Déclaration de M. François Baroin, secrétaire général délégué de l'UMP, sur le débat concernant l'ouverture de négociations en vue de l'éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 14 octobre 2004.

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Circonstance : Débat sur la candidature de la Turquie à l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 14 octobre 2004

Texte intégral

Le 17 décembre prochain, les chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres doivent donc décider de l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie. Cette adhésion en devenir n'est bien sûr pas anodine. Contrairement à ce qu'il s'est passé pour les dix pays qui ont récemment intégré l'Union, la perspective de la Turquie membre à part entière fait débat. Pourquoi ?
D'abord parce que chacun a le sentiment que la Turquie ne peut pas être mise sur le même plan que la Pologne, la Slovaquie, ni aucun des Dix. Je me borne là à un simple constat, sans jugement de valeur. Alors, nous débattons légitimement d'une problématique complexe. Les enjeux sont nombreux : qu'adviendra-t-il, lorsque ce pays qui comportera près de 100 millions d'habitants d'ici dix ou quinze ans, sera intégré à l'ensemble communautaire et disposera du plus grand nombre de députés au Parlement européen ? L'UE s'accommodera-t-elle de l'islam turc ? Est-ce un problème majeur ou périphérique? Quelles sont les limites politiques et géographiques de l'Europe ? L'intégration de la Turquie est-elle de nature à créer des difficultés budgétaires ? Le processus d'adhésion est-il irréversible ? La liste des interrogations n'est pas close, et toutes sont importantes.
Il est légitime que la perspective de l'adhésion de la Turquie amène la représentation nationale à donner son avis. Et il est tout aussi essentiel que nos concitoyens et l'ensemble des formations politiques puissent s'exprimer à courte ou longue échéance. Sur cette question, l'UMP s'était prononcée par vote au conseil national d'Aubervilliers du 9 mai dernier, en affirmant que la Turquie n'avait pas vocation à entrer dans l'UE, tout en proposant la solution du partenariat privilégié. Non à la Turquie comme Etat membre ; oui à un partenariat renforcé
Chacun reconnaît que la Turquie a fait des progrès encourageants dans la voie du respect des critères de Copenhague. Mais beaucoup reste à faire et qui voudrait parier sur la constance du régime politique turc dans les quinze années à venir ?
Il n'est bien évidemment pas question de céder à un quelconque fantasme islamophobe ou turcophobe, mais bien plutôt de s'interroger sur le devenir de l'Europe. Veut-on privilégier l'approfondissement - c'est traditionnellement l'option française - ou l'élargissement, au risque d'affaiblir le projet communautaire ?
Nous nous retrouvons dans une situation paradoxale. Alors que l'éventuelle adhésion de la Turquie ne sera effective que vers 2015, le débat n'a jamais paru aussi urgent.
Je sais que certains auraient préféré que notre débat soit suivi d'un vote. Mais cela reviendrait à contraindre le Président de la République, auquel le Parlement donnerait en quelque sorte un mandat impératif. Nous sommes les premiers à dénoncer le chantage à la réélection auquel prétendent nous soumettre certaines corporations et nous voudrions lier les mains du Chef de l'Etat par un vote à l'Assemblée nationale et au Sénat ?
Nous avons voulu ce débat, nous l'avons et nous aurons d'autres occasions d'évoquer le même sujet. D'ici là, faisons confiance au Gouvernement. Il y a sans doute là aussi une ligne de partage, qui passe entre ceux qui sont attachés aux institutions, et donc en l'occurrence à une certaine voix de la France, et ceux qui veulent les affaiblir .

(Source http://www.u-m-p.org, le 15 octobre 2004)