Texte intégral
Madame la ministre,
Monsieur le ministre,
Monsieur le directeur,
Monsieur le président de la commission nationale,
Mesdames et Messieurs les lauréats,
Mesdames et Messieurs,
je suis très heureux de procéder ce soir, avec vous tous, à la remise des prix des droits de l'Homme de la République française, et d'accueillir celles et ceux qui en sont les lauréats pour l'année 2003. Je me réjouis en ce lendemain de la journée internationale des droits de l'Homme, de marquer l'importance que la France et son gouvernement attachent à cette cause et aux progrès qu'elle peut connaître, dans le monde, mais aussi dans notre pays. Je crois, avec Montaigne, que chaque homme porte en lui-même la forme entière de l'humaine condition. Notre cause, c'est la cause de l'homme, la cause de l'humanisme, qui n'existe que parce qu'elle est incarnée. Il n'y a de droits de l'Homme que si des consciences et des convictions s'engagent et s'y consacrent. C'est pour ça que je vous remercie, vous, Monsieur le président, et tous les membres de la commission nationale, de vous y consacrer et de vous y engager, dans ce combat pour les droits de l'Homme.
Les témoignages que m'apportent aujourd'hui toutes les informations, qui nous viennent parfois de très loin, nous montrent combien il est utile de rester particulièrement actif, au-delà même de notre devoir de vigilance. Ils sont bien sûr, dans l'environnement qui est le leur, confrontés - je pense à ces hommes et ces femmes qui aujourd'hui sont privés de ces droits -, ils sont confrontés notamment dans le monde en développant des situations d'extrême crise, de grave pauvreté, ou de transition politique difficile. Il faut avancer chaque jour des libertés essentielles, là où chaque jour elles sont, nous le savons, en danger. Mais ces témoignages sont entendus aussi ailleurs, sur des territoires pourtant privilégiés. La cause des droits de l'Homme n'est pas, comme on le dirait en mathématiques, directement superposable à la cause du développement. La France, avec sa longue histoire démocratique et son éveil précoce aux libertés publiques, ne saurait se prétendre préservée des risques de dérive, voire de recul. Elle doit rester chez elle vigilante devant les menaces qui s'expriment, celles de l'intolérance ou de la haine, celles des renfermements, des peurs et des exclusions.
De fait, en choisissant le thème de la protection des femmes contre les violences et les discriminations, avec celui de la situation des personnes détenues, pour fonder cette année l'appel à candidatures, la commission nationale a mis en valeur une exigence qui doit nous mobiliser. Partout dans le monde, les femmes sont des forces de changement et de modernité, et partout où elles sont opprimées, c'est la société tout entière qui s'en trouve en fait victime. Partout dans le monde, aussi, l'égalité entre les hommes et les femmes sert la démocratie et la fait progresser.
Je veux engager en France une action déterminée dans ce domaine, qui constitue pour le gouvernement une priorité forte, et pour laquelle se consacre la ministre Nicole Ameline avec beaucoup d'intelligence et beaucoup de vigueur. Ce combat est très important. Je voudrais saluer les associations qui s'y consacrent, car ce combat exige la mobilisation publique, mais aussi l'engagement de la société civile. C'est d'abord un effort, je crois, pour la société, de prise de conscience, mais aussi d'éducation, qui s'impose, contre les schémas d'un autre âge, légitimant sans le dire des comportements de domination. Il faut y opposer la pédagogie de la responsabilité, et surtout le respect de la dignité de l'homme, de la femme, et au fond, la dignité de la personne.
Nous avons, le 25 novembre dernier, voulu célébrer à cet effet, la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, et sensibiliser l'opinion. Nous avons été particulièrement surpris de voir que cette cause exige dans notre pays une prise de conscience renforcée. En France, une femme sur dix est victime de violences conjugales, et cette information n'a pas l'air connue. Il faut le dire, pour que l'on puisse mesurer l'ampleur de cette discrimination inacceptable. Nous ne voulons pas le tolérer. Mais pour cela, nous devons en tirer les conséquences, par une application plus stricte de notre législation, tant civile que pénale. La réalité de la violence contre les femmes, c'est aussi au cur de la ville qu'elle peut s'exercer, notamment à l'égard des jeunes filles auxquelles certains voudraient imposer des contraintes qui leur dénient l'exercice de leurs droits. L'urgence est pour beaucoup d'entre elles d'être écoutées, d'être accueillies, d'être protégées, et nous devons faciliter ces prises en charge, et en même temps promouvoir le respect de l'autre et de la mixité.
