Conférence de presse de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les mesures prises pour lutter contre la légionellose touchant la région de Lens, Paris le 6 janvier 2004.

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Circonstance : Conférence de presse sur la légionellose, à Paris le 6 janvier 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
La région de Lens connaît actuellement une épidémie de légionellose importante, la plus importante enregistrée en France depuis que le signalement obligatoire de la maladie existe.
Le début de l'épidémie Lensoise a été constaté le 28 novembre 2003. A l'heure actuelle, on déplore 59 cas de légionellose, dont 7 décès. 22 patients sont hospitalisés. 30 ont regagné leur domicile.
Si j'ai souhaité aujourd'hui faire un point avec vous au plan national, en complément des informations que le préfet, à ma demande, diffuse très régulièrement, c'est parce que l'enquête, qui a été engagée activement depuis maintenant plus d'un mois par les services de l'Etat, est particulièrement complexe, et est de ce fait propice à toutes les approximations et donc toutes les peurs, comme j'ai pu d'ailleurs le constater. Je complèterai ce point par une visite sur le terrain jeudi prochain.
Je voudrais dans un premier temps revenir sur la chronologie de la crise, puis évoquer les hypothèses restant ouvertes, et élargir sur la question du risque légionellose en général, car il ne faut pas oublier que cette épidémie s'ajoute à une autre à Montpellier au début de l'été ( 30 cas, dont 4 décès) et à Poitiers peu de temps après (20 cas, pas de décès).
Tout d'abord la chronologie, donc.
L'épidémie a été détectée le 28 novembre. Très rapidement le site de l'usine Noroxo à Harnes a été identifié par les services de l'Etat comme une des sources possibles de la contamination. Par mesure de précaution, le préfet a donc demandé l'arrêt et le nettoyage complet des installations. L'arrêt est intervenu le 2 décembre 2003, soit 4 jours après. Les résultats des analyses de souches de bactéries par le centre national de référence sur la légionelle ont indiqué que 7 des patients contaminés lors de cette première vague de l'épidémie (avant l'arrêt de Noroxo) étaient porteurs de la même souche de bactérie que celle retrouvée dans les circuits de l'usine.
Après un nettoyage complet des installations, l'usine a redémarré le 22 décembre, les mesures réalisées alors ayant confirmé l'absence de colonies de légionelle dans le circuit d'eau qui avait été préalablement mis en cause.
Des cas ont continué à se déclarer après l'arrêt et le nettoyage de l'entreprise Noroxo, au delà de la période habituelle d'incubation. Ces cas se sont déclarés dans une zone légèrement excentrée par rapport au premier foyer de contamination, à Hénin-Beaumont. Les autorités ont donc poursuivi leurs investigations de sources potentielles de contamination, qui n'avaient d'ailleurs pas été interrompues par l'arrêt de Noroxo. La zone de recherche a été étendue à quatre communes supplémentaires.
L'intervention d'experts nationaux
En raison de la persistance inhabituelle et inexpliquée de cette épidémie, j'ai décidé avec mon collègue chargé de la santé de mobiliser des experts nationaux afin d'apporter un soutien technique au préfet du Pas-de-Calais et à ses services. Cinq experts reconnus pour leur compétences dans les domaines de l'épidémiologie, de la lutte contre la prolifération des légionelles dans les tours de refroidissement et du transport des bactéries dans l'atmosphère ont ainsi été mis à la disposition du Préfet du Pas-de-Calais, dont trois se sont rendus sur place dès le 31 décembre 2003. L'INERIS et l'Institut de Veille Sanitaire ont été chargés d'assurer le secrétariat scientifique de cette mission.
Compte tenu de la survenue de nouveaux cas et de l'analyse des experts relative aux modalités de nettoyage utilisées par Noroxo, qui laissait entendre que ces modalités auraient pu être à l'origine de nouvelles émissions de légionelles, j'ai décidé, le 1er janvier dernier, en application du principe de précaution, de faire procéder à nouveau à l'arrêt et à la mise en sécurité des installations.
