Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
En soixante-dix ans, la télévision s'est imposée comme l'un des symboles les plus représentatifs de notre siècle. Elle est devenue indispensable à chacun d'entre nous, donnant naissance à une "ère cathodique" dans laquelle l'image a transformé nos cultures, nos rapports avec le monde et nos modes de vie. Elle a donné naissance à une industrie dynamique, et à un immense potentiel de croissance et d'emploi. Je rappellerai seulement que l'industrie audiovisuelle fournit aujourd'hui aux Etats-Unis leur premier poste d'exportation, loin devant l'aéronautique.
Permettez-moi donc, tout d'abord, de remercier les organisateurs de ce colloque sur la télévision haute définition et la télévision mobile.
Ce colloque est d'un intérêt tout particulier par sa date et par son thème :
¢ Par sa date, parce que le Gouvernement doit prendre, dans les jours et semaines qui viennent, des décisions majeures en ce qui concerne l'avenir des services de télévision en France. Ces décisions auront des conséquences considérables non seulement pour les producteurs et éditeurs de programmes, les diffuseurs et distributeurs, mais aussi pour l'ensemble du secteur audiovisuel, et plus largement encore pour toute l'industrie française des communications électroniques.
¢ Par son thème, parce que le progrès technique conduit aujourd'hui les services de télévision à un tournant de leur histoire. Leur développement repose en effet sur un équilibre entre deux impératifs :
o d'une part l'accroissement de l'offre de programmes,
o d'autre part la diversification des usages,
- soit au niveau du terminal, c'est le cas de la télévision mobile,
- soit au niveau de la qualité de l'image, et c'est le cas de la haute-définition.
Je voudrais insister sur ce point : Aucun de ces deux impératifs ne doit effacer l'autre. Sacrifier la diversité culturelle à l'innovation technologique serait aussi dangereux qu'ignorer le progrès technique afin d'élargir l'offre de programmes. Les deux impératifs ne s'opposent pas. Ils se complètent. Nouvelles chaînes et nouveaux services ont partie liée.
Il aurait été absurde en 1967 de privilégier le seul lancement d'une troisième chaîne par rapport au développement de la télévision couleur. La télévision couleur a d'ailleurs généré en retour une explosion de la demande et de l'offre de programmes.
Il serait absurde aujourd'hui de privilégier la seule multiplication de l'offre de programmes au détriment de la télévision mobile et de la télévision haute définition. La télévision mobile comme la télévision haute définition conduisent en effet, comme les premiers lancements commerciaux effectués en Asie et aux Etats-Unis le confirment, à un développement extraordinaire de la demande et de l'offre de programmes.
Une question centrale pour l'avenir de l'industrie audiovisuelle nationale nous est aujourd'hui posée:
Quelle place voulons-nous laisser à ces nouveaux services en France ?
En ce qui concerne la télévision mobile, deux types de vecteurs doivent être envisagés :
¢ d'une part la télévision sur Internet, qui est maintenant possible avec le développement de la téléphonie mobile de troisième génération. Cette télévision permet une consommation individualisée mais pas la diffusion en direct de grands évènements à de larges publics, pour une raison évidente d'encombrement du réseau. Elle est de plus limitée aux zones couvertes par la troisième génération.
¢ d'autre part la télévision numérique terrestre mobile, pour laquelle arrivent à maturité les nouveaux standards MPEG4 et DVB-H. Cette télévision permet de diffuser en direct de grands évènements, au public le plus large. Et elle est accessible sur l'ensemble du territoire national.
Ces deux vecteurs de télévision mobile, j'en ai la conviction, sont essentiellement complémentaires. Il nous revient donc d'articuler au mieux les lancements concomitants de la troisième génération de téléphonie mobile et de la télévision numérique terrestre. C'est pour cette raison que j'ai pris l'initiative de constituer un forum de la télévision mobile, qui réunira l'ensemble des industriels souhaitant promouvoir la télévision mobile : producteurs et éditeurs de programmes, distributeurs, opérateurs de téléphonie mobile, fabricants de terminaux. Ce forum sera officiellement lancé le 23 novembre prochain à Bercy.
