Texte intégral
Monsieur le Directeur Général,
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je suis très heureux d'avoir à introduire cette table ronde sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Je suis content de voir que l'OMS et la Banque Mondiale travaillent en synergie sur ces grandes questions de société dont le Président de la République Française a fait l'emblème de son action.
Je tiens à rendre hommage au Dr Lee, directeur général de l'OMS, pour avoir choisi le thème de la sécurité routière comme priorité mondiale de santé.
La sécurité routière est une priorité évidente pour la santé publique. Le retentissement sanitaire et économique des traumatismes liés à la circulation routière pour les conducteurs, les passagers et les piétons est considérable. Vous connaissez les chiffres : 1,2 millions de personnes tuées en 2003, soit en moyenne 3 242 personnes par jour dans le monde. Aucune famille n'est épargnée. Vingt millions à 50 millions de personnes sont ainsi rendus invalides ou blessés tous les ans dans le monde. Quatre-vingt dix pour cent des accidents de la circulation mortels surviennent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, dont plus de la moitié touche de jeunes adultes âgés de 15 à 44 ans. Entre la naissance et l'âge de 20 ans, l'insécurité routière est responsable de 50 % des handicaps. Le coût pour la société de la violence routière est de 518 milliards de dollars à l'échelon mondial, soit de 1 à 2 % du produit national brut de chaque Etat (en France, il était de 27,8 milliards d'euros pour l'année 2002).
Cette situation est intolérable. C'est une insulte à la condition humaine. C'est pourquoi l'insécurité routière renvoie à la place de la violence dans notre société. C'est une des formes de violence dont l'impact de santé publique est le plus fort.
En matière de sécurité routière, il n'y a pas de solution miracle. Ceux qui pensent qu'une seule mesure, technique, éducative ou répressive pourrait régler la question se trompent. C'est toute une panoplie d'outils de prévention qu'il convient de mettre en oeuvre. Et c'est bien la stratégie qui a été retenue en France et que préconise d'ailleurs le Rapport mondial sur la prévention des traumatismes des accidents de la circulation. Il convient, en effet, de suivre ses recommandations :
En développant la prévention primaire en conjuguant l'éducation, la formation, les modifications du comportement, la sanction des conducteurs imprudents, la répression des consommations dangereuses, dont l'alcool au premier chef.
En encourageant la prévention secondaire, qui réduit la gravité des accidents, en rendant obligatoire par voie législative ou réglementaire l'utilisation, par exemple, des ceintures de sécurité à retenue programmée, même pour les passagers situés à l'arrière du véhicule, les dispositifs de retenu pour les enfants (sièges à fixation spécifique et rehausseurs adaptés à l'âge), tout comme le port du casque pour les utilisateurs de deux roues. En Corée, le taux d'utilisation de la ceinture de sécurité est passé de 23 % à 98 % en moins d'un an après une campagne nationale de prévention et de contrôles de police. Il serait souhaitable également que les constructeurs automobiles développent des régulateurs avec limitateurs de vitesse sur les voitures, même si la vitesse du véhicule doit être avant tout adaptée à la route. On sait que pour un même choc, plus la vitesse est élevée et plus l'accident est grave. Ainsi, en France, les données de l'accidentologie ont montré que la meilleure observance des limitations de vitesse ont fait baisser pour le mois de février 2003, comparativement à février 2002, le nombre de tués de plus de 10 % alors que le nombre d'accidents était équivalent.
La prévention tertiaire, par l'action des services de secours, de réanimation et de rééducation à qui je tiens à rendre hommage, tant leur travail est éprouvant, est essentielle. Les habitants des pays à faible revenu n'ont pas les mêmes chances de survie après un accident que ceux des pays riches. Ainsi, au Kenya, la police n'évacue que 5,5 % des accidentés survivants et les ambulances hospitalières 2,9 %. Nous venons, en France, de redéfinir la filière de prise en charge des blessés graves de la route par traumatisme crânien et blessure médullaire qui sont à l'origine de plus de 75 % des décès et des handicaps dus aux accidents.
