Texte intégral
N. Velly-. Bonjour X. Bertrand.
- "Bonjour."
Q- La dernière fois que vous étiez sur RFI, c'était face à la socialiste A. Lepetit, au lendemain des élections régionales. Aujourd'hui, vous êtes au Gouvernement pour travailler à l'un des dossiers les plus épineux : la réforme de l'Assurance maladie. Le déficit public en matière de santé va atteindre 32 milliards d'euros à la fin de l'année, un déficit colossal qu'aucune réforme, jusqu'ici, n'a jugulé. Avec P. Douste-Blazy, au ministère de la Santé, vous vous êtes lancé, vous, le défit d'y arriver. Alors, en trois mots, la philosophie de votre projet, vous me dites si c'est bien ça, c'est : réformer les comportements des assurés sociaux pour qu'ils dépensent moins, augmenter les contributions pour rembourser les 32 milliards, et changer complètement la structure de la Sécurité sociale.
R - "Oui, je ne les prendrais pas forcément dans cet ordre-là."
Q-Dans cet ordre-là.
R - "Si vous me demandiez trois mots, je vous dirais tout d'abord une vraie volonté : la volonté, c'est de sauver notre système d'Assurance maladie. Il est original dans le monde entier parce qu'effectivement, il est avec un système de solidarité très très fort. La deuxième chose c'est une méthode, cette méthode c'est la concertation, c'est le dialogue. Nous prenons beaucoup de temps, avec P. Douste-Blazy, pour justement rencontrer l'ensemble des partenaires sociaux, l'ensemble des acteurs de santé, pour avancer et pour trouver justement la solution de l'équilibre de cette modernisation. Et puis le troisième mot, c'est la pédagogie - vous venez d'y contribuer à l'instant, Noëlle - c'est de bien rappeler les enjeux, au-delà de ces 32 milliards d'euros de dette à la fin de cette année, au-delà des 12,9 milliards d'euros de déficit cette année, ça montre bien vis-à-vis des Français que le temps presse, que cette réforme est non seulement indispensable mais qu'en plus, elle est urgente. Et nous voulons bien montrer à la fois les enjeux, et nous voulons bien montrer que l'évolution des comportements dont vous parliez, c'est en quelque sorte la seule façon de ne pas faire le 17ème plan de la Sécurité sociale et de ne pas y revenir d'ici quelques années."
Q-Alors, on va revenir sur le comportement des Français, mais en deux secondes vous avez fait allusion au paysage européen. Est-ce qu'il y a un modèle de Sécurité sociale qui vous intéresse dans un pays européen, ou autre, qui serait plus efficient que le nôtre ?
R - "Non. Moi je crois au modèle français. Pour moi, c'est mon modèle, c'est le modèle que nous voulons préserver. Le président de la République l'a rappelé, J.-P. Raffarin a aussi beaucoup insisté sur ce point, nous avons un modèle social original, un système de santé auquel nous sommes attachés. Je sais ce dont je ne veux pas. Je ne veux pas, moi, d'un système à l'américaine où il y a un système de santé pour les plus riches et un autre pour les plus démunis. C'est inacceptable."
Q-Solidarité.
R - "Et puis il y a aussi le système anglais qui en lui-même, parfois, est un peu un système pauvre. Donc je crois que si on veut un système performant, c'est le système français qu'il convient d'adapter et de moderniser."
Q-Alors, persuader les Français de faire une économie de 9 à 10 milliards d'euros, alors qu'ils sont tous les jours, avec le vieillissement et les problèmes climatiques, confrontés à plus de soucis de santé, comment y arriver ?
