Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur le rôle du Conseil national consultatif des personnes handicapées dans la mise en oeuvre de la politique pour les personnes handicapées et la réforme de la loi de 1975, Paris le 21 avril 2004.

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Circonstance : Réunion du Conseil national consultatif des personnes handicapées à Paris le 21 avril 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis ici aujourd'hui pour faire connaissance avec vous et , bien sûr, me présenter.
Je tiens essentiellement à vous faire part de la façon dont je souhaite mener ce chantier présidentiel que le Premier ministre m'a fait l'honneur de me confier.
1er message : il faut tenir compte de la diversité des attentes des personnes handicapées
D'abord, je sais que votre Conseil est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et de ce ministère en particulier. Il réunit l'essentiel des associations représentatives de personnes handicapées, de leurs familles et de leur proches ainsi que les organismes qui concourent à la mise en oeuvre de la politique pour les personnes handicapées.
Je sais aussi que l'implication de chacun de vous a été considérable depuis plus d'un an.
J'ai eu connaissance des difficultés d'ordre matériel que vous avez pu rencontrer. Je ne souhaite pas que celles-ci portent atteinte à la qualité de notre collaboration que je veux constructive et sincère.
J'ai donné des instructions pour l'installation en ce moment même d'un bureau de passage doté d'un secrétariat qui sera notamment à la disposition du CNCPH, de votre président et de votre vice-président tout particulièrement. Je me préoccupe également de dégager tous les moyens nécessaires au parfait fonctionnement de votre Conseil et notamment de son secrétariat général qu'assume actuellement la Direction générale de l'action sociale. C'est dès les phases d'installation que les bonnes habitudes doivent être prises.
Vous êtes rassemblées au sein du CNCPH pour faire émerger le socle commun des réponses qui doivent être apportées à toutes les personnes handicapées, pour leur permettre de trouver toute leur place dans la société pour le projet de loi en cours mais aussi pour toute autre mesure. Vous devez être consulté sur toute la politique relative à l'amélioration de la place des personnes handicapées dans notre société et j'attacherai la plus grande attention à vos avis. En outre, votre mission d'observation aidera à fonder nos actions et permettra de préciser les priorités.
Mes premières rencontres avec les uns et les autres, rencontres que je souhaite poursuivre, m'ont permis de commencer à prendre toute la mesure de la diversité des situations et de la spécificité de chaque famille de handicap. Les demandes peuvent être différenciées, les besoins spécifiques. Par-delà la nécessité d'affirmer et de faire respecter des droits généraux, - caractère général auquel nous contraint d'ailleurs le passage par un véhicule législatif -, je veux m'efforcer de tenir compte de cette diversité.
2e message : il faut refonder notre méthode de concertation
De moi, je ne vous dirai ici que mon souhait et ma détermination à faire franchir une nouvelle étape à notre société. Ainsi que la façon dont j'entends cultiver une nouvelle culture de dialogue.
Je constate que nous avons insuffisamment, dans notre pays, la culture du dialogue. Certes, le dialogue existe et même s'amplifie depuis quelques années. Mais nous n'avons pas une vraie culture de dialogue. En fait, c'est très exigeant. Il faut apprendre à reconnaître comme légitime la position de tous les partenaires. Et par conséquent parvenir à des positions fondées en raison autant qu'en opportunité. Ce qui suppose un dialogue permanent pour parvenir aux positions de base à partir desquelles peut s'engager une vraie négociation en sachant que ce qui n'est pas obtenu aujourd'hui est à négocier demain. C'est ainsi, me semble-t-il, que nous pourrons entrer ensemble dans ce que je souhaiterais appeler une stratégie gagnant - gagnant, qui devra perdurer au-delà du projet de loi en cours.
Ces principes ont, pour nos travaux, une traduction très concrète. Les représentants des personnes handicapées, des experts et les administrations doivent travailler ensemble, dans le cadre de groupes de travail efficaces, à l'élaboration des mesures que nous proposerons aux Français, après qu'elles ont été soumises pour avis au CNCPH.