Mais aucune articulation ne sera possible si nous ne préservons pas un espace suffisant au sein du numérique terrestre. Le Conseil Supérieur Audiovisuel a lancé une consultation publique sur l'utilisation du multiplexe R5, resté vacant à ce jour. Les réponses des industriels, comme celles de TF1, France Télévision, M6, ou encore Canal +, mais également des opérateurs de téléphonie mobile, convergent vers le souhait que ce multiplexe soit affecté à la télévision mobile. C'est au CSA qu'il revient désormais de décider.
En ce qui concerne la haute définition, permettez-moi tout d'abord de saluer les acteurs du satellite, du câble et de l'ADSL. Il existe déjà une chaîne de télévision haute définition sur le câble et je sais par ailleurs que les deux bouquets satellites présents sur le marché français, repris sur le câble et sur l'ADSL, s'apprêtent à lancer dans les mois qui viennent, comme leurs homologues européens, des services haute définition.
Mais au-delà du câble et du satellite, la question de la haute définition se pose essentiellement pour le numérique terrestre, qui constitue le principal vecteur de diffusion télévisuelle en France.
Deux rapports viennent d'être remis au Gouvernement sur ce thème, l'un par Jean-Michel Hubert, Vice-Président du Conseil Général des Technologies de l'Information (CGTI), l'autre par Daniel Boudet de Montplaisir, coordinateur national de la TNT. Ces deux rapports recommandent clairement l'introduction de la haute définition dans la télévision numérique terrestre.
Comme la grande majorité des industriels du secteur, réunis au sein de l'association HD Forum, mais aussi les auteurs, réalisateurs et producteurs, qui viennent d'adopter une déclaration dans ce sens lors des récentes rencontres cinématographiques de Beaune, je suis moi aussi convaincu que l'introduction de la haute définition dans la télévision numérique terrestre est à la fois souhaitable et possible.
Elle est souhaitable pour trois raisons essentielles :
1. Restreindre la haute définition au satellite et au câble aboutirait tout d'abord à en exclure la grande majorité des français, et à creuser durablement une véritable fracture de l'image numérique entre des privilégiés, qui peuvent accéder à la haute définition par le satellite, le câble ou l'ADSL, et le plus grand nombre, qui resterait condamné à la basse définition.
2. La télévision haute définition constitue ensuite un service susceptible de répondre à l'attente de nombreux consommateurs. Les ventes d'écrans plats, susceptibles de recevoir la haute définition, progressent déjà à un rythme supérieur à 300% par an. Plus de 600.000 pièces seront écoulées sur le marché français en 2004. Dans le même temps, le prix moyen de l'écran plat 15 pouces, qui est déjà passé de 1.700 à 600 euros en trois ans, accélère sa baisse sous l'effet de l'explosion du marché international. Permettez-moi de rappeler à titre de comparaison que lorsque la télévision couleur a été lancée le 1er octobre 1967, 1.500 téléviseurs couleurs seulement étaient en service dans le pays, et que leur prix était alors cinquante fois supérieur à celui des postes noir et blanc.
3. La haute définition représente enfin un enjeu majeur pour l'industrie audiovisuelle française et européenne. Elle se développe déjà rapidement dans plusieurs pays d'Asie, en Australie, au Canada et aux Etats-Unis. La France, longtemps pionnière dans le domaine de l'image, ne peut rester absente d'une telle mutation.
Certains craignent que l'introduction de la haute définition ne crée une discrimination en faveur des groupes qui disposent de moyens suffisants pour y réaliser des investissements massifs. Je ne partage pas cette inquiétude. Je rejette en particulier l'idée de niveler la télévision numérique par le bas, au prix de l'affaiblissement de l'industrie audiovisuelle nationale.
Introduire la haute définition dans la télévision numérique terrestre est non seulement souhaitable mais possible, pour six raisons principales :
1. Premièrement, il est possible d'introduire la haute définition sans porter atteinte à la sélection d'éditeurs déjà réalisée par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. En effet, le format de compression de nouvelle génération, MPEG4, offre un taux de compression 3 fois supérieur à l'ancien format MPEG2. Il permet donc de réduire suffisamment le besoin en fréquence de chaque chaîne pour conserver l'ensemble des éditeurs déjà sélectionnés et autoriser cinq à sept d'entre eux à passer en haute définition.
