Texte intégral
Le référendum sur la Constitution européenne va être l'enjeu d'une formidable bataille politique
dans les mois à venir
Chers Amis, Chers Camarades,
" La politique, a-t-on dit, est l'art d'empêcher les gens de s'occuper de ce qui les concerne ". Force est de constater que cet art avait atteint en France des sommets : la constitution modifiée tous les douze ou dix-huit mois par les assemblées parlementaires, sans que le peuple soit consulté, le référendum réservé à quelques rares sujets perçus comme accessoires, l'élection présidentielle escamotée dans la confusion, des forces politiques alternant au pouvoir pour y appliquer des politiques peu différentes, l'Europe et la mondialisation toujours invoquées pour faire croire que l'essentiel se décide ailleurs, un ailleurs sur lequel le citoyen n'a pas de prise.
Eh bien, pour une fois, le peuple français va retrouver un moyen de peser puissamment sur le cours des choses. Le président de la République l'a annoncé, le traité improprement qualifié de " Constitution européenne " va être soumis à référendum. Cela ne suffit pas à garantir le retour de la démocratie. Mais ce peut être l'occasion de faire en ce sens un pas décisif : une occasion dont nous devons nous saisir ; une occasion qui va être l'enjeu d'une formidable bataille politique dans les mois qui viennent.
Une fois de plus, la classe politique et la plupart des grands média vont s'efforcer d'escamoter l'échéance. Souvenez-vous : pour Maastricht déjà, la très courte victoire du " oui " n'avait été remportée qu'au prix d'un forcing médiatique éhonté, intimidant une opinion largement hostile, par la menace d'une déstabilisation et de nouveaux conflits avec l'Allemagne. Les arguments seront différents. La démarche sera identique.
Le référendum ne sera pas présenté comme un choix offert, mais comme un non-choix, comme un rite collectif d'adhésion à l'inévitable. Inévitable cette Europe ultra-libérale, Europe de la concurrence sauvage, des délocalisations, du démantèlement des acquis sociaux et des services publics ! Inévitables, la démission nationale, les nouveaux et décisifs abandons de souveraineté en faveur de cette Europe-là. Inévitable, la mondialisation sous domination économique et militaire des Etats-Unis, dont cette Europe-là est l'un des vecteurs. Dormez en paix, braves gens, et votez " oui " ou abstenez-vous, peu importe, pourvu que vous laissiez faire. Tous ceux qui refusent cette Europe-là ne sont que des ringards, des passéistes condamnés par le grand mouvement irrésistible de l'Histoire.
Nous connaissons bien ces discours. Nous allons en être assourdis, plus que jamais, dans les mois à venir. Mais attention ! Ils auront cette fois-ci plus de mal à se faire entendre. Car, on le voit bien, on le voit de mieux en mieux, cette Europe-là va dans le mur, cette mondialisation-là va dans le mur.
L'Europe ultra-libérale dans le mur
L'Europe devait apporter la prospérité. Or le souci exclusif de la stabilité monétaire a étouffé la croissance : depuis une dizaine d'années, pendant que la production industrielle augmentait de 30% aux Etats-Unis, de 50% dans les pays émergents d'Asie et davantage encore en Chine. Les records de chômage sont battus et rebattus, les industries en permanence menacées de délocalisation. L'introduction de l'euro a accéléré la dégradation du pouvoir d'achat des couches populaires, coïncidant avec la hausse en flèche des prix de l'alimentation et du logement. Les systèmes de santé et de sécurité sociale sont en crise et pas seulement en France : voyez l'Allemagne. L'avenir n'est plus préparé, l'éducation et l'université sont à la portion congrue : plus de grands projets industriels, plus de grandes ambitions pour la Recherche, pour les services publics qui se délitent lentement et sûrement en attendant les privatisations qui ont repris. C'est France Télécom qui est privatisée par Nicolas Sarkozy. Cette privatisation sera un trophée en direction des libéraux avant sont départ de Bercy. Il est vrai que le gouvernement Jospin avait déblayé la voie, en procédant à une ouverture du capital. Et maintenant ils font semblant d'être en désaccord avec la privatisation On croit rêver !
Tel est l'effet de la loi de la concurrence sacralisée et érigée en dogme exclusif ! Tout se passe dans cette Europe ultra-libérale comme s'il n'y avait le choix en dernier ressort, qu'entre diminuer le chômage en réduisant le coût du travail au prix d'une progression de la pauvreté et de l'insécurité sociale - c'est le choix britannique - ou défendre les acquis sociaux, mais au prix d'un taux élevé de chômage.
Oui l'Europe libérale est dans le mur en matière économique et sociale. Elle est aussi dans le mur en matière institutionnelle. Déjà à quinze, le fonctionnement des institutions bruxelloises brillait par sa lourdeur, son inefficacité, son opacité. On vient de passer à vingt-cinq sans que les institutions aient été efficacement réformées ; chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître la catastrophique inadaptation du traité de Nice qui les régit aujourd'hui. Mieux aurait valu s'en apercevoir en temps utile, lorsque les deux cohabitants, Chirac et Jospin se sont accordés pour y adhérer.
A voir les règles actuelles, mais aussi celles que fixe la prétendue " Constitution ", on est en droit de se demander combien de temps, combien d'efforts seront nécessaires pour que l'usine à gaz européen parvienne à produire des décisions.
Mais il y a pire. Car la question est de savoir quelle légitimité démocratique pourront bien avoir ces décisions. Quant à leur élaboration, d'abord, l'Europe élargie est devenue une tour de Babel, riche si l'on peut dire, de vingt-cinq langues officielles et ligotée par l'obligation de traduire chaque document dans chacune de ces langues. Ce n'est plus l'Europe de l'espace, du charbon ni de l'acier, c'est l'Europe des interprètes. Ceux-ci seront protégés contre le chômage sans pour autant que la clarté du débat démocratique puisse à l'évidence, dans de telles conditions, être assurée. La première condition du débat démocratique, c'est bien qu'on se comprenne, qu'on parle la même langue ; l'anglais qui domine de plus en plus n'est compris que par une minorité de privilégiés, alors que s'aggrave l'exclusion des masses populaires.
