Texte intégral
A. Hausser-. Vous êtes très attendu ce matin, parce que je vais évidemment revenir sur le drame de Charm el-Cheikh et cette controverse à propos de la sécurité et de la fiabilité des avions charters, notamment ceux de la compagnie Flash. Hier, le directeur de la DGAC, entouré de son état-major, a expliqué que la France avait donné son agrément, parce que les avions de la compagnie Flash lui paraissaient conformes aux contrôles. La direction de l'aviation civile suisse avait, elle, interdit le survol du territoire helvétique aux avions de la même compagnie, parce que ses appareils présentaient de graves déficiences. Est-ce qu'il existe une telle différence entre les deux pays ?
- "Non, je crois qu'il faut replacer les choses simplement de manière chronologique. Nous sommes en octobre 2002, sur l'aéroport de Zurich ; l'Office fédéral de l'aviation civile suisse, l'équivalent de notre DGAC, fait un contrôle sur un des Boeing 737-300 de la compagnie Flash Airlines et remarque à la fois des défauts sur l'entretien général de l'avion, sur les commandes, sur les moteurs, sur des problèmes de documentation de bord. La première fois, c'est au mois de juillet, puis en octobre. A la suite de cela, les Suisses demandent que cette compagnie n'atterrisse plus et ne décolle plus de leur territoire. Nous sommes donc à la fin de l'année 2002..."
C'était donc un contrôle approfondi ?
- "C'était un contrôle classique, du type des 2.500 contrôles que nous faisons en France chaque année de cette nature - les Suisses en font une centaine. Ce sont des contrôles qui se font sur les aéroports, de manière inopinée, et qui durent en général une heure ou une heure et demie, deux heures selon la capacité de temps de l'avion. Nous sommes donc à la fin 2002. Ensuite, d'après les informations qui sont en notre possession, la compagnie fait une espèce de grande révision - cela s'appelle la "grande visite", dans le langage aérien - de son avion, dans l'entreprise qui le fait habituellement, en Norvège. Nous sommes à la fin de l'année 2002. Et en 2003, la grande maintenance du moteur et des réacteurs de son avion [est faite] dans une entreprise française, la Snecma, dans ses ateliers marocains. Nous sommes donc à la moitié de l'année 2003. La France, qui était tenue au courant par la Suisse, naturellement, de ces problèmes, procède ensuite à une série d'inspections inopinées. Nous le faisons trois fois : à l'aéroport de Lyon en septembre, à l'aéroport de Toulouse, à l'aéroport de Marseille. Sur l'aéroport de Lyon, nous constatons des soucis - pas des soucis graves, mais des soucis importants - : un pneu usé, un manque de documentation sur l'avion. La France demande donc à la compagnie Flash Airlines d'y mettre fin. Et nous faisons ensuite deux contrôles inopinés à Toulouse et à Marseille, et sur ces deux contrôles inopinés, qui se déroulent à la fin de l'année 2003, nous n'avons plus aucune remarque sur la compagnie Flash Airlines. Voilà le déroulé exact des événements."
Est-ce que les trois contrôles français, qui ont été effectués, ont été aussi approfondis que ceux qui ont été effectués en Suisse ?
- "Absolument. Et par des personnes de même capacité et de même technicité : il s'agit des techniciens de l'Office pour la Suisse et de la Direction de l'aviation civile, pour la France. Ce sont les mêmes méthodes au niveau européen. Et d'ailleurs, les gens s'auto-informent, puisque c'est à la suite des informations données par la Suisse que nous avions procédé à ces contrôles sur notre territoire."
Mais jamais la France n'a interdit le survol ou l'atterrissage ?
- "Non, puisque les Suisses avaient constaté des défauts qui n'avaient pas été réglés, leur décision était donc légitime. Nous avons vérifié si ces défauts existaient, ils n'existaient plus, donc nous n'avions aucune raison. J'ajoute qu'un troisième pays est "entré en lice" - si vous me permettez l'expression -, qui a procédé à un contrôle après nous : c'est la Pologne et elle a fait les mêmes constations que la France."
Alors comment expliquez-vous tous ces témoignages qui affluent aujourd'hui - je ne veux pas seulement parler du directeur de l'aéroport d'Angers, dont on a évoqué son cas tout à l'heure, mais des passagers...
- "C'est très humain, ce "je l'avais bien dit", "je le savais", "ma soeur, ma tante me l'avaient dit"... Quant au directeur de l'aéroport d'Angers, que nous avons beaucoup vu sur votre antenne - je le connais, je l'ai rencontré sur son aéroport au mois de septembre dernier -, il travaille tous les jours avec la DGAC, il est même, quand il intervient sur votre antenne, avec un badge de la DGAC. Peut-être qu'avant de venir s'exposer médiatiquement comme il l'a fait, il eut mieux fallu, après son voyage de juillet, qu'il parle tout de suite à la DGAC et qu'il lui fasse remarquer ce qu'il avait constaté."
Ceci étant, il y a des pilotes qui disent qu'il existe des "avions poubelles", comme il existe des "bateaux poubelles"...