R - "D'ici 2007, je tiens à le rappeler, le plan de modernisation que nous présentons comprend deux volets et vous avez raison de le rappeler, le plus important de ces volets c'est l'offre de soins, c'est l'organisation de notre système de soins. Et nous pensons, justement, qu'il est possible d'améliorer la qualité des soins, c'est-à-dire de dépenser mieux pour soigner mieux. Il ne s'agit pas de dépenser moins qu'aujourd'hui. Il faut savoir qu'en 2007, nous dépenserons plus pour notre santé qu'en 2004. Mais nous sommes persuadés qu'en modifiant les comportements de tous les acteurs - vous savez, l'évolution des comportements, c'est tout le monde ou personne, ça sera donc tout le monde - eh bien nous sommes persuadés justement que nous pourrons y arriver. "
Q-Alors quand vous proposez aux patients, par exemple, de passer systématiquement par le médecin généraliste avant d'aller, éventuellement, chez le spécialiste, est-ce que ça n'alourdit pas un peu plus les frais. Ca fait deux consultations au lieu d'une.
R - "Non, ça permet déjà une meilleure qualité des soins et je voudrais rappeler qu'il y aura toujours la liberté de choix. Nous pensons qu'il est préférable de passer par le médecin traitant, parce qu'il est capable de vous conseiller, de vous orienter dans le système de soins. Mais si vous souhaitez continuer à aller directement voir un spécialiste, vous pourrez le faire. La liberté de choix, elle est au coeur de notre système de santé, elle restera au coeur de notre système de santé."
Q-Alors dépenser moins, c'est aussi persuader les médecins...
R - "Dépenser mieux."
Q-Dépenser mieux, c'est aussi persuader les médecins d'alléger tout de même les ordonnances de médicaments, et surtout de ne plus distribuer d'arrêts maladie aussi facilement. Comment ?
R - "Oui, ce n'est pas aussi simple que ça, parce qu'il y a aujourd'hui, c'est vrai, des abus, des excès, des dérives dans notre système, et les Français nous disent : " nous sommes d'accord pour faire un effort, mais il faut mettre un terme à ces abus et à ces excès ". C'est ce que nous allons faire. Nous pensons effectivement, concernant les arrêts de travail, qu'il y a entre 6 et 10 % d'arrêts de travail qui n'en sont pas, nous pensons qu'il faut un effort de la part effectivement des médecins avec des modalités qui seront présentées, de la part aussi des patients, parce qu'il faut aussi dire que pour celles et ceux qui abusent du système, c'est terminé. Et puis nous souhaitons aussi que la Caisse d'Assurance maladie nous aide en faisant peut-être davantage de contrôles, plus tôt. Il ne s'agit absolument pas de culpabiliser qui que ce soit, mais il s'agit avant tout de responsabiliser, parce que les 9 Français sur 10 qui ont droit à des arrêts de travail, ne doivent pas être pénalisés par celles et ceux qui abuseraient du système."
Q-P. Douste-Blazy a présenté hier l'innovation du carnet de santé partagé qui sera...
R - "Dossier médical, oui."
Q-Dossier médical partagé qui sera sur Internet, mais qui équivaut à un carnet de santé. C'est bien, mais ça coûte cher, ça fait 3 à 12 par an et par patient et sans doute aux alentours d'un milliard d'euros à mettre en place. Quelle économie vous en attendez en échange ?
R - "La première des choses, c'est que c'est la qualité qui est au rendez-vous justement de ce dossier médical partagé. Connaître beaucoup mieux la santé de chacun des Français, c'est un gage d'une meilleure qualité de soins pour eux. Ça veut dire également, éviter des examens redondants, des examens qui sont faits en double. On nous dit aujourd'hui qu'il y a 15 % d'examens qui seraient faits en double en France, non seulement c'est trop et ce n'est pas pour autant que l'on est mieux soigné et qui plus est, je tiens à le préciser, ça coûte cher, ces 15 % d'examens. Donc vous voyez, c'est à la fois la qualité qui est au rendez-vous et d'autre part, ce sont des économies. C'est 15 % d'examens en trop. Imaginez ce que ça peut représenter comme économies potentielles. Donc, nous sommes persuadés qu'en jouant la carte de la qualité, nous faisons un véritable investissement, qui plus est, vous savez que ce dossier médical partagé, rencontre l'assentiment de l'ensemble des acteurs de santé. Nous avons besoin de bien préciser les choses. Ce dossier sera avec toutes les garanties de confidentialité possibles, il sera réservé aux professionnels de santé. Nous pensons que ça sera une véritable avancée et puis ça nous permettra, aussi, d'évoluer aussi vers une carte d'identité pour sa santé que sera la carte Vital, à terme."