Toute politique de santé comporte donc nécessairement un volet sur la violence routière. Dans cette perspective, l'implication des ministères chargés de la santé ne se réduit pas à la simple organisation de la prise en charge des victimes et à leur réinsertion. Elle doit également viser les facteurs de risque sanitaires et médicaux, notamment ceux qui relèvent des comportements comme la consommation d'alcool, de drogue ou de médicaments psycho-actifs, et de l'état de santé des conducteurs, notamment leur état de vigilance. Elle doit s'appuyer sur une mobilisation du corps médical.
Réduire au plus bas les décès et les séquelles lourdes secondaires à un traumatisme par accident de la circulation nécessite la production d'informations épidémiologiques fiables. Si nous avons une bonne vision de l'impact sur la mortalité, force est de constater que nous manquons de connaissances sur les traumatismes, leur prise en charge en phase immédiate et retardée et leur rééducation. Il est nécessaire de conduire des enquêtes épidémiologiques dans ce domaine.
L'alcool constitue l'un des facteurs majeurs d'accidents mortels de la route quel que soit le pays et son niveau de revenu. En 2002, en France, près de 30 % des accidents mortels étaient des accidents liés à l'alcool et 15,4 % des conducteurs ayant eu un accident avaient un taux d'alcoolémie supérieur au taux maximal autorisé. Pire encore, une étude portant sur un demi-million d'accidents de la route survenus entre 1995 et 1999 démontre qu'une alcoolémie supérieure à 0,05 g/dl multiplie par cinquante le risque d'accident mortel les nuits de week-end. Le seuil d'alcoolémie actuellement retenu dans nombreux pays est de 0,05 g/dl, alors qu'il est de 0,08 g/dl dans beaucoup d'autres. Il serait nécessaire d'harmoniser les seuils de tolérance pour l'ensemble des pays du Monde, même s'il est essentiel de faire prendre conscience aux conducteurs qu'entre "boire ou conduire, il faut choisir". Pourquoi ne pas développer des systèmes de démarrage du véhicule liés à l'absence d'alcool dans le souffle du conducteur ?
De même, les drogues ont des propriétés neuro-comportementales qui justifient une action spécifique vis-à-vis du risque routier et je me réjouis qu'une loi ait été votée dans ce sens en France en début 2003. La fréquence de l'usage du cannabis, les situations dans lesquelles il est consommé, son association avec l'alcool ou d'autres produits psycho-actifs, notamment chez les jeunes gens, créent un risque important pour la conduite. Les moyens de tests et de contrôle ne sont pas évidents à appliquer et un effort de recherche-développement doit être fait.
Enfin, faut-il rappeler que le rôle des médicaments sur la vigilance et les perceptions neurosensorielles devrait être mieux pris en compte par les usagers et les médecins prescripteurs, qui doivent être, les uns et les autres responsabilisés.
Depuis 20 mois, le Gouvernement français a déclaré une guerre sans concession à la violence routière dont le coût humain est insoutenable et les résultats ne se sont pas fait attendre. En un an, la diminution du nombre des personnes tuées sur la route a été de plus de 20 %. C'est grâce à l'impulsion forte du Président de la République et par le dynamisme d'un Comité inter-ministériel de la Sécurité Routière, réunissant les énergies de plusieurs ministères (Transports, Santé, Education, Sécurité Intérieure et Justice), joint à celui d'une Délégation interministérielle à la sécurité routière, à l'origine d'actions concertées de prévention avec les associations non gouvernementales et les entreprises privées, que ces résultats ont été obtenus.
Je terminerai en vous disant qu'on ne peut pas, d'un côté, exiger des pouvoirs publics une application stricte du principe de précaution vis-à-vis de risques parfois imaginaires et, d'un autre côté, laisser mettre en danger de façon outrancière sa vie et celle d'autrui sur les routes.