2. Deuxièmement, ce format de compression de nouvelle génération arrive aujourd'hui à maturité industrielle. Les décodeurs MPEG4 seront en effet disponibles à grande échelle dès septembre 2005 - plusieurs commandes effectives émanant notamment du marché américain et comportant des dates de livraison fixées à juillet 2005 attestent de cette disponibilité -, à un prix supérieur de 30 à 40 Euros aux décodeurs MPEG2, différence qui devrait se réduire très rapidement avec le développement des marchés mondiaux.
3. Troisièmement, au plan juridique, ce format de compression ne peut être interdit. En effet, la norme MPEG4 a été validée le 2 septembre dernier au niveau communautaire. Seule la Commission européenne peut, en application de la directive 2002/21/CE relative à cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, en raison de problèmes d'efficience ou d'interopérabilité - MPEG4 est d'ailleurs plus efficient et parfaitement interopérable - et à l'issue d'une consultation publique spécifique, rendre obligatoire certaines normes. Au-delà même de la question de l'opportunité de continuer à interdire MPEG4 en France, l'arrêté interministériel du 24 décembre 2001, qui n'autorise que l'utilisation de la norme MPEG2 par les détenteurs de fréquences, comporte donc un important risque contentieux, qu'il s'agisse de chaînes gratuites ou payantes.
4. Quatrièmement, dans sa politique de soutien à la recherche, l'Etat a investi depuis le début des années 2000 des sommes considérables dans le développement de nouvelles applications de la télévision numérique au format MPEG4, en particulier en appuyant les nombreuses entreprises innovantes réunies au sein du Réseau de l'Innovation en Audiovisuel et Multimédia (RIAM). Renoncer à l'utilisation de ce format alors même qu'il arrive à maturité poserait évidemment la question de la cohérence des choix publics et du maintien d'un soutien de l'Etat à l'innovation dans le secteur audiovisuel.
5. Cinquièmement, dans la compétition internationale de l'image, l'industrie française et européenne dispose d'un savoir-faire reconnu pour les composants MPEG4, alors même que les Etats-Unis tentent d'imposer partout dans le monde un format concurrent, WM9. Avec l'initialisation d'un parc de décodeurs capables de recevoir des flux MPEG4, la France retrouverait enfin les premiers rangs dans le domaine de l'image numérique. En effet, la plupart des pays développés, qui ont lancé la TNT dans les années 1990 et constitué depuis lors d'importants parcs de décodeurs MPEG2, font actuellement face aux difficultés et aux coûts de la migration de tels parcs vers les nouveaux formats MPEG4 ou WM9. Dans ce contexte, l'initialisation d'un parc de décodeurs limités à MPEG2 risquerait d'apparaître comme un contresens et d'accroître durablement le retard du pays. Le retard de la France dans le lancement de la TNT doit au contraire, j'en suis convaincu, être transformé en atout.
Permettez-moi ici de rappeler la bataille internationale des formats de la télévision couleur. Cette bataille opposait :
¢ le standard américain NTSC (National Télévision System Commitee), les mauvaises langues européennes de l'époque traduisaient par "Never twice the same colour" (jamais deux fois la même couleur);
¢ le système allemand PAL, développé par Telefunken;
¢ enfin, le système français SECAM, présenté par Henri de France.
Les années 1965- 1970 ont été placées sous le signe de cette bataille de titans avec, pour décor, la guerre froide, l'OTAN, l'Europe et l'exception française. Les choix faits en 1967 ont été lourds de conséquences : L'Amérique et sa sphère d'influence ont définitivement adopté le procédé NTSC. L'Europe s'est massivement ralliée au système allemand PAL. Seule la France a fait de la résistance avec le procédé Secam qui sera retenu pour l'Afrique francophone... et les pays du pacte
de Varsovie !
Dans la bataille des formats de la haute-définition, l'Europe dispose cette fois-ci d'un atout essentiel : elle est unie. Les instances communautaires ont en effet retenu le seul format MPEG4 pour la haute définition. Cette chance exceptionnelle ne doit pas être manquée.