Q-Le noeud du problème, maintenant, c'est de rembourser 32 milliards d'euros de déficit. Il faut évidemment des nouvelles recettes, vous attendez à peu près 4 à 5 milliards d'euros, et là, les syndicats que vous recevez cette semaine, vous reprochent de faire porter surtout l'effort aux assurés sociaux et pas assez aux employeurs. Il y a, entre autres, le forfait d'un euro de plus par consultation à la charge du patient, la hausse également du forfait à l'hôpital.
R - "Oui, justement, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu parler en premier de la qualité des soins et de l'organisation du système de soins, et de ne parler des recettes qu'après. Vous savez, d'habitude..."
Q-Parce que c'est plus dur.
R - "Non, non, mais, d'habitude, un plan de la Sécurité sociale c'est des remboursements en moins, et des prélèvements en plus. Là, nous avons voulu, effectivement, travailler sur l'organisation du système de soins. Vous parliez de l'euro et du forfait hospitalier, il faut savoir que ces deux mesures, ensemble, représentent à peine un milliard d'euros, ce qui veut bien dire que l'on n'est pas là avec des mesures au caractère financier. Nous voulons..."
Q-Il y en a beaucoup d'autres.
R - "Nous voulons justement responsabiliser, nous voulons qu'il y ait une prise de conscience par rapport à ce que représente l'acte médical, voilà la logique du 1 euro."
Q-Mais 1 , X. Bertrand, c'est pour tout le monde, aussi bien pour le chômeur que pour l'industriel qui va consulter ?
R - "Ecoutez, nous avons bien précisé, le Premier ministre l'a rappelé, que pour les consultations pour les enfants, il n'y aura pas cette application du 1 euro. Nous avons précisé également que nous souhaitions que pour les personnes qui sont à la CMU, donc les plus démunis parmi nous, qu'ils ne soient pas non plus concernés par ce 1 euro. Donc voyez, je pense que c'est une mesure équitable, c'est une mesure aussi équilibrée et ce 1 euro, c'est quelque chose de modique qui traduit, avant tout, une prise de conscience. Pour les autres recettes, puisque vous en parliez à l'instant, je crois que l'ensemble des acteurs du système de santé se rend compte que le Gouvernement n'a eu aucun tabou, et que nous avons souhaité que l'effort soit équitablement partagé. Un effort pour les entreprises, un effort aussi de l'Etat avec des transferts de recettes de l'Etat vers l'Assurance maladie, et puis un effort qui est demandé aussi à l'ensemble des Français, vous savez, un effort... "
Q-Oui, il y a même une...
R - "Si chacun y met du sien... Ce que j'entends beaucoup aussi, c'est que si chacun y met du sien, ça peut marcher. Eh bien oui, non seulement ça peut marcher et ça va marcher, mais il faut que chacun y mette du sien. "
Q-Il y a une mesure, en tout cas, qui déclenche l'unanimité totale, y compris au sein de l'UMP, c'est la hausse de la CSG pour les retraités qui paient des impôts, ça c'est difficile à passer.
R - "Ecoutez, c'est vrai que là, je viens de le dire, il faut que chacun y mette du sien. Concernant les retraités, vous savez qu'il y a aujourd'hui pour les retraités imposables, une différence de CSG de 1,3 %. Nous n'avons pas voulu, nous n'avons pas voulu qu'il y ait l'alignement complet de cette CSG sur les actifs. Bien. Donc nous avons souhaité qu'il y ait cet effort, mesuré encore une fois, de 0,4 %. Je rappellerai en plus que pour la dépendance, aucun effort n'a été demandé aux retraités. Je pense aussi qu'il s'agit de bien expliquer combien aussi ça va nous permettre de continuer à améliorer la qualité des soins, pour tous les Français, mais aussi pour les retraités. Non, je reste persuadé qu'avec des mesures qui sont encore une fois, qui demandent un effort modique, c'est ce que j'expliquais à l'instant, si chacun y met du sien, ça devrait pouvoir nous permettre de sauver l'Assurance maladie, et ça c'est quand même un beau défi."
