Déclaration de M. Alain Bocquet, président du Groupe des députés communistes et républicains de l'Assemblée nationale, sur le bilan de la politique du gouvernement Raffarin depuis 2002 et sur les propositions des communistes pour rassembler contre l'exclusion et la pauvreté, pour l'emploi et la jeunesse, et contre le projet de "constitution européenne libérale".

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Circonstance : Journées d'étude des parlementaires communistes et républicains, à Paris les 28 et 29 septembre 2004

Texte intégral

Chers Amis et Chers Camarades,
Au moment d'ouvrir ces journées, il faut nous féliciter du bon résultat pour notre parti, des élections sénatoriales de dimanche. Nous avions onze sénateurs communistes sortants. Les onze sièges sont renouvelés, avec trois sénatrices et sénateurs nouveaux : Eliane ASSASSI (Seine-Saint-Denis), Robert HUE (Val d'Oise), Jean François VOGUET (Val-de-Marne) auxquels s'ajoutent deux sièges gagnés dans deux départements : Michel BILLOUT (Seine-et-Marne) et Bernard VERA (Essonne). Le groupe communiste sort donc renforcé de ce scrutin.
Avec cette rentrée parlementaire, nous entamons la troisième session ordinaire d'une législature caractérisée, avec le couple Chirac-Raffarin, par l'omniprésence d'un pouvoir de droite particulièrement dur pour mettre en uvre les choix stratégiques du MEDEF ; ceux des grandes sociétés financières, industrielles et commerciales au nom de la guerre économique et du profit.
La mélopée incantatoire des marchés financiers donne le ton. Elle fait peu de cas du respect de la dignité des citoyens, dans une société où l'or humain vaut résolument moins que l'or de la Bourse.
Depuis son élection en 2002, ce pouvoir n'a pas fait dans la dentelle. Il n'a épargné aucun des secteurs de la vie économique et sociale, aucun des aspects du droit et de la démocratie. Les politiques qu'il met en uvre sont systématiquement des politiques de déconstruction des acquis, de renforcement de l'autoritarisme, d'adaptation aux exigences du marché.
Bien qu'ils s'en défendent, ce Gouvernement, sa majorité UMP-UDF se conduisent donc en véritables courroies de transmission du MEDEF, cette organisation du grand patronat de 160.000 adhérents qui prétend dicter sa loi à 60 millions de Français. C'est inacceptable !
Engagés dès la Loi de Finances rectificative de 2002, le processus de désengagement budgétaire de l'Etat, et le recentrage sur des fonctions dites régaliennes se sont accélérés avec les lois de finances 2003 et 2004 conjuguant coupes de crédits ministériels et suppressions de postes dans la fonction publique.
Les premières baisses d'impôts et cela s'est confirmé depuis, étaient mises en uvre en excluant près d'un foyer sur deux, non imposable faute de revenus suffisants ; cependant qu'à peine 10 % des bénéficiaires accaparaient à eux-seuls 70 % de l'enveloppe, - 1,5 à 2 milliards d'euros.
Jamais depuis vingt ans, l'écart n'a été aussi grand entre les catégories les plus riches et les plus pauvres, ce qui n'a rien d'étonnant compte tenu du lourd bilan de ce gouvernement où l'on recense dès 2002 : les premiers coups de semonce aux 35 heures, l'abrogation de la loi sur le contrôle des fonds publics, la hausse des cotisations salariales de l'UNEDIC et la réduction des prestations pour les chômeurs ; la remise en cause du congé de fin d'activité pour les fonctionnaires, la réduction de l'aide médicale de l'Etat, de la couverture médicale universelle, son retrait du système de l'allocation personnalisée d'autonomie et du revenu minimum d'insertion ; le gel de la loi de modernisation sociale, la disparition des emplois-jeunes, les lois sur la sécurité et sur la justice, particulièrement régressives en matière de libertés fondamentales et de protection des jeunes ; la criminalisation de la pauvreté, les allègements de l'impôt solidarité fortune, de l'impôt sur les sociétés ; l'aggravation des politiques d'exonération de cotisations sociales, - 20 milliards par an, consentis au patronat sans bénéfice pour l'emploi
Très vite également, les premiers pas avaient été engagés sur des enjeux de fond ; la décentralisation, le démantèlement et la privatisation d'entreprises du secteur public : ouverture à la concurrence du marché du gaz ou dépeçage de France-télécom. Cette politique conduit aujourd'hui à faire potentiellement de l'Etat le plus grand licencieur de France, si l'on met en perspective les situations dans les fonctions publiques : 4 500 postes en moins en 2004 et 7 200 en 2005 ; France-télécom : moins 14 500 annoncés dont 9 000 en France ; la Poste : 60 000 menaces de suppressions sur 300 000 ; la SNCF : moins 7 500 depuis 2002, etc
La casse du système de retraite par répartition, le champ largement ouvert à l'épargne individuelle pour la retraite et aux fonds de pension, sont venus s'ajouter à ces atteintes, et renforcer le dopage des marchés boursiers.
