Texte intégral
Monsieur le Ministre délégué, Cher François,
Mesdames et Messieurs les Présidentes, Présidents et responsables d'associations,
Septembre 1984 - septembre 2004 : 20 ans se sont écoulés depuis les premières journées du Patrimoine qui incitèrent les Françaises et les Français à visiter massivement leurs monuments historiques, après que 1980 fut déclarée par Jean-Philippe Lecat l'année du Patrimoine, contribuant à sensibiliser nos concitoyens
Aujourd'hui, ces vingt et unièmes journées du Patrimoine sont des journées européennes.
A l'occasion de ces vingt et unièmes journées, la première question qui me semble devoir se poser est : qu'est-ce que le Patrimoine au vingt et unième siècle ?
Le patrimoine est d'abord une passion.
En France, plus de 11, 5 millions de visiteurs participent chaque année aux Journées du Patrimoine. 17 000 ouvertures et animations leur sont proposées, que vous retrouverez dans le dossier de presse.
C'est une passion partagée, qui rassemble familles, associations, entreprises et administrations, collectivités publiques et propriétaires privés. Une passion partagée et nous nous en réjouissons tous en Europe.
Pourquoi cet engouement, cette soif de découverte qui s'empare de nos concitoyens à l'occasion des Journées du Patrimoine ? Parce que, dans toute sa diversité, et j'y reviendrai dans un instant, ces Journées nous rapprochent des lieux de mémoire, étranges ou familiers, qui sont nos racines, notre identité, notre fierté.
Oui, nous aimons notre Patrimoine, nous en sommes fiers, et c'est pourquoi nous voulons le sauvegarder, le protéger, mais aussi le découvrir, l'ouvrir, le faire connaître, car c'est un héritage commun, dans toute sa diversité, que nous avons en partage. Il s'est construit, au fil des siècles, dont il restitue l'histoire, la mémoire, la vie, la splendeur, le souvenir de cicatrices aussi qui ne sont pas toutes refermées mais qui éclairent d'une même lumière la réalité d'aujourd'hui.
Car le Patrimoine n'est pas qu'une passion du passé, c'est d'abord une passion du vivre ensemble, une passion de la connaissance et du savoir partagé. C'est pourquoi je suis très attaché au patrimoine du vingtième siècle et au patrimoine des sciences et techniques qui sont les thèmes phares autour desquels nous nous retrouvons cette année pour cet événement.
J'évoquai à l'instant ce que notre patrimoine apporte au vivre ensemble, à la communauté nationale et aussi européenne, qui s'est tissée tout au long de notre histoire, des origines les plus anciennes de notre vie collective jusqu'à la mémoire la plus récente.
Car notre patrimoine n'est pas seulement de pierres, aussi belles et aussi vénérables soient-elles. Il est aussi fait d'un socle de valeurs.
C'est pourquoi, j'ai tenu à ce que soit présenté pendant ces deux jours, ici même, dans le grand salon du Palais Royal, l'original d'un document qui est un monument de l'histoire de la France : l'Edit de Nantes. Signé en 1598 par le roi Henri IV, cet édit a mis fin à une longue guerre de religion entre catholiques et protestants français. Premier acte de tolérance dans une Europe divisée par la fracture de la Réforme, ce texte législatif est un élément fondateur de l'Etat moderne. Aujourd'hui, plus encore, son exposition porte un message universel de l'idéal de tolérance religieuse et civile qui demeure plus que jamais actuel dans le monde d'aujourd'hui.
Quant aux pierres, les édifices prestigieux qui font notre histoire et notre fierté, nous leur devons pour le présent et pour l'avenir beaucoup d'égards. Et nous savons qu'en la matière les besoins sont très importants. C'est pourquoi je donnerai quelques coups de projecteur sur des monuments emblématiques.
En effet, mon propre parcours, au cours de ces journées se doit d'être exemplaire, je vous annonce que j'irai ainsi samedi 18 septembre, sur le chantier des restaurations du donjon de Vincennes. Dans ce monument éminent de la constitution de notre nation, je suivrai en compagnie de Jean-Philippe Lecat, la démonstration d'une technique novatrice de traitement de la maladie de la pierre (par silicatisation).