Q-Oui, mais, très vite, X. Bertrand, il y a une grande manifestation le 5 juin, quasiment tous les syndicats sont d'accord pour manifester contre ce projet, ça va être...
R - "Ah, je n'ai pas le sentiment que ça soit pour manifester contre ce projet, j'ai le sentiment - c'est ce que j'ai toujours lu, c'est toujours ce que j'ai entendu de la part de mes interlocuteurs - c'est pour se mobiliser pour la Sécu, c'est ça le thème, parce qu'on comprend bien qu'aujourd'hui..."
Q-Est-ce que ça ne risque pas, justement, de dégénérer à quelques jours des élections européennes ? Est-ce que ça n'était pas risqué de présenter ce projet de réforme, avant un scrutin qui risque de tourner très très mal pour le Gouvernement ?
R - "Ecoutez, les élections européennes ne font pas partie du calendrier de travail du Gouvernement..."
Q-C'est vrai que c'est courageux.
R - "Il y a des échéances. Je crois que nous avons besoin de mettre au grand jour, sur la table - c'est ce que nous avons fait, le plus tôt possible - l'ensemble des pistes d'orientation. Je crois d'ailleurs que les partenaires sociaux qui vont manifester le 5, ne se trompent pas. Alors, peut-être que certains partis politiques voudraient essayer de récupérer les choses, ils font fausse route parce que les partenaires sociaux sont concentrés sur le thème de l'Assurance maladie. Il y a aujourd'hui de vraies avancées avec eux depuis le début de nos discussions, mais ils n'ont pas envie de mélanger les genres, c'est bel et bien..."
Q-Et ça va continuer encore cette semaine.
R - "Bien sûr."
Q-X. Bertrand, on est pris par le temps, excusez-moi, je vous remercie pour toutes ces explications, et bon courage pour les négociations.
R- "Merci."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 mai 2004)
- "Bonjour."
Q- La dernière fois que vous étiez sur RFI, c'était face à la socialiste A. Lepetit, au lendemain des élections régionales. Aujourd'hui, vous êtes au Gouvernement pour travailler à l'un des dossiers les plus épineux : la réforme de l'Assurance maladie. Le déficit public en matière de santé va atteindre 32 milliards d'euros à la fin de l'année, un déficit colossal qu'aucune réforme, jusqu'ici, n'a jugulé. Avec P. Douste-Blazy, au ministère de la Santé, vous vous êtes lancé, vous, le défit d'y arriver. Alors, en trois mots, la philosophie de votre projet, vous me dites si c'est bien ça, c'est : réformer les comportements des assurés sociaux pour qu'ils dépensent moins, augmenter les contributions pour rembourser les 32 milliards, et changer complètement la structure de la Sécurité sociale.
R - "Oui, je ne les prendrais pas forcément dans cet ordre-là."
Q-Dans cet ordre-là.
R - "Si vous me demandiez trois mots, je vous dirais tout d'abord une vraie volonté : la volonté, c'est de sauver notre système d'Assurance maladie. Il est original dans le monde entier parce qu'effectivement, il est avec un système de solidarité très très fort. La deuxième chose c'est une méthode, cette méthode c'est la concertation, c'est le dialogue. Nous prenons beaucoup de temps, avec P. Douste-Blazy, pour justement rencontrer l'ensemble des partenaires sociaux, l'ensemble des acteurs de santé, pour avancer et pour trouver justement la solution de l'équilibre de cette modernisation. Et puis le troisième mot, c'est la pédagogie - vous venez d'y contribuer à l'instant, Noëlle - c'est de bien rappeler les enjeux, au-delà de ces 32 milliards d'euros de dette à la fin de cette année, au-delà des 12,9 milliards d'euros de déficit cette année, ça montre bien vis-à-vis des Français que le temps presse, que cette réforme est non seulement indispensable mais qu'en plus, elle est urgente. Et nous voulons bien montrer à la fois les enjeux, et nous voulons bien montrer que l'évolution des comportements dont vous parliez, c'est en quelque sorte la seule façon de ne pas faire le 17ème plan de la Sécurité sociale et de ne pas y revenir d'ici quelques années."
