Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur les progrès de la lutte contre la délinquance et la criminalité et sur la réforme des corps et carrières de la police, Créteil le 19 novembre 2004.

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Circonstance : Congrès de l'Union nationale des syndicats autonomes à Créteil le 19 novembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs,
Un de vos collègues, Mickaël Lefèbvre, gardien de la paix à Asnières, en opération de police et avec un courage exemplaire, a été victime d'un accident fatal, à la poursuite d'un malfaiteur. Ce drame nous frappe tous. Il nous afflige. Il montre une fois de plus les dangers auxquels s'exposent les policiers dans leur activité professionnelle. Je veux exprimer toute ma sympathie et mon soutien à son épouse et à ses proches.
Monsieur le Secrétaire Général, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre exposé qui rappelle l'origine et l'évolution de votre organisation syndicale. Cette évolution, vous l'accompagnez depuis plus de vingt ans à travers votre engagement personnel au service de la police républicaine.
Depuis mon arrivée au Ministère de l'Intérieur j'ai pu mesurer combien les organisations syndicales de la police se distinguent des autres organisations catégorielles par leur attachement au service public. Bien sûr, en le défendant, vous n'oubliez pas les intérêts de vos mandants, et c'est bien naturel.
Puisque je m'exprime pour la première fois devant un congrès syndical, je tiens à vous dire tout le prix que j'accorde à ce dialogue fait d'exigence, de lucidité mais aussi de compromis et de responsabilité. Ensemble nous défendons une institution qui nous tient à cur, mais aussi des principes qui guident notre engagement.
Dans ce dialogue, mon cher Jo Masanet, sachez que j'ai particulièrement apprécié votre contribution. Et je suis heureux, dans ce congrès si important pour l'UNSA-police, de pouvoir la saluer publiquement.
I. Vous le savez, la sécurité reste une priorité du gouvernement.
Face aux Français, nous avons une même exigence qui est d'assurer leur protection. Vous avez bien travaillé depuis deux ans et demi, et plus particulièrement ces derniers mois : les résultats sont là.
- Depuis le début de l'année, la délinquance générale a baissé de 4,5 %.
- Cette amélioration est encore plus sensible pour les crimes et délits de voie publique qui reculent de 9,2 % pour la même période. Même les violences aux personnes commencent à reculer.
- Concrètement, cela signifie 150.000 victimes en moins : et ça, les Français vous en sont reconnaissants.
Ces chiffres ne sont pas le fruit du hasard. Ils témoignent de votre mobilisation, avec 56.000 affaires résolues en plus qu'en 2003 et un taux d'élucidation qui en deux ans est passé de 22 à plus de 30 %. Cela veut dire aussi davantage d'initiative, notamment dans la lutte contre la drogue ou les réseaux de proxénétisme.
Je sais la part que vous avez prise dans ce combat quotidien qui demande chaque jour la même attention et la même volonté : je tiens à vous en féliciter personnellement, et à travers vous l'ensemble des fonctionnaires de la Police Nationale.
Mais ne nous y trompons pas : comme l'a affirmé le Président de la République à Nîmes, le 8 novembre dernier, nous devons désormais franchir une nouvelle étape. Pour cela j'ai deux priorités :
D'abord, nous devons ancrer ces progrès dans la durée : pour cela je veux agir en amont afin prévenir les comportements délinquants. Je proposerai dans les prochaines semaines, en coopération avec Dominique PERBEN, un projet de loi relatif à la prévention, afin de nous doter d'outils nouveaux que vous devrez faire vivre en liaison avec nos partenaires.
Ma conviction c'est que la prévention n'est pas une politique sociale. La police n'est pas là pour se substituer aux insuffisances de notre société. Elle n'a pas vocation à venir à la rescousse des services publics en difficulté. Or, je constate chaque jour la détresse sociale à laquelle vous êtes confrontés dans vos missions, les demandes qui ne relèvent pas de votre champ de compétence mais auxquels vous répondez toujours présent. Alors je me dis que nous devons mieux organiser la répartition des tâches.
