Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur le financement des établissements pour handicapés notamment des CAT, les difficultés liées à l'amendement Creton et au statut des foyers à double tarification, la prise en charge des autistes et des traumatisés crâniens, Paris le 13 décembre 1994.

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Circonstance : Séance plénière du CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) à Paris le 13 décembre 1994.

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents
Mesdames et Messieurs ,
Permettez-moi de vous dire combien je me réjouis d'avoir pu venir, un bref moment, à cette séance du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées qui se tient pour la Seconde fois cette année.
D'abord, parce que j'attache la plus grande importance à la concertation avec les personnes handicapées, leurs familles et ceux qui uvrent en leur faveur.
Votre conseil en est le cadre naturel et vous avez à vous exprimer aujourd'hui, ainsi que vous l'avez souhaité, d'une part sur la prise en charge scolaire et médico-sociale des enfants handicapés, d'autre part. sur les difficultés d'accueil et de prise en charge des personnes les plus lourdement handicapées
Ensuite, parce que la tenue régulière de votre conseil lui permet de devenir le lieu d'information de la politique menée en faveur des personnes handicapées .
Je vais donc retracer le bilan des principales mesures décidées ou mises en oeuvre par mon département ministériel depuis la tenue de la séance du 9 mai dernier et vous exposer les perspectives de réflexion et d'action tracées pour le court et le moyen terme.
C'est sur ces éléments et, de manière plus générale, sur vos préoccupations que nous pourrons poursuivre, dans quelques instants, ce dialogue qui me tient à cur et qui est complémentaire des entretiens plus individualisés que j'ai tout au long de l'année avec la plupart d'entre vous.
I! me semble en effet indispensable que nous nous attachions à mesurer ensemble le chemin parcouru en quelques mois, car, un tel examen est éclairant dans un contexte général qui n'autorise aucune facilité et requiert, en revanche, vigilance et capacité de choix et de de décision.
Je ne me référerai aux effets de la crise économique, qui a généré de nouvelles et massives exclusions ainsi que des tensions fortes sur les comptes sociaux et le budget de l'État, que pour souligner que ce contexte exige du Gouvernement du courage.
Du courage et de la conviction dans le choix difficile des priorités à retenir pour répondre à l'attente de nos concitoyens démunis et vulnérables : jeunes en difficulté d'insertion, sans travail, chômeurs en fin de droits, personnes sans domicile fixe, personnes âgées dépendantes, malades du sida...
Et dans cette énumération éprouvante de la souffrance et de la détresse, les personnes handicapées demeurent une priorité de la solidarité collective.
Permettez-moi d'illustrer cette affirmation à travers trois sujets, objets permanents et légitimes de vos préoccupations.
En premier lieu, le barème du handicap et le fonctionnement des commissions qui le mettent en uvre.
Constater l'incapacité de la personne, évaluer ce taux constituent un moment décisif de la vie de la personne handicapée car il s'agit de reconnaître ses droits et de statuer sur son orientation, décisions qui vont commander son existence.
C'est pourquoi, il nous faut garantir la qualité. l'efficacité et la rapidité des processus d'évaluation. Nous avons, pour ce faire, installé un comité de suivi et d'évaluation de ce nouveau barème. En ce sens encore, nous avons, avec mon collègue. Michel GIRAUD, Ministre du travail, l'emploi et la formation professionnelle, adressé aux Commissions Techniques d'Orientation et de Reclassement Professionnel une circulaire datée du 1er août qui s'inspire largement des conclusions du rapport Carcenac. Enfin, nous avons confié a l'Inspection Générale des Affaires Sociales, une mission de réflexion sur les procédures d'orientation vers les structures de travail protégé.
En deuxième lieu, la vie à domicile des personnes adultes handicapées.
Faut-il rappeler que les personnes handicapées doivent avoir la possibilité, si elles le désirent, de rester dans le cadre ordinaire de vie ?