Et ce recul historique s'est doublé de la réforme de l'assurance maladie. Réforme inique dont l'essentiel du coût, -15 milliards d'euros-, repose sur les salariés et les ménages, un milliard seulement portant sur l'entreprise. Tout cela sans que les moyens dans l'un et l'autre cas, retraites et sécurité sociale, aient été réunis pour faire face aux vraies difficultés de financement ; et pour assumer l'évolution inexorable des besoins sociaux.
Publié au début de l'été, le rapport du Conseil d'orientation des retraites, et, ces dernières semaines, les nouveaux déficits d'une sécurité sociale gérée au fil de l'eau et la situation des hôpitaux publics, sont là pour témoigner de l'incapacité de ces politiques à répondre aux exigences de notre temps.
Seuls à le faire, nous avons élaboré, rendu publiques et opposé au gouvernement et à sa majorité, des propositions alternatives allant au devant des attentes sociales au lieu de les dévoyer ou de les ignorer, et mettant en face les moyens d'en assurer le financement. Cela nous a permis de contester la prétendue fatalité des réformes du gouvernement, ses tentatives de culpabilisation des intéressés, et plus fondamentalement encore, de contribuer à la détermination des luttes en prenant tout notre part du débat public sur ces enjeux.
Tous ces dossiers lourds qui ont connu depuis, et encore très récemment, de nouveaux rebondissements, ont contribué à la destruction sur pieds de l'essentiel des acquis de ces 60 dernières années, et à un véritable recul de société et de civilisation, ravageant en profondeur des décennies de luttes associatives, syndicales et de combat politique.
C'est véritablement du jamais vu en matière de régression sociale et démocratique, et de renoncement face aux diktats de la Commission de Bruxelles et de la Banque centrale européenne.
Dans ce contexte, il nous faut faire le point de notre action au Parlement. Certes nous avons fait entendre haut et fort la voix, les propositions du monde du travail et de la création. Et nous avons appuyé et relayé les luttes. Mais le niveau de résistance dans le pays, malgré ces luttes, n'est pas suffisamment élevé pour barrer la route au rouleau compresseur libéral.
C'est bien la question clé du moment : rassembler pour faire grandir et élargir le front de résistance face à la détermination de ce pouvoir. L'objectif d'un rapport de forces favorable au mouvement social et au mouvement populaire est donc, sans conteste, une question forte en cette rentrée.
D'autant plus forte d'ailleurs qu'ils n'entendent pas s'arrêter en chemin. Le maintien de Raffarin au poste de Premier ministre, malgré les défaites électorales et malgré les luttes en dit long. Il participe d'une véritable culture de la fatalité et de la résignation qu'ils veulent enraciner dans notre peuple. Les remaniements ministériels passent, les orientations demeurent, où s'affiche la soumission totale à la logique des marchés financiers.
Les critiques du baron Seillière à Jean-Pierre Raffarin ne sont qu'un jeu de rôles, un faux-nez. Quand il déclare, je le cite : " on accuse beaucoup le pauvre Monsieur RAFFARIN de faire la politique du MEDEF, mais le MEDEF s'inscrit totalement en faux. Depuis que Monsieur RAFFARIN est là, on n'a rien eu pour l'entreprise ", on hallucine !
A la vérité tout cela ne vise qu'à en demander toujours plus, à l'exemple de l'un de ses représentants s'exprimant lors de l'Université d'été du MEDEF : " Si on insiste un peu, on parviendra à faire abroger le code du travail ".