Je vous laisse désormais la parole et tiens à vous dire le plaisir que j'ai d'être ici avec vous à Paris, en cette importante journée.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 avril 2004)
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je suis très heureux d'avoir à introduire cette table ronde sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Je suis content de voir que l'OMS et la Banque Mondiale travaillent en synergie sur ces grandes questions de société dont le Président de la République Française a fait l'emblème de son action.
Je tiens à rendre hommage au Dr Lee, directeur général de l'OMS, pour avoir choisi le thème de la sécurité routière comme priorité mondiale de santé.
La sécurité routière est une priorité évidente pour la santé publique. Le retentissement sanitaire et économique des traumatismes liés à la circulation routière pour les conducteurs, les passagers et les piétons est considérable. Vous connaissez les chiffres : 1,2 millions de personnes tuées en 2003, soit en moyenne 3 242 personnes par jour dans le monde. Aucune famille n'est épargnée. Vingt millions à 50 millions de personnes sont ainsi rendus invalides ou blessés tous les ans dans le monde. Quatre-vingt dix pour cent des accidents de la circulation mortels surviennent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, dont plus de la moitié touche de jeunes adultes âgés de 15 à 44 ans. Entre la naissance et l'âge de 20 ans, l'insécurité routière est responsable de 50 % des handicaps. Le coût pour la société de la violence routière est de 518 milliards de dollars à l'échelon mondial, soit de 1 à 2 % du produit national brut de chaque Etat (en France, il était de 27,8 milliards d'euros pour l'année 2002).
Cette situation est intolérable. C'est une insulte à la condition humaine. C'est pourquoi l'insécurité routière renvoie à la place de la violence dans notre société. C'est une des formes de violence dont l'impact de santé publique est le plus fort.
En matière de sécurité routière, il n'y a pas de solution miracle. Ceux qui pensent qu'une seule mesure, technique, éducative ou répressive pourrait régler la question se trompent. C'est toute une panoplie d'outils de prévention qu'il convient de mettre en oeuvre. Et c'est bien la stratégie qui a été retenue en France et que préconise d'ailleurs le Rapport mondial sur la prévention des traumatismes des accidents de la circulation. Il convient, en effet, de suivre ses recommandations :
En développant la prévention primaire en conjuguant l'éducation, la formation, les modifications du comportement, la sanction des conducteurs imprudents, la répression des consommations dangereuses, dont l'alcool au premier chef.
En encourageant la prévention secondaire, qui réduit la gravité des accidents, en rendant obligatoire par voie législative ou réglementaire l'utilisation, par exemple, des ceintures de sécurité à retenue programmée, même pour les passagers situés à l'arrière du véhicule, les dispositifs de retenu pour les enfants (sièges à fixation spécifique et rehausseurs adaptés à l'âge), tout comme le port du casque pour les utilisateurs de deux roues. En Corée, le taux d'utilisation de la ceinture de sécurité est passé de 23 % à 98 % en moins d'un an après une campagne nationale de prévention et de contrôles de police. Il serait souhaitable également que les constructeurs automobiles développent des régulateurs avec limitateurs de vitesse sur les voitures, même si la vitesse du véhicule doit être avant tout adaptée à la route. On sait que pour un même choc, plus la vitesse est élevée et plus l'accident est grave. Ainsi, en France, les données de l'accidentologie ont montré que la meilleure observance des limitations de vitesse ont fait baisser pour le mois de février 2003, comparativement à février 2002, le nombre de tués de plus de 10 % alors que le nombre d'accidents était équivalent.
La prévention tertiaire, par l'action des services de secours, de réanimation et de rééducation à qui je tiens à rendre hommage, tant leur travail est éprouvant, est essentielle. Les habitants des pays à faible revenu n'ont pas les mêmes chances de survie après un accident que ceux des pays riches. Ainsi, au Kenya, la police n'évacue que 5,5 % des accidentés survivants et les ambulances hospitalières 2,9 %. Nous venons, en France, de redéfinir la filière de prise en charge des blessés graves de la route par traumatisme crânien et blessure médullaire qui sont à l'origine de plus de 75 % des décès et des handicaps dus aux accidents.
