Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, sur la coopération, notamment culturelle, ente la France et le Brésil, Brasilia le 9 novembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage de Xavier Darcos au Brésil les 9 et 10 novembre 2004 : allocution devant la communauté française, à Brasilia le 9

Texte intégral

Mes Chers Compatriotes,
La présence française à l'étranger, à travers l'expatriation de nos concitoyens représente, vous le savez, une condition indispensable du rayonnement de la France dans le monde, du maintien de la dimension universelle de notre culture, de la vitalité et de la modernité de notre économie.
Vous êtes les représentants d'une nation, d'un peuple et d'une culture dont l'héritage fait partie intégrante de l'identité brésilienne, de son génie propre, aux côtés de tous les apports européens, indiens et africains qui l'ont enrichie depuis des siècles.
Votre présence démontre que les Français ne craignent pas de s'expatrier loin de la métropole. Vous êtes 15.000 immatriculés dans nos quatre postes consulaires de Rio de Janeiro, Sao Paulo, Recife et Brasilia. Mais en vérité, vous êtes bien plus nombreux, puisque les estimations avancent le chiffre de presque 20.000 ressortissants, en constante progression. Il s'agit donc bien de la communauté française la plus importante d'Amérique Latine.
Installés ici, vous contribuez au dynamisme de nos entreprises, nombreuses au Brésil et dont plusieurs sont à la tête de leur segment de marché. Je pense bien sûr aux implantations historiques, comme Saint Gobain, Lafarge, Rhodia, Carrefour, Arcelor, le groupe Accor, Essilor, Michelin et d'autres encore, nos grandes banques en particulier.
Mais les dernières années, avec le retour à la démocratie et à la stabilité monétaire, ont vu une deuxième vague d'entreprises venir s'installer au Brésil : EDF à Rio de Janeiro, PSA à Resende et Renault à Curitiba, qui ont entraîné avec eux nombre d'équipementiers du secteur, Leroy-Merlin à Sao Paulo, la FNAC un peu partout (et même, depuis peu à Brasilia). Un partenariat emblématique s'est même noué entre EMBRAER et nos grands constructeurs aéronautiques, Dassault, Thales, SNECMA et EADS. Ce partenariat ne demande qu'à s'approfondir...
Tout ceci représente quelque 400 filiales et bureaux de représentation, à l'oeuvre dans tous les secteurs, de l'agro-alimentaire à l'assurance, en passant par la pharmacie, le tourisme, la distribution ou la banque, qui emploient directement 240.000 salariés, ce qui est un chiffre assez impressionnant.
Les conseillers du commerce extérieur, dont l'expertise est précieuse, le réseau particulièrement actif de la Chambre de Commerce France-Brésil sont à l'image de ce dynamisme des milieux d'affaires et témoignent de ce que la France, au Brésil, n'est pas seulement une puissance exportatrice de passage. C'est un partenaire qui investit et qui est présent dans la durée, malgré les aléas de la conjoncture ; c'est un allié pour franchir les caps difficiles. Le niveau de nos investissements directs, qui nous situait l'année dernière à la troisième place en flux et à la quatrième en stock, rend compte de cet intérêt constant.
C'est dire aussi combien la France, au travers de ses entreprises, de ses Instituts de recherche - le CIRAD, Le CNRS, l'IRD, l'Institut Pasteur - contribue au développement du Brésil, y apporte son savoir-faire et sa technologie, dans un véritable esprit de partenariat.
Bien évidemment, cette présence particulièrement dense suppose un cadre juridique et réglementaire approprié et sûr. A cet égard, soyez assurés de l'écoute et de l'appui des services de l'Ambassade pour relayer vos préoccupations et défendre vos intérêts auprès des autorités brésiliennes.
Cette vitalité et la diversité de votre communauté, de notre communauté française, sont pour moi une immense satisfaction. Elles montrent bien l'attrait qu'exerce le Brésil, son importance pour la France, pour l'Europe, pour le monde. Elles montrent aussi que notre pays, qui partage avec le Brésil sa plus grande frontière terrestre, car la France est un pays amazonien, a ici toute sa place.
Cette place est particulièrement importante dans les domaines de l'art, de la pensée et du savoir, où se poursuit la tradition ancienne et riche des liens entre la France et ce vaste Empire du Nouveau Monde que les explorateurs ont découvert il y a cinq siècles.