6. Sixièmement, le calendrier de lancement de la TNT est compatible avec l'introduction de ce nouveau format MPEG4. Les deux rapports ainsi que l'ensemble des techniciens consultés soulignent en effet les risques qui s'attacheraient au lancement commercial de la TNT avant même tout pré-déploiement et toute expérimentation technique en vraie grandeur. La décision du Conseil d'Etat du 20 octobre 2004 semble reporter par ailleurs à mai 2005 au plus tôt la possibilité de lancer l'offre complète de chaînes gratuites de la TNT.
Dans ce contexte, vous le savez, je suis favorable à un schéma conjuguant prudence et pragmatisme. Ce schéma reposerait sur quatre principes simples :
¢ Maintien de l'ensemble du dispositif décidé par le CSA, tant en ce qui concerne les éditeurs sélectionnés que le calendrier de lancement ;
¢ Lancement effectif des chaînes gratuites le 1er mars 2005, pour une période de six mois consacrée au pré-déploiement, à la validation technique du dispositif, et à la mise en place des nouvelles autorisations faisant suite à la décision
du Conseil d'Etat ;
¢ Lancement commercial le 1er septembre 2005, avec liberté de norme pour la diffusion et obligation pour la réception de décoder à la fois MPEG2 et MPEG4.
¢ Attribution par le CSA de " licences haute définition " aux éditeurs qui en font la demande, sur la base d'un calendrier et d'une procédure de sélection à déterminer, et du versement de redevances à fixer.
Permettez-moi d'observer que ce schéma, qui conjugue prudence et pragmatisme, est proposé à la fois par M. Jean-Michel Hubert et par M. Daniel Boudet de Montplaisir.
Nous partageons tous, en effet, l'objectif d'une solution raisonnable, Comme l'a indiqué le Premier Ministre, en toutes hypothèses, il n'y aura ni vainqueur ni vaincu. Seul l'intérêt du téléspectateur et celui de l'industrie française doivent servir de guides.
La TNT sera lancée en France le 1er mars 2005. Cette date sera celle du 110ième anniversaire des débuts de l'image animée, avec le tournage de " la sortie du personnel des usines Lumière ", le 19 mars 1895. Elle doit aussi être celle du retour de la France en tête de la course aux nouveaux services de télévision.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 3 novembre 2004)
En soixante-dix ans, la télévision s'est imposée comme l'un des symboles les plus représentatifs de notre siècle. Elle est devenue indispensable à chacun d'entre nous, donnant naissance à une "ère cathodique" dans laquelle l'image a transformé nos cultures, nos rapports avec le monde et nos modes de vie. Elle a donné naissance à une industrie dynamique, et à un immense potentiel de croissance et d'emploi. Je rappellerai seulement que l'industrie audiovisuelle fournit aujourd'hui aux Etats-Unis leur premier poste d'exportation, loin devant l'aéronautique.
Permettez-moi donc, tout d'abord, de remercier les organisateurs de ce colloque sur la télévision haute définition et la télévision mobile.
Ce colloque est d'un intérêt tout particulier par sa date et par son thème :
¢ Par sa date, parce que le Gouvernement doit prendre, dans les jours et semaines qui viennent, des décisions majeures en ce qui concerne l'avenir des services de télévision en France. Ces décisions auront des conséquences considérables non seulement pour les producteurs et éditeurs de programmes, les diffuseurs et distributeurs, mais aussi pour l'ensemble du secteur audiovisuel, et plus largement encore pour toute l'industrie française des communications électroniques.
¢ Par son thème, parce que le progrès technique conduit aujourd'hui les services de télévision à un tournant de leur histoire. Leur développement repose en effet sur un équilibre entre deux impératifs :
o d'une part l'accroissement de l'offre de programmes,
o d'autre part la diversification des usages,
- soit au niveau du terminal, c'est le cas de la télévision mobile,
- soit au niveau de la qualité de l'image, et c'est le cas de la haute-définition.
Je voudrais insister sur ce point : Aucun de ces deux impératifs ne doit effacer l'autre. Sacrifier la diversité culturelle à l'innovation technologique serait aussi dangereux qu'ignorer le progrès technique afin d'élargir l'offre de programmes. Les deux impératifs ne s'opposent pas. Ils se complètent. Nouvelles chaînes et nouveaux services ont partie liée.