3e message : il faut trancher ensemble la question du calendrier de la loi
Tout ceci prendra du temps, nécessitera de bien nous connaître, de travailler en confiance parce que nous travaillons dans le même sens. Mais nous avons devant nous un grand chantier, voulu par le Président de la République, dont le projet de loi en cours est la partie la plus visible - une partie très importante - mais qui n'épuise pas et de loin le chantier du handicap. Je vais y revenir.
Je souhaite vous proposer, dans un premier temps, de reprendre ce chantier au point où il en est, c'est à dire la définition de droits nouveaux, l'ajustement de droits anciens ou du droit commun aux besoins spécifiques des personnes handicapées. Il nous faut à nouveau nous concerter pour amender encore ce projet de loi, dégager plus clairement son sens.
Des questions essentielles doivent encore faire l'objet d'un débat approfondi entre nous avant d'être tranchées par le Gouvernement et soumises au Parlement. Je pense en particulier à la répartition des compétences, sur laquelle Messieurs BRIET et JAMET ont été missionnés pour faire avancer notre réflexion. Votre commission permanente a, je crois, poursuivi avec eux, ce matin, le dialogue engagé. Je pense aussi à l'immense travail qui nous attend sur l'accessibilité au sens large, les ressources et la compensation. Car si beaucoup est renvoyé - et à juste titre - à des textes d'application, il me paraît indispensable d'éclaircir entre nous dès maintenant les voies et moyens des résultats auxquels nous souhaitons aboutir.
Je ne dois pas vous cacher que le calendrier actuellement prévu est plus resserré que celui initialement envisagé. Ceux qui visitent le site de l'Assemblée nationale savent que le débat est pour le moment inscrit à l'ordre du jour du 11 mai. Ce qui signifie que je serai auditionnée fin avril par la Commission des affaires culturelles et sociales. Dans ces conditions, nous devons affronter un dilemme :
- ou bien, nous acceptons le calendrier qui nous est proposé à ce jour. Dans ce cas, nous aurons à travailler dans l'urgence et, je le crains, à reporter en deuxième lecture les amendements qui méritent le plus d'attention et de dialogue ;
- ou bien, nous n'acceptons pas ce calendrier resserré. Dans ce cas, je ne dois pas vous cacher que l'espoir d'un débat en juin à l'assemblée nationale est faible car le calendrier parlementaire est surchargé avec notamment les lois relatives à la CNSA, à l'assurance maladie, à la mobilisation pour l'emploi.
Monsieur le Président, vous pouvez compter sur ma détermination pour tenter d'obtenir un déserrement du calendrier mais je vous serais particulièrement reconnaissante si votre conseil pouvait éclairer ma décision sur cette question difficile.
4e message : il ne faut pas limiter le chantier du handicap à la réforme de la loi de 1975
La réforme de la loi de 1975 est essentielle car elle pose des droits nouveaux ainsi que les principes indispensables pour en assurer le respect. Elle n'épuise pas ce grand chantier, ne serait-ce que parce que toutes les mesures nécessaires pour améliorer la vie des personnes handicapées ne sont pas d'ordre législatif.
Après le rappel ou l'énoncé de droits, il nous faudra ainsi nous atteler avec encore plus d'énergie à ce qu'il est convenu d'appeler l'effectivité des droits.
Je ne pense pas seulement aux textes d'application.
Je pense aussi et peut-être surtout au travail intense de conviction et de lobbying que nous devons entreprendre auprès du secteur privé, du secteur para public ou du secteur public pour que le handicap soit réellement pris en compte dans toutes les décisions. Il est temps d'assurer l'investissement de la société civile dans ce chantier qui engage la société toute entière.
Il nous faudra interpeller les uns et les autres : les partenaires sociaux, entreprises et syndicats, pour que leur négociation collective fasse place au handicap : le Service Public de l'Emploi National pour la formation et l'insertion professionnelle en milieu ordinaire des personnes handicapées au chômage ; les organismes ou institutions spécifiques comme l'AGEFIPH et le réseau CAP EMPLOI .
