Texte intégral
Je suis très heureux de prendre part à cette quatrième réunion du Groupe de haut niveau de l'UNESCO sur l'Education pour tous, consacrée à la mobilisation des ressources pour l'Education pour tous et à l'efficacité de l'aide dans le contexte de l'initiative Fast Track.
J'en suis d'autant plus heureux, que je m'exprime aujourd'hui, à Brasilia, au nom de deux pays partenaires de l'Education pour tous et de l'initiative Fast Track. En parlant d'une seule voix, l'Allemagne et la France ont en effet voulu marquer leurs parfaites convergences de vue sur ce sujet de la mobilisation des financements au service de l'Education pour tous.
Ayant consacré la majeure partie de ma vie à l'éducation et exercé, il y a moins d'un an, les fonctions de ministre délégué à l'Enseignement scolaire, je crois, à titre personnel, être bien au fait des questions de politique éducative et de stratégie sectorielle pour l'éducation. A cet égard j'ai la conviction que le combat pour l'Education pour tous (EPT) est indispensable, urgent, et prioritaire. Aujourd'hui, en tant que ministre délégué à la Coopération et au Développement, ma conviction est encore plus forte.
Ma collègue allemande, Mme Wieczorek-Zeul, partage avec moi, et je suis sûr avec chacun d'entre vous ici, cet engagement ou plutôt ce double engagement, puisque nous combattons tout à la fois pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), au premier rang desquels ceux poursuivis par l'EPT, et pour mobiliser les ressources financières permettant leur réalisation. Je suis venu ici, à Brasilia, pour rappeler que la mobilisation de la France et de l'Allemagne sur ce double engagement est totale.
En septembre 2005, c'est-à-dire cinq ans après la déclaration du Millénaire et au tiers du parcours qu'il nous faut accomplir d'ici 2015, les chefs d'Etat et de gouvernement réunis en Sommet aux Nations unies mesureront l'état d'avancement des OMD.
Parmi ces objectifs, il en est deux, la scolarisation primaire universelle et l'égalité des genres, privilégiés par l'EPT, que nous savons être à notre portée. Il nous revient de nous atteler ensemble à cette tâche.
Cette mobilisation s'adresse d'abord à nous, bailleurs de fonds, qui avons pris en 2000 la décision de définir des objectifs pour améliorer le sort des populations les plus démunies et de mettre notre aide publique au développement au service de cette cause.
Ainsi, avec l'initiative Fast Track qui a suivi, une augmentation substantielle des flux d'APD a été obtenue au profit de l'éducation. Mais nous avons rapidement pris conscience que ces flux ne seraient pas suffisants. Les besoins sont estimés à 3,5 milliards de dollars par an pour la seule scolarisation primaire universelle. Il a fallu apporter des réponses.
C'est surtout sur ce constat de l'insuffisance des ressources consacrées par les pays riches au combat contre la pauvreté que très récemment, les présidents Lula da Silva et Chirac, rejoints par le président Lagos et le Premier ministre Zapatero, et avec l'appui du Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, ont entrepris de lancer un appel à la communauté internationale, pour que soient mobilisées des ressources financières nouvelles et qu'à cette fin soient mis en place des mécanismes innovants de financement.
Cette initiative, conduite par le "groupe quadripartite" a donné lieu à la constitution d'un groupe d'experts brésiliens, espagnols, chiliens et français chargés de proposer des pistes de financement nouvelles. Leurs propositions viennent en écho à celles d'un autre groupe de travail, mandaté en France par le président Chirac en 2000 et connu sous le nom de groupe Landau.
Ce rapport démontre en particulier la nécessité de trouver des ressources stables et durables pour financer certaines dépenses récurrentes du développement.
Plusieurs hypothèses de travail sont aujourd'hui évoquées pour permettre de lever de nouvelles contributions financières : la taxation des transactions financières et/ou du commerce des armes, la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, le recours au droit de tirage spéciaux, les contributions volontaires sur les achats par cartes de crédit ou encore la création de "fonds éthiques".
L'identification de ressources stables est particulièrement importante dans le secteur de l'éducation, où pour être efficace, il faut poursuivre l'effort en continu sur de nombreuses années. Rien ne serait plus inacceptable pour un gouvernement que de devoir, en raison d'aléas de financement, laisser des enfants sur le bord du chemin, avec une scolarité inachevée, c'est-à-dire sans éducation véritable. Pour cette raison au moins, les difficultés que nous éprouvons pour trouver chaque année les financements de l'EPT doivent être surmontées.
Je retiens de ce mouvement qu'une dynamique favorable à la recherche de nouveaux financements est enclenchée. La preuve en est que, lors des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, à Washington le mois dernier, le thème de la création éventuelle de nouvelles contributions a été pris en compte par les institutions de Bretton-Woods.
Le Comité a appelé ces deux institutions à faire, dès le printemps prochain, diverses propositions pour aller de l'avant sur de nouvelles modalités de financement. Un lien a été par ailleurs établi entre ces nouvelles contributions et le financement des OMD.
Ce mouvement est bien sûr une excellente nouvelle pour les militants de l'APD que nous sommes. Il nous faut évidemment le poursuivre ; seule une approche mondiale de la mobilisation des ressources permettra de générer les moyens pérennes pour atteindre les OMD et tout particulièrement ceux qui concernent l'éducation.