L'Europe telle qu'elle se fait aujourd'hui, c'est aussi le gouvernement des juges substitué à la décision démocratique. On a considéré comme un progrès d'inscrire dans les traités de grands principes qu'on voulait protecteurs des droits de l'homme et du respect des compétences de chacune des institutions. On a considéré comme un progrès de vouloir garantir ces principes en donnant à des juridictions la mission d'y veiller. Mais comme ces principes sont vagues et généraux, souvent sujets à discussion et interprétation, il en résulte que les décisions des organes politiques, y compris les plus importants, sont exposées à des remises en cause pas toujours prévisibles par la voie juridictionnelle.
Le conseil des ministres européen admet-il en faveur de la France et de l'Allemagne des dérogations aux règles d'équilibre des finances publiques : la cour européenne de justice désavoue le conseil des ministres. Les autorités françaises fixent-elles les dates d'ouverture de la chasse : les juridictions françaises annulent leur décision au nom de normes européennes proclamées supérieures au droit interne. Et ainsi de suite
L'Europe d'aujourd'hui, c'est aussi celle de l'incertitude des normes, celle de la souveraineté limitée des organes démocratiques. C'est l'Europe de l'oligarchie ! Elire une assemblée européenne sans vrai débat et avec une abstention massive ne sert pas à grand-chose. Cette Europe, c'est la mort lente de la démocratie.
La mondialisation libérale dans le mur
La mondialisation dont cette Europe-là s'est faite le vecteur se porte-t-elle mieux ? Il est évident que le progrès fulgurant des communications, des techniques assurant la circulation des hommes, des biens et des informations crée beaucoup d'irréversible et on ne retrouvera jamais le cloisonnement de jadis. Et pourtant, cette mondialisation-là, cette mondialisation libérale, à la mode américaine et sous hégémonie américaine va elle aussi dans le mur ! Certains ont cru un moment que la chute de la puissance soviétique ouvrait une ère de paix et de progrès sans fin à un monde bientôt unifié sous l'égide du capitalisme. C'est le contraire qui se produit. La prospérité et la paix sont de plus en plus menacées.
La fracture sociale se répète à l'échelle planétaire. L'Afrique n'en finit pas de s'enfoncer dans la misère, les guerres, les massacres. Le monde arabo-musulman, presque partout privé de démocratie, subit le joug des potentats pour la plupart inféodés aux Etats-Unis et incapables de faire accéder les masses populaires à un niveau de vie décent.
A la frustration née du retard économique s'ajoute la rage impuissante devant la violence et l'injustice infligées à certaines populations arabes par les Etats-Unis.
A la plaie ouverte de la Palestine s'ajoute aujourd'hui pour la fierté arabo-musulmane le traumatisme irakien. Voilà un grand pays, riche d'une longue histoire, envahi et occupé militairement par les Etats-Unis et leurs supplétifs, au mépris du droit international et sous un prétexte, celui des armes de destruction massive, dont la fausseté était évidente dès l'origine pour tout observateur de bonne foi. Voilà un pays où, comme il était prévisible, l'agression étrangère n'a fait qu'aggraver le désordre, l'insécurité, le délitement des services publics et de l'économie. L'Irak est plongé dans le chaos.
La situation en Irak est un sujet d'indignation pour quiconque est attaché au droit, à la justice, au progrès. Dans le monde arabo-musulman, s'ajoutant à la frustration économique, elle est un ferment, avec toutes les aberrations, tous les dévoiements qu'ont peut voir aujourd'hui. Attentats, prises d'otages, tueries, crimes se multiplient et nourrissent d'autres drames, d'autres malheurs, d'autres misères.
La politique cynique, brutale et mensongère conduite par les Etats-Unis au Moyen Orient est un échec. Elle n'a fait qu'aggraver lourdement les menaces sur la paix et la sécurité du monde. Le Président Bush peut être fier de lui, des centaines de millions de femmes et d'hommes, partout dans le monde espèrent la victoire du candidat démocrate à l'élection présidentielle aux USA.
Derrière cet échec, qui fait la une des journaux, s'en dessine un autre, peut-être plus grave encore sur le long terme : c'est l'incapacité du gendarme du monde à empêcher la prolifération des armes nucléaires. Les Etats-Unis manquent à cet égard de la puissance militaire et parfois de la légitimité nécessaires. Que faire contre la dictature rétrograde de Corée du Nord qui nargue les Etats-Unis, sachant qu'ils ne peuvent intervenir partout à la fois et surtout pas aux portes de la Chine ?
Oui, la mondialisation à l'américaine est bien en grande difficulté. La prospérité de ce pays, sa capacité à financer d'énormes dépenses militaires dépendent entièrement de la persistance d'un afflux massif et régulier de capitaux du reste du monde. L'idéologie ultra-libérale régresse à la lumière de l'expérience : on redécouvre la nécessité de l'intervention étatique pour assurer les services publics et préparer l'avenir. Les peuples d'Europe n'ont pas approuvé l'aventure irakienne, même si beaucoup de leurs gouvernements s'y sont associés. Comme en Espagne, demain sans doute en Italie et peut-être en Angleterre, ces gouvernements le paieront cher. L'Amérique latine n'est plus à la botte. Elle le manifeste de façon répétée : triomphe électoral de Lula au Brésil, même si certains espoirs ont été ensuite déçus ; levée de l'immunité de Pinochet, victoire électorale au Vénézuéla de Chavez dont la politique avait contrarié les intérêts des catégories privilégiées et des grandes sociétés américaines.
Tout laisse prévoir la fin du monde unipolaire, centré sur les Etats-Unis, auquel nous sommes habitués depuis la disparition de l'Union soviétique, et par-dessus tout, les progrès irrésistibles de pays à forte masse démographique comme la Chine et demain peut-être l'Inde. Aujourd'hui occupés à conforter leur croissance en composant avec les Etats-Unis, ces pays viendront inévitablement un jour à s'affirmer comme des pôles d'attraction autonomes sur la scène internationale.
Dans une telle situation, il apparaît de plus en plus clairement à un nombre de plus en plus grand de nos compatriotes que l'Europe peut et doit avoir un autre avenir que celui d'arrière-boutique des Etats-Unis dans un contexte ultra-libéral et que la France a un autre avenir que de se décomposer et se dissoudre dans une Europe ainsi configurée.