Il aurait été absurde en 1967 de privilégier le seul lancement d'une troisième chaîne par rapport au développement de la télévision couleur. La télévision couleur a d'ailleurs généré en retour une explosion de la demande et de l'offre de programmes.
Il serait absurde aujourd'hui de privilégier la seule multiplication de l'offre de programmes au détriment de la télévision mobile et de la télévision haute définition. La télévision mobile comme la télévision haute définition conduisent en effet, comme les premiers lancements commerciaux effectués en Asie et aux Etats-Unis le confirment, à un développement extraordinaire de la demande et de l'offre de programmes.
Une question centrale pour l'avenir de l'industrie audiovisuelle nationale nous est aujourd'hui posée:
Quelle place voulons-nous laisser à ces nouveaux services en France ?
En ce qui concerne la télévision mobile, deux types de vecteurs doivent être envisagés :
¢ d'une part la télévision sur Internet, qui est maintenant possible avec le développement de la téléphonie mobile de troisième génération. Cette télévision permet une consommation individualisée mais pas la diffusion en direct de grands évènements à de larges publics, pour une raison évidente d'encombrement du réseau. Elle est de plus limitée aux zones couvertes par la troisième génération.
¢ d'autre part la télévision numérique terrestre mobile, pour laquelle arrivent à maturité les nouveaux standards MPEG4 et DVB-H. Cette télévision permet de diffuser en direct de grands évènements, au public le plus large. Et elle est accessible sur l'ensemble du territoire national.
Ces deux vecteurs de télévision mobile, j'en ai la conviction, sont essentiellement complémentaires. Il nous revient donc d'articuler au mieux les lancements concomitants de la troisième génération de téléphonie mobile et de la télévision numérique terrestre. C'est pour cette raison que j'ai pris l'initiative de constituer un forum de la télévision mobile, qui réunira l'ensemble des industriels souhaitant promouvoir la télévision mobile : producteurs et éditeurs de programmes, distributeurs, opérateurs de téléphonie mobile, fabricants de terminaux. Ce forum sera officiellement lancé le 23 novembre prochain à Bercy.
Mais aucune articulation ne sera possible si nous ne préservons pas un espace suffisant au sein du numérique terrestre. Le Conseil Supérieur Audiovisuel a lancé une consultation publique sur l'utilisation du multiplexe R5, resté vacant à ce jour. Les réponses des industriels, comme celles de TF1, France Télévision, M6, ou encore Canal +, mais également des opérateurs de téléphonie mobile, convergent vers le souhait que ce multiplexe soit affecté à la télévision mobile. C'est au CSA qu'il revient désormais de décider.
En ce qui concerne la haute définition, permettez-moi tout d'abord de saluer les acteurs du satellite, du câble et de l'ADSL. Il existe déjà une chaîne de télévision haute définition sur le câble et je sais par ailleurs que les deux bouquets satellites présents sur le marché français, repris sur le câble et sur l'ADSL, s'apprêtent à lancer dans les mois qui viennent, comme leurs homologues européens, des services haute définition.
Mais au-delà du câble et du satellite, la question de la haute définition se pose essentiellement pour le numérique terrestre, qui constitue le principal vecteur de diffusion télévisuelle en France.
Deux rapports viennent d'être remis au Gouvernement sur ce thème, l'un par Jean-Michel Hubert, Vice-Président du Conseil Général des Technologies de l'Information (CGTI), l'autre par Daniel Boudet de Montplaisir, coordinateur national de la TNT. Ces deux rapports recommandent clairement l'introduction de la haute définition dans la télévision numérique terrestre.
Comme la grande majorité des industriels du secteur, réunis au sein de l'association HD Forum, mais aussi les auteurs, réalisateurs et producteurs, qui viennent d'adopter une déclaration dans ce sens lors des récentes rencontres cinématographiques de Beaune, je suis moi aussi convaincu que l'introduction de la haute définition dans la télévision numérique terrestre est à la fois souhaitable et possible.
Elle est souhaitable pour trois raisons essentielles :
1. Restreindre la haute définition au satellite et au câble aboutirait tout d'abord à en exclure la grande majorité des français, et à creuser durablement une véritable fracture de l'image numérique entre des privilégiés, qui peuvent accéder à la haute définition par le satellite, le câble ou l'ADSL, et le plus grand nombre, qui resterait condamné à la basse définition.