Respect de l'autre qui implique aussi, en particulier dans une société comme la nôtre où l'information et l'image ont acquis une puissance inégalée, une déontologie et des normes de conduite. Nous incitons les publicitaires à s'engager à cet égard. Violence et discrimination sont évidemment liées, et doivent être ensemble combattues. Il faut s'en donner les moyens efficaces, disposer finalement d'un instrument permettant de mettre en facilité les procédures, et d'être en capacité d'aider les victimes. C'est pour cela que nous avons confié à Bernard Stasi le soin de proposer les bases d'une haute autorité administrative, indépendante, pour l'égalité et la lutte contre toutes les discriminations. Il nous faut cette capacité à pouvoir détecter et lutter contre toutes les formes de discrimination, qui sont les sources de toutes les formes d'exclusion. Non seulement contre celles qui concernent les femmes, car le message de la justice ne se divise pas, mais contre toutes les formes de discrimination, celles aussi qui, de manière insidieuse, indirecte, ou fanatique, dressent les mêmes barrages et les mêmes humiliations contre les étrangers, les handicapés, et toutes les formes de différence. Je ne crains pas de dire ici aussi que pour moi l'homophobie est une forme de violence. Je souhaite rapidement traduire dans la loi la conclusion de ces réflexions.
Je voudrais aussi que cette autorité n'ait pas seulement qu'une vocation d'aide aux victimes, mais encore un rôle d'animation et de mobilisation de la société, en développant ce qui nous est nécessaire, une vision positive de la différence et de la diversité. Promouvoir les bonnes pratiques, diffuser les initiatives, faire vivre les idées et les enthousiasmes. Je réunirai l'an prochain une conférence nationale pour l'égalité des chances, sur le modèle de la conférence annuelle de la famille, en rassemblant tous les acteurs de ce dossier, pour se définir ensemble des lignes d'avenir et des programmes d'action.
Nous n'avons pas dit assez, sans doute, les chances de la diversité, et mis en valeur l'ensemble des atouts qu'elle représente. La discrimination sexiste, raciale, antisémite, xénophobe, provoque l'appauvrissement de la société, comme, au fond, la perdition de l'esprit. L'action que nous construisons en France se prolonge aussi au plan international, car les droits de l'Homme sont universels. Je dis bien : perdition de l'esprit. Car souvent, on a l'air de penser que la culture, voire la civilisation, à elle seule pourrait nous protéger. Souvenons-nous que dans les camps de concentration, on y jouait la Neuvième symphonie de Beethoven. Pour être vraiment protégé, il faut : culture, plus droits de l'Homme. La France défend ces valeurs, elle défend le principe et l'illustration au niveau international du dialogue bilatéral, par sa capacité à faire partager cette conviction par ses partenaires et au sein de la communauté internationale, et notamment par l'adoption des règles et des instruments nécessaires au respect de ces droits. Ainsi, notre pays demeure fidèle à sa vocation historique, son message dans l'Histoire. Nous restons fidèles à ceux qui nous appellent aujourd'hui pour répondre aux exigences de notre temps.
S'agissant de la lutte contre les discriminations à l'égard des femmes, la France a signé, dès juillet 1980, la convention des Nations unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination dont elles sont victimes, et ratifié cette convention en décembre 83. Il revient maintenant à prendre et à rendre compte de ce qui s'est fait comme travail dans l'ensemble des comités - je pense à la réunion de New York en juillet dernier -, pour engager les mesures à la hauteur de cette ambition.