Il suffit de citer quelques noms pour évoquer ces aventures partagées. Ceux des pionniers de Villegagnon, qui franchirent l'océan et prirent pied dans la baie de Rio de Janeiro, pour peu de temps il est vrai, jusqu'à Mermoz et Santos Dumont, qui ouvraient la voie des airs. Ceux qui ont été les missionnaires de notre culture, depuis le peintre Debret et ses compagnons de la Mission artistique française. Ceux qui sont venus et ont laissé leur marque dans la vie intellectuelle et artistique : Blaise Cendrars, Bernanos, Claudel, Darius Milhaud et, bien sûr, Levi-Strauss, dont l'oeuvre a connu ici un immense retentissement. Ceux aussi qui, ingénieurs, photographes, hommes d'affaires, architectes - le lieu dont je vous parle n'a t'il pas été pensé et projeté par Le Corbusier ? -, et ils sont nombreux, ont contribué au développement du Brésil moderne, de ses infrastructures et de ses grands centres de recherche.
Cette tradition se perpétue aujourd'hui et donne à la France, chers compatriotes, une place de choix dans l'imaginaire et le réel brésiliens.
Ce partage, se poursuivra, avec éclat au cours des prochains mois.
En effet, la France a été fortement présente cette année au Brésil alors que Sao Paulo célébrait le 450ème anniversaire de sa fondation ; j'étais moi-même ce matin à l'Université de Sao Paulo, l'USP, dont on fête le 70ème anniversaire et chacun sait toute la place prise par la France dans sa création.
Et le Brésil sera lui aussi présent en France en 2005 avec la saison brésilienne, rendez-vous majeur entre nos deux pays. De nombreuses manifestations, dans toute la France, célèbreront la richesse, la complexité et toute la modernité de la création de ce pays continent.
Nos principales institutions culturelles se pareront aux couleurs du Brésil et Paris sera un réceptacle de choix pour une série de grands évènements, du musée du Louvre à celui d'Orsay, des rives de la Seine aux ors de la Bibliothèque Nationale. La culture, les cultures, les sciences, les arts seront à l'honneur. Par ailleurs des rencontres d'hommes d'affaires seront également organisées et auront vocation à donner encore davantage de dynamisme à nos échanges. Et le président Lula assistera, aux côtés du président Jacques Chirac, au défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées.
Mais, malgré ces succès, malgré les espérances suscitées par les réussites dont vous êtes les témoins, parfois les acteurs, je sais, chers compatriotes, que vos conditions de vie sont parfois difficiles, surtout pour les moins favorisés d'entre-vous, et quels sont les soucis auxquels vous êtes confrontés. Nos représentants diplomatiques, vos élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, les sénateurs qui vous représentent au Parlement, s'en font régulièrement l'écho auprès des services compétents en France et de moi-même, parfois, directement.
L'insécurité, dans les grandes villes, mais pas seulement, est trop souvent un souci et même une crainte. Les services de l'ambassade entretiennent des relations suivies avec les autorités locales compétentes. Ils sont à votre disposition pour vous assister dans vos démarches et vous conseiller. La rationalisation récente des compétences consulaires au Brésil, avec de plus grandes responsabilités confiées à la section consulaire de Brasilia sur les Etats du Nordeste, participe de cette volonté.
Je connais les difficultés que rencontrent certains d'entre vous pour assurer leur protection sociale et leur couverture médicale, particulièrement au Brésil où les tarifs peuvent être élevés et pour vous une charge lourde, parfois insurmontable. Des efforts importants ont été faits dans les dernières années, particulièrement auprès de la Caisse des Français de l'étranger. Nos postes consulaires continueront, bien évidemment, d'être à votre écoute, afin de résoudre au mieux les situations particulières, quelquefois douloureuses, que vous rencontrez.
A cet égard, je tiens à saluer le travail constant et bénévole rempli par les Associations de bienfaisance ainsi que la mission effectuée au sein des Comités consulaires pour la protection et l'action sociales, pour venir en aide aux plus démunis d'entre-nous. L'année dernière, 186 allocations ont ainsi pu être versées à certains de nos compatriotes en situation précaire.