Référendum européen et vie politique française
C'est dans une telle situation que la campagne pour le Non au référendum peut donner lieu à une refondation de la vie politique française et plus particulièrement de la gauche française.
Avec l'exception habituelle de l'extrême-droite et des " souverainistes ", la droite va voter oui, UDF et UMP pour une fois réunies. Chirac et Sarkozy enfin d'accord. Depuis deux siècles, la droite fait alterner les paroles patriotiques et les actes d'allégeance à l'étranger, l'Allemagne naguère, les Etats-Unis aujourd'hui. Il y aura peu d'états d'âme, sinon chez quelques individus estimables ayant jadis appartenu à la vieille garde gaulliste. Ou s'il y a des états d'âme, ils n'apparaîtront que lorsque les sondages feront augurer le désaveu du peuple souverain.
Des états d'âme, par contre, nous en voyons déjà beaucoup du côté du Parti socialiste. Sur l'Europe, le Parti socialiste est pris aujourd'hui au piège de sa propre imposture.
Depuis maintenant plusieurs décennies, le Parti socialiste se prononce simultanément pour plus de conquêtes sociales et pour plus de supranationalité européenne. Cherchez l'erreur !
La contradiction éclate aujourd'hui, plus que jamais. Les socialistes, avec la droite, vous disent : construisons et renforçons la supranationalité européenne pour que l'Europe, face aux Etats-Unis, devienne une véritable puissance et non une juxtaposition d'Etats dont aucun ne pèse de façon significative. Or, qu'observons-nous ? Que la plupart des pays nouveaux adhérents de l'union européenne sont préoccupés avant tout de s'assurer la protection américaine contre une possible renaissance de la puissance russe, qu'ils pensent OTAN avant de penser Europe, que la majorité des gouvernements des vingt-cinq a penché du côté des Etats-Unis lors de la crise irakienne et que s'il y avait eu à l'époque un ministre européen des affaires étrangères ou à plus forte raison des prises de décision à la majorité, il aurait été beaucoup plus difficile voire impossible à la France et à l'Allemagne de conduire leur action diplomatique courageuse et d'établir une concertation avec la Russie et la Chine.
Les socialistes, depuis des décennies, psalmodient leurs incantations sur la mythique Europe sociale. Bien mieux, certains même aujourd'hui se plaignent de ce que la supposée constitution européenne n'ait pas prévu de prise de décision à la majorité en matière sociale et fiscale. Mais c'est se moquer du monde ! A qui échappe-t-il qu'en fait d'Europe sociale, on voit prospérer l'Europe des délocalisations industrielles vers les pays où la main d'oeuvre est moins chère, qu'on voit Bruxelles multiplier les obstacles aux restructurations des industries européennes, sous prétexte de libre concurrence et de non-intervention de la puissance publique, qu'ont voit Bruxelles multiplier les directives visant au démantèlement des services publics, SNCF, énergie, poste, sous le prétexte d'ouvrir ces supposés " marchés " à la concurrence, et que si un coup d'arrêt n'y est mis, ce sera demain le tour de l'éducation et de la santé, AGCS aidant ? Qui ne voit aussi que si par malheur le SMIC ou les protections sociales dépendaient demain de Bruxelles, leur niveau commun serait peut-être plus élevé qu'il ne l'est actuellement en Pologne ou en Lettonie, mais qu'il serait nécessairement beaucoup plus bas qu'il ne l'est aujourd'hui chez nous. Que le ciel nous préserve de l'Europe sociale supranationale rêvée par certaines socialistes. Elle serait le plus sûr moyen de démanteler nos acquis sociaux.
La vérité, que les socialistes ne peuvent plus escamoter aujourd'hui, c'est que pour l'heure encore, la majorité des gouvernements européens restent acquis à l'ultra-libéralisme et à l'inféodation aux Etats-Unis. Tout progrès de la supranationalité dans ce contexte est une victoire pour l'ultra-libéralisme, une victoire pour les Etats-Unis. Si certains en doutaient encore, les doutes sont levés avec la désignation, à la tête de la commission européenne de Barroso, cet ancien maoïste converti à l'ultra-libéralisme et à l'atlantisme les plus intransigeants et par la nomination aux postes stratégiques de commissaires partageant les mêmes orientations.
Le peuple français, mais aussi d'autres peuples européens en ont assez de ces orientations qui amputent leur pouvoir d'achat, les installent dans la précarité et conduisent l'Europe à la décadence. Les peuples ne se laisseront plus intimider par le chantage à la crise supposée qui pourrait faire suite au rejet de la prétendue constitution européenne. La crise la plus redoutable est celle qui résulterait, après un oui obtenu en catimini, de la poursuite des orientations actuelles, du désintérêt massif des peuples à l'égard des institutions européennes et de plus en plus des institutions nationales et finalement de l'épuisement de la démocratie.
Le parti socialiste est sensible à cette évolution des opinions publiques, tout en répugnant à tourner le dos à ses turpitudes passées. D'où sa division : il y a le camp des non, celui des oui, tous deux actifs mais dont aucun n'apparaît pour l'instant majoritaire. Et puis, il y a le camp des " p'têt ben qu'oui et p'têt ben qu'non ", dirigé par un parlementaire normand, ancien premier ministre, que je ne citerai pas. Et il y a enfin le camp des " certes oui, mais " qui est celui du premier secrétaire : certes oui, mais ce pourrait bien être non ou autre chose si jamais la conjoncture évoluait et si une intention plébiscitaire supposée de la part de Chirac ou toute autre péripétie permettait de contourner l'obstacle et de revenir à l'ambiguïté première, sur laquelle se fonde l'unité du parti socialiste.
Et bien, chers amis, dans cette situation, il nous appartient de développer nos propositions. Elles ne sont pas hostiles à la construction européenne, mais à l'Europe telle qu'elle se construit aujourd'hui. L'Europe que nous voulons n'est pas celle de la dissolution des nations et des Etats dans la supranationalité, mais celle du plein développement de ces nations, cadre indispensable à la démocratie, de la pleine responsabilité de ces Etats indispensable à l'organisation de la vie collective, de la coopération sans cesse plus développée de ces nations et de ces Etats, ainsi que de ceux qui les entourent qu'il s'agisse du Maghreb, de la Méditerranée orientale, de la Russie. L'Europe que nous voulons est enfin celle d'une entente toujours plus étroite entre la France et l'Allemagne, qui a comme nous intérêt à préserver des acquis sociaux particulièrement importants et particulièrement anciens.