C'est pourquoi j'ai fait le choix de travailler davantage avec les autres administrations : avec la Santé pour lutter contre la drogue, qui représente 80 000 interpellations par an ; avec les Affaires Sociales, pour prévenir les violences contre les femmes ; avec l'Equipement, pour adapter l'urbanisme aux exigences de la sécurité ; avec la Justice, qui est notre partenaire permanent dans la mise en oeuvre de la chaîne pénale ; avec l'Education pour prendre les problèmes à la racine.
C'est comme ça que nous nous attaquerons enfin à la délinquance des mineurs. Ils constituent 20 % des mis en causes, mais ils sont aussi les premières victimes de la violence, en notamment à l'école. Nous avons, avec François Fillon, signé un protocole d'accord qui prévoit pour chaque établissement la désignation d'un correspondant police ou gendarmerie, ainsi que l'élaboration d'un diagnostic sécurité partagé.
Deuxième axe de notre politique de prévention : faire véritablement appliquer la loi. Comme l'a dit le Président de la République, dans le domaine de la sécurité, notre objectif c'est la tolérance zéro. Cela veut dire que toute infraction mérite une sanction rapide et adaptée et que toute récidive mérite une peine plus sévère.
Ensuite je veux m'attaquer à ces noyaux durs de la criminalité qui alimentent autant la violence que l'économie souterraine. A travers eux nous combattrons la criminalité organisée qui s'est fortement développée et incrusté dans certaines parties de notre territoire. C'est le sens des grands chantiers que j'ai lancés non seulement contre le trafic de drogue et les filières mafieuses, mais également contre la cybercriminalité, contre l'immigration irrégulière.
J'ai voulu renforcer notre réponse dans deux directions : tout d'abord, contre des organisations qui exploitent tous les modes d'actions nous devons agir avec une plus grande synergie de tous les services compétents. C'est ce que j'ai demandé aux GIR en septembre dernier. C'est aussi ce que nous allons mettre en place au sein d'un Comité Opérationnel de Lutte contre les Trafics. Ensuite nous devons mieux exploiter l'arme financière pour asphyxier les réseaux mafieux : c'est pourquoi je veux créer une Cellule d'Identification des Patrimoines qui nous permettra de multiplier les saisies en France mais aussi à l'étranger.
Si j'ai lancé ces chantiers, c'est parce que j'ai constaté que certains problèmes que vous rencontriez quotidiennement devaient être abordés autrement. Leurs causes dépassent souvent le cadre strict de votre action, mais ils ont des répercussions importantes sur la sécurité. En luttant contre le racisme et l'antisémitisme, nous parviendrons à apaiser certaines tensions de notre société. En défendant l'égalité des chances, nous répondrons aux attentes trop souvent frustrées de nos concitoyens. En luttant contre la drogue, nous venons en aide à des familles désemparées par un fléau face auquel elles sont impuissantes.
Il est essentiel de faire baisser la délinquance. Mais les chiffres ne suffisent pas à traduire la réalité que rencontrent nos concitoyens. Nous sommes là aussi pour comprendre la complexité de la violence, pour anticiper les nouvelles menaces, pour renforcer la cohésion nationale. Et le Directeur Général de la Police Nationale a bien compris l'importance que j'attache à ce pan de notre action. Il a aussitôt désigné un correspondant pour suivre de près chacun de ces chantiers.
C'est vrai, les Français attendent beaucoup de nous. Au rendez-vous de la sécurité, nous ne les décevrons pas.
II. J'ai voulu vous donner les moyens d'assumer ces missions.
Je savais aussi, en arrivant à la Place Beauvau, combien vos attentes étaient grandes. Vous avez eu raison, Monsieur le Secrétaire Général, de le rappeler. Car cette fameuse Réforme des Corps et Carrières dont on parle depuis si longtemps au Ministère de l'Intérieur, en quelques mois, avec ténacité et volonté, nous avons réussi à la faire aboutir.
Cette réforme, vous le savez, va changer le visage de la police : nous allons restructurer l'encadrement à tous les niveaux, afin de confier à chaque corps, les responsabilités qui doivent être les siennes. Nous allons élever tous les niveaux de qualification et fortement améliorer les déroulements de carrières.