Le lendemain, dimanche 19 septembre, je me ferai présenter les efforts de mise en valeur de l'ancien domaine royal au château de Fontainebleau, autre haut lieu phare de l'Histoire de France, où beaucoup d'efforts sont faits, mais où il reste beaucoup à faire pour conserver, et aussi transmettre le goût de notre magnifique patrimoine, en particulier aux plus jeunes, car c'est naturellement dès le plus jeune âge que cette passion s'enracine. C'est pourquoi j'évaluerai les conditions d'une extension de l'accueil au bénéfice des publics scolaires susceptible sur un site de cette importance d'appréhender un panorama complet de l'histoire de France et de l'histoire de l'art, décors, peintures, architecture et jardins.
D'une manière générale, je tiens beaucoup à cet accueil des écoliers, collégiens et lycéens. Je me réjouis que cette année, les journées s'ouvrent dès le vendredi 17 septembre pour les classes.
Le patrimoine est un trésor à découvrir et à redécouvrir.
C'est aussi un objet de sciences qui mobilise un savoir scientifique et une palette d'habilités extraordinaires nous permettant à la fois de le mieux connaître et de le mieux conserver. C'est dans cet esprit que le samedi 18 septembre, après avoir ouvert les portes du Palais Royal, je recevrai au laboratoire de recherches de monuments historiques de Champs sur Marne les principaux responsables scientifiques : conservateurs du patrimoine et architectes, chargés de la conduite des opérations techniques complexes et novatrices qui sont au cur de la mission de conservation de nos monuments et des objets qu'ils renferment, ainsi que les mécènes qui accompagnent cet effort.
J'ai convié François d'Aubert à cette visite. Mais aussi, au-delà des responsables scientifiques et techniques, l'ensemble des responsables du " Cercle des partenaires du patrimoine " avec les mécènes qui accompagnent le travail, cette passion, cette mission.
Le patrimoine est en effet porté par les efforts de tous.
Le patrimoine national est naturellement d'abord de la responsabilité de l'Etat, et de ses propriétaires, publics et privés. Mais au-delà le patrimoine que nous aimons appartient, en quelque sorte, à tous. Il y a une politique nationale d'ensemble qui doit faire converger les efforts de tous. Le patrimoine fait la fierté d'un territoire qu'elle qu'il soit, commune, département, région, Etat, Europe, humanité. A chacun de ces niveaux, il est porteur d'une identité collective.
Parce que je suis un européen convaincu, je veux placer ces journées sous le signe de l'Europe.
47 pays européens nous suivent cette année. Ils témoignent de ce que l'intérêt pour le patrimoine ne cesse de se développer dans l'ensemble de l'Europe.
Je suis un fervent partisan, un avocat déterminé de l'Europe de la culture, parce que je suis convaincu que la citoyenneté européenne que j'appelle de mes vux, pour prolonger la force de la citoyenneté nationale, trouvera sa source dans la richesse de nos cultures. Et la France a évidemment sur ce terrain d'immenses atouts.
C'est pourquoi j'ai proposé à mes collègues européens un pacte pour l'Europe de la culture qui prend en compte cette passion du patrimoine, de façon très concrète, par la création d'un label du patrimoine européen, qui s'intègre dans le cadre de la mise en uvre du mémorandum de la France sur la coopération culturelle européenne. Je l'avais annoncé au mois de mai au conseil des ministres européens de la culture, à Bruxelles. Je vais consulter sur ce projet mes homologues européens, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe.
Ce label permettra de rappeler notre identité européenne commune. Je souhaiterais qu'il contribue aussi à construire de véritables parcours du patrimoine au sein de l'Europe, par delà les frontières nationales, conformément à l'histoire européenne, qui s'est écrite ainsi, avec ses souverains, ses savants, ses artistes, ses marchands, depuis la plus haute Antiquité jusqu'à aujourd'hui, en passant par le Moyen-Age, la Renaissance et le Siècle des Lumières.
Parce que le patrimoine est identité, et aussi parce que je suis un élu local, je veux aussi placer ces journées sous le signe de la décentralisation. Les collectivités locales, aux côtés des propriétaires, ont un rôle éminent à jouer, en particulier s'agissant du patrimoine de proximité.
