Déclaration de M. Yves Cochet, député Vert, sur son opposition aux orientations du budget du ministère de l'écologie et du développement durable, à l'Assemblée nationale le 4 novembre 2004.

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Circonstance : Présentation du budget 2005 du ministère de l'écologie et du développement durable, à l'Assemblé nationale le 4 novembre 2004

Texte intégral

M. le Président, M. le Ministre, chers collègues,
L'imagination de ce gouvernement pour réduire les crédits de l'environnement est chaque année un délice d'ingéniosité. On se demande toujours, en feuilletant le bleu budgétaire, ce qui a pu être trouvé. L'année dernière, sous des apparences de neutralité, on avait supprimé massivement les crédits de l'environnement en faisant payer les agences de l'eau et en budgétisant les comptes spéciaux du trésor.
Cette fois-ci, c'est encore plus clair : notre maison brûle, mais MM. Chirac, Raffarin et vous-même, M. Lepeltier, vous regardez ailleurs.
Quelques points méritent d'être soulignés :
1.- C'est tout d'abord un budget de régression environnementale, et ce n'est même pas masqué.
Cette année, le MINEFI (car il est désormais inutile de parler du MEDD, c'est bien Bercy qui décide de tout) ne sauve qu'à moitié les apparences, car le budget diminue de 3,6 % en dépenses ordinaires + crédits de paiement (DO + CP), alors même qu'il stagnait depuis 2003. C'est l'une des plus fortes réductions de tous les ministères pour un budget qui se trouve dans les plus petits et dont l'aspiration finale semble être la disparition.
Sur la période 2002-2005, c'est, compte tenu de l'inflation, une baisse sensible du budget, alors que les besoins et l'attente sociale continuent à augmenter. C'est une casse des efforts engagés de 1997 à 2002, période au cours de laquelle il avait fallu, déjà, rattraper les dégâts de la période 1993-1997.
M. le Ministre, vous faites semblant de vous réjouir de votre budget, en annonçant 140 millions d'euros supplémentaires début 2005 par loi de finances rectificative.
Mais c'est à la fois de l'acrobatie budgétaire et de la poudre aux yeux : on vous gèle des crédits en cours d'année 2004, on vous les rend en fin d'année 2004 par Loi de Finances Rectificative, pour vous les regeler aussi vite en 2005, et on fait semblant au passage d'additionner ces crédits gelés-dégelés-regelés au budget 2005. Cela ne devrait tromper personne.
2.- 2ème point : La structure même du ministère est en régression.
40 emplois sont supprimés dans l'administration centrale et dans les Diren. C'est un renversement complet par rapport à la politique 1997-2002, qui avait fait de la construction d'un vrai ministère de l'environnement, au niveau central et sur le terrain dans les services déconcentrés, une priorité. Comment peut-on sérieusement prétendre qu'il n'y a pas de besoins pour permettre au ministère de participer pleinement, à son rang, aux débats interministériels, quand il doit affronter tous les jours des ministères aussi puissants que Bercy, les Transports et l'Agriculture ? De même, comment faire face à l'explosion des besoins et des attentes sur le terrain en diminuant les postes en Diren ?
Vous voulez vous rattraper en annonçant 50 emplois pour le contrôle des installations classées. Mais 25 de ces 50 sont un simple transfert de Bercy, sans moyens supplémentaires donc. Restent 25, c'est-à-dire rien par rapports aux besoins chiffrés après l'accident d'AZF Toulouse.
Au total, vous affichez donc + 20 postes (-40, + 50, + 10 pour la prévention des crues). Mais c'est en fait + 17, car il y a 3 transferts à l'équipement. Et si on neutralise les 25 de transferts au profit du Ministère de l'écologie et du développement durable et les 3 à son détriment, le solde est en fait de : - 40, + 25, + 10 = - 5. C'est en fait une baisse des moyens consacrés par l'Etat à l'environnement, y compris du point de vue des effectifs.
Qui convaincra-t-on que la réduction du nombre de fonctionnaires, à supposer qu'elle soit possible, peut se faire d'abord à l'environnement, ministère neuf, plutôt qu'aux impôts, aux douanes ou à l'agriculture ?
3.- 3ème point : L'ADEME bien sûr est la grande perdante, encore cette année.