La scolarité de vos enfants est une priorité. Les trois grands établissements scolaires français du Brésil sont reconnus pour l'excellence de leur enseignement ; les résultats aux examens en témoignent. Ils contribuent à l'influence et au rayonnement de la France, à la vitalité de la francophonie. Le ministère des Affaires Etrangères et l'Agence pour l'Enseignement français à l'étranger suivent avec attention l'évolution des coûts de la scolarité, qui connaissent des hausses sensibles, particulièrement ces tout derniers temps.
La réponse, en termes de bourses scolaires, tend à suivre cette évolution de manière à permettre à chacun d'entre vous, quelle que soit sa condition, de pouvoir inscrire ses enfants dans une école française. Plus de 270 bourses ont été attribuées pour l'année scolaire 2003-2004. C'est là une action essentielle de l'administration. Elle sera maintenue et, dans toute la mesure du possible, amplifiée. Je me félicite également de ce que le Lycée français de Brasilia, qui a pu, cette année, voir son statut reconnu, connaisse aujourd'hui de nouvelles perspectives de développement.
L'enseignement de notre langue constitue l'un des enjeux majeurs de notre action en faveur de la diversité culturelle. Aux côtés des établissements français que je viens d'évoquer, le réseau des Alliances françaises remplit un rôle essentiel. C'est le plus ancien et le plus dense du monde. Avec 78 implantations et 27.000 élèves, il occupe une place fondamentale dans notre politique en faveur du français. Et notamment dans cette ville de Brasilia, où l'Alliance française connaît un nouvel élan et voit le nombre des apprenants de français augmenter. Je m'en réjouis particulièrement.
Depuis le 1er janvier 2004, le Brésil siège au Conseil de sécurité des Nations unies, aux côtés de la France et de l'Allemagne, pour la neuvième fois depuis la signature de la Charte de San Francisco. Et, à l'aube de ce nouveau siècle, nos deux pays partagent une volonté et une conviction : instaurer des rapports harmonieux et pacifiques entre les grands pôles du monde, bâtir un univers plus sûr, plus respectueux de sa diversité et davantage solidaire.
Dans un monde incertain, dangereux et instable, où la fin de l'équilibre des blocs a profondément changé la donne, il nous semble que c'est l'action collective et l'unité de la communauté internationale qui constituent nos meilleurs atouts. Elles seules confèrent la légitimité et l'énergie nécessaires pour sortir durablement des cercles vicieux des crises, alors que souvent les identités sont blessées, que la frustration et l'humiliation nourrissent le ressentiment.
Avec des positions géographiques différentes, la France au cur de l'Europe, le Brésil au cur de l'Amérique Latine, à une époque où le monde est soumis à de grands défis comme le terrorisme, la prolifération ou les crises régionales, nous constatons que sur toutes ces crises nous partageons la même vision. Nous défendons les mêmes principes, nous prônons la même exigence sur la scène internationale, y compris la même amitié exigeante vis-à-vis des Etats-Unis.
La très grande proximité qui existe entre nos deux pays, y compris au plus niveau de l'Etat, trouve dans la défense nécessaire du multilatéralisme, dans le recours au droit, dans le respect des identités culturelles, ethniques et religieuses, des moyens forts en faveur d'une plus grande stabilité du monde.
La récente rencontre organisée à New York à l'invitation du président brésilien, à laquelle le chef de l'Etat Jacques Chirac participait, a débattu des modalités innovantes de financement pour le développement, notamment sur la base de la contribution française qu'a été le rapport Landau.
J'ai pu moi-même me rendre compte directement, alors que je participais à la session annuelle du FMI et de la Banque mondiale, il y a quelques semaines, combien nos idées, nos propositions en faveur de nouvelles modalités d'aide au développement nourrissaient un débat nouveau et porteur d'espérance.
Sur ces questions, fondamentales pour l'avenir du monde - comment imaginer que les inégalités pourront impunément se perpétuer ? -, la France et le Brésil défendent une même exigence de justice et d'équité.
C'est vous dire combien cette visite, les échanges que j'ai pu avoir avec mes interlocuteurs brésiliens, me confortent dans l'action que nous entreprenons et dans la certitude de ce que l'amitié franco-brésilienne est aujourd'hui plus forte qu'hier et sera encore plus nécessaire demain.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2004)