Texte intégral
QUESTION.- Permettre aux députés de voter après le débat d'aujourd'hui sur la Turquie n'était-il pas un moyen de revaloriser le rôle du Parlement ?
J.L. DEBRE.- Ce débat sur la Turquie, je l'ai voulu. Mais ne créons pas la confusion dans l'esprit des Français. Revaloriser le rôle du Parlement, oui, bien sûr, mais le président de l'Assemblée nationale est aussi le garant de l'ensemble de la Constitution de la Ve République. Laquelle, par son article 52, dit clairement que le président de la République, et lui seul, négocie et ratifie les traités. Les députés ne peuvent se substituer au chef de l'État, pas plus qu'ils ne peuvent se substituer aux Français eux-mêmes qui seront appelés le moment venu à se prononcer par référendum sur l'entrée d'un nouveau pays dans l'Union.
QUESTION.- Vous plaidez pour un renforcement des pouvoirs du Parlement. Le quinquennat n'appelle-t-il pas une refonte plus large des institutions ?
J.L. DEBRE.- Le quinquennat et la concordance entre les élections présidentielle et législatives doivent nous inciter à renforcer les trois fonctions essentielles du Parlement. La fonction de débat, car si l'on ne discute pas ici, on débattra ailleurs. La fonction législative, avec une lisibilité plus grande des textes qui nous sont présentés. La fonction de contrôle, enfin, qu'il faut déconnecter de la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement. Pour que ce contrôle soit efficace, il ne doit pas être seulement le fait de la majorité mais de toute l'Assemblée nationale.
QUESTION.- C'est-à-dire ?
J.L. DEBRE.- Il y a désormais des missions d'information mixtes où les députés de la majorité et d'opposition assurent les fonctions de direction. Je propose la même règle pour les commissions d'enquête : le président ou le rapporteur ne devraient pas être de la même tendance. Je veux aller plus loin, même si cela choque. Un certain nombre de commissions permanentes doivent être présidées par l'opposition. Puisqu'il y a à la commission des finances un président et un rapporteur général, la majorité et l'opposition pourraient par exemple assurer chacune une fonction. C'est une suggestion qui mérite réflexion.
QUESTION.- Vous êtes favorable à l'introduction d'une dose de proportionnelle. Dans quelle mesure ?
J.L. DEBRE.- Le mode de scrutin se doit d'assurer l'existence d'une majorité. C'est essentiel. Mais le renforcement du pouvoir du chef de l'État, du fait du quinquennat, doit conduire parallèlement à un renforcement de l'autorité du Parlement. Cela passe par le fait majoritaire mais aussi par la capacité de l'Assemblée nationale à représenter la diversité du peuple français. C'est ce que pourrait garantir une petite dose de proportionnelle.
QUESTION.- La création de deux catégories de députés ne pose-t-elle pas problème ?
J.L. DEBRE.- Cela n'en pose aucun au Sénat. Dans le système allemand, il y a deux catégories de députés, certains élus au scrutin majoritaire, dans des circonscriptions, d'autres à la proportionnelle, sur des listes présentées par les formations politiques. Regardons s'il est applicable en France.
QUESTION.- Souhaitez-vous que ces évolutions interviennent dès 2007 ?
J.L. DEBRE.- Je ne veux pas donner de date. Une réflexion comme celle-là doit être partagée et non pas imposée. Mon souhait est que personne ne s'enferme dans son petit confort, mais prenons le temps de montrer qu'il n'y a derrière cela aucun calcul politicien.
QUESTION.- Le premier ministre a annoncé qu'un redécoupage des circonscriptions sera bientôt à l'ordre du jour. Le souhaitez-vous aussi ?
J.L. DEBRE.- Soyons prudents. Si le gouvernement s'acheminait dans cette direction, il faudrait fixer des critères très clairs. Tout le temps qui nous rapproche des élections nous éloigne de ce redécoupage.
QUESTION.- Faut-il renforcer l'interdiction de cumul des mandats ?