Dans un tout autre champ d'action, la France a pris cet été l'initiative d'ouvrir, dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, une discussion sur les moyens de lutte contre la propagation des idées racistes et antisémites sur Internet. Je tiens à vous dire clairement combien j'ai été choqué récemment par des images de télévision, et je demande à tous les dirigeants des chaînes de télévision de veiller, avec la plus grande des vigilances, à ce que ces images ne soient jamais porteuses de racisme et d'antisémitisme. Le statut d'artiste n'exonère personne du respect des droits de l'Homme. Ces discussions au niveau européen, au niveau de l'ensemble des partenaires, nous conduisent à souhaiter l'idée d'un code de bonne conduite, destiné à diffuser les bonnes pratiques auprès de tous ceux qui ont accès à ces moyens d'information, et notamment, en ce qui concerne Internet, aux fournisseurs d'accès et de contenus, car nous avons là de légitimes inquiétudes sur ce qui circule, en termes de contenus, et qui porte atteinte, Monsieur le président, aux droits de l'Homme.
Je souhaite que dans le prolongement de cette initiative, Paris puisse accueillir en 2004 une conférence de l'OSCE approfondissant cette réflexion et proposant des mesures utiles de contrôle. Cette candidature vient d'être présentée à la conférence ministérielle de Maastricht, il y a quelques jours, et j'étais hier à Genève pour, dans le cadre de la société de l'information, défendre l'idée d'un code éthique pour les échanges numériques.
Dans le cadre de l'Union européenne, la France souhaite aussi être une force de proposition, et mobiliser tous ces partenaires sur les questions les plus graves : l'éradication de la torture, l'abolition de la peine de mort, l'élaboration d'un instrument contre les disparitions. Nous demandons aussi à la communauté internationale de réagir contre l'utilisation des enfants dans les conflits armés, qui a pris une extension dramatique et un caractère presque permanent, notamment en Afrique. Notre nouvel ambassadeur pour les droits de l'Homme doit suivre l'ensemble de ces sujets et y porter nos ambitions. Mais je compte aussi, Monsieur le président, sur la commission nationale pour tracer cette route et marquer ces différentes étapes. Je mesure le travail qui a été le vôtre depuis votre accession, l'année dernière, à la tête de la commission renouvelée. Vous avez d'abord mieux structuré et réorganisé les sous-commissions, et vous avez - je crois que c'était utile - rationalisé les méthodes de travail. Le champ d'étude de la commission s'est par ailleurs élargi aux nouvelles interrogations contemporaines, dont je souhaitais qu'elles soient prises en compte, la notion de droit de l'Homme étant une notion par définition vivante, qui doit s'adapter à chaque instant à la nature même de la société. Et les études récemment produites sur la place des personnes handicapées dans la société française ont à cet égard été particulièrement remarquées.
La commission, enfin, est sans doute plus que jamais en mesure de faire rayonner sur la scène nationale, mais aussi internationale, ce que nous souhaitons adresser comme message, c'est-à-dire cet humanisme français fidèle à sa tradition. Elle entretient de nombreux contacts bilatéraux, et, avec ses homologues étrangers, elle élargit le cercle de ses coopérations. Et je suis très heureux notamment de l'entrée récente de l'Algérie dans ce cadre de vos relations, qui permettent de développer la proximité de réflexion sur ces sujets aussi importants. En organisant, enfin, au niveau de la francophonie, un réseau des commissions nationales et organismes analogues, vous avez répondu aux vux des nombreux pays qui veulent donner une dimension supplémentaire à leur amitié, parce qu'ils partagent une même langue, et souvent une même approche des problèmes. Les actions de formation internationale que vous accueillez en faveur des militants et d'experts des droits de l'Homme contribuent justement à diffuser cette école de pensée et de compétence.