Ce nouvel arrêt doit permettre aux experts d'étudier en détail, sans faire courir de risque supplémentaire aux populations avoisinantes, l'hypothèse d'une poursuite de la contamination par l'usine Noroxo, au delà de son arrêt du 2 décembre 2003. En effet, il est impossible d'exclure formellement que le fonctionnement actuel de l'usine conduise à de nouvelles émissions de bactéries, malgré plusieurs analyses montrant l'absence de colonies de légionelles depuis son redémarrage.
Les hypothèses sur l'origine de la contamination et les derniers résultats d'analyse
Deux hypothèses principales sur l'origine de la contamination sont aujourd'hui envisagées, donnant lieu à des investigations intenses en parallèle par les services de l'Etat, avec l'appui des experts nationaux :
1 / L'usine Noroxo identifiée comme une source certaine de l'épidémie pourrait constituer, dans une première hypothèse, son unique source. Les derniers résultats d'analyses du centre national de référence sur la légionelle pourraient corroborer cette première hypothèse. En effet, on note chez 14 patients présentant les symptômes de la légionellose la présence de la même souche que celle trouvée à l'usine Noroxo. Le second pic épidémique est cependant problématique au regard de cette hypothèse.
L'arrêt de l'installation à titre de précaution doit permettre de pousser les investigations afin de s'assurer que le risque de contamination est bien éradiqué. Il doit permettre aussi de mieux comprendre comment une deuxième vague de contamination aurait pu avoir lieu, malgré la fermeture de la tour en cause puis son nettoyage dont les analyses ont révélé qu'il avait été efficace. Les experts nationaux, la DRIRE et les responsables de l'usine Noroxo se sont rencontrés le 5 janvier 2004 afin de confronter et d'analyser les éléments techniques à leur disposition. Une réunion nationale est également prévue cette semaine entre mes services et Exxon-Mobil, dont dépend l'usine de Noroxo.
2 / Compte tenu du déroulement de l'épidémie, il faut également envisager l'existence d'une autre source de contamination que l'usine Noroxo.
La recherche d'une seconde source a été étendue au delà des dix-huit communes qui ont initialement fait l'objet d'investigations. Vingt-deux communes sont maintenant dans le périmètre de recherche, mais les résultats d'analyse disponibles à ce stade n'ont pas permis d'identifier une seconde source de contamination dans cette zone. En effet, les pré-résultats du 5 janvier 2004 pour les sept tours aéroréfrigérantes identifiées dans les quatre communes ajoutées dernièrement au périmètre semblent montrer l'absence de contamination.
Par contre, une station de lavage de voitures présente une contamination par des légionelles. Cette source secondaire présente la même souche de légionelles que l'usine Noroxo. Il semble improbable que cette seule source puisse être à l'origine de la deuxième vague de cas de légionellose détectée après l'arrêt et le nettoyage de l'usine Noroxo. La présence de plusieurs sources secondaires elles-mêmes contaminées par l'usine Noroxo doit donc aussi être envisagée.
Dans le cadre de cette deuxième hypothèse j'ai demandé que plusieurs actions soient engagées :
- sur la base de travaux de modélisation d'experts de l'INERIS sur la dispersion des nuages d'aérosols, la recherche est aujourd'hui élargie à toutes les communes situées dans un rayon de 10 kilomètres autour du foyer de l'épidémie, ce qui représente 23 communes supplémentaires ;
- des vérifications complémentaires sont menées dans le périmètre ayant déjà fait l'objet de recherches, soit les vingt-deux communes initialement visées ;
- à titre préventif, il sera procédé à la fermeture de l'ensemble des stations de lavage de voitures susceptibles d'être sous l'influence des nuages d'aérosols de l'usine Noroxo.