C'est pourquoi le dimanche 19 septembre je leur rendrai hommage, en recevant les élus du département de Seine-et-Marne.
A Vaux-le-Vicomte je prendrai la mesure de la part si importante des propriétaires privés à la conservation et à la vie de nos monuments.
S'agissant de ce château exceptionnel, une importante campagne de restauration (toitures) a été engagée avec l'accord de l'Etat.
Puis je me rendrai à Moret-sur-Loing, célébrer l'achèvement de la restauration ambitieuse de l'exceptionnel buffet Renaissance de l'orgue.
L'abbaye de Château Landon montre un autre exemple des fruits des efforts de l'Etat et des collectivités, en l'occurrence le département de Seine-et-Marne, engagés dans la restauration d'un ensemble patrimonial exceptionnel et dans sa reconversion remarquable au service de la cohésion sociale et du lien entre les générations.
Ainsi, mon propre programme pour ces journées mettra en lumière ces aspects très actuels de notre patrimoine auquel je tiens. Dans un instant François d'Aubert présentera son propre programme à la lumière du coup de projecteur que nous avons voulu donner cette année à la culture scientifique et technique.
Avant de lui donner la parole et de répondre à vos questions, je veux vous présenter les principaux axes de ma politique en faveur du patrimoine, qui doit répondre, avec les moyens du ministère de la culture et de la communication, à la hauteur des enjeux que j'ai soulignés en préambule et de la passion des Français et des visiteurs du monde entier.
Car, la richesse de notre patrimoine exerce un attrait considérable. Si la France est la première destination touristique mondiale, si elle accueille 75 millions de touristes chaque année, ce qui représente une immense richesse, au-delà de la contribution, de l'ordre de 7 % à notre produit intérieur brut, c'est-à-dire à la croissance et à l'emploi, c'est en grande partie grâce à la force d'attraction de notre patrimoine et à sa capacité à répondre à la soif de découvertes, de connaissances, de curiosité, de tous ces citoyens du monde, citoyens de la culture.
Notre politique culturelle du patrimoine doit naturellement s'adapter à cet enjeu.
En effet, depuis Prosper Mérimée, les politiques, les administrations et les scientifiques ont dégagé peu à peu, les catégories d'un patrimoine défini par référence à l'histoire, essentiellement celle de la Nation française, et à l'histoire de l'art.
Je souhaite aujourd'hui que l'administration du patrimoine se rapproche des Français. A la faveur de la décentralisation elle doit devenir une politique territoriale de développement culturel local.
L'aspiration des Français à plus de proximité avec leur patrimoine m'a conduit à proposer que des dispositions relatives à la décentralisation soient inscrites dans le titre éducation, culture et sports de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, adoptée le 13 août dernier. C'est l'un des deux domaines que j'ai retenus, avec l'éducation artistique.
Ces dispositions sont au nombre de quatre :
1. les régions se verront confier la compétence de la conduite de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques, en coordination avec les autres collectivités territoriales, l'Etat conservant la charge de définir les normes nationales, d'assurer le contrôle scientifique et technique des opérations conduites et de garantir la mise à disposition du public des résultats.
2. Les collectivités locales qui en feront la demande pourront devenir propriétaires de monuments historiques, appartenant actuellement à l'Etat, et développer autour d'eux une politique patrimoniale :
Je vais très prochainement, sur la base des propositions que la commission présidée par René Rémond a présentées à Jean-Jacques Aillagon, établir la liste des monuments qui pourraient êtres transférés à titre gratuit aux collectivités territoriales.
3. De nombreuses uvres d'art vont être déposées dans les musées de France relevant des collectivités territoriales.
4. Les régions se verront proposer, ou si elles ne se portent pas candidates dans un délai de six mois, les départements, de procéder pour une durée de quatre ans, à une expérimentation de gestion des crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques qui appartiennent à l'Etat.
Vous le voyez, le droit du patrimoine et son cadre administratif et financier sont en profonde évolution. Cette évolution est aussi, cette année, institutionnelle.
Les Journées du patrimoine 2004 ont pour thème principal : Patrimoine, sciences et techniques.