C'est dire que la mobilisation générale s'impose. Il faut des victoires et dans cette perspective, nous avons un rôle spécifique à jouer. Nous pouvons apporter notre pierre à cette mobilisation, ce qui nécessite un positionnement clair et fort, dans une opposition déterminée aux politiques mises en uvre et aux choix de société qui les sous-tendent.
Avec Chirac, Raffarin, Sarkozy et l'UMP, c'est la politique du " Cause toujours, je tiens les rênes ", qui s'applique au quotidien. Mais ils savent donner à ce positionnement l'apparence de la patience démocratique comme on l'a vu avec le débat sur la réforme de la sécurité sociale.
Le moment est venu, tout en refusant de nous couler dans le moule d'institutions de plus en plus mises au service du système libéral, de réfléchir à de nouvelles formes d'action parlementaire afin de sortir des sentiers battus et de rendre plus lisible, plus efficace l'immense travail de nos groupes et de leurs collaborateurs.
Il faut nous y arrêter si nous voulons pouvoir aller de l'avant avec les Français, car dans les dérives institutionnelles et politiques actuelles, il y a foncièrement, le signe d'une République reniée ; le signe d'une République ravalée au rang d'accessoire et, par conséquent, d'une République en danger. Soit dit en passant, je ne pense donc pas qu'une présidentialisation à l'américaine telle que l'envisage par exemple Jack Lang, soit de nature à faire face à ces enjeux qui portent, au contraire, l'exigence d'un élargissement permanent de la citoyenneté, et d'une démocratisation de nos institutions.
Cet objectif est d'ailleurs rendu plus urgent encore par le fait que plus de 80 % de la législation française de ces dernières années résulte désormais de directives de l'Europe libérale.
La vie parlementaire elle-même subit les conséquences de ces situations. De l'article 40 à l'article 49.3 de la Constitution ; des procédures d'urgence aux sessions extraordinaires ; des ordres du jour bousculés aux ordres du jour surchargés, ce ne sont pas les exemples qui manquent des coups portés au travail et à la légitimité du législateur. L'image du politique en reste durablement desservie dans l'opinion, prioritairement dans les couches moyennes et populaires qui subissent les coups les plus rudes, et que cela incite à se réfugier dans l'abstention et dans des votes de dispersion ou d'extrême droite.
N'y a-t-il pas là par conséquent, nécessité d'un rôle nouveau pour nos groupes ? Rôle qui nous permette en liaison avec le peuple dont nous sommes les représentants, avec le mouvement syndical et la vie associative, avec l'action du Parti, de conserver leur efficacité politique à l'engagement du mouvement social, aux luttes et aux revendications auxquels nos interventions font écho.
Il nous faut donc réfléchir et travailler à des initiatives parlementaires, des propositions de lois d'inspiration populaire, qui puissent bénéficier du soutien massif de nos concitoyens, et s'imposer au fur et à mesure comme des évidences et des nécessités. C'est probablement une voie à explorer.
Pas question en effet de se résigner à une société tirée vers le bas. Pas question d'accepter comme une fatalité ce mimétisme qui voudrait que la France démantèle son modèle social et réduise les droits acquis par le monde du travail, sous prétexte de se conformer aux régimes les plus libéraux.
Le modèle social français doit au contraire servir de locomotive et tirer l'Europe élargie vers le haut.
Pas question enfin d'attendre 2007 en laissant se perpétuer le massacre à la tronçonneuse que le budget 2005, injuste et stérile, menace de prolonger en ajoutant les cadeaux aux exonérations, et les sacrifices aux mauvais coups.
Ainsi donc une question vitale se pose à l'échelle de la société : celle de l'efficacité. Efficacité du combat parlementaire, efficacité du combat politique, efficacité des luttes pour répondre coup par coup aux attaques de la droite ; pour peser en faveur d'autres choix ; pour contribuer à l'élaboration d'orientations alternatives porteuses de rupture avec la logique d'exploitation. Logique d'exploitation à l'uvre dans notre pays et au sein de l'Union européenne où elle n'est pas sans écho au coeur de la social-démocratie.