Il nous faudra aussi imposer au secteur public et négocier avec le secteur privé - quel que soit le secteur : éducation, transport, commerce, media, tourisme, sport, etc. - les aménagements nécessaires à la création d'un environnement praticable par tous ainsi que des délais de réalisation à la fois ambitieux et réalistes.
J'entends souvent dire qu'il faut changer le regard que la société porte sur nos concitoyens handicapés. Or, qu'est-ce que cela veut dire sinon modifier nos attitudes et nos comportements dans les actes courants de la vie sociale? Pour le commerçant, vendre des produits lisibles par des non voyants ; pour les entreprises de transport : disposer de véhicules accessibles, avec des signalisation sonores et visuelles. Et ainsi de suite.
Au-delà des moyens de compensation individuelle ou collective que nous devons à chaque personne handicapée pour accomplir son projet de vie, nous avons l'obligation de mobiliser l'ensemble des acteurs économiques et sociaux pour qu'ils modifient leur propres pratiques. Et, dans le jeu de la concurrence, ceux qui auront pris du retard dans cette évolution se trouveront menacés dans leur propre existence. Après les obligations légales, après la négociation sur la mise en oeuvre de ces obligations, la compétition se chargera de contraindre à l'adaptation souhaitée les entreprises retardataires.
5e message : Il faut évaluer notre politique au regard de ses résultats
Au-delà de l'action, il y a l'évaluation des actions entreprises. Je tiens à préciser que je ne pense pas seulement à ce que la solidarité nationale permet de faire pour favoriser la recherche d'autonomie des personnes handicapées. Je veux aussi connaître ce que les moyens mis à disposition de la politique du handicap ont apporté à la société tout entière.
Je souhaite développer l'évaluation des politiques du handicap et, à cet effet, doter notre administration des moyens d'observation et d'analyse nécessaires, notamment grâce à des indicateurs de résultat (d'efficience/efficacité) qui permettent d'apprécier l'adéquation entre les processus mis en oeuvre, les moyens engagés, les résultats obtenus. Il nous faut montrer quels sont les moyens alloués à une politique mais il nous faut montrer aussi combien d'emplois sont créés, combien de richesses sont produites en biens, en services et en intelligence.
Vous et moi, nous sommes convaincus que la politique du handicap ne constitue pas une charge pour notre société. Bien au contraire, elle est un authentique investissement social ! Mais il nous faut le dire, le faire savoir, l'évaluer. J'ai déjà entendu citer beaucoup d'exemples : la télécommande du téléviseur, qui a été conçue pour les personnes à mobilité réduite ; l'accessibilité des bus, des trottoirs, des guichets de la sécurité sociale qui profite aussi aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux mamans qui ont une poussette.
Mais il faut aller beaucoup plus loin, montrer par exemple ce que les aides techniques apportent à notre économie et à notre recherche ou, à l'opposé, ce que le spectacle d'une compétition sportive pour personnes handicapées apporte en admiration, en émotion et en humanité à tout un chacun.
A cet égard, la mission d'observation confiée par la loi au CNCPH est un élément essentiel de cette dynamique . Ses relais au niveau des départements doivent être en état de lui fournir au plus vite les informations dont il a besoin. Je vais m'assurer que tel est le cas.
6e message : Il faut faire vivre le débat démocratique
Enfin, je pense que toute démocratie ne vit et ne vaut que par le débat. Je souhaite que les politiques publiques soient analysées et commentées de manière contradictoire au niveau local aussi bien qu'au niveau régional.
Le projet de loi prévoit la remise périodique d'un rapport au Gouvernement. C'est bien. C'est peut-être insuffisant. Je souhaite que vous acceptiez de réfléchir au rôle que les Comités départementaux (les CDCPH) pourraient jouer dans l'animation de la réflexion locale sur les politiques du handicap.
Je vous remercie de votre attention.
Je dois maintenant m'entretenir du projet de loi avec M. M. Chossy et M. Dubernard.

(source http://www.handicape.gouv.fr, le 27 avril 2004)