Développons nos propositions, mais aussi questionnons les autres formations de la gauche et particulièrement le parti socialiste : qu'enfin il choisisse clairement entre les acquis sociaux et l'Europe supranationale libérale, qu'il cesse de tromper les électeurs ! Ou bien ceux-ci, surtout dans les couches populaires, cesseront définitivement de le suivre.
Il ne suffira pas au parti socialiste de gérer à la petite semaine la compétition de ses écuries présidentielles et d'attendre bras ballants et bouche bée le retour du balancier supposé ramener automatiquement le pouvoir de l'UMP au PS.
Nous ne devons pas sans doute surestimer les qualités du petit Nicolas, du vibrionnant petit Nicolas qui s'apprête à prendre la tête de l'UMP et à s'en faire un tremplin pour 2007. Toujours aussi vieilli, toujours aussi usé et fatigué qu'il y a trois ans, quand Jospin en faisait inopportunément la remarque, le locataire de l'Elysée a montré à plusieurs reprises sa capacité à sortir de sa léthargie au moment voulu pour étouffer son adversaire et l'avaler aussi sûrement que le serpent python fait de sa proie. Sarkozy est fort surtout d'un bagout inusable et d'un culot d'acier. Cela lui suffira-t-il pour venir à bout de Chirac ? Si c'est le cas, que les socialistes prennent bien garde. Ils n'auront pas de leur côté les meilleures chances s'ils ne se présentent pas avec un projet clair, capable de reconquérir la confiance de masses populaires. Cela passe d'abord par la fin des ambiguïtés et des impostures sur l'Europe.
Par delà les socialistes et les autres partis de gauche, il nous appartient à nous, MRC, de nous adresser aussi au peuple, à ce peuple qui a cessé soit de voter soit au moins de voter habituellement et fidèlement pour les mêmes formations, comme en témoigne le jeu du yoyo des résultats électoraux.
Pour la bataille en faveur du " non " au référendum, il faut penser sérieusement, la campagne, ses étapes, et ne pas partir la fleur au fusil. La campagne sera rude.
Notre " non " se doit d'allier cohérence et rigueur politique. Il se doit d'amener les électrices et les électeurs à voter contre le projet de " Constitution européenne ".
Bien entendu il faudra que chacune et chacun d'entre nous connaisse parfaitement le texte du traité pour argumenter, démontrer, convaincre.
Et nous dirons la vérité sur l'Europe ! Il faut sortir de l'ère du mensonge institutionnalisé.
La gauche ment en faisant campagne sur l'Europe sociale. Aucun pays n'est en mesure d'imposer sa conception de l'Europe et la France moins que les autres.
Le libéralisme c'est le dénominateur commun de l'Europe. C'est lui qui s'impose naturellement, structurellement.
L'Europe est par essence libérale.
Le PS français, qui a fait campagne sur l'Europe sociale, a été contraint au Parlement européen de faire alliance avec la droite pour la répartition des sièges de présidence de commission.
Pour offrir à Pervenche Bérès un strapontin, on a concédé une place de présidente de la commission du droit des femmes à une catholique intégriste.
Les partenaires du PS n'ont que faire de " L'Europe sociale ".
Quant à la droite, elle ment effrontément sur l'entrée de la Turquie dans l'union européenne. Elle ment car cette adhésion est acquise ! Elle ment parce qu'elle sait que s'en prendre à l'entrée d'Ankara dans l'union peut apporter des voix.
Je crois nécessaire avant le lever de rideau d'exiger un bilan de la construction, de l'intégration européenne. Oui camarades exigeons un bilan de l'intégration européenne.
La marche en avant à tout prix empêche de prendre le temps de regarder la vérité en face !
Un vrai bilan de l'intégration européenne doit porter en premier lieu sur la politique économique imposée depuis des décennies par l'Europe.
Dans l'immédiat, que faire ?
Nous devons, sans prendre de retard, éviter de nous précipiter et d'avoir ainsi une démarche brouillonne.
Nous devons arrêter un calendrier, faire un plan de campagne, nous fixer des objectifs.
Dans les prochaines semaines, il nous faudra développer un travail de réseau, auprès de nos sympathisants, auprès des élus locaux, des syndicalistes.
Jean-Pierre Chevènement vient de publier un ouvrage qui je l'espère connaîtra un vrai succès. C'est un des moyens pour lui et pour nous de revenir dans le débat politique. Il ira dans un certain nombre de villes pour présenter et dédicacer son livre.
C'est l'occasion là où il ira d'une première mobilisation. Ailleurs pensez à organiser des réunions rassemblant militants et sympathisants.
Réunions publiques certes, mais aussi et peut-être surtout de formation. Naturellement nous veillerons à intégrer la dynamique de congrès à la dynamique référendaire.
Puis viendra le temps d'organiser des réunions-débats avec le public. Enfin arrivera la campagne massive pour laquelle je propose que nous organisions un tour de France du non.
Pour nous, républicains de gauche, l'Europe doit s'analyser rationnellement. Sans dramatisation ni concession. L'Europe communautaire ou intégrée, est et a été, depuis 50 ans, le moyen pour les oligarchies d'exercer le pouvoir et d'imposer leurs intérêts. Le comprendre et le combattre, c'est rester fidèle à ce que nous avons toujours été. Il faut donc répondre non ! Leur dire non, c'est dire oui à la démocratie politique, c'est dire oui à la démocratie sociale, c'est dire oui à la France.
La vie politique va reprendre en France, après deux années de chloroforme et de difficultés. C'est du travail, encore et toujours du travail. Battez-vous. Battons-nous. C'est le prix de la victoire.
Chers amis, à travers les péripéties de la vie politique de ces dernières années, nous n'avons pas cessé de tenir le même langage et le même cap. Aujourd'hui, l'évolution de l'Europe et du monde nous donne raison ; elle met en difficulté ceux qui bâtissaient leur fortune politique sur le double langage. Nous avions du mal, ces derniers temps à nous faire entendre. La situation est nouvelle. Elle est favorable. Notre discours peut à nouveau être écouté. A nous de saisir la chance offerte.
