Texte intégral
Avant que ne commence cette réunion de la Commission Nationale Paritaire, je souhaite apporter les précisions suivantes :
1. Le transport routier de marchandises est engagé depuis plusieurs années dans une démarche de modernisation sociale, qui s'inscrit pour une part dans les travaux de la commission paritaire, et pour une autre dans l'élaboration d'une réglementation qui relève de la responsabilité de l'État.
Cette démarche que tout le monde reconnaît nécessaire doit être mise au service des grands objectifs de progrès social, d'amélioration de la sécurité, et de développement de l'emploi.
La réduction du temps de travail est un élément essentiel de cette démarche. Elle doit s'appuyer sur les acquis de la négociation paritaire dans la profession. Elle doit tenir compte des réalités économiques et de la situation de la concurrence européenne.
2) La négociation sur la réduction du temps de travail n'a pas progressé ces dernières années au niveau de la branche. Malgré le contrat de progrès, il y a encore des horaires de travail anormalement élevés pour les longues distances ; quant à la courte distance, il y a eu des accords d'entreprise mais aucune négociation de branche n'a abouti.
La loi Aubry a donc été votée sans qu'il puisse y avoir parallèlement un accord de branche pour le transport routier. Il a donc fallu, après ce vote, que le Gouvernement prenne ses responsabilités, et règle par décret et dans des délais très courts les dispositions essentielles concernant l'application de la loi à ce secteur. Ce décret a été publié après une concertation menée dans des conditions difficiles. Force est de constater que les conditions d'un dialogue normal avec les partenaires sociaux n'ont pas été réunies. Toutefois j'ai moi-même rencontré longuement les délégations patronales et syndicales et j'ai respecté les engagements pris avec chacune d'elles.
Le décret est une approche équilibrée qui vise à conjuguer le progrès social et la réduction effective et concrète du temps de travail, avec les contraintes économiques et les spécificités de ce secteur.
Ce décret est l'occasion de rappeler à tous que les salariés du secteur peuvent prétendre profiter de l'avancée sociale que représente l'objectif des 35 heures, de manière progressive et maîtrisée.
3) Mais l'élaboration du décret s'est heurtée, je le répète, au fait que la négociation sur les classifications conduite dans la branche n'avait pas abouti, alors que c'est une clé essentielle pour de nombreux sujets. Il importe donc que cette négociation soit menée à son terme : la date limite du 1er janvier 2001 a été prévue dans le décret. A défaut, le Gouvernement prendra ses responsabilités.
4) Dans les rencontres que j'ai eues avec les organisations syndicales, celles-ci ont insisté sur plusieurs points complémentaires qui méritent d'être traités conjointement, notamment la qualification des différentes coupures et le travail de nuit. Je souhaite donc que la commission paritaire organise rapidement ses travaux sur ces différents sujets. Je souligne également que plusieurs dispositions comme les repos, les durées, ou les périodes de référence ont pour vocation à évoluer dans un cadre paritaire et peuvent faire l'objet d'améliorations négociées.
5) La question des rémunérations est évidemment une préoccupation pour tous les salariés. Je n'ignore pas ce qui a été fait en 1997, dans un accord qui a permis de cadrer l'évolution de la rémunération minimale conventionnelle pour atteindre l'objectif de 10 000 F pour 200 heures le 1er juillet 2000. Quelle que soit l'appréciation des différentes organisations sur cet accord, il constitue un acquis pour la profession. Mais il ne saurait à lui seul épuiser le sujet. D'une part, le décret a permis d'apporter une amélioration de la rémunération des heures supplémentaires à partir de la 36ème heure pour tous les salariés de toutes les entreprises et par ailleurs les négociations sur les classifications, les coupures et le travail de nuit auront évidemment une traduction salariale. Mais, d'autre part comme toute démarche de réduction du temps de travail, il faut que les conséquences sur les rémunérations soient clairement et rapidement abordées. Elles constituent actuellement une inquiétude pour les salariés, et il n'est bon pour personne de laisser ce sujet dans l'ombre. C'est la raison pour laquelle, sans pour autant m'immiscer dans le travail de la commission, j'ai cru nécessaire que vous le preniez en compte dans vos travaux compte tenu des éléments nouveaux intervenus depuis décembre, et sans attendre le rendez-vous annuel sur les salaires.
6) J'ajoute une nouvelle fois que le Gouvernement est conscient des contraintes économiques et du contexte européen. C'est la raison pour laquelle je redis l'engagement pris au cours de ma rencontre avec les organisations patronales, d'accorder les aides nécessaires pour faciliter et inciter cette réduction du temps de travail dans toutes les entreprises, y compris celles dont la taille peut constituer un obstacle. Les aides seront prochainement présentées pour que les entreprises puissent en avoir connaissance et les intégrer dans leurs propositions.
Je rappelle également les décisions prises pour améliorer le dispositif de remboursement pour la TIPP (possible pour les véhicules de + de 7,5 tonnes, jusqu'à 50 000 litres et à un rythme semestriel) et pour améliorer l'environnement économique des entreprises (recrutement, formation, conseil) ainsi que mon intention d'aménager le dispositif d'abonnement aux tarifs autoroutiers pour le rendre plus favorable aux petites entreprises.
7) Enfin, je confirme la détermination du Gouvernement à prendre de nouvelles initiatives pour l'harmonisation sociale européenne. Sans attendre, j'ai déjà rencontré plusieurs responsables de la Commission et Ministres européens pour y travailler. Je les ai informés de la situation en France, des décisions prises par le Gouvernement, et des attentes fortes des partenaires sociaux. Chacun maintenant est conscient de l'enjeu. La France pour sa part entend bien mobiliser toutes ses forces sur ce sujet.
8) J'attache beaucoup d'importance au suivi des négociations qui vont se dérouler dans la branche et les entreprises, et à la transparence sur les aides qui vont être accordées. Pour cette raison, l'observatoire que la Direction des Transports Terrestres va mettre en place, avec les services de l'Inspection du travail sera l'occasion pour tous les partenaires d'évaluer les résultats des négociations.
Je fais confiance au président de votre Commission pour qu'il trouve avec vous les moyens d'organiser ces différents chantiers d'une manière cohérente et efficace. Mais vos résultats dépendent bien sûr surtout de la qualité de votre dialogue, et de votre volonté de dépasser les divergences et les contradictions pour rechercher la voie d'un compromis. Le transport routier (entreprises et salariés) en a grand besoin.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 10 février 2000).