Nous refusons de nous accommoder d'une Europe où des Perrier-Nestlé, des Siemens, des Vivendi, Bosch, Lustucru, Doux etc passés maîtres dans l'art du " pistolet sur la tempe ", seraient les donneurs d'ordres économiques et sociaux. Qui plus est au moment où la publication des résultats semestriels 2004 des groupes vedettes du CAC 40, montre qu'ils " dorment sur un tas d'or ". Et que toute cette richesse créée ne tardera pas à être accaparée par les fonds spéculatifs comme cela s'est produit voici quelques mois aux Etats-Unis
Comment admettre alors l'absence de revalorisation des salaires, le phénomène intolérable des " travailleurs pauvres ", le principe d'une croissance sans emplois, les difficultés accrues de nos concitoyens ? Comment admettre l'accumulation des plans de licenciements, la désindustrialisation et des délocalisations qui, prises ensemble, témoignent de l'absence d'une politique de l'emploi en France ? Comment donner crédit à ce gouvernement qui, au prétexte de la lutte contre les délocalisations en profite pour arroser de cadeaux financiers le grand patronat, alors qu'il a refusé de discuter au début de cette année, les propositions législatives de notre groupe à l'Assemblée nationale ? Mesures dont certaines ont même été adoptées aux Etats-Unis.
Présenter au sommet des Nations Unies un " projet d'éthique sociale de la mondialisation pour combattre la faim et la misère " comme vient de le faire Jacques CHIRAC en compagnie du Président brésilien LULA, c'est bien ! Ca prouve que ça pousse en ce sens. Mais le mettre en oeuvre chez soi, c'est mieux. Quand on mesure l'étendue de la paupérisation en France, il y a de quoi pour le Chef de l'Etat balayer devant sa porte.
Nous rencontrons régulièrement dans nos permanences et sur le terrain, les drames, les souffrances d'hommes, de femmes, d'enfants à la vie brisée dans cette société impitoyable.
Une interview récente du président du Secours populaire confirme le caractère dramatique de la situation. Un million de personnes aidées dans la seule année 2003 rappelle Julien Lauprêtre qui constate que des " milliers d'étudiants ne mangent pas à leur faim dans notre pays ", tandis que les permanences des associations caritatives voient croître de 40, 50 ou 60 % les demandes de secours qui leur sont adressées. La France est plus que jamais le pays où 10 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté dont un million d'enfants.
Cela n'empêche pas l'Europe de maintenir, à ce jour, sa décision de fermer les frigos européens à partir de 2005. Nombre d'entre nous ont déjà interpellé les pouvoirs publics à ce sujet. Peut-être y a-t-il une initiative d'envergure à engager en cette rentrée pour donner à cet enjeu le retentissement et l'issue positive qui doit s'y appliquer. De même qu'il nous faut populariser encore notre demande d'attribution de 300 euros à tous les ménages de revenus faibles ou moyens, comme l'a proposé Marie-George BUFFET, et l'inscrire dans le cadre de la lutte plus vaste pour la revalorisation des salaires et des pensions.
France de la misère : ce n'est pas la mystification du plan de cohésion sociale de Borloo l'enchanteur qui modifiera la donne. Derrière l'effet d'annonce flatteur se profilent l'absence de tout engagement crédible au-delà de l'élection présidentielle, et l'application de la double peine aux demandeurs d'emploi.
Quand le droit au travail, le droit au logement, le droit à l'égalité des chances sont quotidiennement déniés à des millions de nos concitoyens, ce n'est pas d'un cataplasme supplémentaire que peut venir la guérison. C'est pourquoi nous sommes de tous les combats pour refuser que l'assistanat devienne le mode de vie permanent imposé au plus grand nombre. Et pour contester la volonté gouvernementale de transférer, là encore, aux collectivités territoriales une part essentielle des coûts de ces dispositifs, quand en plus dans le même temps, tous les moyens sont bons pour aller à la suppression de la taxe professionnelle.
Cette impasse dans laquelle conduisent donc le plan Borloo, la politique gouvernementale et les choix du grand patronat met plus que jamais en exergue le bien fondé de la proposition moderne et d'avenir d'un système " sécurité - emploi - formation " que nous avons élaborée, et pour laquelle nous devons multiplier les initiatives.
D'autres aspects déterminants de l'action gouvernementale pèsent cependant sur les conditions de vie de nos concitoyens et sur l'évolution nécessaire de la société française.