Je me suis donc assurée que les décisions que j'avais annoncées en mai dernier touchant à l'accessibilité du cadre de vie et des transports ont été, dans leur quasi totalité, mises en oeuvre. De même, le groupe de travail sur les aides techniques, auquel participe un grand nombre d'entre vous, devrait me faire connaître prochainement ses conclusions. Enfin, j'ai fait maintenir au budget 1995 de l'Etat le financement des postes d'auxiliaires de vie pendant que dans le même temps mes services entamaient une réflexion sur les moyens de développer les emplois pour le maintien à domicile des personnes handicapées.
Pourrons-nous ainsi combler, dans un avenir proche, une partie du retard constaté entre ce qui existe et les attentes des personnes handicapées ? Je le souhaite vivement.
En troisième lieu, le sujet des établissements sur lequel, avec les élus, vous interpelliez le Gouvernement avec vigueur.
En ce qui concerne les centres d'aide par le travail, je m'étais engagée à ce qu'aucun établissement ne ferme en raison de l'insuffisance des moyens financiers nécessaires à son fonctionnement d'une part, à faire valider par le Parlement une base de tarification de ces structures distinguant le budget social du budget de production d'autre part. Ces engagements sont tenus.
Les établissements les plus en difficulté ont reçu des dotations complémentaires. Et les crédits inscrits au projet de loi de finances 1995 augmentent de façon substantielle et permettront d'assainir la situation de ces structures.
Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, le Parlement a adopté le texte que je viens d'évoquer.
Enfin, malgré un contexte budgétaire très tendu, le Gouvernement a décidé la poursuite de l'effort engagé les années précédentes par la création en 1995 de 2.000 places nouvelles de CAT.
Partant de la même volonté d'affirmer la priorité que les Pouvoirs Publics accordent aux personnes handicapées, la décision de dégager des moyens supplémentaires pour contribuer au financement de 1.000 places nouvelles d'accueil pour les adultes lourdement handicapés a été prise.
En même temps, continueront à être dégagés des crédits spécifiques pour répondre notamment, aux besoins d'accueil des enfants atteints d'un syndrome autistique et des polyhandicapés.
Mais je ne peux jamais être totalement satisfaite de ce qui est fait, lorsqu'il s'agit des personnes handicapées, de leur devenir et de la place qui doit être la leur dans notre société.
L'effort ne doit pas se relâcher et réflexion et action doivent être poursuivies.
De mon point de vue, trois séries de questions me paraissent devoir être distinguées qui appellent des réponses différenciées dans leurs modalités ou leur calendrier de mise en oeuvre.
Il s'agit d'abord de questions en suspend parce que difficiles : l'une relative au règlement des difficultés générées par l'amendement Creton, l'autre relative à la consolidation de la base juridique des foyers à double tarification.
Sur la première question, je vous avais indiqué, lors de la séance du conseil du 9 mai dernier, qu'une réponse de type législatif ne me paraissait pas satisfaisante pour résoudre les difficultés du dispositif que le Parlement, en 1989, définissait comme exceptionnel et par essence, provisoire.
Exceptionnel et provisoire parce que la résolution de ce problème passe fondamentalement par la capacité de tous les décideurs et financeurs publics : l'Etat, les collectivités départementales et les organismes d'assurance maladie, à répondre aux besoins de prise en charge des adultes handicapés.
Et les efforts de création de places en équipement collectif qui viennent d'être décidés pour 1995 seront, en priorité, destinés à l'accueil des jeunes adultes maintenus provisoirement dans les établissements pour enfants.
Parallèlement, une démarche que j'ai voulu concertée et consensuelle, a été privilégiée avec les financeurs pour tirer les conséquences de la jurisprudence établie par le juge administratif en matière d'imputation aux différents financeurs des frais de prise en charge de ces jeunes adultes.
Sur ce thème, une circulaire est en cours d'élaboration en lien avec la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés et l'Assemblée des Présidents de Conseils Généraux et sur laquelle l'avis des principales associations concernées sera sollicité.