J.L. DEBRE.- Il ne faut pas interdire le cumul pour les députés. Il y aurait un risque de constituer une technocratie parlementaire qui, n'ayant pas à rendre compte de sa mission en dehors du jour d'élection, serait déconnectée des réalités. Voilà pourquoi je souhaite que nos débats laissent du temps à la présence sur le terrain. L'exemple allemand, où les députés ne siègent pas une semaine par mois, peut nous inspirer.
QUESTION.- Et pour les ministres ?
J.L. DEBRE.- Sortons de l'hypocrisie. Être ministre est un honneur. Cette charge doit être incompatible, sans la moindre exception, avec la fonction de maire, de président d'agglomération ou même d'adjoint au maire avec délégation générale. Cette règle devrait être inscrite dans une loi organique.
QUESTION.- Avez-vous d'autres projets de mission parlementaire, à l'image de celle que vous avez animée sur la laïcité ?
J.L. DEBRE.- Les deux missions conduites sur la laïcité et sur la fin de vie ont permis de dégager, dans le cadre d'un débat d'une rare qualité, des solutions consensuelles. Je viens de lancer une nouvelle proposition de ce type sur les OGM, un sujet difficile qui préoccupe nos concitoyens.
Je voudrais désormais que l'on aborde tranquillement, sereinement, la question de la parentalité. Faut-il faire évoluer la loi ? Et dans quel sens ? Je n'ai pas de réponse a priori mais nous ne pouvons pas ignorer que les mentalités ont évolué. Plutôt que de subir ces évolutions, il nous revient de définir les règles de la société dans laquelle nous voulons vivre.
QUESTION.- La revalorisation du Parlement passe-t-elle également à vos yeux par la suppression de l'article 49-3 qui permet l'adoption d'un projet de loi sans vote ?
J.L. DEBRE.- Je suis très soucieux des droits de l'opposition. Mais en l'occurrence, le 49-3 permet avant tout au gouvernement de rassembler sa majorité. C'est à lui d'être juge de son utilisation, même si je souhaite que son emploi soit le plus rare possible.
QUESTION.- Les deux utilisations qu'en a faites Jean-Pierre Raffarin étaient-elles justifiées ?
J.L. DEBRE.- J'ai dit en son temps que je pensais que le gouvernement pouvait atteindre son objectif par d'autres moyens. Il en a décidé autrement. La page est tournée.
QUESTION.- Pensez-vous, comme plusieurs responsables de droite et de gauche, que le quinquennat doit conduire à une disparition de la fonction de premier ministre ?
J.L. DEBRE.- Les institutions ont évolué. Bien avant le quinquennat, l'élection du président de la République au suffrage universel a marqué un tournant. Distinguons la lettre et l'esprit de la Constitution. Selon l'article 20, le premier ministre détermine et conduit la politique de la nation. Il serait plus juste aujourd'hui de dire que le président de la République détermine la politique de la nation, conduite sous sa responsabilité par le premier ministre.
Il n'en demeure pas moins que ce dernier garde un rôle essentiel. La force des institutions de la Ve République réside dans leur souplesse. Elles supportent une lecture présidentielle lorsque les majorités présidentielle et législative coïncident, et une lecture parlementaire en cas de cohabitation. Ce qui compte, pour un premier ministre, c'est son autorité personnelle, sa relation de confiance avec le chef de l'État et le soutien d'une majorité soudée.
QUESTION.- Est-ce le cas de Jean-Pierre Raffarin ?
J.L. DEBRE.- Oui et personne n'en doute.
QUESTION.- Revient-il à l'UMP de désigner le candidat de la droite à l'élection présidentielle de 2007 ?
J.L. DEBRE.- La candidature à l'élection présidentielle est une démarche personnelle, c'est la rencontre entre un homme et le peuple. Un parti peut éventuellement apporter son soutien à un candidat, mais nul ne peut être le candidat d'un parti car tout président doit dépasser les clivages partisans. Cela a toujours été ma position ; je la rappellerai si cela est nécessaire.
(Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 18 octobre 2004)
J.L. DEBRE.- Ce débat sur la Turquie, je l'ai voulu. Mais ne créons pas la confusion dans l'esprit des Français. Revaloriser le rôle du Parlement, oui, bien sûr, mais le président de l'Assemblée nationale est aussi le garant de l'ensemble de la Constitution de la Ve République. Laquelle, par son article 52, dit clairement que le président de la République, et lui seul, négocie et ratifie les traités. Les députés ne peuvent se substituer au chef de l'État, pas plus qu'ils ne peuvent se substituer aux Français eux-mêmes qui seront appelés le moment venu à se prononcer par référendum sur l'entrée d'un nouveau pays dans l'Union.
QUESTION.- Vous plaidez pour un renforcement des pouvoirs du Parlement. Le quinquennat n'appelle-t-il pas une refonte plus large des institutions ?
J.L. DEBRE.- Le quinquennat et la concordance entre les élections présidentielle et législatives doivent nous inciter à renforcer les trois fonctions essentielles du Parlement. La fonction de débat, car si l'on ne discute pas ici, on débattra ailleurs. La fonction législative, avec une lisibilité plus grande des textes qui nous sont présentés. La fonction de contrôle, enfin, qu'il faut déconnecter de la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement. Pour que ce contrôle soit efficace, il ne doit pas être seulement le fait de la majorité mais de toute l'Assemblée nationale.
QUESTION.- C'est-à-dire ?
J.L. DEBRE.- Il y a désormais des missions d'information mixtes où les députés de la majorité et d'opposition assurent les fonctions de direction. Je propose la même règle pour les commissions d'enquête : le président ou le rapporteur ne devraient pas être de la même tendance. Je veux aller plus loin, même si cela choque. Un certain nombre de commissions permanentes doivent être présidées par l'opposition. Puisqu'il y a à la commission des finances un président et un rapporteur général, la majorité et l'opposition pourraient par exemple assurer chacune une fonction. C'est une suggestion qui mérite réflexion.
QUESTION.- Vous êtes favorable à l'introduction d'une dose de proportionnelle. Dans quelle mesure ?
J.L. DEBRE.- Le mode de scrutin se doit d'assurer l'existence d'une majorité. C'est essentiel. Mais le renforcement du pouvoir du chef de l'État, du fait du quinquennat, doit conduire parallèlement à un renforcement de l'autorité du Parlement. Cela passe par le fait majoritaire mais aussi par la capacité de l'Assemblée nationale à représenter la diversité du peuple français. C'est ce que pourrait garantir une petite dose de proportionnelle.
QUESTION.- La création de deux catégories de députés ne pose-t-elle pas problème ?
J.L. DEBRE.- Cela n'en pose aucun au Sénat. Dans le système allemand, il y a deux catégories de députés, certains élus au scrutin majoritaire, dans des circonscriptions, d'autres à la proportionnelle, sur des listes présentées par les formations politiques. Regardons s'il est applicable en France.
QUESTION.- Souhaitez-vous que ces évolutions interviennent dès 2007 ?
J.L. DEBRE.- Je ne veux pas donner de date. Une réflexion comme celle-là doit être partagée et non pas imposée. Mon souhait est que personne ne s'enferme dans son petit confort, mais prenons le temps de montrer qu'il n'y a derrière cela aucun calcul politicien.
QUESTION.- Le premier ministre a annoncé qu'un redécoupage des circonscriptions sera bientôt à l'ordre du jour. Le souhaitez-vous aussi ?
J.L. DEBRE.- Soyons prudents. Si le gouvernement s'acheminait dans cette direction, il faudrait fixer des critères très clairs. Tout le temps qui nous rapproche des élections nous éloigne de ce redécoupage.
QUESTION.- Faut-il renforcer l'interdiction de cumul des mandats ?