Les prix que nous allons remettre maintenant participent de ce rayonnement et fortifient ce socle humaniste qui est notre bien collectif. Ils sont vos témoignages, nos témoignages de reconnaissance, et aussi, je le dis franchement, d'admiration envers celles et ceux qui, par le monde, incarnent dans leurs convictions, mais aussi dans leur action, dans leur engagement personnel, le combat de la dignité et de la justice. Ils sont pour nous tous un appel à l'action et à l'engagement. Cette année, l'effort du jury a dû être exceptionnel, puisque, vous l'avez dit, le nombre de candidatures n'avait jamais atteint un niveau aussi élevé, sans doute parce qu'il y avait à la fois ces deux grandes causes particulièrement mobilisantes, mais aussi parce qu'il y avait cette ouverture aux pays particulièrement nombreux qui étaient appelés à participer. Mais cela ne donne que plus de force à ce palmarès, partagé avec le prix Nobel, et qui cette année est particulièrement remarquable et couronne, dans un éventail géographique - je tiens à le souligner - large, des initiatives qui sont exemplaires, mais avant tout, particulièrement courageuses.
Je suis heureux aussi qu'une candidature française ait pu être retenue. Je voudrais voir enfin comme un message d'espoir, comme vous l'avez dit à l'instant, message d'optimisme aussi, qu'à la remise de ces grands prix soit associée celle des prix René Cassin, récompensant de jeunes élèves et des jeunes étudiants de notre pays, en faisant en sorte qu'on puisse valoriser leurs projets en faveur des droits de l'Homme. Ils vont ici, je le sais, se nourrir d'exemples de générosité, de conviction et de courage, dans ce monde difficile, incertain, troublé en permanence par le summum de l'adversaire des droits de l'Homme qu'est le terrorisme. Et à l'aube de ce XXIe siècle, il faut que tous ensemble nous trouvions ces lumières de l'action que sont les exemples de ceux qui se sont engagés pour les droits de l'Homme.
Mon dernier message sera pour les enseignantes et les enseignants qui sont ici présents, qui transmettent cette cause, cette cause qui vient du cur de la France, et qu'il nous faut en permanence rendre vivante, car ces idées de respect de l'autre, ces idées de défense des droits de l'Homme, ont besoin d'une attention quotidienne pour rester pour nous tous les lumières vivantes de l'action.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 décembre 2003)
Monsieur le ministre,
Monsieur le directeur,
Monsieur le président de la commission nationale,
Mesdames et Messieurs les lauréats,
Mesdames et Messieurs,
je suis très heureux de procéder ce soir, avec vous tous, à la remise des prix des droits de l'Homme de la République française, et d'accueillir celles et ceux qui en sont les lauréats pour l'année 2003. Je me réjouis en ce lendemain de la journée internationale des droits de l'Homme, de marquer l'importance que la France et son gouvernement attachent à cette cause et aux progrès qu'elle peut connaître, dans le monde, mais aussi dans notre pays. Je crois, avec Montaigne, que chaque homme porte en lui-même la forme entière de l'humaine condition. Notre cause, c'est la cause de l'homme, la cause de l'humanisme, qui n'existe que parce qu'elle est incarnée. Il n'y a de droits de l'Homme que si des consciences et des convictions s'engagent et s'y consacrent. C'est pour ça que je vous remercie, vous, Monsieur le président, et tous les membres de la commission nationale, de vous y consacrer et de vous y engager, dans ce combat pour les droits de l'Homme.
Les témoignages que m'apportent aujourd'hui toutes les informations, qui nous viennent parfois de très loin, nous montrent combien il est utile de rester particulièrement actif, au-delà même de notre devoir de vigilance. Ils sont bien sûr, dans l'environnement qui est le leur, confrontés - je pense à ces hommes et ces femmes qui aujourd'hui sont privés de ces droits -, ils sont confrontés notamment dans le monde en développant des situations d'extrême crise, de grave pauvreté, ou de transition politique difficile. Il faut avancer chaque jour des libertés essentielles, là où chaque jour elles sont, nous le savons, en danger. Mais ces témoignages sont entendus aussi ailleurs, sur des territoires pourtant privilégiés. La cause des droits de l'Homme n'est pas, comme on le dirait en mathématiques, directement superposable à la cause du développement. La France, avec sa longue histoire démocratique et son éveil précoce aux libertés publiques, ne saurait se prétendre préservée des risques de dérive, voire de recul. Elle doit rester chez elle vigilante devant les menaces qui s'expriment, celles de l'intolérance ou de la haine, celles des renfermements, des peurs et des exclusions.