Q-Alors, on va revenir sur le comportement des Français, mais en deux secondes vous avez fait allusion au paysage européen. Est-ce qu'il y a un modèle de Sécurité sociale qui vous intéresse dans un pays européen, ou autre, qui serait plus efficient que le nôtre ?
R - "Non. Moi je crois au modèle français. Pour moi, c'est mon modèle, c'est le modèle que nous voulons préserver. Le président de la République l'a rappelé, J.-P. Raffarin a aussi beaucoup insisté sur ce point, nous avons un modèle social original, un système de santé auquel nous sommes attachés. Je sais ce dont je ne veux pas. Je ne veux pas, moi, d'un système à l'américaine où il y a un système de santé pour les plus riches et un autre pour les plus démunis. C'est inacceptable."
Q-Solidarité.
R - "Et puis il y a aussi le système anglais qui en lui-même, parfois, est un peu un système pauvre. Donc je crois que si on veut un système performant, c'est le système français qu'il convient d'adapter et de moderniser."
Q-Alors, persuader les Français de faire une économie de 9 à 10 milliards d'euros, alors qu'ils sont tous les jours, avec le vieillissement et les problèmes climatiques, confrontés à plus de soucis de santé, comment y arriver ?
R - "D'ici 2007, je tiens à le rappeler, le plan de modernisation que nous présentons comprend deux volets et vous avez raison de le rappeler, le plus important de ces volets c'est l'offre de soins, c'est l'organisation de notre système de soins. Et nous pensons, justement, qu'il est possible d'améliorer la qualité des soins, c'est-à-dire de dépenser mieux pour soigner mieux. Il ne s'agit pas de dépenser moins qu'aujourd'hui. Il faut savoir qu'en 2007, nous dépenserons plus pour notre santé qu'en 2004. Mais nous sommes persuadés qu'en modifiant les comportements de tous les acteurs - vous savez, l'évolution des comportements, c'est tout le monde ou personne, ça sera donc tout le monde - eh bien nous sommes persuadés justement que nous pourrons y arriver. "
Q-Alors quand vous proposez aux patients, par exemple, de passer systématiquement par le médecin généraliste avant d'aller, éventuellement, chez le spécialiste, est-ce que ça n'alourdit pas un peu plus les frais. Ca fait deux consultations au lieu d'une.
R - "Non, ça permet déjà une meilleure qualité des soins et je voudrais rappeler qu'il y aura toujours la liberté de choix. Nous pensons qu'il est préférable de passer par le médecin traitant, parce qu'il est capable de vous conseiller, de vous orienter dans le système de soins. Mais si vous souhaitez continuer à aller directement voir un spécialiste, vous pourrez le faire. La liberté de choix, elle est au coeur de notre système de santé, elle restera au coeur de notre système de santé."
Q-Alors dépenser moins, c'est aussi persuader les médecins...
R - "Dépenser mieux."
Q-Dépenser mieux, c'est aussi persuader les médecins d'alléger tout de même les ordonnances de médicaments, et surtout de ne plus distribuer d'arrêts maladie aussi facilement. Comment ?
R - "Oui, ce n'est pas aussi simple que ça, parce qu'il y a aujourd'hui, c'est vrai, des abus, des excès, des dérives dans notre système, et les Français nous disent : " nous sommes d'accord pour faire un effort, mais il faut mettre un terme à ces abus et à ces excès ". C'est ce que nous allons faire. Nous pensons effectivement, concernant les arrêts de travail, qu'il y a entre 6 et 10 % d'arrêts de travail qui n'en sont pas, nous pensons qu'il faut un effort de la part effectivement des médecins avec des modalités qui seront présentées, de la part aussi des patients, parce qu'il faut aussi dire que pour celles et ceux qui abusent du système, c'est terminé. Et puis nous souhaitons aussi que la Caisse d'Assurance maladie nous aide en faisant peut-être davantage de contrôles, plus tôt. Il ne s'agit absolument pas de culpabiliser qui que ce soit, mais il s'agit avant tout de responsabiliser, parce que les 9 Français sur 10 qui ont droit à des arrêts de travail, ne doivent pas être pénalisés par celles et ceux qui abuseraient du système."
