Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, sur les efforts du gouvernement français en faveur de la coopération, notamment le projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale, la proposition d'une taxation internationale et l'augmentation de l'aide publique au développement, Paris le 24 septembre 2004.

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Circonstance : Clôture du colloque "10 ans de Coordination Sud", à Paris le 24 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président de Coordination Sud,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Monsieur les Députés,
Mesdames et Messieurs les Délégués et Secrétaires généraux,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames,
Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de pouvoir à mon tour souhaiter un excellent anniversaire à Coordination Sud et saluer les dix belles années de travail qu'elle a accomplies pour appuyer et renforcer les ONG françaises et en promouvoir les valeurs auprès des institutions publiques ou privées.
Dix ans dans la vie d'un homme, c'est au fond assez peu. Dix ans dans la vie d'une organisation, c'est beaucoup, surtout lorsque sa mission s'exerce à l'échelle de la planète.
Or le monde, au cours de cette dernière décennie, a subi des bouleversements majeurs. Bouleversements économiques dûs à la mondialisation, qui font s'accroître encore, et de manière considérable, le fossé séparant les pays riches et les pays pauvres. Bouleversements politiques qui font naître chaque jour de nouvelles menaces et de nouvelles inquiétudes. Jamais notre univers n'avait paru aussi instable, aussi profondément dévasté par les violences et les haines de toutes sortes.
Bref, pour reprendre le titre du livre que vous venez de publier à l'occasion de ce 10ème anniversaire, nous sommes bien entrés dans "la tempête mondiale". Aussi la mission des ONG, qui sont par nature au coeur même de cette tempête, n'a-t-elle sans doute jamais été aussi difficile à assumer.
D'ores et déjà, la dégradation de l'environnement de sécurité, palpable depuis quelques années dans certaines régions du monde, a conduit et conduira davantage encore certaines ONG à réévaluer les conditions de leurs interventions. Nous le constatons malheureusement chaque jour : les "croisés de l'humanitaire" eux-mêmes, jadis scrupuleusement épargnés lors des conflits, deviennent désormais une cible de choix.
C'est bien parce que j'ai conscience des difficultés accrues que rencontrent les ONG dans leur action quotidienne que, dès mon arrivée rue Monsieur, j'ai voulu entretenir avec elles des relations solides, confiantes et durables. Nous partageons en effet des objectifs et des idéaux communs. Je pense même que, quand il s'agit de lutter contre la pauvreté dans le monde, le travail conduit par le gouvernement et celui mené par les organisations non gouvernementales ne sont pas fondamentalement différents.
C'est pourquoi je me suis réjoui que, lors de votre assemblée générale du 12 mai dernier, vous décidiez de reprendre votre participation aux instances paritaires de discussion avec les pouvoirs publics. Il était évidemment essentiel de rétablir ce dialogue.
En effet, nous savons tous que l'ensemble des acteurs de la coopération doivent se préparer à des évolutions en profondeur. Celles-ci porteront d'abord sur les modalités de la coopération, qui seront de plus en plus ouvertes et soumises au contrôle, à l'audit. On peut s'attendre ensuite à une poursuite de la tendance, observée depuis quinze ans, à la diversification des acteurs. A côté du rôle dévolu aux Etats, à côté de la place conquise par les ONG et de celle que prennent peu à peu les collectivités territoriales, nous verrons probablement augmenter la part, encore limitée, occupée par le secteur privé dans la mise en oeuvre de projets concrets.
Tout ceci, mais aussi bien d'autres données, va conduire à une transformation importante de l'organisation de notre coopération. C'est pourquoi nous devons rapidement parvenir à une redéfinition du partenariat entre l'Etat et les organisations non gouvernementales de solidarité internationale. Comme vous le savez, cette question essentielle est inscrite à l'ordre du jour du prochain CICID, qui aura lieu durant cet automne.
Afin d'élaborer les propositions qui y seront soumises, nous avons souhaité, Michel Barnier et moi-même, pouvoir travailler en étroite liaison avec vous. Je tiens donc à vous remercier de l'important document que vous venez de nous faire parvenir et dont les réflexions et les propositions constitueront une base de discussion extrêmement solide. Mes services sont actuellement en train de les étudier. Croyez bien que je partage pleinement votre souhait d'y voir clair dans l'attribution des moyens publics consacrés à l'appui de la coopération non gouvernementale.
Sans attendre une rénovation du partenariat qui nous lie, il m'appartient aussi de vous aider, dans toute la mesure du possible bien sûr, à accomplir au quotidien votre mission. J'ai donc été heureux et fier de présenter devant le Parlement le projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale, dont l'élaboration a fait l'objet d'une concertation longue et approfondie entre nous.
C'est là un texte important, qui répond à une très ancienne demande des associations oeuvrant en faveur de l'aide au développement et de l'aide humanitaire. Il était bien naturel que l'Etat permette aux acteurs qui y sont engagés d'intervenir avec efficacité et dans des conditions juridiques certaines.
