Déclaration de M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur l'enseignement des langues régionales et la convention cadre pour l'enseignement du basque et du béarnais, Bayonne le 26 novembre 2004.

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Circonstance : Déplacement dans les Pyrénées Atlantiques le 26 novembre 2004-allocution au Conseil général à Bayonne

Texte intégral

Madame le Ministre,
Monsieur le Président du Conseil général,
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil régional
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de rencontrer, au Conseil général, l'ensemble des partenaires publics, qui aux côtés de l'État uvrent en faveur du basque et du béarnais.
Les Pyrénées Atlantiques, Monsieur le Président, ont effet la chance de posséder ces deux langues régionales, à la fois très belles et très différentes. C'est une richesse, un atout culturel formidable, qui est sans équivalent en France, et que beaucoup vous envient.
Vous vous êtes engagés depuis quelques années déjà dans une démarche volontariste de préservation, de soutien, de promotion de vos langues. Vous avez obtenu des résultats encourageants. Permettez-moi de vous en féliciter et de vous remercier.
1. Vous savez tout l'intérêt que porte l'Etat aux langues de France.
Elles représentent une richesse patrimoniale inestimable dont notre nation peut s'enorgueillir. Elles sont l'emblème d'une identité forte et une source d'épanouissement. L'enseignement d'une langue et sa pratique quotidienne sont un signe d'ouverture. Loin d'être l'expression du repli sur soi ou de l'exclusion, c'est le témoignage vivant d'une histoire, d'une culture, d'un partage avec les autres.
Depuis l'Edit de Villers-Cotterêts en 1539, où François Ier instaura l'usage du français pour tous les actes d'état-civil et juridiques ; depuis la première séance de la Convention de 1794, où l'abbé Grégoire prononça son discours sur "la nécessité d'anéantir les patois et d'universaliser le français" ; depuis les hussards de la République qui écrivaient sur le tableau noir "il est interdit de cracher et de parler en Breton", jusqu'à l'enseignement à parité bilingue et aux épreuves de langues régionales inscrites au baccalauréat aujourd'hui, les esprits se sont apaisés. Longtemps on a pu croire que les langues régionales menaçaient l'unité de la République. Ce n'est pas ma vision des choses. La France est forte de la diversité de ses territoires.
2. C'est pourquoi le gouvernement entend poursuivre à vos côtés les efforts en faveur des langues régionales.
Vous le savez, l'Etat avait pris des engagements à Bayonne il y a un an : ils ont été tenus. L'Education nationale poursuit ici une politique active de soutien à l'enseignement du basque et du béarnais : les moyens consacrés sont très importants, avec des taux d'encadrement particulièrement favorables.
Ces moyens donnent des résultats encourageants : dans le premier degré, à la rentrée 2004, le nombre d'élèves suivant un enseignement du basque et en basque, toute catégorie d'établissements confondue, a augmenté de 10 % par rapport à 2003. Ce chiffre est de 6 % pour le béarnais.
Les emplois d'enseignants nécessaires à l'encadrement des élèves ont augmenté en conséquence puisque, tous degrés confondus, 13 emplois supplémentaires ont été affectés à la rentrée 2004.
Rappelons que dans ce département, il y a dix ans, dans le premier degré, 8000 élèves recevaient un enseignement en langue régionale, ils sont aujourd'hui 13 500.
Au total, tous degrés confondus, l'enseignement du basque dans le secteur public a été pratiquement multiplié par deux en dix ans. Je m'en réjouis.
Mais beaucoup reste à faire pour qu'un véritable appareil d'enseignement organisé soit en place sur le département. Car la situation actuelle n'est pas pleinement satisfaisante : les moyens sont trop dispersés, et l'offre d'enseignement mal structurée.
Sur quoi doivent porter nos efforts ? En priorité sur une bonne adaptation de l'offre d'enseignement en basque et en béarnais à la demande quantitative, qualitative et géographique des familles. Seule une juste et exacte vision de cette demande sur l'ensemble des Pyrénées atlantiques nous permettra de le faire. Nous avons un objectif : aboutir à la constitution de pôles solides qui disposent d'un bon niveau d'encadrement et d'une taille critique suffisante.
Pour cela, le ministère de l'Education nationale travaillera étroitement avec le département, notamment à travers le Conseil académique des langues régionales et le plan régional de développement des langues régionales. De cette concertation, de ce travail d'analyse, sortira une proposition de maillage départemental de l'offre d'enseignement.