Annonce d'un renfort de moyens pour les services déconcentrés
Compte tenu de l'ampleur des investigations à mener, j'ai décidé que dix agents supplémentaires sont dès aujourd'hui dépêchés à Lens, afin de renforcer l'équipe de la DRIRE, sous l'autorité du Préfet du Pas de Calais, en faisant notamment jouer la solidarité entre régions et départements voisins. Les DRIRE Champagne-Ardenne, Ile-de-France et Picardie ainsi que la Préfecture de Police de Paris seront ainsi mises à contribution.
Vous le constatez, l'enquête est menée, depuis les premiers jours de l'affaire, avec une diligence exemplaire, tant par les services locaux de l'Etat que par la DPPR au niveau national, qui m'a tenue informée dès les premiers jours de ce dossier, et qui continue d'être en contact permanent avec le préfet. Nous progressons dans l'enquête, mais il est indéniable que plusieurs pistes restent ouvertes. C'est pourquoi j'ai décidé à la fois cet élargissement du champ des investigations et ce renfort, qui nous permettront je l'espère d'aboutir rapidement.
Un mot maintenant sur le plus long terme, sur la réglementation applicable aux tours aéroréfrigérantes.
La légionellose n'est pas un problème que nous découvrons. Ce n'est pas non plus un problème dont nous découvririons aujourd'hui l'importance, au hasard d'une crise. Bien au contraire.
Dès 1999, une circulaire a été adressées aux préfets pour les enjoindre de recenser et contrôler les tours aéroréfrigérantes. Depuis lors, pas moins de 1700 entreprises en France ont fait l'objet d'arrêtés spécifiques, qui prescrivent des mesures d'entretien et de surveillance rigoureuses. Cette commande a été précisée par des circulaires de février 2001, de novembre 2001, d'août 2002, d'avril 2003 et de décembre 2003. Un guide d'information des exploitants de tours aéroréfrigérantes a été élaboré à l'appui de cette action.
J'ai souhaité, dès la fin de l'année 2002, placer cette action au rang des priorités nationales de l'inspection des installations classées pour 2003, afin de marquer l'importance de ce dossier et de poursuivre l'effort engagé par les DRIRE dans les régions. Il en sera de même en 2004.
Enfin, je considère avec mon collègue chargé de la santé que la réglementation existante peut être nettement améliorée. Nous avons donc demandé à nos services, DGS et DPPR, de travailler ensemble à l'élaboration d'un plan commun destiné à renforcer la prévention de telles contaminations, qui sera présenté d'ici le printemps. Vous vous rappelez, pour ceux d'entre vous qui étaient présents lors de la conférence de presse sur ce sujet, que cela faisait partie des mesures que j'avais présentées lors du plan air le 5 novembre dernier, même s'il est vrai qu'à ce moment l'opinion publique était davantage tournée vers l'ozone.
Sans anticiper outre mesure sur les conclusions des travaux qui sont engagés, nous savons d'ores et déjà dans les grandes lignes ce par où il faudra passer :
Il faudra commencer par refaire un recensement, le plus exhaustif possible, des tours aéro-réfrigérantes, en particulier en agglomération. Cela sera engagé avant avril prochain.
Les exploitants de ces tours seront resensibilisés individuellement au risque légionelle, sur la réglementation et sur les meilleures techniques disponibles.
Cette action devra être complétée d'actions de contrôle par sondage, sanctionnées sévèrement en cas de manquements.
Je souhaite aussi qu'une réflexion sur la conception des tours, et sur les technologies alternatives, car il en existe dans certains cas, soit engagée.
Enfin, nous réfléchissons à une révision de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, qui passerait par un décret spécifique, et qui permettrait d'identifier clairement les exploitants de telles tours afin de tenir à jour le recensement, et leur imposer le cas échéant les mesures adéquates.
Voilà ce que je voulais vous dire, Mesdames et Messieurs, et je suis à votre disposition, ainsi que le DPPR, pour répondre à vos questions.
(source http://www.drire.gouv.fr, le 14 janvier 2004)