Ce projet de loi sera présenté le 12 octobre prochain en deuxième lecture devant le Sénat et j'ai bon espoir qu'il soit adopté d'ici la fin de cette année. Les volontaires de solidarité internationale pourront alors enfin bénéficier d'un véritable statut.
C'est là, je crois, une bonne nouvelle. Elle contraste en tout cas avec le pessimisme qui a tendance à régner ici et là. J'entends dire un peu partout que la situation du monde est désespérée, que la dégradation de notre planète est irréversible et que nous sommes prochainement voués à disparaître. Même si l'on n'écoute que d'une oreille distraite les prophètes de l'Apocalypse, il n'en reste pas moins qu'un scepticisme et même une résignation se font jour. Aujourd'hui, nos sociétés ne semblent pas manifester une sensibilité exacerbée à l'égard de la pauvreté dans le monde.
En dépit d'une pulsion émotionnelle en faveur des plus démunis, qui reste marginale, force est de constater qu'elles demeurent en retrait, comme si elles étaient tétanisées face à l'ampleur des enjeux du développement durable, de la santé publique et de l'éducation dans les régions les moins favorisées du monde. Le "chacun pour soi" est, nous le savons bien, une tentation permanente.
Quant à la mobilisation qui s'est faite au niveau politique le plus haut - je pense en particulier aux Objectifs du Millénaire pour le Développement -, elle se heurte sans cesse aux pesanteurs des administrations, ici et là, et à la tentation de se résigner. Il faut par conséquent sans cesse renouveler nos capacités de mobilisation, créer de nouvelles dynamiques, apporter des idées au grand moulin de la solidarité.
Mais si l'on prend un peu de recul et que l'on observe les choses avec lucidité, il faut bien reconnaître que nous vivons en fait une période particulièrement favorable aux idéaux et aux valeurs qui sont les nôtres. L'actualité la plus récente nous en apporte la preuve.
C'est d'abord l'initiative prise le 20 septembre dernier à New York par le Brésil, le Chili, l'Espagne et la France pour mobiliser une soixantaine de chefs d'Etat autour de l'idée de mécanismes financiers innovants pour le combat contre la faim et la pauvreté. Vous savez combien la France milite pour la mise en place de taxations internationales permettant d'apporter les ressources financières nécessaires au développement. C'est un objectif ambitieux, mais qui commence désormais à être partagé et à faire son chemin.
Autre actualité heureuse : dans le projet de loi de finances 2005 qu'a présenté avant hier le ministre de l'Economie et des Finances, l'aide publique au développement est préservée.
Ceci signifie que l'engagement pris par la France à la Conférence de Monterrey de consacrer à l'APD 0,50 % du PIB en 2007 sera tenu. Nous sommes bien sur la voie tracée par le président de la République : notre aide devrait atteindre 0,42 % en 2004 et 0,44 % en 2005.
A cela s'ajoutent les conclusions du CICID de juillet dernier qui permettent une réforme en profondeur des organismes publics chargés de l'aide.
Enfin, la mobilisation en faveur du développement durable n'a jamais été aussi forte. Lors de la dernière Conférence des Ambassadeurs, à la fin du mois dernier, le ministre des Affaires étrangères a fait du développement durable une des priorités essentielles de l'action extérieure de la France.
Durant cette même Conférence, j'ai pour ma part mis en avant une autre priorité : celle de travailler davantage avec les acteurs non-étatiques et tout particulièrement avec les ONG. Nos ambassadeurs sont d'ailleurs tous à même d'évaluer sur place le travail accompli par ces organisations qui, souvent, vont là où nos agents ne vont plus, qu'il s'agisse d'apporter une aide humanitaire, d'attirer notre attention sur des crises ou de mettre en oeuvre des projets de développement rural ou sanitaire.
Je voudrais donc conclure en rendant hommage à toutes les organisations rassemblées par Coordination Sud. Chacune d'entre elles, à sa manière, participe à la mobilisation de la société civile et accomplit un impressionnant travail de sensibilisation à la problématique du développement.
C'est grâce à leur rayonnement et à la qualité de leur travail que s'exprime dans notre pays une volonté de solidarité active et que bon nombre de nos compatriotes, jeunes et moins jeunes, manifestent leur désir de venir en aide aux populations les plus démunies ou les plus éprouvées.
Mesdames et Messieurs, croyez bien que je partage entièrement les idéaux et les valeurs qui sont les vôtres. Tout comme vous, je me sens une âme de missionnaire ou, si l'on préfère, de militant. Nous n'avons pas la prétention de changer le monde. Nous travaillons, modestement, à le rendre jour après jour plus supportable aux centaines de millions d'humains qui n'ont rien ou presque. La tâche est immense, mais notre volonté et la force de notre conviction ne le sont pas moins. Ensemble, nous pouvons continuer à faire oeuvre utile.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2004)