3. Aujourd'hui, nous franchissons une nouvelle étape avec la signature de la convention-cadre sur les langues régionales.
Je suis heureux de pouvoir le faire avec vous Monsieur le Président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques et vous Monsieur le recteur de l'Académie de Bordeaux, qui êtes aussi chancelier des universités d'Aquitaine. Nous signerons également ensemble la convention particulière relative à la langue basque.
Un tel dispositif contractuel avec un département est une première en France. Et je souhaite que chacun ici en mesure la portée. Il est le fruit d'une négociation positive avec le Conseil général, en liaison avec le Conseil des élus et le Conseil de développement.
A quoi tout cela va-t-il servir ? D'abord à mesurer les efforts publics fournis. Ensuite à partager des outils d'analyse dans une approche transparente, objective et partenariale. Notre objectif est clair et ambitieux : c'est la mise en place d'un appareil de formation efficace et reconnu, avec des méthodes pédagogiques éprouvées, et dont le contrôle sera renforcé.
Pour l'atteindre, l'utilisation des réseaux de l'enseignement public ou privé ne suffit pas. Des dispositifs spécifiques d'accompagnement organisés et structurés sont aussi nécessaires. Nous ne partons pas de zéro, loin de là. Vos acquis sont nombreux en pays basque :
·* Grâce à la convention spécifique, vous avez su imaginer tout un dispositif de travail en commun au travers de la maîtrise d'ouvrage publique : elle associe l'Etat, la Région, le Département, et le Syndicat intercommunal de soutien à la culture basque.
·* Nombreuses ont été les actions que vous avez suscitées, initiées ou soutenues : je pense par exemple au centre de recherche sur la langue basque ou à la production de matériel pédagogique en basque. Aujourd'hui, votre savoir-faire est réel et donne des résultats qui méritent d'être soulignés.
4. Pour préserver ces acquis et appliquer les nouvelles conventions, il nous fallait un outil.
Les collectivités en ont eu l'initiative et l'Etat l'a pleinement soutenue : le 9 juillet dernier, le département, la région, les conseil des élus et le syndicat intercommunal de soutien à la langue basque décidaient à travers une convention la création d'un groupement d'intérêt public intitulé "Office Public de Politique Linguistique Euskara". Un arrêté préfectoral l'a approuvée le 28 juillet 2004, vous apportant par là même la pleine reconnaissance de l'Etat. C'est une innovation essentielle : d'abord parce qu'il regroupe les partenaires de la maîtrise d'ouvrage publique élargie au Conseil des élus ; ensuite parce qu'il sera l'instrument de mise en oeuvre de la convention que nous allons signer sur la langue basque et donnera à celle-ci un véritable outil de pilotage.
Je sais qu'en Béarn la réflexion progresse avec aussi comme perspective la signature de la convention d'application en faveur de la langue béarnaise.
Je suis heureux de saluer les représentants élus, désignés par les collectivités membres pour les représenter au conseil d'administration du groupement d'intérêt public. L'élection du président et des vice-présidents qui devrait intervenir dans les tous prochains jours. Elle lui donnera les moyens de conduire, dans le cadre de ses statuts, une véritable politique linguistique partenariale, déterminée par le conseil d'administration, dans le respect des compétences de chacun de ses membres. Chaque partenaire reste maître et responsable des moyens qu'il entend consacrer à cette politique linguistique. Il s'agit là d'un gage de neutralité, d'indispensable respect entre partenaires. Ce sont les conditions essentielles d'un fonctionnement harmonieux et efficace.
Soyez sûrs que l'Etat jouera son rôle, qu'il sera un partenaire actif et disponible pour que la politique linguistique, ainsi déterminée, soit une réelle réussite, une réussite collective. D'ores et déjà, je suis heureux de vous annoncer qu'il portera sa contribution au même niveau que celle de la région et du département, soit 520 000 par an jusqu'à la fin du contrat de plan en 2006. En contrepartie, il attachera une grande importance à l'évaluation de ses actions.
Avec le choix d'un tel groupement d'intérêt public pour favoriser le développement d'une langue régionale, nous ouvrons la voie. Et c'est ensemble que nous réussirons.
Voilà Mesdames et Messieurs les informations que je souhaitais vous annoncer. Les langues de France le méritent, les Basques et les Béarnais l'attendent.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 30 novembre 2004)