Q-P. Douste-Blazy a présenté hier l'innovation du carnet de santé partagé qui sera...
R - "Dossier médical, oui."
Q-Dossier médical partagé qui sera sur Internet, mais qui équivaut à un carnet de santé. C'est bien, mais ça coûte cher, ça fait 3 à 12 par an et par patient et sans doute aux alentours d'un milliard d'euros à mettre en place. Quelle économie vous en attendez en échange ?
R - "La première des choses, c'est que c'est la qualité qui est au rendez-vous justement de ce dossier médical partagé. Connaître beaucoup mieux la santé de chacun des Français, c'est un gage d'une meilleure qualité de soins pour eux. Ça veut dire également, éviter des examens redondants, des examens qui sont faits en double. On nous dit aujourd'hui qu'il y a 15 % d'examens qui seraient faits en double en France, non seulement c'est trop et ce n'est pas pour autant que l'on est mieux soigné et qui plus est, je tiens à le préciser, ça coûte cher, ces 15 % d'examens. Donc vous voyez, c'est à la fois la qualité qui est au rendez-vous et d'autre part, ce sont des économies. C'est 15 % d'examens en trop. Imaginez ce que ça peut représenter comme économies potentielles. Donc, nous sommes persuadés qu'en jouant la carte de la qualité, nous faisons un véritable investissement, qui plus est, vous savez que ce dossier médical partagé, rencontre l'assentiment de l'ensemble des acteurs de santé. Nous avons besoin de bien préciser les choses. Ce dossier sera avec toutes les garanties de confidentialité possibles, il sera réservé aux professionnels de santé. Nous pensons que ça sera une véritable avancée et puis ça nous permettra, aussi, d'évoluer aussi vers une carte d'identité pour sa santé que sera la carte Vital, à terme."
Q-Le noeud du problème, maintenant, c'est de rembourser 32 milliards d'euros de déficit. Il faut évidemment des nouvelles recettes, vous attendez à peu près 4 à 5 milliards d'euros, et là, les syndicats que vous recevez cette semaine, vous reprochent de faire porter surtout l'effort aux assurés sociaux et pas assez aux employeurs. Il y a, entre autres, le forfait d'un euro de plus par consultation à la charge du patient, la hausse également du forfait à l'hôpital.
R - "Oui, justement, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu parler en premier de la qualité des soins et de l'organisation du système de soins, et de ne parler des recettes qu'après. Vous savez, d'habitude..."
Q-Parce que c'est plus dur.
R - "Non, non, mais, d'habitude, un plan de la Sécurité sociale c'est des remboursements en moins, et des prélèvements en plus. Là, nous avons voulu, effectivement, travailler sur l'organisation du système de soins. Vous parliez de l'euro et du forfait hospitalier, il faut savoir que ces deux mesures, ensemble, représentent à peine un milliard d'euros, ce qui veut bien dire que l'on n'est pas là avec des mesures au caractère financier. Nous voulons..."
Q-Il y en a beaucoup d'autres.
R - "Nous voulons justement responsabiliser, nous voulons qu'il y ait une prise de conscience par rapport à ce que représente l'acte médical, voilà la logique du 1 euro."
Q-Mais 1 , X. Bertrand, c'est pour tout le monde, aussi bien pour le chômeur que pour l'industriel qui va consulter ?