(Source http://www.mrc-France.org, le 7 septembre 2004)
dans les mois à venir
Chers Amis, Chers Camarades,
" La politique, a-t-on dit, est l'art d'empêcher les gens de s'occuper de ce qui les concerne ". Force est de constater que cet art avait atteint en France des sommets : la constitution modifiée tous les douze ou dix-huit mois par les assemblées parlementaires, sans que le peuple soit consulté, le référendum réservé à quelques rares sujets perçus comme accessoires, l'élection présidentielle escamotée dans la confusion, des forces politiques alternant au pouvoir pour y appliquer des politiques peu différentes, l'Europe et la mondialisation toujours invoquées pour faire croire que l'essentiel se décide ailleurs, un ailleurs sur lequel le citoyen n'a pas de prise.
Eh bien, pour une fois, le peuple français va retrouver un moyen de peser puissamment sur le cours des choses. Le président de la République l'a annoncé, le traité improprement qualifié de " Constitution européenne " va être soumis à référendum. Cela ne suffit pas à garantir le retour de la démocratie. Mais ce peut être l'occasion de faire en ce sens un pas décisif : une occasion dont nous devons nous saisir ; une occasion qui va être l'enjeu d'une formidable bataille politique dans les mois qui viennent.
Une fois de plus, la classe politique et la plupart des grands média vont s'efforcer d'escamoter l'échéance. Souvenez-vous : pour Maastricht déjà, la très courte victoire du " oui " n'avait été remportée qu'au prix d'un forcing médiatique éhonté, intimidant une opinion largement hostile, par la menace d'une déstabilisation et de nouveaux conflits avec l'Allemagne. Les arguments seront différents. La démarche sera identique.
Le référendum ne sera pas présenté comme un choix offert, mais comme un non-choix, comme un rite collectif d'adhésion à l'inévitable. Inévitable cette Europe ultra-libérale, Europe de la concurrence sauvage, des délocalisations, du démantèlement des acquis sociaux et des services publics ! Inévitables, la démission nationale, les nouveaux et décisifs abandons de souveraineté en faveur de cette Europe-là. Inévitable, la mondialisation sous domination économique et militaire des Etats-Unis, dont cette Europe-là est l'un des vecteurs. Dormez en paix, braves gens, et votez " oui " ou abstenez-vous, peu importe, pourvu que vous laissiez faire. Tous ceux qui refusent cette Europe-là ne sont que des ringards, des passéistes condamnés par le grand mouvement irrésistible de l'Histoire.
Nous connaissons bien ces discours. Nous allons en être assourdis, plus que jamais, dans les mois à venir. Mais attention ! Ils auront cette fois-ci plus de mal à se faire entendre. Car, on le voit bien, on le voit de mieux en mieux, cette Europe-là va dans le mur, cette mondialisation-là va dans le mur.
L'Europe ultra-libérale dans le mur
L'Europe devait apporter la prospérité. Or le souci exclusif de la stabilité monétaire a étouffé la croissance : depuis une dizaine d'années, pendant que la production industrielle augmentait de 30% aux Etats-Unis, de 50% dans les pays émergents d'Asie et davantage encore en Chine. Les records de chômage sont battus et rebattus, les industries en permanence menacées de délocalisation. L'introduction de l'euro a accéléré la dégradation du pouvoir d'achat des couches populaires, coïncidant avec la hausse en flèche des prix de l'alimentation et du logement. Les systèmes de santé et de sécurité sociale sont en crise et pas seulement en France : voyez l'Allemagne. L'avenir n'est plus préparé, l'éducation et l'université sont à la portion congrue : plus de grands projets industriels, plus de grandes ambitions pour la Recherche, pour les services publics qui se délitent lentement et sûrement en attendant les privatisations qui ont repris. C'est France Télécom qui est privatisée par Nicolas Sarkozy. Cette privatisation sera un trophée en direction des libéraux avant sont départ de Bercy. Il est vrai que le gouvernement Jospin avait déblayé la voie, en procédant à une ouverture du capital. Et maintenant ils font semblant d'être en désaccord avec la privatisation On croit rêver !
Tel est l'effet de la loi de la concurrence sacralisée et érigée en dogme exclusif ! Tout se passe dans cette Europe ultra-libérale comme s'il n'y avait le choix en dernier ressort, qu'entre diminuer le chômage en réduisant le coût du travail au prix d'une progression de la pauvreté et de l'insécurité sociale - c'est le choix britannique - ou défendre les acquis sociaux, mais au prix d'un taux élevé de chômage.
Oui l'Europe libérale est dans le mur en matière économique et sociale. Elle est aussi dans le mur en matière institutionnelle. Déjà à quinze, le fonctionnement des institutions bruxelloises brillait par sa lourdeur, son inefficacité, son opacité. On vient de passer à vingt-cinq sans que les institutions aient été efficacement réformées ; chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître la catastrophique inadaptation du traité de Nice qui les régit aujourd'hui. Mieux aurait valu s'en apercevoir en temps utile, lorsque les deux cohabitants, Chirac et Jospin se sont accordés pour y adhérer.
A voir les règles actuelles, mais aussi celles que fixe la prétendue " Constitution ", on est en droit de se demander combien de temps, combien d'efforts seront nécessaires pour que l'usine à gaz européen parvienne à produire des décisions.
Mais il y a pire. Car la question est de savoir quelle légitimité démocratique pourront bien avoir ces décisions. Quant à leur élaboration, d'abord, l'Europe élargie est devenue une tour de Babel, riche si l'on peut dire, de vingt-cinq langues officielles et ligotée par l'obligation de traduire chaque document dans chacune de ces langues. Ce n'est plus l'Europe de l'espace, du charbon ni de l'acier, c'est l'Europe des interprètes. Ceux-ci seront protégés contre le chômage sans pour autant que la clarté du débat démocratique puisse à l'évidence, dans de telles conditions, être assurée. La première condition du débat démocratique, c'est bien qu'on se comprenne, qu'on parle la même langue ; l'anglais qui domine de plus en plus n'est compris que par une minorité de privilégiés, alors que s'aggrave l'exclusion des masses populaires.