Afin que les policiers puissent bénéficier au plus vite de ces améliorations, j'ai demandé au DGPN et à l'ensemble des préfets de s'engager sans réserve dans l'application de cette réforme. Et je souhaite que tous les échelons hiérarchiques de la Police Nationale, tous les niveaux de l'encadrement se mobilisent pleinement dans le même esprit. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au Directeur de l'Administration de la Police Nationale de se rendre auprès de vous, sur le terrain, pour y veiller personnellement. Et sachez que je n'hésiterai pas à rappeler à l'ordre ceux qui freineraient cette nouvelle impulsion des relations partenariales.
Moins d'un mois après la signature du protocole, j'ai procédé à l'installation de la commission de suivi dont vous-même, Monsieur le Secrétaire Général et plusieurs membres de votre organisation, faites partie. Cette commission s'est déjà réunie à deux reprises, les 4 octobre et 9 novembre avec un ordre du jour très dense. Elle se réunira de nouveau le 7 décembre prochain. Les premières mesures statutaires sont entrées en vigueur le 1er octobre 2004. Et je me réjouis que cette semaine, le comité technique paritaire central ait approuvé à la quasi-unanimité le nouveau statut du corps d'encadrement et d'application : c'est véritablement le texte fondateur de la condition du nouveau gardien de la paix
Chacun peut le constater : nous n'avons pas perdu de temps. Le rythme d'application ne faiblit pas. Chacun peut constater aussi que la réforme des corps et carrières n'a oublié personne, permettant à tous les policiers d'évoluer dans la carrière. J'ai obtenu que les fonctionnaires en poste puissent en bénéficier sans attendre, alors qu'il avait été envisagé de créer de nouveaux corps dont l'accès aurait été réservé aux nouveaux recrutés. Ce choix, je l'ai écarté car je ne voulais pas d'un statut à deux vitesses. J'ai demandé également que soient accélérées les mesures transitoires pour que les chances d'avancement soient ouvertes à tous, et pour qu'elles soient proportionnées au mérite.
Au total près de 32 000 gardiens de la paix seront concernés au seul titre des années 2004 et 2005 :
- S'agissant des gardiens de la paix :
3 908 gardiens de la paix auront obtenu en 2004 l'échelon exceptionnel 428 dont 1 510 au titre des mesures du protocole d'accord.
5 066 en bénéficieront en 2005 dont 2 266 dès le 1er janvier.
- S'agissant des brigadiers :
3.900 gardiens de la paix titulaires de la qualité d'OPJ vont être nommés au nouveau grade de brigadier : 2 800 vont bénéficier d'une promotion rétroactive au 2 octobre 2004 après la CAPN du 7 décembre 2004. En 2005, 1 100 gardiens supplémentaires, nommés OPJ fin 2004, seront promus de la même façon.
17 000 brigadiers de la police nationale étaient en cours d'intégration dans le nouveau grade de brigadier-chef à la date du 2 octobre 2004.
3.200 brigadiers-majors seront reclassés rétroactivement à la date du 2 octobre 2004 dans le nouveau grade de brigadier-major.
Nous poursuivrons la mise en oeuvre de notre réforme en 2005 avec la même détermination et dans le même esprit de concertation.
J'ai bien compris, Monsieur le Secrétaire Général, les préoccupations concernant le corps des Gardiens de la Paix. Il nous appartient de conduire ce protocole sur quelques années. A l'issue des dispositions transitoires, la commission de suivi sera l'enceinte appropriée pour discuter de ces questions.
Indépendamment des possibilités d'avancement, ne sous-estimons pas les possibilités dont nous disposons d'ores et déjà pour valoriser la motivation et récompenser les mérites. L'introduction en 2004 de la prime de résultats exceptionnels, en plus des dispositions déjà en vigueur, constitue une avancée importante.
- Ce dispositif va permettre, dès la paye du mois de décembre, de récompenser les mérites de 14.100 agents qui se sont distingués par leur détermination.
- 3 750 agents ont également perçu une prime exceptionnelle pour la gestion des événements exceptionnels de l'année 2004.
- Au total, ce sont donc 17 850 personnels de la police nationale qui auront bénéficié en 2004 de ces nouvelles primes, soit près de 12 % de l'ensemble des effectifs.