Sur la deuxième question concernant le statut des foyers à double tarification, je veux rappeler d'emblée que l'entreprise est malaisée.
Sur le plan politique d'abord, en ce qu'elle touche au problème épineux de la répartition des compétences issue des lois de décentralisation, laquelle présuppose un réflexion, pour l'heure non aboutie entre l'Etat et l'Assemblée des Présidents de Conseils Généraux.
Sur le plan technique, ensuite en ce qu'elle pose notamment des problèmes lourds de définition de clientèle qui sera accueillie au sein de ces structures.
Mes services ont élaboré un projet de décret dont l'idée maîtresse est d'instituer un dispositif simple et clair pour tous, qui limite les risques de contestation de toutes sortes au plan local tout en ménageant des possibilités d'adaptation en fonction des clientèles accueillies. Ce projet constitue la base d'une réflexion et d'une concertation qui reste ouverte.
Ma préoccupation concerne ensuite des catégories de population : les autistes et les traumatisés crâniens dont la prie en charge, dans des conditions satisfaisantes, me tient particulièrement à cur.
L'inspection Générale des Affaires Sociales m'a récemment remis son rapport sur le diagnostic de cette affection sévère qu'est l'autisme, la prise en charge des enfants autistes et l'accompagnement de leurs familles. L'Agence Nationale pour le Développement de l'Évaluation Médicale a fait de même sur la question de l'évaluation de modes de prise en charge. Enfin la Direction de l'Action Sociale me remettra dans les jours qui viennent son rapport sur les solutions envisageables pour la prise en charge des adultes autistes. Ces différentes contributions devront permettre de déterminer pour l'avenir quelques axes d'action essentiels en réponse à un problème si éprouvant pour les familles concernées.
Enfin, j'attends au printemps prochain, les conclusions de l'IGAS sur l'insertion et la prise en charge des traumatisés crâniens qui permettra de définir des programmes d'action et une stratégie de mise en oeuvre de ceux-ci.
Enfin, l'avenir c'est la joie et le devoir de fêter l'année prochaine un anniversaire, celui de la loi ou plutôt des lois du 30 juin 1975.
Pour ce qui touche plus particulièrement à la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, le temps a souligné la richesse et la solidité de l'édifice établi par le Législateur, consacrant de fait un statut social de la personne handicapée, dont les dispositions généreuses s'avèrent souvent attractives pour d'autres publics que le public initial.
Mais le temps a également révélé les limites de cette construction juridique, limites souvent imputables, me semble-t-il, aux facteurs externes qui ont conditionné son application. Il n'en reste pas moins qu'il convient d'apprécier les évolutions du cadre juridique qu'appelle l'incidence de ces différents facteurs.
Au-delà, c'est bien à une réflexion sur le statut et la place de la personne handicapée dans notre société à une horizon plus lointain, que nous sommes conviés.
Pour nous éclairer dans le cheminement de cette réflexion, je constituerai prochainement une commission de prospective qui sera amenée à établir son diagnostic et proposer des orientations pour la décennie à venir.
Sur les conclusions que la commission aura dégagées, une concertation sera engagée avec chacun d'entre vous mais aussi, de manière plus globale, avec votre Conseil.
C'est sur cette perspective de réflexion, porteuse d'avenir que je veux clore ce propos introductif pour vous laisser la parole. Ce, en accord avec M. le Président que je remercie d'avoir permis l'organisation de cette séance en fonction des engagements auxquels je ne peux me soustraire.
Je vais encore monopoliser quelques instants de cette séance pour remercier, devant vous. M. RISSELIN, qui a été, pendant cinq années, responsable, au sein de la DAS, du bureau en charge des personnes handicapées. II a accompli, à ce poste difficile, un travail considérable et mérite cet hommage devant votre conseil. Mme MAREL le remplace, dès maintenant, dans cette lourde mais passionnante tâche.
Je vous remercie de votre attention.