L'Europe telle qu'elle se fait aujourd'hui, c'est aussi le gouvernement des juges substitué à la décision démocratique. On a considéré comme un progrès d'inscrire dans les traités de grands principes qu'on voulait protecteurs des droits de l'homme et du respect des compétences de chacune des institutions. On a considéré comme un progrès de vouloir garantir ces principes en donnant à des juridictions la mission d'y veiller. Mais comme ces principes sont vagues et généraux, souvent sujets à discussion et interprétation, il en résulte que les décisions des organes politiques, y compris les plus importants, sont exposées à des remises en cause pas toujours prévisibles par la voie juridictionnelle.
Le conseil des ministres européen admet-il en faveur de la France et de l'Allemagne des dérogations aux règles d'équilibre des finances publiques : la cour européenne de justice désavoue le conseil des ministres. Les autorités françaises fixent-elles les dates d'ouverture de la chasse : les juridictions françaises annulent leur décision au nom de normes européennes proclamées supérieures au droit interne. Et ainsi de suite
L'Europe d'aujourd'hui, c'est aussi celle de l'incertitude des normes, celle de la souveraineté limitée des organes démocratiques. C'est l'Europe de l'oligarchie ! Elire une assemblée européenne sans vrai débat et avec une abstention massive ne sert pas à grand-chose. Cette Europe, c'est la mort lente de la démocratie.
La mondialisation libérale dans le mur
La mondialisation dont cette Europe-là s'est faite le vecteur se porte-t-elle mieux ? Il est évident que le progrès fulgurant des communications, des techniques assurant la circulation des hommes, des biens et des informations crée beaucoup d'irréversible et on ne retrouvera jamais le cloisonnement de jadis. Et pourtant, cette mondialisation-là, cette mondialisation libérale, à la mode américaine et sous hégémonie américaine va elle aussi dans le mur ! Certains ont cru un moment que la chute de la puissance soviétique ouvrait une ère de paix et de progrès sans fin à un monde bientôt unifié sous l'égide du capitalisme. C'est le contraire qui se produit. La prospérité et la paix sont de plus en plus menacées.
La fracture sociale se répète à l'échelle planétaire. L'Afrique n'en finit pas de s'enfoncer dans la misère, les guerres, les massacres. Le monde arabo-musulman, presque partout privé de démocratie, subit le joug des potentats pour la plupart inféodés aux Etats-Unis et incapables de faire accéder les masses populaires à un niveau de vie décent.
A la frustration née du retard économique s'ajoute la rage impuissante devant la violence et l'injustice infligées à certaines populations arabes par les Etats-Unis.
A la plaie ouverte de la Palestine s'ajoute aujourd'hui pour la fierté arabo-musulmane le traumatisme irakien. Voilà un grand pays, riche d'une longue histoire, envahi et occupé militairement par les Etats-Unis et leurs supplétifs, au mépris du droit international et sous un prétexte, celui des armes de destruction massive, dont la fausseté était évidente dès l'origine pour tout observateur de bonne foi. Voilà un pays où, comme il était prévisible, l'agression étrangère n'a fait qu'aggraver le désordre, l'insécurité, le délitement des services publics et de l'économie. L'Irak est plongé dans le chaos.
La situation en Irak est un sujet d'indignation pour quiconque est attaché au droit, à la justice, au progrès. Dans le monde arabo-musulman, s'ajoutant à la frustration économique, elle est un ferment, avec toutes les aberrations, tous les dévoiements qu'ont peut voir aujourd'hui. Attentats, prises d'otages, tueries, crimes se multiplient et nourrissent d'autres drames, d'autres malheurs, d'autres misères.
La politique cynique, brutale et mensongère conduite par les Etats-Unis au Moyen Orient est un échec. Elle n'a fait qu'aggraver lourdement les menaces sur la paix et la sécurité du monde. Le Président Bush peut être fier de lui, des centaines de millions de femmes et d'hommes, partout dans le monde espèrent la victoire du candidat démocrate à l'élection présidentielle aux USA.
Derrière cet échec, qui fait la une des journaux, s'en dessine un autre, peut-être plus grave encore sur le long terme : c'est l'incapacité du gendarme du monde à empêcher la prolifération des armes nucléaires. Les Etats-Unis manquent à cet égard de la puissance militaire et parfois de la légitimité nécessaires. Que faire contre la dictature rétrograde de Corée du Nord qui nargue les Etats-Unis, sachant qu'ils ne peuvent intervenir partout à la fois et surtout pas aux portes de la Chine ?
Oui, la mondialisation à l'américaine est bien en grande difficulté. La prospérité de ce pays, sa capacité à financer d'énormes dépenses militaires dépendent entièrement de la persistance d'un afflux massif et régulier de capitaux du reste du monde. L'idéologie ultra-libérale régresse à la lumière de l'expérience : on redécouvre la nécessité de l'intervention étatique pour assurer les services publics et préparer l'avenir. Les peuples d'Europe n'ont pas approuvé l'aventure irakienne, même si beaucoup de leurs gouvernements s'y sont associés. Comme en Espagne, demain sans doute en Italie et peut-être en Angleterre, ces gouvernements le paieront cher. L'Amérique latine n'est plus à la botte. Elle le manifeste de façon répétée : triomphe électoral de Lula au Brésil, même si certains espoirs ont été ensuite déçus ; levée de l'immunité de Pinochet, victoire électorale au Vénézuéla de Chavez dont la politique avait contrarié les intérêts des catégories privilégiées et des grandes sociétés américaines.
Tout laisse prévoir la fin du monde unipolaire, centré sur les Etats-Unis, auquel nous sommes habitués depuis la disparition de l'Union soviétique, et par-dessus tout, les progrès irrésistibles de pays à forte masse démographique comme la Chine et demain peut-être l'Inde. Aujourd'hui occupés à conforter leur croissance en composant avec les Etats-Unis, ces pays viendront inévitablement un jour à s'affirmer comme des pôles d'attraction autonomes sur la scène internationale.
Dans une telle situation, il apparaît de plus en plus clairement à un nombre de plus en plus grand de nos compatriotes que l'Europe peut et doit avoir un autre avenir que celui d'arrière-boutique des Etats-Unis dans un contexte ultra-libéral et que la France a un autre avenir que de se décomposer et se dissoudre dans une Europe ainsi configurée.
Référendum européen et vie politique française
C'est dans une telle situation que la campagne pour le Non au référendum peut donner lieu à une refondation de la vie politique française et plus particulièrement de la gauche française.