- "C'est vrai qu'avec la puissance de la montée du transport aérien à partir des années 70, il y a des pays qui ont commencé à avoir des problèmes - je veux parler d'une certaine partie de l'Afrique ou de l'Amérique du Sud. Ce qui veut dire que l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI, depuis un certain nombre d'années, fait des audits de la sécurité des systèmes aériens des pays. Et dans cet esprit, nous avons regardé ce qu'avait dit l'OACI au fil des années sur l'Egypte, et l'Egypte a toujours été noté comme un "très bon soldat", une très bonne administration de l'aviation civile, avec de bons contrôles. Donc, l'Egypte fait partie des pays dans le monde pour dans lesquels il n'y a pas de souci. Je ne dirais pas la même chose si vous vous rappelez l'accident au Bénin, il y a quelques temps. Nos équipes du BEA, qui sont maintenant à Charm el-Cheikh, en reviennent. Là, nous ne pourrons peut-être pas dire tout à fait la même chose sur ce qui s'est passé dans le cadre de cette catastrophe."
Il est donc urgent de dresser une liste des avions dangereux, comme le propose Bruxelles ?
- "Bruxelles veut mettre dans la loi - ce que l'on appelle une "directive européenne" - ce qui est déjà la réalité : la réalité, c'est que naturellement, les organisations de l'aviation civile des différents pays européens se parlent en permanence, ce qui c'était passé entre les Suisses et nous, entre la Pologne et nous..."
Mais il n'y a pas de contentieux ?
- "Il n'y a aucun contentieux. Le rendre obligatoire par un texte, nous sommes tout à fait d'accord. La France a toujours été d'accord pour qu'une directive soit adoptée. C'est un petit problème entre l'Espagne et la Grande-Bretagne, à propos de Gibraltar - vous voyez, un peu des querelles du passé -, qui a fait que cette directive n'a pas été adoptée. Mais quand elle sera adoptée, je l'espère dès le printemps prochain, nous l'appliquerons. Mais d'ores et déjà, elle est appliquée dans la réalité par les échanges quotidiens entre les administrations de l'aviation civile des différents pays européens."
Pouvez-vous nous dire, aujourd'hui, combien de compagnies sont interdites de survol ou d'atterrissage en France ?
- "Très peu, très peu. Aucune compagnie européenne, et parfois une compagnie - je ne veux pas citer de pays pour ne pas être désagréable sur votre antenne -, venue de l'ex-monde de l'URSS, qui a des avions qui ne sont pas bons, est interdite. Mais nous faisons des contrôles systématiques. Je voudrais rappeler le chiffre de contrôles : 2.500 contrôles par an inopinés sur les aéroports français, 1.200 sur les compagnies françaises, Air France et l'ensemble des compagnies françaises et 1.200 sur des compagnies étrangères."
Quand vous dites "inopinés", ce sont des contrôles approfondis, c'est-à-dire, on ne dit pas : passez vos documents de bord et je vous donne...
- "Non, on ne regarde pas simplement les documents de bord et la documentation technique de l'appareil, les cartes dont disposent les pilotes. On regarde s'il y a tous les instruments de sécurité dans l'avion, on regarde les réacteurs, on regarde l'ensemble et l'état général de l'avion. Et naturellement, les compagnies doivent faire un certain nombre de visites qui sont connues par le constructeur, qui sont toutes les visites dans ce que l'on appelle "le cycle" d'un avion."
Est-ce que le Gouvernement a constitué une cellule de crise ?
- "Non, mais nous avons travaillé en permanence depuis le début de cette catastrophe. D'abord, le président de la République lui-même s'est tenu informé au fur et à mesure des développements ; le Premier ministre, accompagné de G. de Robien et de moi-même, s'est rendu à Roissy, samedi matin. Et l'ensemble des ministres travaille dans cette affaire : le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères est allé sur place, nous envoyons un avion mercredi, pour permettre aux familles d'aller sur place ; elles seront accompagnées par un membre du Gouvernement français. Le Gouvernement français est très mobilisé, d'abord, parce que c'est la plus grave catastrophe qu'ont connue nos compatriotes, le plus grand nombre de morts Français depuis un certain nombre d'années."
C'est vous qui allez ?
- "Non, ce sera un collègue du Gouvernement qui sera désigné par le président de la République et le Premier ministre."
Vous me permettrez de vous poser une question politique : vous avez été reçu par J. Chirac, à qui vous avez présenté vos voeux, hier matin. Il vous a appelés à "plus de solidarité et à plus d'efforts", en quelques sorte. Cela veut dire que le carton rouge pourrait être sorti un de ces jours ?
- "Le président de la République a donné la feuille de route. Il l'avait déjà indiqué dans ses voeux. La feuille de route, c'est de travailler beaucoup pour l'emploi, et c'est travailler dans un état d'esprit de solidarité. Nous avons un président de la République qui a été élu par une très grande majorité des Français, un Premier ministre, qui est le chef de la majorité, l'UMP sur lequel nous nous appuyons..."
Qui est requinqué ?
- "Qui est en pleine forme, vraiment en pleine forme. Et il est prêt à assumer, comme il l'a toujours fait, avec fermeté et humilité, sa fonction. Donc, nous avons un dispositif majoritaire qui fonctionne autour du Président. Nous avons tous les éléments pour réformer. Nous avons naturellement des élections locales cette année. Mais l'important, c'est de continuer la réforme. C'est ce que nous a demandé le président de la République. Il nous a demandé de le faire dans un esprit d'équipe, et c'est bien la moindre des choses."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 janvier 2004)