De fait, en choisissant le thème de la protection des femmes contre les violences et les discriminations, avec celui de la situation des personnes détenues, pour fonder cette année l'appel à candidatures, la commission nationale a mis en valeur une exigence qui doit nous mobiliser. Partout dans le monde, les femmes sont des forces de changement et de modernité, et partout où elles sont opprimées, c'est la société tout entière qui s'en trouve en fait victime. Partout dans le monde, aussi, l'égalité entre les hommes et les femmes sert la démocratie et la fait progresser.
Je veux engager en France une action déterminée dans ce domaine, qui constitue pour le gouvernement une priorité forte, et pour laquelle se consacre la ministre Nicole Ameline avec beaucoup d'intelligence et beaucoup de vigueur. Ce combat est très important. Je voudrais saluer les associations qui s'y consacrent, car ce combat exige la mobilisation publique, mais aussi l'engagement de la société civile. C'est d'abord un effort, je crois, pour la société, de prise de conscience, mais aussi d'éducation, qui s'impose, contre les schémas d'un autre âge, légitimant sans le dire des comportements de domination. Il faut y opposer la pédagogie de la responsabilité, et surtout le respect de la dignité de l'homme, de la femme, et au fond, la dignité de la personne.
Nous avons, le 25 novembre dernier, voulu célébrer à cet effet, la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, et sensibiliser l'opinion. Nous avons été particulièrement surpris de voir que cette cause exige dans notre pays une prise de conscience renforcée. En France, une femme sur dix est victime de violences conjugales, et cette information n'a pas l'air connue. Il faut le dire, pour que l'on puisse mesurer l'ampleur de cette discrimination inacceptable. Nous ne voulons pas le tolérer. Mais pour cela, nous devons en tirer les conséquences, par une application plus stricte de notre législation, tant civile que pénale. La réalité de la violence contre les femmes, c'est aussi au cur de la ville qu'elle peut s'exercer, notamment à l'égard des jeunes filles auxquelles certains voudraient imposer des contraintes qui leur dénient l'exercice de leurs droits. L'urgence est pour beaucoup d'entre elles d'être écoutées, d'être accueillies, d'être protégées, et nous devons faciliter ces prises en charge, et en même temps promouvoir le respect de l'autre et de la mixité.
Respect de l'autre qui implique aussi, en particulier dans une société comme la nôtre où l'information et l'image ont acquis une puissance inégalée, une déontologie et des normes de conduite. Nous incitons les publicitaires à s'engager à cet égard. Violence et discrimination sont évidemment liées, et doivent être ensemble combattues. Il faut s'en donner les moyens efficaces, disposer finalement d'un instrument permettant de mettre en facilité les procédures, et d'être en capacité d'aider les victimes. C'est pour cela que nous avons confié à Bernard Stasi le soin de proposer les bases d'une haute autorité administrative, indépendante, pour l'égalité et la lutte contre toutes les discriminations. Il nous faut cette capacité à pouvoir détecter et lutter contre toutes les formes de discrimination, qui sont les sources de toutes les formes d'exclusion. Non seulement contre celles qui concernent les femmes, car le message de la justice ne se divise pas, mais contre toutes les formes de discrimination, celles aussi qui, de manière insidieuse, indirecte, ou fanatique, dressent les mêmes barrages et les mêmes humiliations contre les étrangers, les handicapés, et toutes les formes de différence. Je ne crains pas de dire ici aussi que pour moi l'homophobie est une forme de violence. Je souhaite rapidement traduire dans la loi la conclusion de ces réflexions.