Avec l'exception habituelle de l'extrême-droite et des " souverainistes ", la droite va voter oui, UDF et UMP pour une fois réunies. Chirac et Sarkozy enfin d'accord. Depuis deux siècles, la droite fait alterner les paroles patriotiques et les actes d'allégeance à l'étranger, l'Allemagne naguère, les Etats-Unis aujourd'hui. Il y aura peu d'états d'âme, sinon chez quelques individus estimables ayant jadis appartenu à la vieille garde gaulliste. Ou s'il y a des états d'âme, ils n'apparaîtront que lorsque les sondages feront augurer le désaveu du peuple souverain.
Des états d'âme, par contre, nous en voyons déjà beaucoup du côté du Parti socialiste. Sur l'Europe, le Parti socialiste est pris aujourd'hui au piège de sa propre imposture.
Depuis maintenant plusieurs décennies, le Parti socialiste se prononce simultanément pour plus de conquêtes sociales et pour plus de supranationalité européenne. Cherchez l'erreur !
La contradiction éclate aujourd'hui, plus que jamais. Les socialistes, avec la droite, vous disent : construisons et renforçons la supranationalité européenne pour que l'Europe, face aux Etats-Unis, devienne une véritable puissance et non une juxtaposition d'Etats dont aucun ne pèse de façon significative. Or, qu'observons-nous ? Que la plupart des pays nouveaux adhérents de l'union européenne sont préoccupés avant tout de s'assurer la protection américaine contre une possible renaissance de la puissance russe, qu'ils pensent OTAN avant de penser Europe, que la majorité des gouvernements des vingt-cinq a penché du côté des Etats-Unis lors de la crise irakienne et que s'il y avait eu à l'époque un ministre européen des affaires étrangères ou à plus forte raison des prises de décision à la majorité, il aurait été beaucoup plus difficile voire impossible à la France et à l'Allemagne de conduire leur action diplomatique courageuse et d'établir une concertation avec la Russie et la Chine.
Les socialistes, depuis des décennies, psalmodient leurs incantations sur la mythique Europe sociale. Bien mieux, certains même aujourd'hui se plaignent de ce que la supposée constitution européenne n'ait pas prévu de prise de décision à la majorité en matière sociale et fiscale. Mais c'est se moquer du monde ! A qui échappe-t-il qu'en fait d'Europe sociale, on voit prospérer l'Europe des délocalisations industrielles vers les pays où la main d'oeuvre est moins chère, qu'on voit Bruxelles multiplier les obstacles aux restructurations des industries européennes, sous prétexte de libre concurrence et de non-intervention de la puissance publique, qu'ont voit Bruxelles multiplier les directives visant au démantèlement des services publics, SNCF, énergie, poste, sous le prétexte d'ouvrir ces supposés " marchés " à la concurrence, et que si un coup d'arrêt n'y est mis, ce sera demain le tour de l'éducation et de la santé, AGCS aidant ? Qui ne voit aussi que si par malheur le SMIC ou les protections sociales dépendaient demain de Bruxelles, leur niveau commun serait peut-être plus élevé qu'il ne l'est actuellement en Pologne ou en Lettonie, mais qu'il serait nécessairement beaucoup plus bas qu'il ne l'est aujourd'hui chez nous. Que le ciel nous préserve de l'Europe sociale supranationale rêvée par certaines socialistes. Elle serait le plus sûr moyen de démanteler nos acquis sociaux.
La vérité, que les socialistes ne peuvent plus escamoter aujourd'hui, c'est que pour l'heure encore, la majorité des gouvernements européens restent acquis à l'ultra-libéralisme et à l'inféodation aux Etats-Unis. Tout progrès de la supranationalité dans ce contexte est une victoire pour l'ultra-libéralisme, une victoire pour les Etats-Unis. Si certains en doutaient encore, les doutes sont levés avec la désignation, à la tête de la commission européenne de Barroso, cet ancien maoïste converti à l'ultra-libéralisme et à l'atlantisme les plus intransigeants et par la nomination aux postes stratégiques de commissaires partageant les mêmes orientations.
Le peuple français, mais aussi d'autres peuples européens en ont assez de ces orientations qui amputent leur pouvoir d'achat, les installent dans la précarité et conduisent l'Europe à la décadence. Les peuples ne se laisseront plus intimider par le chantage à la crise supposée qui pourrait faire suite au rejet de la prétendue constitution européenne. La crise la plus redoutable est celle qui résulterait, après un oui obtenu en catimini, de la poursuite des orientations actuelles, du désintérêt massif des peuples à l'égard des institutions européennes et de plus en plus des institutions nationales et finalement de l'épuisement de la démocratie.
Le parti socialiste est sensible à cette évolution des opinions publiques, tout en répugnant à tourner le dos à ses turpitudes passées. D'où sa division : il y a le camp des non, celui des oui, tous deux actifs mais dont aucun n'apparaît pour l'instant majoritaire. Et puis, il y a le camp des " p'têt ben qu'oui et p'têt ben qu'non ", dirigé par un parlementaire normand, ancien premier ministre, que je ne citerai pas. Et il y a enfin le camp des " certes oui, mais " qui est celui du premier secrétaire : certes oui, mais ce pourrait bien être non ou autre chose si jamais la conjoncture évoluait et si une intention plébiscitaire supposée de la part de Chirac ou toute autre péripétie permettait de contourner l'obstacle et de revenir à l'ambiguïté première, sur laquelle se fonde l'unité du parti socialiste.
Et bien, chers amis, dans cette situation, il nous appartient de développer nos propositions. Elles ne sont pas hostiles à la construction européenne, mais à l'Europe telle qu'elle se construit aujourd'hui. L'Europe que nous voulons n'est pas celle de la dissolution des nations et des Etats dans la supranationalité, mais celle du plein développement de ces nations, cadre indispensable à la démocratie, de la pleine responsabilité de ces Etats indispensable à l'organisation de la vie collective, de la coopération sans cesse plus développée de ces nations et de ces Etats, ainsi que de ceux qui les entourent qu'il s'agisse du Maghreb, de la Méditerranée orientale, de la Russie. L'Europe que nous voulons est enfin celle d'une entente toujours plus étroite entre la France et l'Allemagne, qui a comme nous intérêt à préserver des acquis sociaux particulièrement importants et particulièrement anciens.