Les lois de décentralisation d'abord qui vont se traduire par des milliards d'euros de charges supplémentaires pour les collectivités territoriales, l'envol des fiscalités locales, des inégalités renforcées. On est très loin des besoins de rattrapage des déséquilibres entre espaces ruraux et espaces urbains ; régions riches et régions pauvres. Besoins de financements d'Etat adaptés aux charges transférées et à leur évolution. Besoins de citoyenneté renforcée. Besoins d'un maillage territorial des services publics alors que le rapport Mariton veut fermer et privatiser des gares, et qu'on parle de supprimer 6 000 bureaux de postes et 90 centres de tri, au moins.
Ainsi que le souligne le groupe des sénateurs communistes dans son adresse aux maires de France de fin 2003 : " Cette décentralisation poursuit aussi un objectif immédiat, la réduction des dépenses publiques, qui constitue le plus sûr moyen pour parvenir à l'objectif de long terme : livrer le service public au marché ou le tuer ".
Autre enjeu de fond les privatisations : de France-télécom - une décision juteuse commente Nicolas Sarkozy - à Air-France, de Gaz de France à Electricité de France, de la SNECMA aux sociétés d'autoroutes Tout cela sans oublier la Poste, la SNCF où le gouvernement se propose d'imposer la remise en cause du droit de grève avec cette campagne autour du " service minimum " ; ou bien encore les tentatives de démantèlement du réseau des Caisses primaires d'assurance maladie sur lesquelles il va nous falloir montrer beaucoup de détermination au côté des salariés et des usagers.
J'ai évoqué l'absence d'une politique économique nationale, d'une politique industrielle, d'une politique de développement de la recherche, d'aide à l'investissement des PME, à la création d'activités et d'emplois. Des régions en paient le prix. Des bassins d'emploi sont aujourd'hui saignés à blanc.
L'évolution du chômage et de la précarité depuis deux ans, aboutit à plus de 200 000 chômeurs supplémentaires Cela relativise les propos récents du Premier ministre déclarant au Figaro : " le progrès social passe aussi par l'augmentation du nombre des heures travaillées dans le pays ". On est tenté de dire chiche !
Quatre à cinq millions de demandeurs d'emploi et de précaires, c'est aujourd'hui à raison de 35 heures par semaine, 140 à 150 millions d'heures hebdomadaires d'activité salariée disponibles pour l'économie nationale. Qu'attendent le gouvernement et la droite pour relever ce défi et mettre en uvre les politiques économiques et de formation, permettant d'y faire face ? Qu'attendent-ils pour faire sauter le verrou de la Banque centrale européenne ou des banques françaises ? Les 7 principaux groupes bancaires français ont fait en 2002 des bénéfices en progression de 27 %, le Crédit Agricole + 62 % au 1er semestre 2004 sur 2003. Qu'attendent-ils pour peser à Bruxelles, à Francfort en faveur de l'abaissement des taux d'intérêt et de refinancement de la BCE, pour les prêts correspondant à des investissements créateurs d'emplois et accompagnés de formation ?
Tout cela témoigne de l'urgence d'une réorientation de fond des choix mis en uvre. Tout cela nécessite de soutenir l'exigence d'un vaste rassemblement populaire, afin d'élever le niveau de la riposte et de poser les jalons de solutions alternatives. Tout cela nous conduit à nous tourner en priorité vers le monde du travail comme nous l'avons fait avec notre proposition de loi sur la retraite à 55 ans dans le BTP, ou comme nous le ferons dès le 13 octobre, en rencontrant les salariés de la sidérurgie.
Je pense également cependant aux plus de 3 millions de salariés de l'industrie dont ceux de l'automobile (289.000) ou de l'énergie (236.000).
La construction et les travaux publics, c'est 1,3 millions de salariés. Les transports : 1 million. Le commerce 3 millions et l'agroalimentaire 580.000. Les personnels de l'Education nationale 1,3 millions. Les salariés des trois fonctions publiques 5 millions.
Je pense également à la jeunesse et à la nécessité de lui donner les moyens de ses ambitions, elle dont la socialisation se fait non plus par le travail comme hier, mais par la précarité. Il y a en moyenne neuf ans entre la sortie du système scolaire et l'entrée réelle dans la vie du travail. C'est dire à quel gâchis humain conduisent le système capitaliste et le dogme de la pensée unique.
