja, le 16 octobre prochain ;
- s'agissant du dialogue transatlantique, trois thèmes de politique étrangère seront privilégiés : les Balkans, la Russie et le processus de paix au Proche-Orient. Ce cadre sera également mis à profit, à l'occasion des sommets des 18 et 19 décembre prochain, avec respectivement les Etats-Unis et le Canada, pour informer nos grands partenaires des développements récents de la politique européenne de sécurité et de défense ;
- le dialogue avec l'Amérique latine sera poursuivi dans le cadre des réunions régulières avec les groupes régionaux qui se tiendront la semaine prochaine, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. La France a proposé également à ses partenaires de réfléchir à l'avenir des relations avec Cuba ;
- la Présidence française veillera enfin à ce que l'Europe puisse jouer tout son rôle, de façon cohérente et solidaire, pour qu'un nouveau cycle de négociations, global et équilibré, puisse démarrer dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce.
IV. A plus long terme, la Présidence a engagé, à l'occasion du Gymnich qui s'est tenu à Evian, une réflexion sur l'amélioration de l'efficacité des instruments de l'Union.
L'Union dispose de nombreux instruments lui permettant de peser sur l'évolution des relations internationales. Ainsi, sa présence diplomatique dans le monde - celle des Quinze et de la Commission - est sans égale, que ce soit en termes d'effectifs ou de couverture géographique. De même, l'Union constitue un groupe actif et cohérent aux Nations unies, où ses points de vue sont représentés dans chaque forum. Enfin, ses moyens financiers sont considérables.
Chacun connaît cependant les faiblesses de l'action extérieure de l'Union : manque de visibilité, coordination parfois insuffisante, manque de flexibilité, influence trop limitée dans les organisations internationales, notamment celles de Bretton Woods. Un effort a d'ores et déjà été entrepris pour combler ces insuffisances, avec notamment l'adoption des premières stratégies communes, mais il demeure que l'impact et la crédibilité de l'action européenne restent insuffisants par rapport aux moyens mis en oeuvre.
Une réflexion a donc été engagée par les ministres des Affaires étrangères des Quinze, à l'instigation de M. Hubert Védrine, lors du dernier Gymnich d'Evian, sur la base des travaux présentés par M. Patten, au nom de la Commission et par le Secrétaire général du Conseil, Haut représentant pour la PESC. Plusieurs pistes de travail ont été retenues :
- il faut d'abord renforcer la coordination entre les différents acteurs de l'Union européenne : sur place, dans les pays tiers, par une plus grande déconcentration dans la gestion des programmes communautaires et par une meilleure coordination de l'action de la Communauté avec celle de ses Etats membres ; au niveau central, par la réaffirmation du rôle de coordination du Conseil "Affaires générales", afin d'accroître la cohérence de l'action extérieure dans tous ses aspects (dialogue politique, coopération financière, concessions commerciales...) ;
- il faut ensuite mieux tirer parti de l'effort global de l'Union et en accroître l'efficacité. Cela suppose d'abord d'établir la mesure de cet effort global vis-à-vis de l'extérieur, et, à cette fin, de disposer d'outils de synthèse intégrant toutes les dimensions de l'aide extérieure ;
- il est également nécessaire d'améliorer la gestion de l'aide communautaire, en améliorant la programmation et l'exécution des instruments communautaires, compte tenu du constat fait par la Commission et les Etats membres de l'écart inacceptable entre les engagements et les décaissements des crédits communautaires, et des critiques croissantes et légitimes avancées par les Etats tiers contre la lenteur et la lourdeur des procédures ;
- enfin, les partenaires sont convenus de l'opportunité d'assurer un meilleur suivi de la mise en oeuvre de l'aide communautaire et de son efficacité, notamment dans le cadre du Conseil "Affaires générales" qui doit jouer un rôle encore plus important dans le pilotage de l'action extérieure de l'Union. Je signale, à cet égard, que les ministres y reviendront dès la session du Conseil du 18 septembre, afin de définir, avec la Commission et le Secrétaire général/Haut Représentant, le cadre et les modalités de ce suivi.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
J'ai l'honneur de vous présenter, aujourd'hui, au nom de la Présidence du Conseil, le projet de budget des Communautés européennes tel qu'il a été établi par le Conseil le 20 juillet dernier. Ce Conseil a été présidé, comme vous le savez, par ma collègue Florence Parly mais celle-ci ne peut malheureusement pas être présente aujourd'hui et je vous prie de l'excuser.
Avant toute chose, je souhaite rendre hommage à l'excellent travail accompli par la Présidence portugaise, en amont de l'adoption en première lecture par le Conseil du projet de budget 2001.
Je voudrais par ailleurs souligner l'excellent climat dans lequel a débuté cette procédure budgétaire. En effet, cette année, les dispositions du nouvel accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 ont joué pleinement. La procédure de trilogue réunissant le Parlement européen, le Conseil et la Commission, dont une première session a eu lieu le 6 juillet dernier, ici même à Strasbourg, a montré son utilité, avec une meilleure compréhension mutuelle de nos priorités respectives.
La réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil, qui s'est tenue le 20 juillet dernier a été, je le pense, très positive. Elle a notamment permis de trouver de très nombreux points d'accord entre institutions et de progresser largement sur les sources éventuelles de désaccord. Je souhaite que la suite des travaux budgétaires se poursuive dans le même esprit, de façon à aboutir à un budget des Communautés européennes pour l'exercice 2001 qui nous donne les moyens de répondre aux priorités et défis qui attendent l'Union européenne prochainement.
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Je voudrais d'abord vous indiquer quelles ont été les grandes lignes directrices qui ont guidé la démarche du Conseil en établissant ce projet de budget, avant de revenir plus en détail sur ses différentes rubriques.
En premier lieu, le Conseil a veillé à ce que les différentes actions de l'Union européenne, notamment celles relevant du domaine des relations extérieures, après identification de priorités claires et des besoins réels, soient financées de manière appropriée. A cet effet, il a tenu compte, en ce qui concerne les crédits d'engagement, de l'évaluation des possibilités d'exécution des crédits.
Le Conseil a également porté une attention particulière à l'évolution des crédits de paiement, en fixant leur augmentation par rapport à 2000 à un taux maximal de 3,5%, qui tient compte notamment de la capacité d'exécution et du rythme probable des paiements entraînés par les restes à liquider. Cette évolution, qui est bien supérieure à celles que s'autorisent les Etats membres au titre de leurs budgets nationaux, ainsi qu'au taux d'inflation prévu pour 2001, marque la volonté du Conseil d'assurer un financement satisfaisant pour l'ensemble des politiques de l'Union européenne.
Enfin, ce projet de budget s'inscrit résolument dans le cadre de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire. Le Conseil a, en particulier, considéré qu'il était absolument essentiel de respecter chacun des plafonds annuels de dépenses fixés par les perspectives financières, telles qu'elles ont été souscrites, il y a un an, par nos trois Institutions : Parlement européen, Conseil et Commission.
C'est sur ces bases que le projet de budget pour l'exercice 2001, établi par le Conseil le 20 juillet dernier, prévoit :
- un montant de crédits d'engagement de 95,9 milliards d'euros, représentant une augmentation de 2,7% par rapport au budget 2000 ;
- un montant de crédits de paiement de 92,5 milliards d'euros, représentant une augmentation de 3,5% par rapport au budget 2000.
Une importance toute particulière a été accordée à la montée en puissance des crédits d'assistance aux Balkans occidentaux, priorité maintes fois affirmée de l'Union européenne. Le Conseil a souhaité traduire cette priorité dans les chiffres avec une enveloppe en augmentation de 30% par rapport à celle de 2000. Les 614 millions d'euros retenus par le Conseil permettront de financer l'ensemble des besoins prévisibles.
Ce montant significatif a pu être dégagé sans avoir recours à une révision des perspectives financières ayant pour objet un renforcement de la rubrique 4, telle que l'avait proposée la Commission.
Le Conseil s'est également assuré du financement de l'ensemble des autres priorités politiques de l'Union européenne.
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Sans me lancer dans une description exhaustive du projet de budget du Conseil, qui fait l'objet d'un exposé des motifs détaillé qui vous a été remis, je voudrais maintenant vous présenter de façon plus précise, c'est-à-dire par catégorie de dépenses, ce que le Conseil a retenu dans son projet de budget pour l'exercice 2001.
En ce qui concerne la rubrique 1 des perspectives financières relative aux dépenses agricoles, le projet de budget prévoit une augmentation des crédits d'engagement de 6,3% par rapport à 2000, afin de financer la réforme de la PAC décidée par le Conseil européen à Berlin en mars 1999.
Néanmoins, pour la sous-rubrique 1a) des perspectives financières, qui couvre les dépenses de marché de la Politique agricole commune, le Conseil a retenu des montants globalement inférieurs de 330 millions d'euros à ceux proposés par la Commission dans son avant-projet.
On observe, en effet, chaque année une sous-exécution de ces crédits. Dès lors, le Conseil a considéré qu'il pouvait procéder à une diminution ciblée de certaines lignes budgétaires traditionnellement sous-exécutées. Ce faisant, il témoigne aussi d'une volonté de faire des efforts particuliers pour réaliser des économies importantes sur des dépenses obligatoires, et pas seulement sur des dépenses non obligatoires.
Les économies réalisées par rapport à l'avant-projet de budget de la Commission n'empêchent pas le Conseil, par ailleurs, de prévoir une augmentation, qui répond aux préoccupations de votre Parlement, de deux lignes budgétaires concernant la distribution de lait aux écoliers et la promotion de la qualité des produits.