Développons nos propositions, mais aussi questionnons les autres formations de la gauche et particulièrement le parti socialiste : qu'enfin il choisisse clairement entre les acquis sociaux et l'Europe supranationale libérale, qu'il cesse de tromper les électeurs ! Ou bien ceux-ci, surtout dans les couches populaires, cesseront définitivement de le suivre.
Il ne suffira pas au parti socialiste de gérer à la petite semaine la compétition de ses écuries présidentielles et d'attendre bras ballants et bouche bée le retour du balancier supposé ramener automatiquement le pouvoir de l'UMP au PS.
Nous ne devons pas sans doute surestimer les qualités du petit Nicolas, du vibrionnant petit Nicolas qui s'apprête à prendre la tête de l'UMP et à s'en faire un tremplin pour 2007. Toujours aussi vieilli, toujours aussi usé et fatigué qu'il y a trois ans, quand Jospin en faisait inopportunément la remarque, le locataire de l'Elysée a montré à plusieurs reprises sa capacité à sortir de sa léthargie au moment voulu pour étouffer son adversaire et l'avaler aussi sûrement que le serpent python fait de sa proie. Sarkozy est fort surtout d'un bagout inusable et d'un culot d'acier. Cela lui suffira-t-il pour venir à bout de Chirac ? Si c'est le cas, que les socialistes prennent bien garde. Ils n'auront pas de leur côté les meilleures chances s'ils ne se présentent pas avec un projet clair, capable de reconquérir la confiance de masses populaires. Cela passe d'abord par la fin des ambiguïtés et des impostures sur l'Europe.
Par delà les socialistes et les autres partis de gauche, il nous appartient à nous, MRC, de nous adresser aussi au peuple, à ce peuple qui a cessé soit de voter soit au moins de voter habituellement et fidèlement pour les mêmes formations, comme en témoigne le jeu du yoyo des résultats électoraux.
Pour la bataille en faveur du " non " au référendum, il faut penser sérieusement, la campagne, ses étapes, et ne pas partir la fleur au fusil. La campagne sera rude.
Notre " non " se doit d'allier cohérence et rigueur politique. Il se doit d'amener les électrices et les électeurs à voter contre le projet de " Constitution européenne ".
Bien entendu il faudra que chacune et chacun d'entre nous connaisse parfaitement le texte du traité pour argumenter, démontrer, convaincre.
Et nous dirons la vérité sur l'Europe ! Il faut sortir de l'ère du mensonge institutionnalisé.
La gauche ment en faisant campagne sur l'Europe sociale. Aucun pays n'est en mesure d'imposer sa conception de l'Europe et la France moins que les autres.
Le libéralisme c'est le dénominateur commun de l'Europe. C'est lui qui s'impose naturellement, structurellement.
L'Europe est par essence libérale.
Le PS français, qui a fait campagne sur l'Europe sociale, a été contraint au Parlement européen de faire alliance avec la droite pour la répartition des sièges de présidence de commission.
Pour offrir à Pervenche Bérès un strapontin, on a concédé une place de présidente de la commission du droit des femmes à une catholique intégriste.
Les partenaires du PS n'ont que faire de " L'Europe sociale ".
Quant à la droite, elle ment effrontément sur l'entrée de la Turquie dans l'union européenne. Elle ment car cette adhésion est acquise ! Elle ment parce qu'elle sait que s'en prendre à l'entrée d'Ankara dans l'union peut apporter des voix.
Je crois nécessaire avant le lever de rideau d'exiger un bilan de la construction, de l'intégration européenne. Oui camarades exigeons un bilan de l'intégration européenne.
La marche en avant à tout prix empêche de prendre le temps de regarder la vérité en face !
Un vrai bilan de l'intégration européenne doit porter en premier lieu sur la politique économique imposée depuis des décennies par l'Europe.
Dans l'immédiat, que faire ?
Nous devons, sans prendre de retard, éviter de nous précipiter et d'avoir ainsi une démarche brouillonne.
Nous devons arrêter un calendrier, faire un plan de campagne, nous fixer des objectifs.
Dans les prochaines semaines, il nous faudra développer un travail de réseau, auprès de nos sympathisants, auprès des élus locaux, des syndicalistes.
Jean-Pierre Chevènement vient de publier un ouvrage qui je l'espère connaîtra un vrai succès. C'est un des moyens pour lui et pour nous de revenir dans le débat politique. Il ira dans un certain nombre de villes pour présenter et dédicacer son livre.
C'est l'occasion là où il ira d'une première mobilisation. Ailleurs pensez à organiser des réunions rassemblant militants et sympathisants.
Réunions publiques certes, mais aussi et peut-être surtout de formation. Naturellement nous veillerons à intégrer la dynamique de congrès à la dynamique référendaire.
Puis viendra le temps d'organiser des réunions-débats avec le public. Enfin arrivera la campagne massive pour laquelle je propose que nous organisions un tour de France du non.
Pour nous, républicains de gauche, l'Europe doit s'analyser rationnellement. Sans dramatisation ni concession. L'Europe communautaire ou intégrée, est et a été, depuis 50 ans, le moyen pour les oligarchies d'exercer le pouvoir et d'imposer leurs intérêts. Le comprendre et le combattre, c'est rester fidèle à ce que nous avons toujours été. Il faut donc répondre non ! Leur dire non, c'est dire oui à la démocratie politique, c'est dire oui à la démocratie sociale, c'est dire oui à la France.
La vie politique va reprendre en France, après deux années de chloroforme et de difficultés. C'est du travail, encore et toujours du travail. Battez-vous. Battons-nous. C'est le prix de la victoire.
Chers amis, à travers les péripéties de la vie politique de ces dernières années, nous n'avons pas cessé de tenir le même langage et le même cap. Aujourd'hui, l'évolution de l'Europe et du monde nous donne raison ; elle met en difficulté ceux qui bâtissaient leur fortune politique sur le double langage. Nous avions du mal, ces derniers temps à nous faire entendre. La situation est nouvelle. Elle est favorable. Notre discours peut à nouveau être écouté. A nous de saisir la chance offerte.
(Source http://www.mrc-France.org, le 7 septembre 2004)