A l'heure où les sciences sont au cur de nombreux débats publics, notre patrimoine offre une nouvelle porte d'entrée aux sciences.
François d'Aubert vous expliquera dans un instant comment.
Je tiens simplement à rappeler que, depuis plus de vingt ans, la direction de l'Architecture et du Patrimoine a mené des actions de connaissance et de protection du patrimoine scientifique et technique : repérage du patrimoine industriel, programmes consacrés à l'astronomie, à l'aéronautique, aux phares, aux hôpitaux, aux instruments scientifiques des établissements d'enseignement
Les sciences des matériaux, de la vie et de la terre sont venues pour leur part fertiliser les champs de recherches qui étaient traditionnellement ceux de notre ministère : l'histoire de l'art, l'archéologie De nouvelles disciplines sont nées ou se constituent: l'archéométrie, l'iconométrie.
L'interaction entre patrimoine, sciences et techniques sera déclinée de deux manières principales au cours des journées du patrimoine :
- Elles sont l'occasion de mettre en valeur le patrimoine lié à une activité relevant de la recherche ou illustrant l'emploi des différentes techniques qui ont jalonné le développement des sciences ou de l'industrie.
- Elles mettent aussi au grand jour les méthodes employées au sein des services et des laboratoires du ministère de la Culture et de la Communication, et de ses partenaires, pour fonder leur connaissance du patrimoine, qu'il s'agisse de monuments historiques, de sites archéologiques, d'objets mobiliers ou de patrimoine immatériel et assurer sa transmission aux générations à venir. Technologies et techniques traditionnelles ou résolument innovantes s'y côtoient.
Cette année encore de nombreux partenaires ont rassemblé leurs forces pour nous proposer des visites et des animations très variées, et souvent exceptionnelles.
J'attire particulièrement votre attention sur les demeures privées, dont les propriétaires, représentés notamment par leurs deux grandes associations la Demeure historique et les Vieilles maisons française, sont des acteurs importants de la scène patrimoniale et nos partenaires très actifs.
Comme chaque année un très grand nombre d'édifices abritant de grandes institutions de l'Etat s'ouvriront au public : palais de l'Elysée, hôtel Matignon, Cour des Comptes, Assemblée nationale, Sénat, ainsi que de nombreux ministères et ambassades pour lesquels je remercie mes collègues et les représentants des pays amis.
A la lecture du programme, contenu dans les dossiers de presse ou sur le site internet www.journeesdupatrimoine.culture.fr, vous constaterez que de nombreuses évènements permettront de se familiariser avec l'architecture du XXe siècle, par exemple la création d'un spectacle dans la chapelle Notre Dame de Ronchamp, uvre majeure de Le Corbusier, ou la visite de l'église Saint-Rémy de Baccarat, avec ses 4 000 dalles de cristal. Lieux exemplaires de ce qui, partout, le patrimoine fait bon ménage avec la création.
Le label architecture du XXe siècle, appelle un regard attentif du public comme des professionnels ou des élus, sans faire peser des contraintes juridiques. Les constructions dont l'intérêt architectural et urbain justifie la transmission aux générations futures sont ainsi identifiées et signalées, ce sont des témoins précieux de l'évolution contemporaine de notre société.
A l'occasion de ces Journées du patrimoine les commissions régionales du patrimoine et des sites ont proposé de labelliser plus d'une centaine de bâtiments supplémentaires.
Avant de donner la parole à François d'Aubert, je tiens à remercier tout particulièrement les représentants des entreprises partenaires des Journées du patrimoine, présents dans cette salle, outre nos partenaire médias, bien sûr, France Inter et France télévisions, je pense au groupe Carrefour, au Crédit agricole et la Fondation du crédit agricole Pays de France, à la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment, trois entreprises ou groupements, dont l'appui, tant en mettant des crédits à disposition du ministère de la Culture et de la Communication qu'en organisant eux mêmes des animations, est exemplaire par sa continuité et sa fidélité.
Et je vous remercie tous de votre présence aujourd'hui, et surtout, de votre participation au grand rendez-vous culturel de l'automne que sont les Journées Européennes du Patrimoine.
Je vous donne rendez-vous pour ma part, ici-même, le samedi 18 septembre.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 9 septembre 2004)