L'heure est à la contestation, à la revendication, au débat citoyen et à l'action. C'est donc moins que jamais le moment de s'en remettre à une échéance électorale lointaine, celle de 2007, porteuse très hypothétique d'alternance. C'est tout de suite qu'il faut riposter, freiner les ardeurs libérales de ce pouvoir UMP - UDF - MEDEF, marquer des points. C'est aujourd'hui qu'il faut bien se défendre pour mieux construire le contenu de l'avenir. D'autant plus que le bipartisme demeure un objectif des dirigeants du pays pour tenter d'enfermer pour longtemps notre peuple dans une voie sans issue pour la transformation sociale.
Et cela n'a, par conséquent, que fort peu à voir dans le contexte social actuel, avec le champ politique très virtuel que pourrait ouvrir la perspective de voir un ascenseur social et démocratique en chute libre de quinze étages sous la droite, remonter péniblement de deux demain.
Les mêmes questions se posent à propos du déroulement, à l'automne 2005, d'un référendum sur le projet de Constitution européenne que nous avons d'ailleurs été en pointe pour obtenir.
Référendum à l'issue plus qu'incertaine. Par nombre de ses aspects, la situation actuelle donne à penser que les prochains mois pourraient contribuer à la construction d'un NON progressiste, populaire et majoritaire au texte adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement au lendemain du 13 juin. Le NON peut l'emporter !
Un tel résultat constituerait le plus puissant des coups d'arrêt aux forces ultralibérales et réactionnaires à l'uvre en Europe et dans notre pays. Et le plus exceptionnel encouragement aux forces européennes qui aspirent à un autre type de rapports des hommes et des peuples entre eux. Bref à un nouveau traité, ce qui passe par le choix majoritaire du NON, seule chance de construction sur des bases nouvelles d'une Europe sociale et démocratique.
C'est donc à ce niveau que se situe la bataille d'explication et de mobilisation qui est désormais lancée, et dans laquelle chaque parlementaire communiste, républicain est d'ores et déjà appelé à prendre toute sa place.
Bien évidemment cette bataille du NON à l'Europe libérale ne sera pas simple. D'abord parce que l'on veut nous refaire le coup du traité de Maastricht, c'est-à-dire de la fin de l'Europe si le NON l'emportait Ensuite parce que la situation internationale contribue à troubler ces enjeux. Le terrorisme, les guerres, la mondialisation capitaliste et les incertitudes en résultant pour l'avenir des jeunes, les catastrophes industrielles, humanitaires ou naturelles, font que les peuples vivent de plus en plus écrasés ou déstabilisés par ces drames anxiogènes.
Mais nous savons bien que si on se résignait à voir la France subir les vents dominants, et si le OUI l'emportait on en prendrait : " en Europe pour vingt ou trente ans de peine incompressible de chômage et de misère " comme l'a dit le Président d'honneur d'ATTAC Bernard Cassen. Et l'horizon se boucherait objectivement, d'une possible et véritable alternative politique sur le fond en 2007 en France.
La France a besoin de cette réorientation de l'Union européenne. Réorientation qui comporte pour l'Europe le même caractère d'urgence. Que ce soit pour la tirer des griffes des multinationales et de la haute finance, et lui permettre d'aborder sereinement la question de son élargissement et des politiques qu'elle met en uvre.
Ou que ce soit pour envisager la revalorisation de son rôle au sein des instances internationales, pour lutter contre les grands fléaux et pour la résolution pacifique de conflits qui ensanglantent le monde : de l'Afrique à la Tchétchénie, du Moyen-Orient à l'Irak, soumis à l'hégémonisme américain de Georges Bush. Sans oublier l'objectif d'une lutte sans merci contre le terrorisme.
Chers camarades, tout nous conduit à envisager cette rentrée parlementaire et sociale de façon résolument offensive. Tout nous conduit à nous mettre au diapason de l'exigence d'action dans l'unité et sur des contenus revendicatifs et transformateurs, dont a notamment témoigné le vaste rassemblement de la Fête de l'Humanité.
La ténacité des parlementaires communistes face au bloc des droites, et au côté du mouvement social, peut constituer au regard des enjeux nombreux que j'ai évoqués, une des clés des reculs qu'il est nécessaire d'imposer à ce pouvoir ; un des outils au service du changement.
OUI, nos groupes parlementaires seront plus que jamais en cette rentrée des pôles de résistance et d'alternative.
(Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 6 octobre 2004)