R - "Ecoutez, nous avons bien précisé, le Premier ministre l'a rappelé, que pour les consultations pour les enfants, il n'y aura pas cette application du 1 euro. Nous avons précisé également que nous souhaitions que pour les personnes qui sont à la CMU, donc les plus démunis parmi nous, qu'ils ne soient pas non plus concernés par ce 1 euro. Donc voyez, je pense que c'est une mesure équitable, c'est une mesure aussi équilibrée et ce 1 euro, c'est quelque chose de modique qui traduit, avant tout, une prise de conscience. Pour les autres recettes, puisque vous en parliez à l'instant, je crois que l'ensemble des acteurs du système de santé se rend compte que le Gouvernement n'a eu aucun tabou, et que nous avons souhaité que l'effort soit équitablement partagé. Un effort pour les entreprises, un effort aussi de l'Etat avec des transferts de recettes de l'Etat vers l'Assurance maladie, et puis un effort qui est demandé aussi à l'ensemble des Français, vous savez, un effort... "
Q-Oui, il y a même une...
R - "Si chacun y met du sien... Ce que j'entends beaucoup aussi, c'est que si chacun y met du sien, ça peut marcher. Eh bien oui, non seulement ça peut marcher et ça va marcher, mais il faut que chacun y mette du sien. "
Q-Il y a une mesure, en tout cas, qui déclenche l'unanimité totale, y compris au sein de l'UMP, c'est la hausse de la CSG pour les retraités qui paient des impôts, ça c'est difficile à passer.
R - "Ecoutez, c'est vrai que là, je viens de le dire, il faut que chacun y mette du sien. Concernant les retraités, vous savez qu'il y a aujourd'hui pour les retraités imposables, une différence de CSG de 1,3 %. Nous n'avons pas voulu, nous n'avons pas voulu qu'il y ait l'alignement complet de cette CSG sur les actifs. Bien. Donc nous avons souhaité qu'il y ait cet effort, mesuré encore une fois, de 0,4 %. Je rappellerai en plus que pour la dépendance, aucun effort n'a été demandé aux retraités. Je pense aussi qu'il s'agit de bien expliquer combien aussi ça va nous permettre de continuer à améliorer la qualité des soins, pour tous les Français, mais aussi pour les retraités. Non, je reste persuadé qu'avec des mesures qui sont encore une fois, qui demandent un effort modique, c'est ce que j'expliquais à l'instant, si chacun y met du sien, ça devrait pouvoir nous permettre de sauver l'Assurance maladie, et ça c'est quand même un beau défi."
Q-Oui, mais, très vite, X. Bertrand, il y a une grande manifestation le 5 juin, quasiment tous les syndicats sont d'accord pour manifester contre ce projet, ça va être...
R - "Ah, je n'ai pas le sentiment que ça soit pour manifester contre ce projet, j'ai le sentiment - c'est ce que j'ai toujours lu, c'est toujours ce que j'ai entendu de la part de mes interlocuteurs - c'est pour se mobiliser pour la Sécu, c'est ça le thème, parce qu'on comprend bien qu'aujourd'hui..."
Q-Est-ce que ça ne risque pas, justement, de dégénérer à quelques jours des élections européennes ? Est-ce que ça n'était pas risqué de présenter ce projet de réforme, avant un scrutin qui risque de tourner très très mal pour le Gouvernement ?
R - "Ecoutez, les élections européennes ne font pas partie du calendrier de travail du Gouvernement..."
Q-C'est vrai que c'est courageux.
R - "Il y a des échéances. Je crois que nous avons besoin de mettre au grand jour, sur la table - c'est ce que nous avons fait, le plus tôt possible - l'ensemble des pistes d'orientation. Je crois d'ailleurs que les partenaires sociaux qui vont manifester le 5, ne se trompent pas. Alors, peut-être que certains partis politiques voudraient essayer de récupérer les choses, ils font fausse route parce que les partenaires sociaux sont concentrés sur le thème de l'Assurance maladie. Il y a aujourd'hui de vraies avancées avec eux depuis le début de nos discussions, mais ils n'ont pas envie de mélanger les genres, c'est bel et bien..."
Q-Et ça va continuer encore cette semaine.
R - "Bien sûr."
Q-X. Bertrand, on est pris par le temps, excusez-moi, je vous remercie pour toutes ces explications, et bon courage pour les négociations.
R- "Merci."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 mai 2004)