Je voudrais aussi que cette autorité n'ait pas seulement qu'une vocation d'aide aux victimes, mais encore un rôle d'animation et de mobilisation de la société, en développant ce qui nous est nécessaire, une vision positive de la différence et de la diversité. Promouvoir les bonnes pratiques, diffuser les initiatives, faire vivre les idées et les enthousiasmes. Je réunirai l'an prochain une conférence nationale pour l'égalité des chances, sur le modèle de la conférence annuelle de la famille, en rassemblant tous les acteurs de ce dossier, pour se définir ensemble des lignes d'avenir et des programmes d'action.
Nous n'avons pas dit assez, sans doute, les chances de la diversité, et mis en valeur l'ensemble des atouts qu'elle représente. La discrimination sexiste, raciale, antisémite, xénophobe, provoque l'appauvrissement de la société, comme, au fond, la perdition de l'esprit. L'action que nous construisons en France se prolonge aussi au plan international, car les droits de l'Homme sont universels. Je dis bien : perdition de l'esprit. Car souvent, on a l'air de penser que la culture, voire la civilisation, à elle seule pourrait nous protéger. Souvenons-nous que dans les camps de concentration, on y jouait la Neuvième symphonie de Beethoven. Pour être vraiment protégé, il faut : culture, plus droits de l'Homme. La France défend ces valeurs, elle défend le principe et l'illustration au niveau international du dialogue bilatéral, par sa capacité à faire partager cette conviction par ses partenaires et au sein de la communauté internationale, et notamment par l'adoption des règles et des instruments nécessaires au respect de ces droits. Ainsi, notre pays demeure fidèle à sa vocation historique, son message dans l'Histoire. Nous restons fidèles à ceux qui nous appellent aujourd'hui pour répondre aux exigences de notre temps.
S'agissant de la lutte contre les discriminations à l'égard des femmes, la France a signé, dès juillet 1980, la convention des Nations unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination dont elles sont victimes, et ratifié cette convention en décembre 83. Il revient maintenant à prendre et à rendre compte de ce qui s'est fait comme travail dans l'ensemble des comités - je pense à la réunion de New York en juillet dernier -, pour engager les mesures à la hauteur de cette ambition.
Dans un tout autre champ d'action, la France a pris cet été l'initiative d'ouvrir, dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, une discussion sur les moyens de lutte contre la propagation des idées racistes et antisémites sur Internet. Je tiens à vous dire clairement combien j'ai été choqué récemment par des images de télévision, et je demande à tous les dirigeants des chaînes de télévision de veiller, avec la plus grande des vigilances, à ce que ces images ne soient jamais porteuses de racisme et d'antisémitisme. Le statut d'artiste n'exonère personne du respect des droits de l'Homme. Ces discussions au niveau européen, au niveau de l'ensemble des partenaires, nous conduisent à souhaiter l'idée d'un code de bonne conduite, destiné à diffuser les bonnes pratiques auprès de tous ceux qui ont accès à ces moyens d'information, et notamment, en ce qui concerne Internet, aux fournisseurs d'accès et de contenus, car nous avons là de légitimes inquiétudes sur ce qui circule, en termes de contenus, et qui porte atteinte, Monsieur le président, aux droits de l'Homme.
Je souhaite que dans le prolongement de cette initiative, Paris puisse accueillir en 2004 une conférence de l'OSCE approfondissant cette réflexion et proposant des mesures utiles de contrôle. Cette candidature vient d'être présentée à la conférence ministérielle de Maastricht, il y a quelques jours, et j'étais hier à Genève pour, dans le cadre de la société de l'information, défendre l'idée d'un code éthique pour les échanges numériques.