Toutefois, je ne voudrais pas apparaître ici excessivement angélique. La mobilisation des financements compte certes, mais dans le combat pour l'EPT, l'argent des bailleurs n'est pas tout. Je voudrais ici m'adresser plus particulièrement à nos partenaires engagés dans l'EPT. La réalisation du programme EPT suppose, que, sur la durée, des ressources financières domestiques soient mobilisables et mobilisées.
Il faut pour cela, et toutes les études le prouvent, que l'éducation soit durablement inscrite au premier rang des priorités budgétaires et qu'effectivement l'exécution des dépenses publiques en porte la marque. A ce titre, le cadre indicatif de l'initiative Fast Track donne avec précision la mesure des efforts à consentir pour se donner les moyens domestiques d'atteindre la scolarisation primaire universelle à long terme.
Une deuxième condition de succès tient à l'adoption de bonnes politiques éducatives. Rien ne servirait de financer davantage l'éducation - par ressources externes ou internes - si cela ne permettait pas de prendre les bonnes décisions à long terme et notamment celles qui assurent le fonctionnement d'un système éducatif efficace et de qualité. Les plans Education pour tous et les engagements au titre de Fast Track offrent des cadres de référence partagés. Rappelons aussi que le processus d'élection des Etats à la procédure Fast Track est autant un label de qualité qu'une garantie de financements nouveaux.
Pour autant, et j'en terminerai sur ce dernier point, le sujet ne saurait être épuisé sur ces seules considérations. Je ne veux pas faire ici faire de langue de bois. Un obstacle de taille persiste qui ne tient ni aux financements, ni aux choix des politiques, mais aux capacités de mise en oeuvre de nos partenaires : si ceux-ci parvenaient à mobiliser les ressources internes et à adopter les bonnes politiques, le sujet Education pour tous serait promis à une extinction certaine. Ce qui fait problème, c'est bien la capacité à mettre en oeuvre les financements et les politiques et donc à se doter des compétences professionnelles idoines.
La France et l'Allemagne considèrent précisément que leur apport ne peut se limiter à une contribution financière et qu'il doit aussi viser les capacités de pilotage et de gestion des politiques éducatives. La qualité et la performance en dépendent de manière cruciale.
Bien évidemment, il revient aux bailleurs partenaires au développement de faciliter la tâche et notamment de simplifier les procédures d'attribution de l'APD. L'Allemagne, la France et bien d'autres pays au sein de l'OCDE sont, dans cette perspective, engagés dans une harmonisation de leurs procédures d'aide, qui doit permettre de réduire les coûts de gestion de cette même aide pour les pays bénéficiaires.
L'expérience pilote conduite au sein de l'initiative Fast Track pour harmoniser les procédures des pays bailleurs de fonds va dans le bons sens. Le recours à l'aide budgétaire sectorielle, la tenue de revues conjointes, la mutualisation de l'expertise sont autant de pistes dans lesquelles France et Allemagne sont engagées, au même titre que d'autres bailleurs de fonds.
Mais au-delà de ces dispositions, il nous revient aussi d'apporter notre appui technique et notre expertise. La France et l'UNESCO ont constitué le Pôle de compétence de Dakar auprès du Bureau régional de l'UNESCO. La proposition récente de créer un fonds fiduciaire d'appui technique va aussi dans la bonne direction.
Ce sujet de l'EPT mérite de notre part un investissement de tout instant. Nous avons élaboré un cadre d'action. L'UNESCO s'est vue confier le pilotage d'ensemble et la réunion de ce jour témoigne de sa capacité. Je veux ici féliciter l'UNESCO pour l'accomplissement de cette mission et rappeler que la France et l'Allemagne sont particulièrement attachées à ce que le pilotage par l'UNESCO soit, autant que faire se peut, renforcé, à un moment ou les efforts de mobilisation de la communauté internationale doivent être redoublés. Il est indispensable que nous puissions parler d'une seule voix.
Dans ce contexte, il convient aussi certainement que soit réaffirmé notre engagement pour l'initiative Fast Track pour la scolarisation universelle. Celle-ci est à ce jour exemplaire de la volonté des bailleurs de fonds de suivre les recommandations de la Conférence de Monterrey et notamment de proposer un véritable partenariat, contractuel, entre donateurs et bénéficiaires, fondé sur un cadre de référence. L'éducation est à ce jour le seul exemple de mise en oeuvre d'une telle volonté partagée.
C'est là un acquis, certes perfectible et amendable, qui doit faire avancer la cause de l'éducation pour tous et servir de référence pour les autres domaines prioritaires du développement. Son succès permettra, de rendre plus efficace notre combat pour la mobilisation de nouveaux financements.
En revanche, tout fléchissement de notre volonté d'engagement dans l'initiative Fast Track serait interprété de façon particulièrement négative par la communauté internationale, et notamment comme un manque de cohérence profond entre nos engagements internationaux et nos actes. D'ici le Sommet des Nations unies en septembre 2005, il est indispensable que notre mobilisation collective ne se relâche pas et que de nouveaux financements, stables et durables, soient trouvés afin que l'éducation pour tous soit un objectif constamment réaffirmé. La France et l'Allemagne poursuivront ce plaidoyer dans les mois à venir, en toutes occasions.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2004)