Pour les dépenses liées au développement rural, le Conseil a considéré, compte tenu des retards accumulés dans l'approbation et la mise en oeuvre des plans nationaux de développement rural, qu'une marge de 225 millions d'euros, sous le plafond de la sous-rubrique 1b) des perspectives financières, pouvait être dégagée. L'évolution de ces crédits affiche cependant une augmentation de 4,6% par rapport à 2000. Cette progression traduit la priorité attachée par le Conseil aux crédits affectés à ce qui constitue désormais le 2ème pilier de la Politique agricole commune.
Ainsi, le projet de budget établi par le Conseil fait apparaître des marges disponibles sous les plafonds des sous-rubriques 1a et 1b des perspectives financières. Je tiens toutefois à préciser que le Conseil est, bien entendu, prêt à reprendre l'examen des dépenses agricoles cet automne, en fonction du contenu de la lettre rectificative que doit présenter la Commission, et à reconsidérer alors l'évolution des dépenses de marché et de développement rural.
En ce qui concerne les actions structurelles, qui font l'objet de la rubrique 2 des perspectives financières, le Conseil a budgétisé la totalité de cette rubrique en crédits d'engagement, conformément aux conclusions du Conseil européen de Berlin de mars 1999. Il a, par ailleurs, reconduit globalement les crédits de paiement inscrits en 2000, mais il a souhaité augmenter les dotations du Fonds de cohésion de 360 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait l'avant-projet de la Commission, pour tenir compte des prévisions d'exécution de ses crédits dans les Etats membres.
Sur la rubrique 3 des perspectives financières, relative au financement des politiques internes, le Conseil s'est avant tout attaché à assurer le financement approprié des programmes pluriannuels, en respectant le cas échéant la programmation décidée en commun avec le Parlement .
C'est pourquoi il a accepté les montants demandés par la Commission, dans son avant-projet de budget, pour le programme-cadre de recherche et développement ainsi que pour les réseaux transeuropéens. Il en a fait de même en ce qui concerne les crédits demandés pour l'amélioration de l'environnement financier des PME et le démarrage du programme Life III. A propos de Life III, le Conseil considère que le montant retenu assure le démarrage du programme dans de bonnes conditions.
En ce qui concerne le prolongement de l'Initiative Emploi, décidée par votre Parlement pour renforcer la dynamique sur l'emploi amorcée par le Conseil européen d'Amsterdam, la réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil qui s'est tenue le 20 juillet a montré que ce sujet constituait une priorité de nos deux institutions pour le budget de l'exercice 2001, notamment dans le prolongement des conclusions du Conseil européen de Feira. Néanmoins, le Conseil attend l'évaluation de la précédente initiative, qui devrait être prochainement transmise par la Commission, en vue de rechercher un accord avec votre Parlement sur son financement, dans le cadre d'un accord global au cours de la deuxième lecture.
Par ailleurs, il a dégagé une marge de précaution de 208 millions d'euros, supérieure à celle figurant dans l'avant-projet de budget de la Commission, l'objectif étant de disposer des marges de manoeuvre suffisantes, au-delà d'une marge nécessaire sous le plafond de la rubrique 3, pour faire face à de nouvelles priorités partagées par le Conseil et le Parlement, telle que l'Initiative Emploi.
J'en viens maintenant au financement des actions extérieures de l'Union européenne qui font l'objet de la rubrique 4 des perspectives financières. Je pense que je n'ai pas à rappeler le caractère hautement prioritaire que le Conseil attache à l'assistance aux Balkans occidentaux pour laquelle je vous ai déjà indiqué précédemment que le projet de budget prévoyait une augmentation de 30% par rapport à 2000.
Les 614 Meuros retenus par le Conseil permettront de financer l'ensemble des besoins prévisibles : le Conseil se fonde sur les seuls travaux d'évaluation des besoins existants à ce jour, qui sont rassemblés dans le rapport de 1999 de la Banque mondiale sur la reconstruction du Kosovo. Par souci de pragmatisme, le Conseil a reconduit, sans les augmenter, les crédits destinés à la Serbie, dans la mesure où celle-ci n'est pas encore éligible à l'assistance communautaire, en dehors d'une aide à la démocratie et à la société civile incluse dans cette enveloppe. D'une façon générale, le Conseil souhaite en effet la mise en place d'une intervention efficace et crédible dans la région, fondée sur une analyse des besoins, l'adaptation des niveaux et des modalités d'aide à la nature de ces besoins, et la répartition des efforts entre l'ensemble des donateurs bilatéraux et multilatéraux.
En ce qui concerne les autres chapitres budgétaires, le Conseil, tout en maintenant des dotations budgétaires significatives, n'a pas retenu la totalité des crédits demandés par la Commission, dans son avant-projet de budget, pour un nombre limité de lignes budgétaires : je pense notamment au programme Tacis, au financement de la Kedo, aux accords internationaux de pêche, au dispositif d'action rapide et au programme Meda. En revanche, il s'est conformé à l'avant-projet de la Commission pour la grande majorité des autres programmes de coopération.