2. La télévision haute définition constitue ensuite un service susceptible de répondre à l'attente de nombreux consommateurs. Les ventes d'écrans plats, susceptibles de recevoir la haute définition, progressent déjà à un rythme supérieur à 300% par an. Plus de 600.000 pièces seront écoulées sur le marché français en 2004. Dans le même temps, le prix moyen de l'écran plat 15 pouces, qui est déjà passé de 1.700 à 600 euros en trois ans, accélère sa baisse sous l'effet de l'explosion du marché international. Permettez-moi de rappeler à titre de comparaison que lorsque la télévision couleur a été lancée le 1er octobre 1967, 1.500 téléviseurs couleurs seulement étaient en service dans le pays, et que leur prix était alors cinquante fois supérieur à celui des postes noir et blanc.
3. La haute définition représente enfin un enjeu majeur pour l'industrie audiovisuelle française et européenne. Elle se développe déjà rapidement dans plusieurs pays d'Asie, en Australie, au Canada et aux Etats-Unis. La France, longtemps pionnière dans le domaine de l'image, ne peut rester absente d'une telle mutation.
Certains craignent que l'introduction de la haute définition ne crée une discrimination en faveur des groupes qui disposent de moyens suffisants pour y réaliser des investissements massifs. Je ne partage pas cette inquiétude. Je rejette en particulier l'idée de niveler la télévision numérique par le bas, au prix de l'affaiblissement de l'industrie audiovisuelle nationale.
Introduire la haute définition dans la télévision numérique terrestre est non seulement souhaitable mais possible, pour six raisons principales :
1. Premièrement, il est possible d'introduire la haute définition sans porter atteinte à la sélection d'éditeurs déjà réalisée par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. En effet, le format de compression de nouvelle génération, MPEG4, offre un taux de compression 3 fois supérieur à l'ancien format MPEG2. Il permet donc de réduire suffisamment le besoin en fréquence de chaque chaîne pour conserver l'ensemble des éditeurs déjà sélectionnés et autoriser cinq à sept d'entre eux à passer en haute définition.
2. Deuxièmement, ce format de compression de nouvelle génération arrive aujourd'hui à maturité industrielle. Les décodeurs MPEG4 seront en effet disponibles à grande échelle dès septembre 2005 - plusieurs commandes effectives émanant notamment du marché américain et comportant des dates de livraison fixées à juillet 2005 attestent de cette disponibilité -, à un prix supérieur de 30 à 40 Euros aux décodeurs MPEG2, différence qui devrait se réduire très rapidement avec le développement des marchés mondiaux.
3. Troisièmement, au plan juridique, ce format de compression ne peut être interdit. En effet, la norme MPEG4 a été validée le 2 septembre dernier au niveau communautaire. Seule la Commission européenne peut, en application de la directive 2002/21/CE relative à cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, en raison de problèmes d'efficience ou d'interopérabilité - MPEG4 est d'ailleurs plus efficient et parfaitement interopérable - et à l'issue d'une consultation publique spécifique, rendre obligatoire certaines normes. Au-delà même de la question de l'opportunité de continuer à interdire MPEG4 en France, l'arrêté interministériel du 24 décembre 2001, qui n'autorise que l'utilisation de la norme MPEG2 par les détenteurs de fréquences, comporte donc un important risque contentieux, qu'il s'agisse de chaînes gratuites ou payantes.
4. Quatrièmement, dans sa politique de soutien à la recherche, l'Etat a investi depuis le début des années 2000 des sommes considérables dans le développement de nouvelles applications de la télévision numérique au format MPEG4, en particulier en appuyant les nombreuses entreprises innovantes réunies au sein du Réseau de l'Innovation en Audiovisuel et Multimédia (RIAM). Renoncer à l'utilisation de ce format alors même qu'il arrive à maturité poserait évidemment la question de la cohérence des choix publics et du maintien d'un soutien de l'Etat à l'innovation dans le secteur audiovisuel.