En 2005, le montant de la prime sera doublé pour atteindre 10 M d'euros à répartir pour l'ensemble des effectifs. Par ailleurs je pense qu'on peut encore en améliorer les conditions d'attribution, en concertation avec la représentation syndicale.
Je tiens à être clair sur l'objet de cette prime : elle ne signifie pas qu'en bénéficiant de ce supplément seule une partie des fonctionnaires de la police nationale seraient méritants. Nous savons qu'ils le sont tous, et la meilleure réponse à cette conviction, c'est la réforme des corps et carrières et les 430 M d'euros qui y sont consacrés. Pour autant, il est également juste et équitable de récompenser ceux d'entre eux qui collectivement ou individuellement obtiennent des résultats exceptionnels.
J'ai voulu améliorer également les conditions de travail des policiers, et tout d'abord l'équipement. Vous disposez désormais d'une arme nouvelle et plus sûre :
- En 2004, 26 550 fonctionnaires de police ont été dotés du pistolet automatique SIG SAUER, dont l'ensemble des CRS.
- En 2005, cette répartition se poursuivra à hauteur de 43.500 fonctionnaires.
- En 2007, tous les policiers (135.000) seront dotés de cette nouvelle arme dont les premiers utilisateurs ont constaté qu'elle était plus légère et plus fiable.
Vous serez bientôt dotés d'un nouvel uniforme. C'était une mesure indispensable puisque rien n'avait été fait dans ce sens depuis 1985. Vous disposerez désormais d'une tenue plus moderne, mieux adaptée aux missions de voie publique et notamment au port du gilet pare-balles. J'ai fixé l'objectif de 40.000 tenues pour la fin de l'année prochaine. La livraison se fera de manière rationnelle, afin que l'ensemble des personnels d'un département, quelle que soit leur direction d'emploi, changent en même temps d'uniforme. La distribution de ce nouvel uniforme sera l'occasion de mettre fin au système de la masse d'habillement : elle sera remplacée par une dotation en points permettant l'acquisition des effets d'uniforme et une indemnité d'entretien de 70 euros par an.
Nous avons ensuite fait des efforts pour améliorer votre sécurité au travail. La distribution des équipements de protection se poursuit avec 10 000 gilets pare-balles individuels dit " à port dissimulé " pour les nouveaux effectifs sortant des écoles et les adjoints de sécurité. Tous les fonctionnaires sont dorénavant équipés.
Enfin, je voudrais rappeler toute l'importance que j'accorde à l'action sociale. J'ai créé une sous-direction spécifique à la DAPN. J'entends maintenant lui donner les moyens de son action. C'est ce que j'ai fait dans le budget 2005, puisqu'à titre exceptionnel ses crédits de fonctionnement vont augmenter de6%, les crédits de logement de 37 %.
Un comité de pilotage rattaché à mon cabinet va suivre la politique de logement en Ile-de-France, qui constitue à mes yeux une urgence et la condition d'une plus grande fidélisation de nos fonctionnaires en région parisienne. Afin de démultiplier nos moyens je signerai dans quelques jours une Convention avec le Président du Conseil Régional d'Ile-de-France, qui je l'espère, inclura le logement des policiers dans les subventions du Conseil Régional. La Caisse des dépôts sera notre partenaire privilégié.
Telles sont, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs, les orientations que j'ai défendues depuis mon arrivée au Ministère de l'Intérieur et que je veux continuer à défendre avec vous.
Nous avons effectué cette année des avancées sans précédent pour donner aux policiers la place qu'ils méritent dans une société qui exige de plus en plus d'eux. Nous poursuivrons en 2005 avec la même détermination : avec un budget en hausse de 4,2 % dans un contexte financier difficile, le gouvernement a voulu marquer son soutien sans réserve à la police nationale et à ses agents. Vous avez reconnu vous-même, Monsieur le Secrétaire Général, qu'à défaut d'un bon budget, c'est un budget qui respecte en tous points nos engagements.
Ces efforts appellent, en retour, un engagement sans faille au service de nos concitoyens. Je sais pouvoir compter sur vous, sur votre motivation et sur votre sens des responsabilités, pour relever les défis d'une police moderne, totalement investie dans ses missions et fière de ses résultats.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 22 novembre 2004)