Je tiens à souligner qu'en ce qui concerne le programme Meda, le projet de budget prévoit un montant de 701 millions d'euros, qui est supérieur à la moyenne annuelle des dotations budgétaires sur la période 1995-1999. La réduction de 150 millions d'euros opérée par le Conseil par rapport aux demandes de la Commission tient compte du stock d'engagements restant à liquider sur ce programme, qui représente plusieurs années d'exécution. Je saisis cette occasion pour rappeler la volonté du Conseil de contribuer à l'amélioration de la gestion du programme, préalable indispensable à l'accentuation de nos efforts. Mais malgré cette réduction motivée par la nécessité de résorber le "reste à liquider", le programme Meda demeure naturellement une priorité du Conseil. La Présidence française a pour objectif d'aboutir prochainement à l'adoption du nouveau règlement pluriannuel pour Meda, et sera particulièrement à l'écoute du Parlement européen sur ce sujet.
Je voudrais aussi réaffirmer l'attachement du Conseil au processus d'adhésion pour Chypre et Malte, qui l'a conduit à suivre la Commission en regroupant les crédits demandés dans un titre "Stratégie pré-adhésion". Il n'a toutefois pas donné suite à la proposition de la Commission de révision des perspectives financières transférant ces crédits dans la rubrique 7 (aides pré-adhésion), et les a maintenus en rubrique 4 (actions extérieures).
Enfin, je tiens à faire part, ici, de ma satisfaction qu'un accord ait pu intervenir lors de la réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil du 20 juillet dernier sur le montant des crédits à inscrire pour la Politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que sur le transfert des dépenses administratives des représentants spéciaux de la PESC dans le budget du Conseil, conformément à ce que prévoit l'accord interinstitutionnel de 1999.
Cet accord a donné lieu à la rédaction de deux déclarations communes, dont l'une précise que les montants inscrits au budget du Conseil au titre des dépenses administratives de la PESC devaient être établis compte tenu de leur incidence sur la situation générale de la rubrique 5, et l'autre engage le Conseil à veiller à ce que l'estimation des coûts administratifs envisagés par chaque nouvelle décision dans le domaine de la PESC soit transmise en temps utile à l'autre branche de l'Autorité budgétaire.
Comme vous pouvez le constater, le Conseil s'est donc efforcé de doter de façon appropriée les différentes priorités dans le domaine des actions extérieures de l'Union européenne. Ce faisant, il a dégagé une marge de 184 millions d'euros sous le plafond de la rubrique 4 des perspectives financières afin de donner à l'Union, le cas échéant, des marges de manoeuvre pour faire face à de nouvelles priorités, au-delà d'une marge de précaution minimale qu'il faudra conserver.
En établissant son projet de budget pour les dépenses administratives, couvertes par la rubrique 5 des perpectives financières, le Conseil a eu pour souci de stabiliser les dépenses courantes, tout en prenant en compte les besoins exceptionnels des institutions, notamment en matière d'effectifs pour l'Office de lutte anti-fraude et la Cour de Justice.
S'agissant du budget de la Commission, le Conseil n'avait pas statué en juillet, dans l'attente de la lettre rectificative de la Commission, qui vient d'être présentée. Le Conseil va dorénavant examiner cette proposition et tirera les enseignements des travaux de réorganisation entrepris.
Le Conseil est disposé à faire le nécessaire pour examiner cette lettre rectificative de façon à ce que son incidence puisse être prise en compte dès la première lecture du Parlement européen. A cette fin, le projet de budget laisse une marge de 113 millions d'euros sous le plafond de la rubrique 5 des perspectives financières, qui pourra être en partie mobilisée pour faire face à d'éventuels besoins nouveaux en matière de dépenses administratives.
Je terminerai ce tour d'horizon des différentes catégories de dépenses par les dépenses concernant les aides pré-adhésion. Le Conseil a retenu pour celles-ci, en crédits d'engagement, le montant demandé par la Commission.
Pour les crédits de paiement, le Conseil a ajusté par une baisse à hauteur de 300 millions d'euros le montant demandé par la Commission dans son avant-projet de budget. Conformément à la logique qui a prévalu dans d'autres rubriques, le Conseil a tenu le plus grand compte de la forte sous-exécution de ces crédits en 2000. Malgré cette réduction par rapport à l'avant-projet de la Commission, les crédits de paiement de préadhésion enregistrent une forte augmentation de 10,8% par rapport à 2000, ce qui traduit la priorité accordée à ces dépenses absolument fondamentales pour bien préparer cet objectif politique majeur qu'est l'élargissement, priorité partagée par le Conseil, le Parlement européen et la Commission.
Avant de conclure, je voudrais saisir maintenant l'occasion de me féliciter de l'accord intervenu lors de la réunion de concertation entre le Parlement européen et le Conseil du 20 juillet dernier sur une déclaration relative à la programmation financière.