Cette fois-ci, le tour de passe-passe c'est l'expérimentation dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances (LOLF). Grâce à ce subtil subterfuge, les crédits de l'ADEME qui subsistaient encore (100 M sur les chapitres 44-20 et 67-40) sont regroupés sur le chapitre expérimental 69-01, mais ce footing entre chapitres budgétaires se solde par une cure d'amaigrissement qui ferait pâlir d'envie tous les diététiciens, puisque 37 M ont ainsi disparu. Ses crédits en DO + CP passent donc de 100 à 63 millions d'euros ! Cela signifie un démantèlement complet des politiques qu'elle mène.
Certes on nous dira qu'on a augmenté les autorisations de programme, mais comme on a pris l'habitude avec ce gouvernement et notamment en matière d'environnement, d'être payé de promesses, inutile de se faire beaucoup d'illusions sur la réalité des opérations qui sera in fine payées.
Vous nous dites que ce régime est possible grâce à un recentrage de l'ADEME sur ses missions. Mais un recentrage par rapport à quoi ? Que faisait donc l'ADEME au-delà de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie qui autorise de lui supprimer le tiers de ses moyens ?
4.- Mais, et c'est mon 4ème point, je pointe aussi dans les battus 2005, la politique de l'eau au point que l'ensemble de la classe politique s'en émeut bruyamment dans les comités de bassin des agences.
En ce qui concerne les crédits, qui baissent de 12 % sur ce budget, c'est un autre artifice qui se profile. Les agences de l'eau avaient du, l'année dernière, au détour d'une loi rectificative, payer les crédits de paiement de l'ADEME. 230 M ont ainsi été ponctionnés. L'usager de l'eau appréciera.
Cette année, on nous annonce la création d'une septième agence, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui reprendrait une bonne partie des missions de l'Etat en matière de politique de l'eau, qui se fondrait avec le Conseil Supérieur de la Pêche (CSP, lourdement déficitaire et est-ce un hasard fortuit si la subvention au CSP a baissé de 3 M dans le PLF 2005 ?). Cette septième agence serait bien sûr financée par l'usager de l'eau. Notons que ce même usager de l'eau aura aussi à prendre en charge la gestion de l'ex-Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE), du Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole (PMPOA) et qu'on envisage de lui demander de mettre la main à la poche pour constituer un fonds de garantie sur les boues, tout cela est dans le projet de loi sur l'eau en préparation.
Il est à noter que pareille mésaventure intervient également aux crédits pour la prévention des risques et de la pollution, aux crédits pour la gestion des milieux et la biodiversité, au soutien pour la politique environnementale qui, dans la même course vers l'innovation organique, perdent 10 M, passant de 59 M de bons crédits DO à 49 M de CP.
Notons que l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage semble échapper au massacre général avec une mesure nouvelle de 5 M.
Enfin les crédits de recherche montre que l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) est une nouvelle fois oubliée. Malgré le plan santé-environnement, malgré le plan cancer, ces crédits ne seront que de 0,82 millions d'euros. A comparer aux 236,78 millions d'euros pour l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et le nucléaire. Sans commentaire !
Où est la priorité à la santé dans ces conditions ? Et pourtant, la pollution tue des milliers de gens chaque année. Mais là aussi, MM. Chirac, Raffarin et Vous regardez ailleurs
5.- Quant à la priorité pour le climat (et c'est mon dernier point), elle est risible : un plan climat vidé de toute substance (abandon du bonus-malus, autorisations d'émissions de quotas de gaz à effet de serre qui font de la France un des plus mauvais élève de l'Europe), une ADEME, bras armé ce cette politique, massacrée.
Ce n'est pas avec cela que vous pourrez sauver les Maldives.
Ce budget est celui d'un gouvernement de droite extrêmement conservateur, malgré ses beaux discours sur l'environnement. Mais il n'y a pas d'erreur : quand on fait un budget 2005 pour les riches, on ne peut pas s'intéresser aux conséquences des dégâts causés à l'environnement, dont ce sont toujours les plus pauvres, en France et dans le Monde, qui subissent toutes les conséquences
Voilà le triste bilan de ce budget qui ne contribuera pas à éteindre le feu de notre maison, la Terre.
(Source http://www.les-verts.org, le 8 novembre 2004)