Toute politique de santé comporte donc nécessairement un volet sur la violence routière. Dans cette perspective, l'implication des ministères chargés de la santé ne se réduit pas à la simple organisation de la prise en charge des victimes et à leur réinsertion. Elle doit également viser les facteurs de risque sanitaires et médicaux, notamment ceux qui relèvent des comportements comme la consommation d'alcool, de drogue ou de médicaments psycho-actifs, et de l'état de santé des conducteurs, notamment leur état de vigilance. Elle doit s'appuyer sur une mobilisation du corps médical.
Réduire au plus bas les décès et les séquelles lourdes secondaires à un traumatisme par accident de la circulation nécessite la production d'informations épidémiologiques fiables. Si nous avons une bonne vision de l'impact sur la mortalité, force est de constater que nous manquons de connaissances sur les traumatismes, leur prise en charge en phase immédiate et retardée et leur rééducation. Il est nécessaire de conduire des enquêtes épidémiologiques dans ce domaine.
L'alcool constitue l'un des facteurs majeurs d'accidents mortels de la route quel que soit le pays et son niveau de revenu. En 2002, en France, près de 30 % des accidents mortels étaient des accidents liés à l'alcool et 15,4 % des conducteurs ayant eu un accident avaient un taux d'alcoolémie supérieur au taux maximal autorisé. Pire encore, une étude portant sur un demi-million d'accidents de la route survenus entre 1995 et 1999 démontre qu'une alcoolémie supérieure à 0,05 g/dl multiplie par cinquante le risque d'accident mortel les nuits de week-end. Le seuil d'alcoolémie actuellement retenu dans nombreux pays est de 0,05 g/dl, alors qu'il est de 0,08 g/dl dans beaucoup d'autres. Il serait nécessaire d'harmoniser les seuils de tolérance pour l'ensemble des pays du Monde, même s'il est essentiel de faire prendre conscience aux conducteurs qu'entre "boire ou conduire, il faut choisir". Pourquoi ne pas développer des systèmes de démarrage du véhicule liés à l'absence d'alcool dans le souffle du conducteur ?
De même, les drogues ont des propriétés neuro-comportementales qui justifient une action spécifique vis-à-vis du risque routier et je me réjouis qu'une loi ait été votée dans ce sens en France en début 2003. La fréquence de l'usage du cannabis, les situations dans lesquelles il est consommé, son association avec l'alcool ou d'autres produits psycho-actifs, notamment chez les jeunes gens, créent un risque important pour la conduite. Les moyens de tests et de contrôle ne sont pas évidents à appliquer et un effort de recherche-développement doit être fait.
Enfin, faut-il rappeler que le rôle des médicaments sur la vigilance et les perceptions neurosensorielles devrait être mieux pris en compte par les usagers et les médecins prescripteurs, qui doivent être, les uns et les autres responsabilisés.
Depuis 20 mois, le Gouvernement français a déclaré une guerre sans concession à la violence routière dont le coût humain est insoutenable et les résultats ne se sont pas fait attendre. En un an, la diminution du nombre des personnes tuées sur la route a été de plus de 20 %. C'est grâce à l'impulsion forte du Président de la République et par le dynamisme d'un Comité inter-ministériel de la Sécurité Routière, réunissant les énergies de plusieurs ministères (Transports, Santé, Education, Sécurité Intérieure et Justice), joint à celui d'une Délégation interministérielle à la sécurité routière, à l'origine d'actions concertées de prévention avec les associations non gouvernementales et les entreprises privées, que ces résultats ont été obtenus.
Je terminerai en vous disant qu'on ne peut pas, d'un côté, exiger des pouvoirs publics une application stricte du principe de précaution vis-à-vis de risques parfois imaginaires et, d'un autre côté, laisser mettre en danger de façon outrancière sa vie et celle d'autrui sur les routes.
Je vous laisse désormais la parole et tiens à vous dire le plaisir que j'ai d'être ici avec vous à Paris, en cette importante journée.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 avril 2004)