Aux termes de cette déclaration commune, il sera désormais fait obligation à la Commission de mieux évaluer les conséquences financières de chacune de ses nouvelles propositions, notamment pour les rubriques 3 et 4 des perspectives financières. Je suis certain qu'il s'agit d'un élément fondamental pour mieux éclairer les décisions de l'Autorité budgétaire. Il va en tout cas, sans conteste, dans le sens d'une meilleure prévision budgétaire et devrait être d'une grande utilité au cours des procédures budgétaires à venir.
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A l'issue de ce bref tour d'horizon, je pense que le projet de budget qui vous est transmis offre un compromis équilibré, qui permet le financement des priorités de l'Union, dans le respect des perspectives financières de Berlin.
L'accord interinstitutionnel du 6 juin 1999 a instauré au cours de la procédure budgétaire des concertations entre institutions dont nous devrions tirer tous les bénéfices dès cette année.
A cet égard, je me félicite des progrès qui ont déjà pu être réalisés, avant même l'adoption du projet de budget en première lecture par le Conseil, pour rapprocher les points de vue entre institutions.
Il me semble que le projet que je viens de vous présenter tire de nombreuses leçons de ces concertations. Je forme en tout cas le voeu qu'il vous permette d'entamer vos travaux budgétaires sur de bonnes bases et qu'il contribue à l'établissement d'un budget pour 2001 respectant les priorités de chacune des nos institutions.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)
Madame la Présidente,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je tiens d'abord à vous remercier, Madame la Présidente de vos aimables paroles de bienvenue et de cette occasion qui m'est donnée de m'exprimer devant vous au nom de la Présidence du Conseil.
Vous avez choisi très légitimement, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés, d'évoquer la situation au Proche-Orient. Ce choix est d'autant plus opportun que cette région, qui a été le théâtre ces derniers mois d'événements particulièrement marquants, aborde un tournant historique. Nous nous trouvons en effet à la veille d'échéances décisives pour les peuples de la région, avec, pour la première fois, la possibilité véritable de voir se clore un demi-siècle de conflit israélo-palestinien, mais avec le risque aussi, si cet espoir venait à être déçu, de voir la violence réapparaître à nouveau.
Que les présidents de la Knesset, M. Avraham Burg, et du Conseil Législatif Palestinien, M. Ahmed Qureï, aient accepté de venir - ensemble - s'exprimer aujourd'hui devant le Parlement européen - à votre invitation, Madame la Présidente - illustre la volonté de paix et de dialogue qui anime les deux parties. Je vois également dans cette démarche sans précédent une marque de reconnaissance pour les efforts que n'a cessé de déployer l'Union européenne pour favoriser l'émergence de la paix. Une reconnaissance qui s'accompagne également d'une attente forte vis-à-vis de l'Europe. Une attente qui ne devra pas être déçue. Ce geste exceptionnel, dans lequel je veux voir un signe de confiance et d'espoir, mérite d'être salué.
Je vais maintenant m'efforcer de vous faire part de l'analyse que nous faisons des derniers développements dans la région, de la situation et des perspectives du processus de paix.
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Nous avons assisté ces derniers mois, au Proche-Orient, à des événements de première importance, qu'il s'agisse du sommet de Camp David ou du retrait israélien du Sud-Liban. La disparition du président syrien Hafez El Assad, qui a fait de son pays un acteur important sur la scène régionale, est survenue au même moment.
Cette évolution accélérée des événements concerne en premier lieu les négociations israélo-palestiniennes. L'accession au pouvoir en Israël d'Ehud Barak, élu sur un programme de paix, ainsi que la détermination sans faille de Yasser Arafat à poursuivre le dialogue, ont permis de relancer les négociations, contribuant ainsi à sortir le processus de l'impasse dans laquelle il se trouvait depuis plusieurs années. L'accord de Charm El-Cheikh, signé le 4 septembre 1999, a inauguré une nouvelle phase du processus de paix, rompant avec une longue période d'immobilisme, voire de recul. Il a défini les modalités de mise en oeuvre des clauses de l'accord de Wye River, restées sans application. Il a déterminé un nouveau calendrier pour la conclusion des négociations sur le statut final, en fixant leur nouveau terme au 13 septembre 2000, prolongeant ainsi de facto la période intérimaire d'un an. A l'approche de cette échéance, il est permis de tirer un premier bilan - nécessairement provisoire - de cette relance du processus de paix.