5. Cinquièmement, dans la compétition internationale de l'image, l'industrie française et européenne dispose d'un savoir-faire reconnu pour les composants MPEG4, alors même que les Etats-Unis tentent d'imposer partout dans le monde un format concurrent, WM9. Avec l'initialisation d'un parc de décodeurs capables de recevoir des flux MPEG4, la France retrouverait enfin les premiers rangs dans le domaine de l'image numérique. En effet, la plupart des pays développés, qui ont lancé la TNT dans les années 1990 et constitué depuis lors d'importants parcs de décodeurs MPEG2, font actuellement face aux difficultés et aux coûts de la migration de tels parcs vers les nouveaux formats MPEG4 ou WM9. Dans ce contexte, l'initialisation d'un parc de décodeurs limités à MPEG2 risquerait d'apparaître comme un contresens et d'accroître durablement le retard du pays. Le retard de la France dans le lancement de la TNT doit au contraire, j'en suis convaincu, être transformé en atout.
Permettez-moi ici de rappeler la bataille internationale des formats de la télévision couleur. Cette bataille opposait :
¢ le standard américain NTSC (National Télévision System Commitee), les mauvaises langues européennes de l'époque traduisaient par "Never twice the same colour" (jamais deux fois la même couleur);
¢ le système allemand PAL, développé par Telefunken;
¢ enfin, le système français SECAM, présenté par Henri de France.
Les années 1965- 1970 ont été placées sous le signe de cette bataille de titans avec, pour décor, la guerre froide, l'OTAN, l'Europe et l'exception française. Les choix faits en 1967 ont été lourds de conséquences : L'Amérique et sa sphère d'influence ont définitivement adopté le procédé NTSC. L'Europe s'est massivement ralliée au système allemand PAL. Seule la France a fait de la résistance avec le procédé Secam qui sera retenu pour l'Afrique francophone... et les pays du pacte
de Varsovie !
Dans la bataille des formats de la haute-définition, l'Europe dispose cette fois-ci d'un atout essentiel : elle est unie. Les instances communautaires ont en effet retenu le seul format MPEG4 pour la haute définition. Cette chance exceptionnelle ne doit pas être manquée.
6. Sixièmement, le calendrier de lancement de la TNT est compatible avec l'introduction de ce nouveau format MPEG4. Les deux rapports ainsi que l'ensemble des techniciens consultés soulignent en effet les risques qui s'attacheraient au lancement commercial de la TNT avant même tout pré-déploiement et toute expérimentation technique en vraie grandeur. La décision du Conseil d'Etat du 20 octobre 2004 semble reporter par ailleurs à mai 2005 au plus tôt la possibilité de lancer l'offre complète de chaînes gratuites de la TNT.
Dans ce contexte, vous le savez, je suis favorable à un schéma conjuguant prudence et pragmatisme. Ce schéma reposerait sur quatre principes simples :
¢ Maintien de l'ensemble du dispositif décidé par le CSA, tant en ce qui concerne les éditeurs sélectionnés que le calendrier de lancement ;
¢ Lancement effectif des chaînes gratuites le 1er mars 2005, pour une période de six mois consacrée au pré-déploiement, à la validation technique du dispositif, et à la mise en place des nouvelles autorisations faisant suite à la décision
du Conseil d'Etat ;
¢ Lancement commercial le 1er septembre 2005, avec liberté de norme pour la diffusion et obligation pour la réception de décoder à la fois MPEG2 et MPEG4.
¢ Attribution par le CSA de " licences haute définition " aux éditeurs qui en font la demande, sur la base d'un calendrier et d'une procédure de sélection à déterminer, et du versement de redevances à fixer.
Permettez-moi d'observer que ce schéma, qui conjugue prudence et pragmatisme, est proposé à la fois par M. Jean-Michel Hubert et par M. Daniel Boudet de Montplaisir.
Nous partageons tous, en effet, l'objectif d'une solution raisonnable, Comme l'a indiqué le Premier Ministre, en toutes hypothèses, il n'y aura ni vainqueur ni vaincu. Seul l'intérêt du téléspectateur et celui de l'industrie française doivent servir de guides.
La TNT sera lancée en France le 1er mars 2005. Cette date sera celle du 110ième anniversaire des débuts de l'image animée, avec le tournage de " la sortie du personnel des usines Lumière ", le 19 mars 1895. Elle doit aussi être celle du retour de la France en tête de la course aux nouveaux services de télévision.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 3 novembre 2004)