Dans le cadre de l'Union européenne, la France souhaite aussi être une force de proposition, et mobiliser tous ces partenaires sur les questions les plus graves : l'éradication de la torture, l'abolition de la peine de mort, l'élaboration d'un instrument contre les disparitions. Nous demandons aussi à la communauté internationale de réagir contre l'utilisation des enfants dans les conflits armés, qui a pris une extension dramatique et un caractère presque permanent, notamment en Afrique. Notre nouvel ambassadeur pour les droits de l'Homme doit suivre l'ensemble de ces sujets et y porter nos ambitions. Mais je compte aussi, Monsieur le président, sur la commission nationale pour tracer cette route et marquer ces différentes étapes. Je mesure le travail qui a été le vôtre depuis votre accession, l'année dernière, à la tête de la commission renouvelée. Vous avez d'abord mieux structuré et réorganisé les sous-commissions, et vous avez - je crois que c'était utile - rationalisé les méthodes de travail. Le champ d'étude de la commission s'est par ailleurs élargi aux nouvelles interrogations contemporaines, dont je souhaitais qu'elles soient prises en compte, la notion de droit de l'Homme étant une notion par définition vivante, qui doit s'adapter à chaque instant à la nature même de la société. Et les études récemment produites sur la place des personnes handicapées dans la société française ont à cet égard été particulièrement remarquées.
La commission, enfin, est sans doute plus que jamais en mesure de faire rayonner sur la scène nationale, mais aussi internationale, ce que nous souhaitons adresser comme message, c'est-à-dire cet humanisme français fidèle à sa tradition. Elle entretient de nombreux contacts bilatéraux, et, avec ses homologues étrangers, elle élargit le cercle de ses coopérations. Et je suis très heureux notamment de l'entrée récente de l'Algérie dans ce cadre de vos relations, qui permettent de développer la proximité de réflexion sur ces sujets aussi importants. En organisant, enfin, au niveau de la francophonie, un réseau des commissions nationales et organismes analogues, vous avez répondu aux vux des nombreux pays qui veulent donner une dimension supplémentaire à leur amitié, parce qu'ils partagent une même langue, et souvent une même approche des problèmes. Les actions de formation internationale que vous accueillez en faveur des militants et d'experts des droits de l'Homme contribuent justement à diffuser cette école de pensée et de compétence.
Les prix que nous allons remettre maintenant participent de ce rayonnement et fortifient ce socle humaniste qui est notre bien collectif. Ils sont vos témoignages, nos témoignages de reconnaissance, et aussi, je le dis franchement, d'admiration envers celles et ceux qui, par le monde, incarnent dans leurs convictions, mais aussi dans leur action, dans leur engagement personnel, le combat de la dignité et de la justice. Ils sont pour nous tous un appel à l'action et à l'engagement. Cette année, l'effort du jury a dû être exceptionnel, puisque, vous l'avez dit, le nombre de candidatures n'avait jamais atteint un niveau aussi élevé, sans doute parce qu'il y avait à la fois ces deux grandes causes particulièrement mobilisantes, mais aussi parce qu'il y avait cette ouverture aux pays particulièrement nombreux qui étaient appelés à participer. Mais cela ne donne que plus de force à ce palmarès, partagé avec le prix Nobel, et qui cette année est particulièrement remarquable et couronne, dans un éventail géographique - je tiens à le souligner - large, des initiatives qui sont exemplaires, mais avant tout, particulièrement courageuses.
Je suis heureux aussi qu'une candidature française ait pu être retenue. Je voudrais voir enfin comme un message d'espoir, comme vous l'avez dit à l'instant, message d'optimisme aussi, qu'à la remise de ces grands prix soit associée celle des prix René Cassin, récompensant de jeunes élèves et des jeunes étudiants de notre pays, en faisant en sorte qu'on puisse valoriser leurs projets en faveur des droits de l'Homme. Ils vont ici, je le sais, se nourrir d'exemples de générosité, de conviction et de courage, dans ce monde difficile, incertain, troublé en permanence par le summum de l'adversaire des droits de l'Homme qu'est le terrorisme. Et à l'aube de ce XXIe siècle, il faut que tous ensemble nous trouvions ces lumières de l'action que sont les exemples de ceux qui se sont engagés pour les droits de l'Homme.
Mon dernier message sera pour les enseignantes et les enseignants qui sont ici présents, qui transmettent cette cause, cette cause qui vient du cur de la France, et qu'il nous faut en permanence rendre vivante, car ces idées de respect de l'autre, ces idées de défense des droits de l'Homme, ont besoin d'une attention quotidienne pour rester pour nous tous les lumières vivantes de l'action.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 décembre 2003)