L'accord de Charm El-Cheikh a pu être mis en oeuvre dans ses principales dispositions, bien que souvent avec retard par rapport au calendrier défini. Le deuxième redéploiement s'est ainsi achevé le 24 mars 2000, soit un peu plus de deux mois après l'échéance prévue. Plusieurs centaines de prisonniers ont été libérés. Mais le bilan n'est pas encore entièrement satisfaisant. D'autres dispositions n'ont été qu'imparfaitement appliquées. Ainsi, le troisième redéploiement n'a pas eu lieu ; seul un des deux corridors entre Gaza et la Cisjordanie prévus a été effectivement ouvert ; les activités de colonisation et l'expropriation de terres en Cisjordanie se sont poursuivies, en violation de l'accord de Charm El-Cheikh qui interdisait toute mesure unilatérale destinée à modifier la situation sur le terrain. Ces difficultés, qui se conjuguent avec une situation économique et sociale déprimée, ont largement contribué au maintien d'une forte tension dans les Territoires, qui à plusieurs reprises a dégénéré en de violents incidents.
Quant aux négociations sur le statut final, qui devaient passer par l'étape intermédiaire d'un accord-cadre, elles ont longtemps piétiné. L'éloignement des positions initiales des parties a pu donner le sentiment qu'il était encore trop tôt pour espérer des compromis. Le récent sommet de Camp David, s'il n'a pas permis d'aboutir à l'accord souhaité, a ouvert de nouvelles perspectives sur l'ensemble des questions du statut final. Il ne saurait à ce titre être considéré comme un échec. Bien au contraire, il a créé une dynamique nouvelle.
Ce résultat, inespéré il y a à peine quelques mois, n'aurait sans doute pas été possible sans l'engagement personnel du président Clinton, et de Mme Albright. Les progrès obtenus doivent beaucoup à leur détermination à faire converger les points de vues et à faire progresser les négociations. Ils doivent aussi beaucoup, naturellement, au courage politique, au sens des responsabilités et à l'engagement en faveur de la paix dont ont su faire preuve le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien.
Pour la première fois, en effet, ils ont débattu de toutes les questions relevant du statut permanent, n'hésitant pas l'un comme l'autre à lever certains tabous, à assouplir des positions de principe présentées jusqu'alors comme intangibles. Les discussions n'ont certes pas abouti, et aucune des avancées réalisées ne saurait naturellement, en l'absence d'accord global, être considérée comme définitive, en application de la règle qui veut "qu'il n'y a d'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout".
Si la paix au Proche-Orient est désormais en vue, elle n'est pas pour autant acquise. Les progrès réalisés à Camp David devront être consolidés et d'ultimes avancées sont nécessaires, en particulier sur la question de Jérusalem et plus particulièrement des Lieux Saints, mais aussi sur celle des réfugiés. Des perspectives ont été ouvertes à Camp David. Nous ne doutons pas qu'une solution tenant compte des attentes légitimes de chaque partie, et du reste du monde, soit possible, y compris pour les Lieux Saints.
Une opportunité historique existe donc. Nous nous trouvons, en effet, dans une conjoncture exceptionnellement favorable. Le Premier ministre israélien, qui a été élu sur un programme de paix, souhaite un accord, et y a un puissant intérêt, tout comme le président Arafat, qui reste fidèle au choix qu'il a fait de s'engager dans le processus d'Oslo. Le président Clinton, quant à lui, est plus résolu que jamais à mettre toute son influence et celle de son pays pour favoriser, avant le terme de son mandat, une issue positive aux négociations. Cette exceptionnelle fenêtre d'opportunité pourrait toutefois bientôt se refermer. Les élections américaines approchent, de même que la rentrée parlementaire israélienne. Quant à l'échéance du 13 septembre, terme fixé par l'accord de Charm El-Cheikh pour la conclusion des négociations sur le statut final, elle ne pourra être indéfiniment repoussée sans que des progrès tangibles et des perspectives d'une conclusion proche ne se dessinent dans les négociations.
Cette occasion exceptionnelle ne doit pas être gâchée. Pour que l'espoir suscité par Camp David se concrétise, il importe d'abord que les parties restent mobilisées et continuent de faire preuve du même engagement et de la même volonté que ceux qu'ils ont démontrés jusqu'à présent. Leurs dirigeants doivent assumer des décisions difficiles et courageuses. Dans ce contexte, tout doit être mis en oeuvre pour inciter les parties à persévérer sans relâche dans la démarche qu'elles ont engagée, jusqu'à la conclusion d'un accord global et définitif.
L'Union européenne est prête à prendre toute sa part pour assurer le succès des efforts engagés. Son rôle, qu'elle entend poursuivre de manière active et utile, se décline selon plusieurs registres : encouragement aux parties, contribution à la recherche de solutions, soutien à la mise en oeuvre des accords.