J.L. DEBRE.- Il ne faut pas interdire le cumul pour les députés. Il y aurait un risque de constituer une technocratie parlementaire qui, n'ayant pas à rendre compte de sa mission en dehors du jour d'élection, serait déconnectée des réalités. Voilà pourquoi je souhaite que nos débats laissent du temps à la présence sur le terrain. L'exemple allemand, où les députés ne siègent pas une semaine par mois, peut nous inspirer.
QUESTION.- Et pour les ministres ?
J.L. DEBRE.- Sortons de l'hypocrisie. Être ministre est un honneur. Cette charge doit être incompatible, sans la moindre exception, avec la fonction de maire, de président d'agglomération ou même d'adjoint au maire avec délégation générale. Cette règle devrait être inscrite dans une loi organique.
QUESTION.- Avez-vous d'autres projets de mission parlementaire, à l'image de celle que vous avez animée sur la laïcité ?
J.L. DEBRE.- Les deux missions conduites sur la laïcité et sur la fin de vie ont permis de dégager, dans le cadre d'un débat d'une rare qualité, des solutions consensuelles. Je viens de lancer une nouvelle proposition de ce type sur les OGM, un sujet difficile qui préoccupe nos concitoyens.
Je voudrais désormais que l'on aborde tranquillement, sereinement, la question de la parentalité. Faut-il faire évoluer la loi ? Et dans quel sens ? Je n'ai pas de réponse a priori mais nous ne pouvons pas ignorer que les mentalités ont évolué. Plutôt que de subir ces évolutions, il nous revient de définir les règles de la société dans laquelle nous voulons vivre.
QUESTION.- La revalorisation du Parlement passe-t-elle également à vos yeux par la suppression de l'article 49-3 qui permet l'adoption d'un projet de loi sans vote ?
J.L. DEBRE.- Je suis très soucieux des droits de l'opposition. Mais en l'occurrence, le 49-3 permet avant tout au gouvernement de rassembler sa majorité. C'est à lui d'être juge de son utilisation, même si je souhaite que son emploi soit le plus rare possible.
QUESTION.- Les deux utilisations qu'en a faites Jean-Pierre Raffarin étaient-elles justifiées ?
J.L. DEBRE.- J'ai dit en son temps que je pensais que le gouvernement pouvait atteindre son objectif par d'autres moyens. Il en a décidé autrement. La page est tournée.
QUESTION.- Pensez-vous, comme plusieurs responsables de droite et de gauche, que le quinquennat doit conduire à une disparition de la fonction de premier ministre ?
J.L. DEBRE.- Les institutions ont évolué. Bien avant le quinquennat, l'élection du président de la République au suffrage universel a marqué un tournant. Distinguons la lettre et l'esprit de la Constitution. Selon l'article 20, le premier ministre détermine et conduit la politique de la nation. Il serait plus juste aujourd'hui de dire que le président de la République détermine la politique de la nation, conduite sous sa responsabilité par le premier ministre.
Il n'en demeure pas moins que ce dernier garde un rôle essentiel. La force des institutions de la Ve République réside dans leur souplesse. Elles supportent une lecture présidentielle lorsque les majorités présidentielle et législative coïncident, et une lecture parlementaire en cas de cohabitation. Ce qui compte, pour un premier ministre, c'est son autorité personnelle, sa relation de confiance avec le chef de l'État et le soutien d'une majorité soudée.
QUESTION.- Est-ce le cas de Jean-Pierre Raffarin ?
J.L. DEBRE.- Oui et personne n'en doute.
QUESTION.- Revient-il à l'UMP de désigner le candidat de la droite à l'élection présidentielle de 2007 ?
J.L. DEBRE.- La candidature à l'élection présidentielle est une démarche personnelle, c'est la rencontre entre un homme et le peuple. Un parti peut éventuellement apporter son soutien à un candidat, mais nul ne peut être le candidat d'un parti car tout président doit dépasser les clivages partisans. Cela a toujours été ma position ; je la rappellerai si cela est nécessaire.
(Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 18 octobre 2004)