- A travers le dialogue politique étroit et régulier qu'elle entretient avec l'ensemble des parties régionales, l'Union ne manque jamais de rappeler la légalité internationale, le souci de voir appliquer les résolutions des Nations Unies et les principes fondamentaux qui guident le processus de paix, et d'encourager les parties à progresser dans la voie de la paix. Vous avez pu constater, Madame la Présidente, à l'occasion du déplacement que vous avez effectué au Proche-Orient au début de cette année, à quel point les positions européennes sont entendues, scrutées, disséquées, jugées tantôt trop timides ou trop allantes, mais généralement constructives et équilibrées. Vous avez pu également remarquer combien l'attente vis-à-vis de l'Europe demeurait forte. C'est ce souci d'affirmer le rôle de l'Europe et de répondre à l'attente des parties qui avait présidé à la désignation d'un envoyé spécial de l'Union européenne, en 1996. L'Ambassadeur Moratinos, que je salue, et qui assume cette fonction depuis 4 ans, est parvenu à donner un visage à l'Europe, en développant des contacts quotidiens avec l'ensemble des dirigeants de la région.
- Ce rôle d'appui et de facilitateur et d'intermédiaire, complémentaire de celui des Etats-Unis, se double d'une contribution à la réflexion collective pour imaginer des solutions nouvelles, briser certains tabous ou proposer des compromis. La Déclaration de Berlin, en 1999, après celle de Venise en 1980, qui traduisent une remarquable unité de vues des partenaires européens, constituent des textes de références, qui ont contribué à ouvrir la voie à des compromis historiques entre Israéliens et Palestiniens.
- L'Europe, enfin, a développé une politique de coopération avec l'ensemble des pays du Proche-Orient visant, à créer les conditions d'un développement économique et social harmonieux tout en renforçant l'intégration régionale, condition de l'ancrage de la paix. Elle assure ainsi près de la moitié des engagements financiers de l'aide internationale aux Territoires palestiniens depuis 1993. Elle demeure naturellement disponible pour contribuer, le moment venu, à la pleine application des accords conclus.
Il est encore trop tôt pour évoquer ce que pourrait être un accord sur le statut permanent des Territoires palestiniens, qu'il appartiendra en tout état de cause aux seules parties de définir par la négociation. Les discussions de Camp David donnent toutefois une première idée de ce que pourrait être les contours d'un futur accord.
L'avènement d'un Etat palestinien est inéluctable. Un Etat viable, pacifique et démocratique. Il en va du droit imprescriptible des Palestiniens à l'autodétermination. Il constitue par ailleurs la meilleure garantie de sécurité pour Israël. Ce droit à disposer d'un Etat et, partant, à le proclamer, ne saurait faire l'objet d'aucun veto. Comme l'Union européenne l'a déjà marqué, sa préférence irait à ce qu'un Etat palestinien soit créé au terme d'un processus de négociation qui aurait abouti. Elle n'en fait cependant pas une condition. Sa position sur cette question demeure celle exprimée dans la Déclaration de Berlin, de mars 1999. Mais, dans la phase présente, tous les efforts, à commencer par ceux des parties, doivent tendre, vers la conclusion d'un accord qui est à portée de main. Comme vous avez pu le noter, les Palestiniens s'interrogent eux-mêmes aujourd'hui, sur l'opportunité, les conditions et le moment de la proclamation de leur Etat, au regard des évolutions en cours. Les échanges de vues entre les ministres des Affaires étrangères des Quinze, lors de leur récente réunion informelle "Gymnich" à Evian, ont confirmé la validité de l'approche européenne conduite jusqu'à présent, en appui au processus de paix.
L'urgence qu'il y a à obtenir une percée décisive sur le volet israélo-palestinien, ne doit pas nous détourner des autres volets du processus de paix. Car celui-ci forme un tout cohérent et requiert une solution globale. Un accord israélo-palestinien ne peut à lui seul assurer au Proche-Orient paix et stabilité. Aussi, comme l'a souligné dernièrement le président de la République, est-il temps que les fils de la discussion soient renoués entre la Syrie et Israël, le statu quo n'étant dans l'intérêt d'aucun des deux pays. Tout doit donc être entrepris pour favoriser dès que possible la conclusion d'un accord entre Israël et la Syrie, ainsi qu'entre Israël et le Liban. Si la situation apparaît aujourd'hui contrastée, des perspectives existent.
Le retrait israélien du Sud-Liban, le 24 mai dernier, a mis fin à 22 années d'occupation. Il a créé une nouvelle donne. Ce retrait, certifié par le Secrétaire général des Nations unies le 16 juin, a constitué un élément positif à plus d'un titre. Il a marqué d'abord l'application, certes tardive, mais intégrale et inconditionnelle, de la résolution 425 du Conseil de Sécurité. Il a représenté à cet égard une incontestable avancée. Il s'est déroulé ensuite dans des conditions plus favorables que l'on ne pouvait le craindre et n'a pas été accompagné de la recrudescence de la violence que l'on pouvait redouter. Il faut souligner à cet égard le sens des responsabilités dont a fait preuve l'ensemble des parties.
Les difficultés rencontrées ont pu jusque là être surmontées, et les dispositions de la résolution 425 mises en oeuvre. La question des empiétements israéliens le long de la "ligne bleue" a ainsi pu être réglée, après deux mois de difficultés. Le Conseil de sécurité a adopté le 27 juillet la résolution 1310 prorogeant le mandat de la FINUL pour une nouvelle période de six mois. Le gouvernement libanais a donné, le 5 août, son accord au redéploiement de la force dans l'ex-zone occupée. Depuis lors, la FINUL a établi un certain nombre de postes fixes dans cette zone et a également pris position le long de la frontière israélo-libanaise. Parallèlement, le gouvernement libanais a procédé, le 9 août, au déploiement, dans l'ex zone occupée, d'une "force mixte" de 1000 hommes (500 militaires et 500 policiers), avec pour mission de maintenir l'ordre public à l'intérieur même du territoire libanais, à l'exclusion toutefois de toute tâche de surveillance de la frontière.
Le redéploiement de la FINUL et l'envoi, par le gouvernement libanais, d'une "force mixte" de sécurité dans le Sud constituent des éléments positifs. Mais la situation sur la frontière avec Israël demeure fragile. Des incidents, jusqu'à présent relativement mineurs, se produisent de temps à autre le long de la "ligne bleue". Il est dans l'intérêt de toutes les parties d'éviter tout incident susceptible de provoquer l'escalade. Il importe que le Gouvernement libanais assume toutes ses responsabilités, afin de créer les conditions nécessaires au plein exercice, par la FINUL, de son mandat.
La stabilisation de la situation au Sud-Liban passe également par la réhabilitation de cette région qui a beaucoup souffert de l'occupation et de la guerre, ainsi que par sa réintégration dans l'espace économique et social du Liban. L'Union européenne est naturellement prête à prendre sa part à la reconstruction du Sud-Liban, dès que les conditions sur le terrain auront été réunies. Elle entend notamment manifester son aide au Liban à l'occasion de la "Conférence des donateurs pour la reconstruction du Liban-Sud", dont la tenue est prévue à l'automne.
Le retrait d'Israël du Sud-Liban et le rétablissement progressif de la souveraineté libanaise dans la zone vont dans le bon sens. Par ailleurs, les changements en cours dans la région laissent entrevoir la possibilité d'une évolution progressive des relations syro-libanaises. La situation n'en demeure pas moins fragile. Seul un accord israélo-syrien, en application de la résolution 242 du Conseil de sécurité et du principe de l'échange des territoires contre la paix, pourra apporter à la région une paix juste et durable.
Le contexte peut, certes, ne pas apparaître très favorable à une reprise des négociations israélo-syriennes, tout au moins à court terme. Les positions des deux parties demeurent - à ce stade - inconciliables, même si les différends paraissent moins profonds que sur bien des aspects du conflit israélo-palestinien. Par ailleurs, les agendas internes des dirigeants israélien et syrien paraissent, dans l'immédiat, accaparés par d'autres enjeux.
Pour autant, le choix stratégique de la paix demeure de part et d'autre et a été récemment réaffirmé au plus haut niveau. Le président Bachar El Assad a marqué dans son discours d'investiture du 17 juillet dernier son "empressement" à conclure un accord avec Israël, rappelant que "tout était négociable, sauf la ligne du 4 juin 1967". Ehud Barak, quant à lui, a appelé pour sa part la Syrie à conclure la "paix des braves". On peut donc espérer que, dans les mois à venir, les fils de la négociation pourront être renoués.
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L'évolution récente de la région n'est pas uniquement liée à celle du processus de paix, même si celui-ci joue un rôle central. L'intégration régionale, encore très insuffisante, progresse, lentement mais régulièrement. Elle s'inscrit tout particulièrement dans le cadre plus large du processus euro-méditerranéen de Barcelone qui traduit le souci de l'Union européenne de développer une stratégie globale appliquée à cette région, qui nous est si proche et intimement liée. Une zone de libre-échange est en construction avec l'Union qui inclut tous les pays du Proche-Orient et devrait favoriser l'ouverture et la modernisation des économies ainsi que leur insertion dans l'économie mondiale. Des accords d'association ont été signés avec la Jordanie, avec Israël et l'Autorité palestinienne. Ils devraient l'être prochainement avec l'Egypte. Des négociations sont en cours avec le Liban ainsi qu'avec la Syrie. Nul doute que le processus euro-méditerranéen, dans sa dimension politique, avec le projet de Charte de paix et de stabilité, économique, mais aussi sociale et humaine, contribuera à construire le Proche-Orient de l'après-paix. Car il n'existe pas d'alternative au processus de paix engagé, et aujourd'hui entré dans une phase décisive.
L'Europe, à l'instar du reste de la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis, entend tout mettre en oeuvre pour faciliter les grandes décisions qui reviennent aux acteurs premiers que sont les Israéliens et les Palestiniens, responsables devant leur peuple et devant l'Histoire, et favoriser l'émergence de cette paix, si longtemps attendue, si longtemps désirée..
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2000)